ExclusifConfinement : la stratégie et les ressources sont touchées, selon les dirigeants (NT-Adoc Mètis)
65 % des dirigeants ou membres d’équipes de direction interrogés par News Tank et Adoc Mètis voient certains de leurs projets stratégiques repoussés ou menacés de l’être. Et 63 % anticipent des conséquences budgétaires négatives. C’est ce qu’indique l’enquête « Vivre et travailler confiné dans l’Esri
Enseignement supérieur, recherche et innovation
», dont nous publions le deuxième volet, consacré à la perception de cette période par les dirigeants.
Réalisée du 03 au 23/04, l’enquête s’articulait autour d’un total 94 questions dont une partie s’adressait spécifiquement aux dirigeants et membres du comité exécutif ou de l’organe de direction des institutions de l’Esri
Enseignement supérieur, recherche et innovation
. 23 % des 633 répondants, soit 145 personnes, ont répondu à ce volet de l’étude.
Les modalités de pilotage en période de confinement évoluent :
• La fréquence des réunions augmente : 48,8 % des répondants indiquent que l’équipe de direction se réunit plusieurs fois par semaine, alors qu’ils n’étaient que 22,8 % à le faire avant le confinement.
• L’usage de la visioconférence se généralise alors qu’il était minoritaire : 56 % des répondants n’y avaient jamais eu recours pour réunir l’équipe de direction et 37 % l’avaient pratiquée parfois.
• Dans 87 % des cas, une cellule de crise a été créée.
Les outils de pilotage semblent « tout à fait » suffisamment dématérialisés à 58 % des répondants et « en partie » à 35 %. Ils sont seulement 7 % des dirigeants à juger la dématérialisation insuffisante.
Si l’on se place du point de vue des personnels, 83 % de l’ensemble des répondants jugent la gestion de crise de leur employeur adaptée.
Pour profiter au mieux des infographies interactives de cet article, nous vous recommandons de le consulter en ligne, sur notre site internet.
Les outils et méthodes de pilotage
Principales conclusions
- Près de neuf fois sur dix, une cellule de crise a été constituée, pour répondre à cette situation inédite.
- Très majoritairement, les dirigeants estiment que leurs outils de pilotage sont suffisamment dématérialisés (93 % tout à fait ou en partie).
- La visioconférence est une nouveauté : 56 % ne l’avaient jamais utilisée auparavant.
- La fréquence des réunions augmente.
« Dans les situations de crise, nous observons en général », énumère Hugo Gaillard, enseignant-chercheur (Ater Attaché temporaire d’enseignement et de recherche ) en GRH Gestion des ressources humaines à Le Mans Université :
- « des réactions rapides, comme le passage en distanciel, la fermeture des bâtiments, la mise en télétravail des personnels non enseignants ;
- une centralisation des décisions dans les organisations et de l’autorité, par des réunions plus fréquentes par exemple ;
- mais aussi une stratégie de communication rapide, ficelée, différenciée (car les publics le sont) par des réunions et la mise en œuvre de cellules de crise quasi systématiquement, tout cela pour absorber le choc. »
Une cellule de crise a-t-elle été créée ?
La dématérialisation des outils de pilotage est-elle suffisante ?
L’équipe de direction avait-elle déjà recouru à la visioconférence pour se réunir auparavant ?
Avant/après le confinement : à quelle fréquence les dirigeants réunissent-ils leurs équipes ?
« L’augmentation de la fréquence des réunions correspond à une tendance générale au-delà des seuls dirigeants. À distance, les modalités de coordination du travail sont différentes de ce qui se passe en présentiel », relève Romain Pierronnet, co-concepteur de l’enquête, consultant chez Adoc Mètis et chercheur associé à l’IRG (Institut de recherche en gestion, Upec Université Paris-Est Créteil -Université Gustave Eiffel).
« Plus d’échanges à la machine à café ou au détour d’une porte ouverte : on doit davantage programmer des réunions de coordination à distance, qui présentent aussi l’intérêt d’être autant de nouvelles routines qui permettent d’adapter le lien social.
Le tout est catalysé par la situation de crise : beaucoup d’incertitudes, des changements rapides, le tout nécessite une coordination d’autant plus fréquente et réactive. »
Des projets remis en question
Certains projets stratégiques pour l’établissement sont-ils d’ores et déjà repoussés ou menacés de l’être ?
« Sur le report des projets stratégiques pour les établissements, on peut distinguer deux situations », dit Romain Pierronnet :
- « report parce que le projet ne peut pas être mis en œuvre du fait du confinement;
- report parce que la pertinence du projet peut et/ou doit être remis en perspective avec le contexte. Sur ce dernier point, ce sera intéressant dans quelques mois de regarder quels sont les établissements qui auront pu rebondir, au-delà de la gestion de la crise ».
L’impact budgétaire de la crise
63 % des répondants s’attendent à un impact budgétaire négatif.
Anticipez-vous des conséquences budgétaires particulières suite à la crise actuelle pour votre établissement ?
Invités à préciser leurs craintes, ils citent :
- les actions de mécénat stoppées ;
- la baisse de la taxe d’apprentissage ;
- la diminution des recettes de formation continue ;
- des craintes sur les dotations versées par l’État;
- la chute du nombre d’étudiants internationaux payant des frais d’inscription.
Ce que disent les répondants sur l’impact de la crise
« On voit que les établissements sont inquiets », analyse Romain Pierronnet.
« On a vu émerger de nombreux appels à projets destinés à la recherche autour de la Covid-19, pas uniquement sur le plan de la recherche clinique d’ailleurs (par exemple celui de la région Grand Est).
Pour autant, au-delà des inquiétudes explicites et ciblées qu’ils évoquent, les établissements peuvent craindre que la crise sanitaire ne conduise à des politiques publiques revisitées autrement qu’en faisant le choix d’investir dans l’Esri. Enseignement supérieur, recherche et innovation »
Les inquiétudes sur les recettes en formation continue « sont intéressantes, car a contrario, le contexte peut être l’occasion pour les établissements de développer leur offre de formation pour accompagner les salariés et les entreprises face à la Covid-19 : santé au travail, management à distance, etc. Mais c’est sans doute trop tôt pour en juger », poursuit-il.
Les nouvelles missions des équipes de direction
« On ne note pas énormément de nouvelles activités déclarées par les répondants, hormis des tâches en lien direct avec la crise et pour assurer la communication », relève Tarik Chakor, maître de conférences en sciences de gestion à l’Université Savoie Mont-Blanc, l’un des chercheurs qui travaillent sur les données issues de cette enquête.
Ce que disent les répondants sur leurs nouvelles missions :
- « Il s’agit en fait d’une mission oubliée, négligée qui reprend ton sens dans ce temps de crise : la création et l’animation de la communauté de l’école (personnel et élèves). »
- « Abandon temporaire de missions pour ne faire que de la gestion de crise. »
- « Mise en place d’un fonds de solidarité exceptionnel pour étudiants : définition et mise en œuvre rapide ; accompagnement à la mise en œuvre de l’ensemble des formations à distance : une réussite grâce à une belle mobilisation des enseignants-chercheurs qui nous vaut les remerciements des étudiants ; réouverture de Mooc Massive open online courses en mode archivé ouvert, anticipation de la date d’ouverture de certains Mooc, gestions de tickets pour l’accès à des Mooc ; accélération de la mutualisation de grains de formation à distance. »
- « Ce qui est nouveau est lié au télétravail des équipes de personnels, d’enseignants et d’étudiants. Cela suppose d’assurer que chacun est équipé, connecté, formé et en capacité de pouvoir travailler à distance. Cela suppose beaucoup d’individualisation et de formation. »
- « Soutien psychologique accru envers les salariés et envers les étudiants. »
- « La bascule en formation en 100 % distanciel modifie en profondeur la relation des directeurs d’établissement avec leurs enseignants et leurs équipes de responsables pédagogiques et avec les apprenants. »
- « Il a fallu modifier certains processus pour s’adapter au non-présentiel, surtout dans le cas d’appels à projets internes à l’établissement, dont une partie est écrite (bonne adaptation) et l’autre orale (un peu plus difficile, cela prendra plus de temps qu’en présentiel). »
Gestion de la crise : ce qu’en disent les personnels
83 % indiquent que la gestion de crise de leur employeur est adaptée et 17 % inadaptée.