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« Réduire ou supprimer l’influence d’Elsevier » (Jonathan Tennant, Imperial College London)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Actualité n°137653 - Publié le 22/01/2019 à 10:01
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©  D.R.
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• « Mener une campagne de sensibilisation des chercheurs à l’impact des pratiques d’Elsevier ».
• Pour les syndicats d’ESR Enseignement supérieur et recherche , « négocier les critères d’avancement professionnel » pour qu’ils prennent mieux en compte l’open access, ou encore « s’engager auprès des responsables publics concernés afin de les sensibiliser et de faire réduire ou supprimer l’influence d’Elsevier si nécessaire ».
• Pour les organismes de recherche, « recueillir et partager des données sur l’utilisation des publications d’Elsevier » afin de peser davantage dans les négociations de licences « big deal ».
• Créer des consortia de négociation dans les pays où il n’y en a pas encore, tout en adoptant les principes de négociation de Liber (Ligue des bibliothèques européennes de recherche ) et en partageant les tactiques des consortia allemands et suédois.

Telles sont quelques-unes des « approches stratégiques recommandées pour contester Elsevier » du rapport « Democratising knowledge : a report on the scholarly publisher, Elsevier », écrit par Jonathan Tennant, docteur en paléontologie de l’Imperial College London, également fondateur de l’archive ouverte thématique PaleorXiv et d’Open science Mooc Massive open online courses .

Publiée par l’Internationale de l'éducation, une organisation syndicale mondiale du domaine de l'éducation constituée en 1993, cette étude a été officiellement lancée lors de sa 11e Conférence internationale à Taiwan, le 13/11/2018.

Parmi les objectifs du rapport :
• « fournir les bases d’une étude critique du modèle d’affaires et des pratiques d’Elsevier, éditeur universitaire le plus important et le plus puissant » ;
• « contribuer à l'élaboration d’objectifs stratégiques relatifs au libre accès du public aux productions de la recherche et de l’enseignement, à la liberté universitaire, à l’autonomie des chercheurs ou encore au système de communication savante » ;
• « présenter une analyse des pratiques commerciales d’Elsevier ainsi que des études de cas de résistance à l'échelle nationale ».

« Elsevier représente l’un des plus grands obstacles à l’accès du public à la recherche et à l'éducation et, par une combinaison de stratégies agressives de tarification et de lobbying politique, fait tout son possible pour étouffer les progrès d’un libre accès et d’une recherche universitaire durable à travers le monde », écrit encore l’auteur de l'étude.


Sept « approches stratégiques recommandées pour contester Elsevier »

« Pratiques commerciales anti-compétitives » d’Elsevier

Publication de « fausses revues » et « livres plagiés »

John Tennant liste plusieurs faits reprochés à Elsevier, parmi lesquels :

  • « Entre 2000 et 2005, Elsevier a publié six fausses revues qui ont dû être retirées du marché. Ces “revues commanditées” étaient des produits de sociétés pharmaceutiques conçus pour imiter des revues de recherche médicale légitimes à comité de lecture afin de promouvoir leurs produits, mais sans divulguer aucun de ces conflits d’intérêts.
  • En 2017, il a été révélé qu’Elsevier a publié un livre basé sur du contenu plagié et copié/collé depuis LinkedIn.
  • Dans le même ordre d’idées, il est également devenu évident qu’Elsevier pourrait enfreindre la loi sur les marques de commerce en “faisant passer” l’une de leurs revues pour un équivalent de Science, une revue savante très populaire publiée par l’American association for the advancement of science.
  • En 2017, un problème similaire est apparu, montrant que Elsevier était notoirement nonchalant dans le traitement des cas de plagiat. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un faux journal en soi, Elsevier publie la revue Homeopathy, qui non seulement publie des pseudosciences, mais qui a également été retirée de la liste du classement de Thomson Reuter en 2016 en raison d’auto-citations excessives. »

Refus d’ouvrir les données de citation

« En avril 2016, plus de 60 maisons d'édition se sont jointes à l’Initiative for Open Citations (I4OC) pour ouvrir leurs données de citation dans Crossref [1] ; cependant, Elsevier a été l’un des rares grands éditeurs à refuser de participer, bien qu’ils aient déposé environ un tiers de toutes les références d’articles dans Crossref. Ceci est très probablement dû au conflit financier avec Scopus, la base de données de citations par abonnement d’Elsevier, qui pourrait survenir en raison de la disponibilité gratuite de ces données bibliographiques.

Une analyse effectuée en 2017 a montré que sur les 470 008 522 références d’articles de revues stockées dans Crossref encore fermées, 65,10 % proviennent de revues publiées par Elsevier. Encore une fois, cette posture claire positionne Elsevier comme l’un des acteurs les plus régressifs de la communication savante ouverte. »

Autres pratiques jugées « étranges »

  • « Elsevier a séduit les gens en utilisant des cartes-cadeaux Amazon de 25 $ à toute personne qui laisserait une critique cinq étoiles sur l’un de leurs titres publiés.
  • Elsevier a été pris en flagrant délit de vente d’articles “gratuits” ou en libre accès. Ce problème apparemment technique est resté en suspens même des années après avoir été notifié.
  • Elsevier a manipulé ses facteurs d’impact. Avec d’autres maisons d'édition, Elsevier retarde délibérément les dates de publication des versions en ligne des manuscrits par rapport aux versions imprimées, ce qui a pour conséquence d’augmenter artificiellement le facteur d’impact des revues concernées. »

Autres points remarquables du rapport

Campagnes de boycott

« Au début de juin 2018, le plus grand boycott populaire actuel de tous les éditeurs universitaires, The Cost of Knowledge, comptait plus de 17 000 signataires, qui ont accepté de ne pas écrire, réviser ou réviser exclusivement pour Elsevier », signale le rapport.

« Ce boycott, lancé en janvier 2012 et inspiré par Tim Gowers [mathématicien anglais], était basé sur les pratiques commerciales d’Elsevier, y compris des prix et des profits excessivement élevés, et le lobbying en faveur de politiques qui visent à restreindre le libre échange d’informations ».

L’auteur note cependant comme « peu probable que, à grande échelle, le boycott continue d’avoir un impact substantiel sur les comportements éditoriaux d’Elsevier en raison de son succès modeste et de son faible taux de croissance ».

Retournements de comités éditoriaux ou « flipping »

John Tennant retrace également un cas de « flipping », ou retournement, du comité éditorial d’une revue appartenant à Elsevier, parti ensuite recréer une revue similaire mais en libre accès.

« En novembre 2015, l’ensemble du comité de rédaction du journal Lingua d’Elsevier a démissionné après le rejet de leur demande de conserver les droits d’auteur de leurs propres œuvres et de fournir des APC Article processing charge à juste prix. Le comité de rédaction a réformé un nouveau journal en open access, Glossa, avec des APC nettement inférieurs (400 $ contre 1 800 $ chez Lingua).

Par la suite, la revue Cognition a demandé à Elsevier de réduire considérablement ses coûts et une pétition compte actuellement plus de 1 600 signataires. »

Le 10/01/2019, les 29 membres du comité éditorial du JOI (Journal of informetrics), une revue appartenant à Elsevier, ont annoncé leur démission à l’unanimité, sur fond de désaccord sur la politique d’Elsevier en matière d’ouverture des données de citation, d’APC et de propriété de la revue.

Le 14/01, l’Issi, société savante de scientométrie, annonçait le lancement de sa propre revue en accès libre, QSS (Quantitative science studies), avec un comité éditorial initial composé de l’ensemble des membres de l’ancien comité éditorial du JOI.

Elsevier contre ResearchGate et Sci-Hub

L'étude retrace deux batailles juridiques ayant opposé les plateformes ResearchGate et Sci-Hub en 2017.

« Ce qui est intéressant dans ces deux développements avec ResearchGate et Sci-Hub, c’est qu’au lieu de les considérer comme les marqueurs d’un problème d’accès qu’ils ont créé, Elsevier cherche plutôt à punir ces sites et fait peu de choses pour remédier au problème.

De fait, lorsqu’un sondage informel sur Twitter demandait “Qu’est-ce qui cause le plus de dommages à la communauté universitaire”, 95 % ont voté pour Elsevier, et seulement 5 % pour Sci-Hub (avec 956 votes au total). Inversement, en s’attaquant à des plates-formes qui font activement la promotion d’une large diffusion des connaissances (par tous les moyens jugés nécessaires), Elsevier s’y oppose explicitement. »

La France, Elsevier et les grands éditeurs vus par John Tennant

« En 2014, il a été révélé que le ministère français de la recherche avait signé un contrat de cinq ans avec Elsevier pour 172 M€, pour l’accès à environ 2 000 revues dans 476 universités et hôpitaux.

En début d’année 2018, il est apparu que le consortium national de négociation, Couperin, composé de plus de 250 institutions académiques et en lien avec d’autres organismes de recherche français, entamait de nouvelles négociations à l'échelle nationale avec les éditeurs. L’une des conséquences de cette situation a été qu’en mars 2018, Couperin a annoncé qu’il annulait tous ses abonnements à Springer Nature, sur fond de désaccord concernant l’open access et le coût des contrats de licence.

Ici, le SNCS-FSU Syndicat national des chercheurs scientifiques - Fédération Syndicale Unitaire , l’un des affiliés de l’Internationale de l'éducation, a joué un rôle important en publiant récemment un numéro spécial sur le business de l'édition scientifique, en mettant en lumière les questions éthiques et financières qui entourent Elsevier et d’autres grandes maisons d'édition. »

Bernard Larrouturou, DGRI, a annoncé la volonté du Mesri de reconduire un contrat de licence nationale avec Elsevier à compter de 2019.

« S’agissant des négociations avec Elsevier, comme pour les années précédentes, nous avons choisi de renouveler le mode de gestion actuel. Nous aurons à verser le prix d’une licence nationale retenue sur une partie de la dotation des établissements, avec l’idée que les économies qui seront faites au niveau national donneront lieu à un versement à chaque établissement, qui en verra donc le bénéfice et pourra l’utiliser pour financer la science ouverte. L’autre partie de ces économies servira à abonder un Fonds national pour la science ouverte, l’une des mesures du plan national pour la science ouverte », indiquait-il à l’occasion de la première édition des Journées nationales de la science ouverte, le 04/12/2018 au Mesri.

« Il est hors de question [pour le Mesri] que la prochaine licence nationale s'étale sur une période de cinq ans, voire même de quatre ans », précisait Marin Dacos, conseiller pour la science ouverte auprès du DGRI, à News Tank, le même jour.

Tennant Jonathan


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Parcours

Open science Mooc
Fondateur
PaleorXiv
Fondateur
ScienceOpen
Directeur de la communication
Société géologique de Londres
Stagiaire

Établissement & diplôme

Imperial College London
Doctorat en paléontologie

Fiche n° 33871, créée le 16/01/2019 à 11:04 - MàJ le 16/01/2019 à 11:10

Elsevier

Elsevier est une entreprise mondiale spécialiste de l’information scientifique, filiale de la multinationale néerlando-britannique Relx Group. Elsevier fournit des solutions et des outils numériques dans les domaines du pilotage et de l’analyse de la recherche, de la performance de la R&D, de l’aide à la décision clinique et de la formation professionnelle, notamment ScienceDirect, Scopus, SciVal, Pure ClinicalKey et Sherpath.


Catégorie : Entreprises


Adresse du siège


Contact : Agne Karose - PO : 450027250
Radarweg 29
V.A.T. reg. No : NL005033019B01
1043NX Amsterdam Pays-Bas


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Fiche n° 4718, créée le 16/02/2017 à 02:50 - MàJ le 14/10/2022 à 10:27


[1] Crossref, de son vrai nom Publishers international linking association, est une organisation à but non lucratif créée en 1999 dans un effort de coopération entre les éditeurs, afin de permettre l’uniformisation, entre autres, des revues académiques en ligne, via des identifiants numériques, les DOI.

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