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Think 2020 : la place des IAE sur leurs territoires vue par cinq établissements

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Actualité n°175117 - Publié le 21/02/2020 à 14:03
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©  Seb Lascoux
De g. à d. : C. Defélix, C. Beaucourt, S. Lengrand-Jacoulet, J-G. Bernard, C. Roblédo et F. Pantin - ©  Seb Lascoux

« Grenoble est un lieu un peu particulier, souvent regardé, car c’est l’histoire d’un écosystème où un emploi sur cinq est dans la recherche, où le taux d’ingénieurs est très élevé, où de nombreuses entreprises et organismes de recherche sont présents, coincés entre trois montagnes. Depuis plusieurs décennies, nous avons pris l’habitude de collaborer. L’IAE existe depuis 60 ans au sein de cet écosystème », déclare Christian Defelix, directeur de Grenoble IAE.

Il s’exprime à l’occasion du séminaire intitulé « Entre gouvernance universitaire et concurrence locale  : quel modèle d’avenir pour les IAE ? » organisé lors de l’événement Think Education et Recherche, le 04/02/2020 à l’ICP.

Alors que l’Université Grenoble Alpes est devenue un établissement expérimental, au sens de l’ordonnance de décembre 2018, depuis le 01/01/2020, Grenoble IAE a fait le choix d’intégrer un pôle composé de Grenoble INP Institut national polytechnique et de Polytech.

Malgré cette fusion, le directeur ne craint pas de voir l’identité de l’IAE disparaître. « La culture et le fonctionnement de Grenoble INP nous rassurent : c’est un groupe décentralisé d’écoles, qui respecte le fonctionnement et l’identité propre de chacune, il est habitué à laisser fonctionner ses écoles d’ingénieur en autonomie », indique-t-il.

« Les étudiants ont tout de suite vu l’intérêt du rapprochement. D’ailleurs, ce sont les élus étudiants et les personnalités extérieures issues d’entreprises qui ont le plus appuyé le projet », poursuit Christian Defelix, précisant qu’au sein de l’IAE, un fort consensus existe autour de l’idée de ne pas créer « quelque chose de trop centralisé ».

Lors de cette table ronde, six représentants d’établissements d’enseignement supérieur français se sont exprimés sur la place que prend l’IAE sur leur territoire : 
• Christel Beaucourt Vice présidente processus organisationnels, simplification, indicateurs @ Université de Lille • Maîtresse de conférence HDR @ IAE Lille University School of Management (IAE Lille)
, directrice de l’IAE Lille ;
• Sophie Lengrand Jacoulet Vice-présidente @ Assemblée des Directeurs d’IUT (ADIUT) • Directrice @ IUT Aix-Marseille
, directrice de l’IUT Institut universitaire de technologie Aix-Marseille et vice-présidente de l’Adiut Assemblée des directeurs d’IUT ;
• Jean-Guy Bernard Président du CA et directeur par intérim @ Paris School of Business (PSB)
, directeur général de l’EM Normandie  ;
• Christian Roblédo Président @ Alliance des Universités de Recherche et de Formation (Auref) • Membre @ Commission d’Evaluation des Formations et Diplômes de Gestion (CEFDG) • Professeur des universités @ Universit… , président de l’université d’Angers ;
• et François Pantin
, directeur de l’IAE Angers.


À Grenoble : les raisons du choix de l’IAE

Christian Defélix - ©  Seb Lascoux
Christian Defelix Directeur de la chaire « Capital humain et innovation » @ Institut d’administration des entreprises de Grenoble (Grenoble IAE) • Directeur @ Institut d’administration des entreprises de Grenoble… revient sur l’histoire et la structuration du site grenoblois, désormais fusionné. « L’université de Grenoble existe depuis 1339, mais elle a décidé récemment de devenir un acteur académique de rang mondial.

Dans ce cadre, nous avons obtenu l’Idex Initiative(s) d’excellence , à la troisième tentative, Grenoble est donc devenu un site Idex avec le projet de construire une université d’innovation. Déjà, en faisant fusionner les trois petites universités de la ville, ce que nous avons fait en 2016, puis en se regroupant avec Sciences Po Grenoble, l’Ensag Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble et l’INP Institut national polytechnique , ce que nous venons de réaliser en janvier 2020 ».

Le directeur de l’IAE ajoute : « Aujourd’hui, nous disposons d’une nouvelle université, un établissement expérimental, dans lequel se trouvent trois grandes écoles publiques conservant leur statut de grand établissement. L’IEP Institut d’études politiques , l’Ensag et Grenoble INP sont ainsi devenus des composantes de l’université. Pour cette nouvelle université fusionnée s’est posée la question de l’organigramme et de l’organisation en interne ».

« L’IAE a fait le choix de se regrouper avec Grenoble INP. Plusieurs raisons à cela : tout d’abord, les écoles d’ingénieurs travaillent comme nous avec les entreprises et sont sensibles aux mêmes questions sur l’alternance et l’international, elles disposent du même statut… Bref, même si les métiers préparés sont différents, le fonctionnement et la culture d’école restent les mêmes.

L’IAE est donc entré dans l’INP, qui est lui-même entré dans l’université. Nous espérons une connexion des talents, pour plus de légitimité, de force, d’envie et moins de freins institutionnels. Et davantage de travail coopératif entre nos étudiants. Ce rapprochement est aussi un enjeu entrepreneurial, qui vise à susciter davantage la rencontre, que ce soit entre élèves ou professeurs », souligne Christian Defelix.

Le site lillois vise à « réunir tous les gestionnaires »

Christel Beaucourt - ©  Seb Lascoux
À Lille, la fusion des trois universités a eu lieu officiellement en janvier 2018. « Ce rapprochement a créé une grande diversité, avec un total de 70 000 étudiants, ce qui a donné envie au président de favoriser en son sein des regroupements de composantes, pour arriver au final à 12 composantes, soit un tiers de ce qui existe aujourd’hui », déclare Christel Beaucourt, directrice de l’IAE de Lille. 

« L’objectif est de réunir tous les gestionnaires, pour faire un grand IAE, une grande business school et rassembler sous le même statut tous les enseignants-chercheurs en gestion », ajoute-t-elle. Autre but : créer un laboratoire commun pour tous les chercheurs en gestion.

La directrice imagine volontiers des établissements privés un jour rejoindre l’université. « La concurrence locale existe depuis longtemps, nous pouvons imaginer que ce rapprochement nous positionnera avec plus de force sur le territoire. Mais il faut dire que cette coexistence se fait relativement bien. L’Université de Lille, à peine créée, s’engage déjà à se rapprocher d’autres établissements, notamment privés.

Dans un horizon proche, les business schools privées ne sont pas concernées par les nouvelles frontières des établissements expérimentaux, mais il est tout à fait possible que certaines écoles viennent un jour taper à la porte des universités », estime-t-elle. Plusieurs écoles de commerce privées se trouvent actuellement à Lille, dont l’Iéseg, l’Edhec et Skema.

« Au sein dAix-Marseille Université, lIAE, lIUT et Polytech travaillent tous ensemble »

Sophie Lengrand Jacoulet est directrice de l’IUT Institut universitaire de technologie d’Aix-Marseille et vice-présidente de l'Adiut Assemblée des directeurs d’IUT . À ses yeux, l’échange entre les différentes composantes est essentiel. « À l’intérieur des universités, nous sommes tout à fait en capacité de discuter entre nous, de nous organiser afin de relever la concurrence dans laquelle nous sommes plongés. Que ce soit à l’international ou dans nos régions, l’université est un ancrage fort ».

« Dans mon université, nous avons un IAE, des IUT et une Polytech, et nous travaillons tous ensemble, de façon intelligente, afin que nos étudiants puissent facilement circuler entre les différentes composantes, sans se faire concurrence. Tous voient l’intérêt de travailler ensemble », déclare-t-elle, estimant que grâce à ces efforts, l’établissement a pu « enrayer le départ des étudiants » vers les écoles privées.

« Une clarification est nécessaire »

Les IUT ont leurs propres problématiques, dont celle de la cohérence. « Il faut se poser et réfléchir à une offre de formation et de recherche, qui ait de la cohérence. Depuis le passage au LMD Licence Master Doctorat , les IUT ont des questionnements de positionnement au sein des universités et face au BTS Brevet de technicien supérieur . Une clarification est nécessaire », poursuit-elle.

« C’est l’un des principaux dossiers sur lesquels nous travaillons conjointement avec la CPU Conférence des présidents d’université , nous essayons tous ensemble de relever les défis de concurrence dans lesquels nous sommes plongés. Le passage au bac +3 dans les IUT réaffirme notre positionnement en tant qu’acteur incontournable de la professionnalisation, en permettant une poursuite d’études de manière plus organisée dans des écoles internes dans nos universités », juge Sophie Lengrand-Jacoulet.

La France compte 111 IUT, souvent situés dans des villes de petite taille. « Le maillage territorial est la force des IUT, mais cela pose aussi question. Faut-il créer des structures universitaires dans les villes moyennes ? Cela coûte cher, bien sûr, même si cela permet aussi de jouer un rôle dans les régions, afin de revitaliser les territoires. Certaines de ces villes moyennes ne vivraient plus sans leur IUT, auquel elles tiennent beaucoup », ajoute la directrice de l’IUT d’Aix-Marseille.

Cet IUT a des antennes dans plusieurs villes : Aix et Marseille, mais aussi Arles, Digne-les-Bains, Gap, La Ciotat et Salon-de-Provence.

EM Normandie et IAE Caen, des partenariats à la fusion ?

Jean-Guy Bernard - ©  Seb Lascoux
« Entre l’EM Normandie et l’IAE Caen, c’est une histoire de 25 ans », indique Jean-Guy Bernard, directeur général de l’EM Normandie. « Le premier catalyseur de collaboration était une médiathèque commune, accessible à tous les chercheurs, enseignants et étudiants des deux établissements. Par la suite, nous avons développé d’autres partenariats, de différentes natures.

Un certain nombre de nos intervenants sont par exemple aussi vacataires à l’IAE. Nous avons monté des programmes de formation professionnelle en commun, développé des activités de recherche, d’autant que beaucoup de nos professeurs sont passés par l’école doctorale de l’IAE », détaille-t-il.

De quoi réfléchir à une fusion, qui n’a finalement jamais abouti. « Nous avons essayé de monter un partenariat plus ambitieux, pouvant aller potentiellement jusqu’à une fusion de nos établissements », poursuit Jean-Guy Bernard. « À l’époque, nous avons rencontré la Dgesip Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle pour en discuter. Mais finalement, cela n’est pas allé plus loin que des coopérations que nous réalisions déjà ensemble ».

Plus récemment, « nous avons réfléchi, avec la nouvelle présidence de l’Université de Caen, pour voir dans quelle mesure l’IAE pourrait se rapprocher de l’EM Normandie. Pour le moment, il est difficile d’aller beaucoup plus loin, car nous avons des modèles économiques différents.

Lorsque l’on rentre dans une fusion, se posent la question du statut des personnels, de l’harmonisation des salaires et des statuts, mais aussi le sujet de l’autonomie de décision », indique le directeur de la business school. Il conclut en ajoutant que les deux établissements, même s’ils ne fusionnent pas, resteront très proches et poursuivront leurs collaborations.

À Angers, la création dun nouvel IAE

Christian Roblédo - ©  Seb Lascoux
Pour Christian Roblédo, président de l’Université d’Angers, la genèse de l’IAE d’Angers est « une vieille histoire ». Durant la deuxième moitié des années 2000, le projet est discuté conjointement avec l’université du Mans, mais il ne dépasse pas le stade de la constitution du dossier.

« Il est tombé en sommeil. Il a fallu attendre 2014 pour qu’il soit relancé par la nouvelle équipe de l’université. Cela a mené à une séparation administrative entre le département de gestion et le reste de la faculté, en 2018-2019. Nous avons poussé ce projet, car le modèle IAE répond à un standard de formation et dispose d’une image visible et attractive pour les jeunes. Et nous voyons aujourd’hui que les parents réagissent très positivement à cette création ».

« Auparavant, les jeunes souhaitant étudier dans une école de gestion n’avaient pas beaucoup de choix dans la région, à part une école privée bien implantée depuis des années. Nous voulions aussi proposer une réponse universitaire dans notre secteur, en respectant les valeurs des IAE en termes d’ouverture et de mixité », se souvient le président de l’université. La nouvelle école accueillera ses premiers élèves à la rentrée 2020.

L’université d’Angers souhaite établir un dialogue constructif avec ses composantes

« Nous fixons un projet d’établissement, puis nous établissons avec nos composantes un dialogue annuel, par le biais de contrats d’objectifs. Lorsque l’on arrive à se mettre d’accord sur les convergences des différents paramètres, nous discutons aux moyens à associer à chaque objectif. Je serais presque tenté de dire que, mis à part le budget propre intégré, les facultés et composantes de l’université d’Angers sont presque toutes des 713-9. Il n’y a pas de différence de traitement entre chacune de ces composantes », indique Christian Roblédo.

« Personnellement, j’ai été directeur d’une école interne d’ingénieurs qui est devenue une Polytech. Il n’y a jamais eu de volonté de notre part de sortir du giron de l’université ainsi, cela n’a pas de sens. D’autant que cela signifierait sortir du label international de l’université, qui demeure le modèle de l’enseignement supérieur et de la recherche dans le monde entier », ajoute-t-il.

« Une fierté d’être intégré à l’université » (F. Pantin)

François Pantin - ©  Seb Lascoux
À ses côtés, François Pantin, directeur de l’IAE Angers, indique : « Le fonctionnement interne permet aux écoles d’avoir une autonomie et une marge de manœuvre, tout en conservant la fierté d’être intégré à l’université ». 

Il ajoute qu'« il n’y a aucune difficulté en matière de dialogue ou de projets ».

« Aujourd’hui, nous travaillons sur les COP Contrat d’objectifs et de performance , ce qui nous permet de nous inscrire dans une dynamique d’établissement ainsi que dans une dynamique collective du réseau. Nous jouissons aussi d’un territoire très prompt à nous accompagner pour asseoir le projet », conclut-il. 


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De g. à d. : C. Defélix, C. Beaucourt, S. Lengrand-Jacoulet, J-G. Bernard, C. Roblédo et F. Pantin - ©  Seb Lascoux