ExclusifConfinement : comment les E-C découvrent la formation à distance et s’adaptent (News Tank Adoc Mètis)
• Les deux tiers des enseignants interrogés par News Tank et Adoc Mètis n’avaient pas d’expérience de l’enseignement à distance avant le confinement ;
• 85 % des répondants estiment que la bascule dans la formation à distance modifie leur relation à leurs étudiants ;
• 72 % sont satisfaits par les outils numériques mis à disposition par leur établissement ;
• seuls 28 % ont sollicité directement leur centre d’innovation pédagogique, mais 91 % de ceux qui l’ont fait se disent satisfaits de l’appui reçu ;
• les répondants font état d’une hausse du temps de travail consacré à la pédagogie à 54 % et d’une baisse du temps de recherche pour 46 %, pendant le confinement ;
• 73,1 % des enseignants-chercheurs ou chercheurs n’ont pas pu engager de nouvelle activité de recherche.
Ces tendances sont issues de l’enquête « Vivre et travailler confiné dans l’Esri
Enseignement supérieur, recherche et innovation
» imaginée par News Tank et le cabinet Adoc Mètis pour appréhender la manière dont les personnels et dirigeants de l’écosystème ont réagi au confinement.
Sur les 94 questions que comportait l’étude, une partie était spécifiquement dédiée aux personnels ayant des activités d’enseignement.
Les résultats bruts sont commentés par :
• Romain Pierronnet
Chargé de mission scientifique @ Office français de l’intégrité scientifique (Ofis) • Chargé d’appui à la politique scientifique @ Cerefige (Centre européen de recherche en économie financière et…
, co-concepteur de l’enquête, consultant chez Adoc Mètis et chercheur associé à l’IRG (Institut de recherche et de gestion, Upec-Université Gustave Eiffel) ;
• Tarik Chakor, maître de conférences en sciences de gestion à l’Université Savoie Mont-Blanc ;
• Hugo Gaillard, enseignant-chercheur en GRH
Gestion des ressources humaines
(Ater
Attaché temporaire d’enseignement et de recherche
) à Le Mans Université.
Pour profiter au mieux des infographies interactives de cet article, nous vous recommandons de le consulter en ligne, sur notre site internet.
Un temps de travail différemment employé
238 chercheurs, enseignants, enseignants-chercheurs, doctorants, n’ayant pas d’activité de direction, ont indiqué comment évoluait le temps consacré à la pédagogie, à la recherche et aux tâches administratives.
Evolution des différentes activités des enseignants-chercheurs
« Le besoin d’activités de formation demeure relativement constant en raison de la continuité pédagogique qu’il a fallu organiser : convertir ses cours en distanciel ainsi que les modalités d’examen. Aussi, dans les commentaires, revient l’idée fréquente que le confinement a été en grande partie mobilisé pour le maintien de la continuité pédagogique », déclare Romain Pierronnet, co-concepteur de l’enquête, consultant chez Adoc Mètis et chercheur associé à l’IRG (Upec Université Paris-Est Créteil -Université Gustave Eiffel).
« C’est vrai sur cette question, mais aussi lorsqu’on a demandé aux chercheurs si le confinement leur avait permis de développer de nouveaux projets : l’impératif pédagogique a pris le pas sur la dimension scientifique dans de nombreux témoignages. »
De nouveaux enjeux pédagogiques
Aviez-vous précédemment une expérience de l’enseignement à distance ?
Pour Hugo Gaillard, « la part d’individus n’ayant pas d’expérience dans l’enseignement à distance est absolument signifiante : deux tiers des enseignants n’avaient jamais utilisé le distanciel ».
« Les outils existent, les universités en disposent, mais ils ne sont pas ou peu utilisés. Ils sont sous-investis, soit par le manque d’appétence des enseignants-chercheurs, soit encore par l’impression de ne pas pouvoir transposer les spécificités de sa propre discipline à distance, soit encore parce qu’ils n’en percevaient pas l’opportunité et la plus-value ou qu’ils se sentaient en déficit de compétence concernant leur usage. »
Sur la validation des UE / le contrôle des connaissances…
Les enseignants « se sont emparés de la validation des UE Unités d’enseignement et du contrôle des connaissances », note Romain Pierronnet.
« 27 % se sont adaptés seuls, 36 % sur la base de consignes et 29 % ne l’avaient pas encore fait au moment de l’enquête.
Plus de la moitié des E-C enseignant(s)-chercheur(s) se sont donc adaptés : la continuité pédagogique n’était pas qu’un discours, cela a été fait et c’est un résultat remarquable compte tenu du contexte. »
Pensez-vous que le travail confiné et à distance change votre relation avec vos étudiants ?
Invités à expliquer en quoi la relation avec les étudiants change, les répondants évoquent « le surcroît d’énergie que cela a demandé, mais aussi les difficultés majeures pour garder le lien à distance, avec des étudiants qui ont disparu du radar », dit Romain Pierronnet.
Pour Tarik Chakor, maître de conférences en sciences de gestion à l’Université Savoie Mont-Blanc, ces résultats « ouvrent une réflexion sur l’avenir du contact avec les étudiants, avec un rôle qui n’est plus seulement de donner un cours, mais d’aller vers un coaching et du mentorat ».
En effet, « les commentaires insistent sur le manque de tout ce qui fait le “sel“ de l’enseignement (interactions, relations humaines, suivi et feed-back, toute la partie informelle, préservation du ”lien”, dynamique de groupe, ressenti du niveau de compréhension) ».
Mais ils soulignent aussi « un accompagnement individuel parfois accru, plus à l’écoute (avec impact sur la charge de travail ressentie : chronophage, psychologiquement éprouvant), jusqu’à parfois entrer dans la vie privée, jusqu’à devenir confident ».
Quelques commentaires de répondants sur les relations avec les étudiants
- « Des contacts plus impersonnels », le « manque cruel d’interaction humaine et vivante » ;
- la difficulté d’avoir des retours en direct, de « détecter les difficultés » ;
- l’absence de « complicité », l’ « artificialité » des échanges.
Plusieurs commentaires soulignent que des élèves ont « disparu » ou se sont « évaporés ».
A contrario, des évolutions plus positives sont notées :
- une relation « plus décomplexée », plus « directe »
- « plus de rigueur et de ponctualité »,
- une volonté d’être « plus proche, plus dans leur quotidien pour les aider à s’accrocher »,
- une « confiance et un suivi forts. Mais on n’apprend pas à les connaître s’ils sont nouveaux »,
- « le sentiment qu’in fine, ils sont plus investis dans le travail et que moi aussi je suis plus à leur écoute individuelle »,
- « de façon étonnante, il y a un engagement fort des étudiants avec des interactions en ligne souvent plus fréquentes et plus riches qu’en classe classique. Échange de documents, réactions via le chat au support de l’enseignant… À voir néanmoins si cet engagement perdure dans la durée… un effet “lassitude“ est à redouter ».
Outils et appui dont bénéficient les enseignants
Les outils numériques proposés par votre établissement vous donnent-ils satisfaction ?
Avez-vous sollicité le centre d’innovation pédagogique de votre établissement ?
Son accompagnement vous a-t-il été utile ?
L’impact sur la recherche
Le confinement a-t-il modifié la pratique de la recherche ?
« L’activité de recherche a fait l’objet d’un réagencement, focalisé sur certaines activités que le confinement n’entrave que peu (rédaction d’articles, bibliographie) alors que d’autres sont stoppées. Certains commentaires libres relatent la participation à des colloques réorganisés en ligne », indique Romain Pierronnet.
« Beaucoup auraient aimé que le confinement change leur activité de recherche, mais ils ont été pris par le passage en distanciel. »
Tarik Chakor pointe aussi une « réorientation de la recherche vers le “matériellement faisable“ à distance ». Il note des « difficultés à se motiver “seul“ : la synergie des collectifs de recherche manque ». Il fait également l’hypothèse d’une « différence en fonction de la présence d’enfants à domicile, de l’expérience télétravail et de la discipline ».
Tâches administratives et reporting
Tarik Chakor souligne « l’apparition de nouvelles tâches administratives pour 41 % des répondants, essentiellement pour mettre en place des outils d’audioconférence ou éléments en lien avec la période, ou pour adapter les procédures, sans oublier un suivi des étudiants plus régulier, voire plus proche ».
Romain Pierronnet voit dans le résultat « net » sur l’absence de reporting supplémentaire le fait qu'« il n’y a pas de sentiment majoritaire d’avoir eu à rendre plus de comptes, ce qui apparaît logique dans une culture professionnelle fondée sur l’autonomie en pédagogie et en recherche. »
Enfin, Hugo Gaillard fait remarquer que « les travaux académiques sur la crise vont plutôt dans le sens d’une recentralisation de la décision et d’une hausse des contrôles, notamment de l’information, qui peut se traduire par un renforcement des comptes demandés aux “produisants“ ».
« On remarque donc que l’autonomie évoquée est clairement ancrée dans l’ADN du métier d’enseignant-chercheur d’une part, et que cette autonomie est conscientisée par le système universitaire tout entier, et pas seulement pour les enseignants-chercheurs. »
La démarche et la méthodologie de News Tank et Adoc-Mètis
Un partenariat News Tank - Adoc Mètis
Adoc Mètis et News Tank higher ed & research ont lancé une enquête conjointe destinée à l’ensemble des personnels du secteur de l’Esri après la mise en place du confinement, entré en vigueur le 17/03.
Réalisée du 03 au 23/04, l’enquête s’articulait autour d’un total 94 questions, organisées en six groupes conditionnels de sorte à ne poser certaines questions qu’à certaines catégories de répondants. Un dernier bloc de questions était commun à l’ensemble des répondants.
L’enquête a reçu un total de 633 réponses complètes sur lesquelles s’appuient nos résultats et analyses.
Un traitement journalistique et scientifique
Les données collectées sont à la fois quantitatives (réponses à des questions fermées) et qualitatives (recherche de témoignages, notamment) et feront l’objet d’un traitement sous le double prisme journalistique et scientifique, avant d’être diffusées en open data.
Les chercheurs impliqués dans l’analyse des données sont :
- Romain Pierronnet, co-concepteur de l’enquête, consultant chez Adoc Mètis et chercheur associé à l’IRG (Upec-Université Gustave Eiffel) ;
- Tarik Chakor, maitre de conférences en sciences de gestion à l’Université Savoie Mont-Blanc ;
- Hugo Gaillard, Ater en sciences de gestion à Le Mans Université.
Qui sont les répondants ?
58,1 % des répondants sont des femmes ; 38,6 % des hommes et 3,32 % n’ont pas précisé leur genre.
Ont répondu :
- 289 enseignants-chercheurs ;
- 284 personnels d’appui ;
- 60 personnes relevant d’autres statuts.
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