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Recherche sur le Covid-19 : une mobilisation des universités « rapide » et « massive » (CPU)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Actualité n°180818 - Publié le
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Conférence de presse de la CPU le 16/04/2020 - ©  CPU

Dans les universités, « il y a eu une mobilisation très rapide et assez massive dans le domaine de la recherche sur le Covid, en particulier en recherche clinique et translationnelle. Car les universités sont des opérateurs de terrain, donc elles peuvent déployer des actions à la fois avec leurs chercheurs dans les laboratoires, mais aussi en lien avec l’hôpital où cette recherche se fait au sein des unités Covid mises en place et qui sont aussi des lieux de recherche clinique », déclare Manuel Tunon de Lara Professeur des universités - praticien hospitalier @ Université de Bordeaux
, lors d’une conférence de presse de la CPU Conférence des présidents d’université , le 16/04/2020.

Le président de l’Université de Bordeaux et président de la commission santé de la CPU affirme que « plus de 200 projets universitaires » sont lancés sur le Covid-19. Gilles Roussel Président @ Comité éthique et scientifique de Parcoursup (CESP) • Membre du CA @ France Universités • Président @ Université Gustave Eiffel
, président de la CPU, ajoute que « plus de 130 000 étudiants en formation médicale » participent aussi à la lutte contre le Covid, et que « nos E-C enseignant(s)-chercheur(s) dans les hôpitaux, nos PU-PH Professeur des universités - praticien hospitalier , sont en première ligne autour de la maladie et de la recherche clinique dans ce domaine ».

Interrogé sur un éventuel calendrier de déconfinement des laboratoires de recherche à partir du 11/05, Gilles Roussel indique que les universités « se préparent, en lien avec les organismes [de recherche], avec aujourd’hui plus de questions que de réponses ».

Pierre Mutzenhardt
, président de la commission recherche de la CPU, précise que le déconfinement « ne va pas se passer du jour au lendemain », « il va falloir le préparer [et] on n’est pas tout à fait sûrs qu’il se fera, le 11/05, de la même manière pour toutes les régions ».

Olivier Laboux
, vice-président de la CPU, indique que la Conférence a organisé, le 16/04, une « seconde réunion sur le plan de reprise d’activités administratives et de recherche ». Il précise que pour tous les domaines en lien avec les missions des universités (RH Ressources humaines , budgétaires, etc.), « nous sommes en train de préparer un document qui sera discuté avec nos collègues en plénière très prochainement, pour accompagner chaque établissement ».

Impact de la crise du Covid sur les travaux de thèse, place des universités face aux organismes de recherche en cette période, conséquences sur la science ouverte, questions générées sur l’évolution des métiers de la recherche… autant de sujets également abordés lors de cette conférence de presse de la CPU.


200 projets de recherche universitaires autour du Covid

Manuel Tunon de Lara indique qu’au total, il y a plus de 200 projets universitaires sur le Covid-19 :

  • « avec beaucoup de projets portant sur l’immunisation et le diagnostic sérologique de la maladie,
  • sur les traitements non pharmacologiques de la maladie (respirateurs, masques, ventilation),
  • les essais thérapeutiques,
  • l’épidémiologie (modélisation par exemple pour voir comment vont se passer les vagues à venir),
  • et beaucoup de projets en SHS (ex : impact de la crise, du confinement…).

Et on voit de plus en plus de projets multidisciplinaires sur le post-crise : la relance, les leçons à tirer, etc. ».

Manuel Tunon de Lara précise aussi qu’une « grande majorité » des 86 projets retenus par l’appel flash Covid-19 de l’ANR Agence nationale de la recherche « sont des projets universitaires ou portés par des universitaires, et cela a été la même chose pour l’AAP Appel à projets de Reacting ».

Gilles Roussel ajoute que des gels hydroalcooliques sont produits « en masse » dans les laboratoires des universités, mais aussi des matériels de protection ce qui donne parfois lieu à du transfert vers des entreprises« .

Plus largement, pour lui, cette crise  »a amené un certain nombre de révélations par rapport à la place de la recherche dans la société, même si elle n’amène pas toutes les réponses ».

Des lieux de recherche multiples sur le Covid

Selon le président de l’Université de Bordeaux, les universités sont aussi présentes au niveau des centres de recherches cliniques au sein des CHU. Centre hospitalier universitaire Sont aussi mobilisés « les laboratoires hospitaliers qui font normalement du soin ou de la prestation pour le soin : ils évaluent aujourd’hui les différents tests de sérologie pour trouver ceux avec la meilleure sensibilité qui pourront être appliqués lors du déconfinement ».

Les acteurs HU Hospitalo-universitaire font aussi de la recherche en lien avec la médecine de ville via des réseaux de recherche clinique.

Préparer le déconfinement des labos

Pour Gilles Roussel, « s’il est confirmé que les activités de tous nos laboratoires puissent reprendre à partir de la fin du confinement, les modalités de reprise seront nécessairement différentes d’avant la crise.

Si on pense juste à la question des masques qui seront probablement nécessaires, il y a une vraie question autour de leur disponibilité : comment on les met à disposition dans les laboratoires, qui les et à disposition, etc.

On a un mois pour avancer sur ce sujet et il y a aussi la question de la distanciation sociale, du travail en roulement dans les laboratoires, les transports… autant de questions aujourd’hui devant nous ».

S’appuyer sur l’expérience des labos qui tournent encore

Christine Gangloff Rectrice de la région académique de la Guadeloupe @ Académie de Guadeloupe • Professeure des universités @ Université de Haute-Alsace (UHA)
, VP Vice-président(e) de la CPU, ajoute qu’ « on pourra aussi utilement s’appuyer sur l’expérience de tous les laboratoires qui tournent encore actuellement, car en réalité on a pas mal de laboratoires liés à la recherche sur le Covid, ou qui ont poursuivi des expérimentations, qui fonctionnent encore ».

Pour Pierre Mutzenhardt, les chefs d’établissement vont devoir étudier « la manière dont on va pouvoir réinvestir un certain nombre de lieux (…) en étant le plus protecteur vis-à-vis des gens employés à l’université » . Il estime qu’ « un certain nombre de laboratoires pourront peut-être continuer à travailler à distance un certain temps ». Pour lui, il faudra « au moins une quinzaine de jours ».

Se faire aider par des experts

« On cherche aussi à se faire aider par des regards extérieurs d’experts, ou de responsables d’entreprises qui ont pu connaître ce type de situations pour éclairer nos propres démarches », indique Christine Gangloff .

« On évalue aussi les coûts » générés par la crise : « cours à distance, utilisation d’outils, accompagnement des étudiants, la question du télétravail probablement partiel qu’on va être obligés de mettre en place à certains endroits, etc. », ajoute Gilles Roussel. 

Quel impact pour les travaux de thèses ?

Interrogé sur l’impact de la crise du Covid-19 sur les travaux de thèses, Gilles Roussel indique que « des travaux se poursuivent, des soutenances ont été repoussées qui passent sous d’autres modalités ».

Pour lui « il faut regarder au cas par cas en fonction des laboratoires et des types de recherches qui peuvent être conduites, et que cette crise a impactées. On espère pouvoir obtenir des financements pour pouvoir poursuivre à la fois certains contrats doctoraux et contrats postdocs qui ont été pénalisés par cet épisode avec l’impossibilité d’accéder aux laboratoires ou au terrain ».

Et le président de la CPU Conférence des présidents d’université d’ajouter qu’il est « à ce jour dans l’incapacité de mesurer précisément la volumétrie des accompagnements nécessaires, mais il est clair que ce n’est pas 100 % des doctorants qui ont été impactés  ».

Inquiétude pour le recrutement de doctorants

« Le point qui nous inquiète un peu plus, c’est la capacité à recruter des doctorants, sachant que 50 % des doctorants sont étrangers aujourd’hui en France. Notre capacité à les faire venir sur le territoire français pour les sélectionner, les faire venir pour débuter leurs travaux de thèse début septembre semble un sujet assez complexe.

Une partie pourra probablement commencer leur doctorat à distance et rejoindre les laboratoires ultérieurement. Mais on a peu de visibilité sur ce qu’on va être capable de faire, ce qui peut poser des problèmes sur le long terme pour les laboratoires et notre capacité à faire de la recherche. »

« Outre la question du recrutement, il y a aussi celle du retard qui a pu être pris par certains sur la fin de la rédaction de leur thèse et la date limite à laquelle ils passent leur thèse pour pouvoir derrière être qualifiés », indique Pierre Mutzenhardt, précisant qu’il est envisagé que Frédérique Vidal s’exprime sur le sujet des thèses « dans pas trop longtemps ».

Complexité liée à une multiplicité de financements

Pour Pierre Mutzenhardt, « la question de prolongements de contrats est complexe. Car les financements de ces contrats sont de natures différentes :

  • certains sont financés par l’établissement en direct sur ses fonds (…),
  • d’autres sur des projets de recherche type ANR Agence nationale de la recherche ou autres,
  • d’autres sur des contrats industriels,
  • d’autres encore sur les Cifre Convention industrielle de formation par la recherche où on n’est même pas l’employeur ; sur les Cifre, il y a d’ailleurs un certain nombre d’étudiants actuellement en chômage partiel ».

Crise du Covid : pas besoin d’universités « pilotes »

Interrogé sur la piste de mettre certaines universités en « pilotes, coordinatrices ou chefs de file » sur le sujet du Covid-19 alors que les organismes de recherche semblent plus visibles, Gilles Roussel s’interroge : « Un pilotage unique top-down est-il la solution ? Est-ce le rôle d’une université d’être au pilotage ? »

Le président de la CPU reconnaît que cette crise met en lumière « des questions qu’on se posait avant sur le rôle de chacun [universités, organismes de recherche, CHU Centre hospitalier universitaire ] dans le système » et la nécessité d’une certaine « diversité ».

Organismes de recherche : une « solution de facilité » pour l’État

Pour Manuel Tunon de Lara, les organismes de recherche représentent pour l’État une « solution assez normale et de facilité », car c’est l’État qui en a « désigné la direction ».

« Les organismes ont un réseau national et l’État essaye d’appuyer sur le bouton [de tel ou tel organisme] pour recueillir des informations. On l’a vu pour la réquisition de matériel dont l’Inserm Institut national de la santé et de la recherche médicale et le CNRS Centre national de la recherche scientifique sont en charge. Après, dans la vraie vie, les préfets s’adressent aux universités en leur disant qu’elles sont les hébergeurs des laboratoires et leurs demandent de mettre telle ou telle plateforme à disposition ».

« On est donc dans des rôles assez différents, et justement en cas de crise, je ne suis pas sûr du rôle de pilotage des organismes de recherche. Je pense que l’environnement scientifique autour du gouvernement participe à ce pilotage ».

Pour lui les universitaires « ancrés sur les territoires et qui sont des repères en termes de science peuvent plus facilement aider au pilotage ou à la décision politique, plus qu’eux-mêmes l’organiser ». Il indique aussi que se mettent en place des pilotages au niveau des sites, comme à Bordeaux.

Pour Pierre Mutzenhardt, « il ne faut pas oublier que les EPST Établissement public à caractère scientifique et technologique , bien que la recherche soit indépendante, ne sont pas du tout, comme les universités, autonomes ou indépendants vis-à-vis de l’État. Ce sont certes des opérateurs de recherche, mais avec un certain dirigisme de l’État. Les présidents d’organismes sont nommés par le gouvernement, mais pas élus par la communauté ».

Et de rappeler que « le recherche se fait dans des laboratoires qui sont dans nos universités » . Il ajoute que les universités ont une facilité à mobiliser des chercheurs de disciplines différentes (…) « ce qu’aucun autre opérateur de recherche ne peut faire aussi rapidement ».

Mélange des genres en temps de crise

Pour Manuel Tunon de Lara, « dans les pays technologiquement avancés, en temps de paix on doit déjà séparer les fonctions d’orientation stratégique, celles de financement de la recherche, et les fonctions d’opérateur de la recherche. Et nous en temps de paix, on a déjà un peu le mélange des trois, et en temps de crise ça s’aggrave ».

Selon lui, les groupes de travail sur la LPPR avaient préconisé de bien séparer ces missions. Il ajoute que cette crise illustre aussi le fait qu’il est difficile d’avoir une recherche programmée et que la recherche « fondamentale au long cours s’avère extrêmement utile ».

S’inspirer de John Hopkins

Pour Pierre Mutzenhardt, le terme d’« universités pilotes » n’a pas beaucoup de sens, et cela ne représenterait pas la diversité et d’émergence de créativité qu’on attend. Mais on aurait pu avoir une université suffisamment spécialisée dans le domaine qui joue le rôle de John Hopkins qui a développé un système d’information multidimensionnel sur le Covid à l’échelle des États-Unis et même plus largement, mais ce n’est pas un rôle de pilote ».

Pour Manuel Tunon de Lara , il y a quand même en France des universités ayant un « leadership » dans certains domaines, mais par rapport à la culture anglo-saxonne, on a un peu plus de mal à les accepter ».

Ce que change cette crise

Pour Gilles Roussel, cette crise « pose aussi des questions par rapport aux transformations de nos métiers, aux conséquences que cela aura sur le métier de chercheur [avec] la nécessité de décloisonner les approches » et l’importance de « toutes les dimensions de la recherche  : la nécessité de travailler en pluridisciplinaire devient impérieuse ».

Pour le président de la CPU, cette crise pose aussi des questions autour de la mobilité « et des pratiques de congrès réguliers aux quatre coins du monde : avec les contraintes sanitaires et climatiques, ce mode de fonctionnement pourra-t-il continuer dans les années à venir ? ».

La science ouverte accélérée

Pour Gilles Roussel, cette crise accélère aussi « la nécessité de l’open science, on voit aujourd’hui beaucoup de demandes de libération de publications pour que la science puisse avancer plus rapidement ».

Pour Pierre Mutzenhardt, cette crise met « en plein jour » l’intérêt de la science ouverte, « en ouvrant toutes les recherches [sur le Covid-19] pour qu’elles soient accessibles à tout le monde ». Il précise que des éditeurs ont mis l’ensemble des publications sur le Covid en accès ouvert avec des processus rapides de publication.

« C’est un des effets accélérateurs sur lequel nous devons capitaliser, car cela démontre l’importance de la science ouverte ». Pour lui, cette crise est aussi l’occasion de se réinterroger sur le modèle économique proposé par les éditeurs aux coûts « prohibitifs et aux méthodes parfois discutables ». Et de conclure qu’à la faveur de cette crise, il faut arriver à un nouveau modèle de publication « tout en libre accès ».

Interrogé sur la récente démission du président de l’ERC dont le conseil scientifique de l’institution a rejeté sa proposition d’un plan spécial de l’ERC sur le Covid-19, Pierre Mutzenhardt répond :

« Certes il y a une crise, mais je ne pense pas qu’il faille changer tous les instruments parce qu’il y a cette crise ».

Selon lui, « on ne peut pas dire que l’Europe ne s’est pas mobilisée y compris sur la dimension recherche ».

Mais cela ne veut pas dire que tous les instruments européens doivent changer radicalement leurs méthodes à cause de la crise. L’ERC est quand même la garantie d’une recherche indépendante et sur le temps long, quel que soit le sujet. Si on commence à faire de l’ERC une sorte d’endroit où les appels d’offres sont thématisés, on aura beaucoup plus perdu que gagné ».

France Universités

Catégorie : Associations, réseaux


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Fiche n° 1765, créée le 05/05/2014 à 12:19 - MàJ le 20/12/2024 à 13:42

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