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Sur quelques idées reçues concernant le baccalauréat (Daniel Auverlot)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Analyse n°415244 - Publié le
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« Qu’un ministère vise à relancer une réflexion portant sur la justice et l’égalité du contrôle continu ne devrait pas provoquer des polémiques partisanes, mais plutôt une adhésion dans l’intérêt des élèves », écrit Daniel Auverlot
, administrateur de l’État, inspecteur général honoraire et ancien recteur, dans une analyse pour News Tank, le 14/10/2025.

Alors que l’ancienne ministre en charge de l’éducation nationale, Élisabeth Borne
, avait souhaité que les chefs d’établissement et les enseignants au lycée « revoient d’ici à la Toussaint les modalités du contrôle continu dans le cadre du projet local d’évaluation, en explicitant clairement quelles notes compteront pour Parcoursup, afin de diminuer la pression mise sur les élèves », plusieurs critiques s’étaient élevées.

Or, pour Daniel Auverlot, le principe du contrôle continu au lycée n’est pas neuf, et existait avant Parcoursup pour les filières post-bac sélectives, même s’il « ne disait pas son nom ».

Et d’interroger : « la revendication de transparence et la demande d’explications sont aujourd’hui une constante des usagers de tous les services publics. Pourquoi les règles du contrôle continu ne seraient pas complètement lisibles pour les familles et les élèves ? ».


Des réactions immédiates

L’ancienne ministre Élisabeth Borne avait souhaité que les chefs d’établissement et les enseignants au lycée revoient d’ici à la Toussaint les modalités du contrôle continu dans le cadre du projet local d’évaluation, en explicitant clairement quelles notes compteront pour Parcoursup, afin de diminuer la pression mise sur les élèves.

Aussitôt les réactions fusent :

  • le Snes-FSU Syndicat national des enseignements de second degré craint pour la liberté pédagogique et ne veut pas que les chefs d’établissements régulent l’évaluation des élèves. Il rappelle son opposition au contrôle continu.
  • Le SNPDEN Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale -Unsa Union nationale des syndicats autonomes souhaiterait que les chefs d’établissement ne soient pas impliqués et propose des commissions externes présidées par un inspecteur.
  • La FCPE Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques voudrait que la note la plus faible soit systématiquement éliminée pour diminuer le mal-être des élèves.

Il faut rappeler quelques idées simples.

Il y a stress et stress

Dans les années 1970, on ne dépasse pas 60 % de reçus au baccalauréat, et le témoignage qui suit me semble très symbolique de ce que les élèves ressentaient à l’époque : « J’ai passé bac G en 1973, alors que seuls 20 % des jeunes l’obtenaient. C’était un stress abominable. Pas de contrôle continu, pas de seconde chance : l’épreuve finale valait tout.  »

En 1990, le taux de réussite au baccalauréat est de 73 %, il grimpe en 2000 avec 78 % de reçus, et s’envole en 2009 où on dépasse 86 % de reçus et ne recule guère depuis. Par ailleurs, le pourcentage de mentions a doublé en 25 ans. À la lueur de ces chiffres, on ne peut pas dire que le baccalauréat soit un examen particulièrement sélectif et difficile.

Le stress est certes un ressenti individuel, mais il y a une grosse différence entre les années 70 où l’examen était une véritable sélection à l’entrée dans l’enseignement supérieur et les années post-réforme du lycée avec 85 % de reçus et un contrôle continu qui compte pour 40 %.

Le contrôle continu n’est pas une idée neuve

Par ailleurs, l’idée d’instaurer un contrôle continu au baccalauréat est une idée vieille de 125 ans. Dans une note de la Fondation Jean Jaurès, Mélanie Fabre, en avril 2020, à l’occasion de cette seule année où la pandémie a fait que seul le contrôle continu a été pris sen compte, rappelle que ce sujet est abordé par la commission Ribot en 1888 dans laquelle Pauline Kergormard remet en cause l’idée même du baccalauréat :

« Si Pauline Kergomard est radicale dans sa dénonciation du « culte du parchemin » qui maintient en vie le vieux diplôme qu’est le baccalauréat, elle n’est pas la seule à remettre en cause cet examen. Elle cite plusieurs dépositions réalisées auprès de la commission Ribot [i], qui vont dans le sens d’une transformation profonde du baccalauréat. Elle convoque ainsi Alfred Croiset [ii], doyen de la faculté des lettres, qui réclame d’introduire du contrôle continu dans le baccalauréat. Pour lui, tenir compte du livret scolaire du lycéen permettrait de diminuer la part d’aléa dans l’examen ».

Le contrôle continu : une culture déjà existante

Enfin, le contrôle continu ne date pas de 2019 : il fait partie de la culture d’une partie des professeurs et des élèves.

On doit rappeler qu’une modalité particulière du contrôle continu, le contrôle en cours de formation, a été généralisée au lycée professionnel en 2005 et fait partie du quotidien des enseignants et des élèves. Il concerne donc un tiers de lycéens et jamais on ne parle d’une scolarité stressante.

Par ailleurs, le contrôle en cours de formation existe en EPS Education physique et sportive depuis 1983 et ne fait l’objet d’aucune remise en cause. Et on dit assez peu souvent qu’à cette occasion les enseignants d’EPS ont dû construire de nouveaux gestes professionnels, comme le rappelle Sabine Coste dans un article intitulé Enseignants expérimentés et enseignants novices : les effets du contrôle en cours de formation en EPS (Diversité ; 2012, 169, p.155-160).

Un esprit facétieux pourrait alors le souligner : ce qui est bon pour le lycée professionnel et l’EPS serait moins concevable pour des filières et des disciplines jugées par certains plus nobles.

Avant Parcoursup, un contrôle continu qui ne disait pas son nom

Avant Parcoursup, le contrôle continu était un instrument drastique de sélection pour les formations post-baccalauréat, mais on n’en parlait pas. En effet, un tiers des lycéens allait de toute façon vers les formations sélectives : CPGE Classe préparatoire aux grandes écoles , BTS Brevet de technicien supérieur , doubles licences.

Pour tous ces lycéens, le baccalauréat n’avait déjà aucune importance, puisque l’affectation se faisait avant les épreuves du mois de juin. Comptaient donc les notes obtenues en première et au premier semestre de la terminale sans aucune explicitation, avec un rôle important des commentaires donnés par les professeurs sur les bulletins, avec une hiérarchie entre les établissements établie en particulier dans certains grands lycées parisiens pour sélectionner les candidats. Personne ne parlait d’un système qui, disons-le, avantageait bien sûr les familles déjà initiées.

Un fonctionnement révélé par la pandémie

La pandémie de 2020 a eu un effet indirect sur ce sujet. En effet, l’admission à l’examen sur le seul contrôle continu n’a pas fait que des heureux : j’étais recteur de l’académie de Créteil à cette époque et un maire d’une commune favorisée m’a alors écrit pour déplorer que le contrôle continu très strict des professeurs du seul lycée avait eu pour conséquence une diminution spectaculaire du nombre de mentions.

Je lui ai répondu que c’était peut-être l’occasion pour des professeurs, dans un lycée élitiste, de se rendre compte que la sévérité d’un contrôle continu très inférieur aux résultats des épreuves finales était une anomalie sur laquelle une communauté enseignante devait travailler, et avait pu pénaliser depuis longtemps des élèves demandant à accéder à des formations sélectives.

Faire vivre le projet local d’évaluation pour davantage de transparence

Dans sa conception, en 2021, le projet local d’évaluation était un outil destiné à faire réfléchir la communauté éducative sur ses modalités de notation afin d’élaborer une culture collective favorisant l’égalité des élèves, des classes, et des établissements.

Force est de reconnaître que cela a été un échec : le projet local d’évaluation là où il existe encore est une réglementation (absences, triches, etc.), ne s’appuyant pas sur une véritable réflexion collective des professeurs sur les modalités de notation. Souvent, c’est un document datant de sa création et surtout jamais partagé avec les enseignants nouvellement nommés dans l’établissement.

Qu’un ministère vise à relancer une réflexion portant sur la justice et l’égalité du contrôle continu ne devrait pas provoquer des polémiques partisanes, mais plutôt une adhésion dans l’intérêt des élèves. Par ailleurs, la revendication de transparence et la demande d’explications sont aujourd’hui une constante des usagers de tous les services publics. Pourquoi les règles du contrôle continu ne seraient pas complètement lisibles pour les familles et les élèves ?

Vers une convergence de toutes les formes d’évaluation ?

Derrière tout cela, il y a un sujet de fond, qui visiblement intéresse peu : nous avons en France au moins quatre types d’évaluations : l’évaluation de la performance du système, l’évaluation des élèves, l’évaluation des personnels, l’évaluation des établissements. Aujourd’hui, ce sont quatre sujets différents, traités par des organismes et des directions différentes. Peut-on imaginer qu’un jour débute une réflexion sur leurs convergences ?

Parcours

Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp)
Sous-directeur évaluations et performance scolaire
Académie de Nantes
Inspecteur d’académie - directeur académique des services de l’Éducation nationale de la Mayenne, du Maine et Loire et de Créteil
Académie de Créteil
Inspecteur d’académie adjoint du Val-de-Marne
Ecole supérieure des personnels du ministère de l’éducation nationale
IA-IPR
Académie de Rennes
Directeur de cabinet du recteur
Ministère de la défense (ONACVG)
Détaché au ministère de la Défense, d’abord à l’École militaire de Strasbourg puis à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr Coëtquidan,

Établissement & diplôme


Fiche n° 21903, créée le 15/03/2017 à 15:21 - MàJ le 14/10/2025 à 10:22


[i] Ribot était président de la commission de l’enseignement à la chambre des députés. En 1899 il conduisit une grande enquête sur l’enseignement secondaire qui fit date, à la fois par son sérieux et son impartialité.

[ii] Alfred Croiset, helléniste, Doyen de la Faculté des lettres de Paris


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