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ExclusifL’ingénieur : un animal politique comme un autre ? (C. Lerminiaux, L. Champaney, R. Carminati)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Tribune n°396833 - Publié le
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Christian Lerminiaux, Laurent Champaney et Rémi Carminati -

« Décisions économiques, industrielles et technologiques sont aussi et avant tout des décisions politiques. Les talents qui sortent des grandes écoles d’ingénieur doivent incarner cette nouvelle figure du cadre public de demain. Il en va de notre performance et de notre compétitivité nationale », écrivent Christian Lerminiaux Vice-président @ Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI) • Président @ ParisTech • Directeur @ Chimie ParisTech - PSL (École nationale supérieure de chimie de Paris … , directeur de Chimie ParisTech, Laurent Champaney Président @ Conférence des grandes écoles (CGE) • Directeur général @ Arts et Métiers ParisTech - École Nationale Supérieure d’Arts et Métiers
, directeur général d’Arts et Métiers, et Rémi Carminati Directeur général @ Institut d’Optique Graduate School (Institut d’optique théorique et appliquée)
, DG Directeur(rice) général(e) de l’Institut d’Optique, le 30/04/2025.

Dans une tribune pour News Tank, ils montrent comment l’évolution des formations ingénieurs les rend légitimes à prendre la parole dans le débat public. Ils pointent aussi la nécessité de leur participation à la vie politique du pays, à l’instar des diplômés de l’INSP Institut national du service public et de Sciences Po.

« Les ingénieurs sont formés à être les “problem-solver” que l’époque exige. Ils apportent des solutions technologiques aux défis sociétaux actuels : transition écologique, domestication de l’intelligence artificielle, réindustrialisation, décarbonisation, énergies vertes… »

« Si les grands patrons ingénieurs sont pléthore, on ne peut que compter sur les doigts de deux mains nos ministres issus des grands corps techniques de l’État. […] Or, ce n’est pas l’un ou l’autre : l’expertise d’un grand ingénieur et grand patron peut être de nature à lui faire assumer les plus grandes responsabilités au niveau de l’État. En tous les cas, elle est indéniablement de nature à le rendre légitime de se prononcer sur la manière adéquate dont le pays doit en user pour relever les défis du temps. »


« Ingénieur » : plus qu’un titre, une pluralité de compétences

La science n’a jamais été aussi politique. Devant le constat du besoin de prise de parole des ingénieurs, comment peuvent-ils faire leur place dans le débat public ?

« Réussir médecine », « passer le barreau », « être agrégé »… ces expressions sont passées dans le langage commun et chacun sait la réalité qu’elles recouvrent : médecin, avocat, professeur. Des métiers aux contours bien définis.

« Faire une école d’ingé » ou même « être ingénieur » échappent mystérieusement à leur propre définition. À tort, on croit savoir ce qu’est une école d’ingénieur, et ce qu’on y fait, une fois dedans.

À tort, l’on croit savoir ce qu’est une école d’ingénieur, et ce qu’on y fait, une fois dedans. »

C’est à bas bruit que l’on a vu se modifier la formation du cycle ingénieur, ces 3 dernières décennies : entrée des sciences sociales et économiques, puis des sciences humaines, renforcement des cours de langue étrangère, introduction du droit, ateliers et séminaires orientés vers le développement des soft skills, autant de cours qui ont pris toute leur place à côté des matières techniques et spécialisées. Il en résulte que les ingénieurs d’aujourd’hui ne sont pas formés comme leurs parents, malgré les croyances qui perdurent…

L’irréductible singularité française : excellence et polyvalence

Si la formation qui est dispensée dans les écoles est excellente, c’est parce qu’elle va d’abord affermir et développer les compétences en sciences fondamentales. C’est au prisme de celles-là que sera éprouvée leur capacité à raisonner, à détendre la complexité, à trouver modèles, solutions et alternatives aux problèmes soumis.

L’intégration des sciences sociales a fait entrer dans la formation le management, de la gestion, le droit ou encore l’économie. Le savoir-faire et les savoir-être constituent des pôles autour desquels gravitent le stage en entreprise, les ateliers, le mentorat, les cours à petits effectifs, les mises en situation pratique et les échanges internationaux.

Avoir une formation généraliste d’excellence, et être expert en même temps.

Se spécialiser sans rien enlever aux autres domaines de la formation

Devenir un ingénieur complet : les grandes écoles post-CPGE Classe préparatoire aux grandes écoles forment un étudiant capable de savoir, savoir-faire et savoir-être.

Une formation ad hoc en constante prise avec les défis sociétaux actuels

Les ingénieurs sont formés à être les problem-solver que l’époque exige. »

La formation sait s’adapter à l’époque. Si l’on regarde les offres récentes en spécialisation des écoles, on y trouvera : un cycle ingénieur spécialité énergétique, la nouvelle unité d’enseignement “culture commune de l’ingénieur pour la transition écologique”, le mastère pour la décarbonisation de l’industrie, entre autres.

Les ingénieurs sont donc formés à être les problem-solver que l’époque exige. Ils apportent des solutions technologiques aux défis sociétaux actuels : transition écologique, domestication de l’intelligence artificielle, réindustrialisation, décarbonisation, énergies vertes…

L’ingénieur 2025 : le nouvel animal politique dont on a besoin

Traditionnellement, l’ingénieur français est un cadre de grande entreprise dont les modèles sont nombreux : Henri Pourpart-Lafarge, ingénieur corps des Ponts et actuel PDG d’Alstom, Christophe Fouquet qui a pris les rênes d’ASLM en 2024 ou encore Christel Heydemann, ingénieur corps des Ponts et DG d’Orange depuis 2022…

À cet égard, on remarquera que la question de la pénurie de femmes croise celle des ingénieurs tout court. Mais les ingénieurs n’ont-ils que vocation à exercer leur expertise technique ? Y compris dans une position de cadre en responsabilités ? La réponse est non.

Il faut se rappeler une polémique récente : alors que la réindustrialisation en France est une réalité concrète depuis 2023 avec 1892 ouvertures de sites industriels, Sanofi annonce céder 50 % de sa filiale Opella au fonds d’investissement américain Clayton. Scandale sur les bancs politiques français : pourquoi sacrifier notre héritage et vendre nos « bijoux de famille » même à un pays allié ? Les élections américaines n’avaient pas encore eu lieu, mais auraient donné raison, sans l’ombre d’un doute, à tous ceux qui s’offusquaient alors de la tractation. Déjà en 2014, la vente de la branche énergie d’Alstom avait suscité le même émoi. Aujourd’hui, notre feu « allié » américain joue avec les taxes comme avec nos nerfs, fragilisant plus que jamais industrie et croissance françaises.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que décisions économiques, industrielles et technologiques sont aussi et avant tout des décisions politiques. Les talents qui sortent des grandes écoles d’ingénieurs doivent incarner cette nouvelle figure du cadre public de demain. Il en va de notre performance et de notre compétitivité nationale.

Si l’on peine encore à s’imaginer l’ingénieur en politique, c’est à cause d’une tradition française trop installée : le logos s’oppose à la techné, les vues abstraites de l’esprit s’opposent au concret de l’expérience scientifique.

Pourtant les cabinets ministériels ne pourraient se passer de tous leurs conseillers politiques experts en matière d’ingénierie. Que ferait le ministère de l’industrie sans sa conseillère spéciale en énergies renouvelables et industrie de l’énergie ? En somme, cela revient à dire qu’il faut peut-être cesser de se limiter à Sciences Po ou à l’INSP Institut national du service public pour recruter les futurs cadres politiques de demain…

Les talents qui sortent des grandes écoles d’ingénieur doivent incarner cette nouvelle figure du cadre public de demain. »

Or, si les grands patrons ingénieurs sont pléthore, on ne peut que compter sur les doigts de deux mains nos ministres issus des grands corps techniques de l’État : Élisabeth Borne Ministre d’État @ Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (MENESR)
bien sûr, polytechnicienne et ingénieure corps des Ponts, Delphine Gény-Stéphann
, secrétaire d’État auprès du ministère de l’économie et des finances, et Philippe Baptiste Ministre de l’Enseignement supérieur et la Recherche @ Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MEN)
, notre actuel ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Une proportion bien maigre, en comparaison des grands patrons de l’industrie.

Or, ce n’est pas l’un ou l’autre : l’expertise d’un grand ingénieur et grand patron peut être de nature à lui faire assumer les plus grandes responsabilités au niveau de l’État. En tous les cas, elle est indéniablement de nature à le rendre légitime de se prononcer sur la manière adéquate dont le pays doit en user pour relever les défis du temps. Et la coïncidence ne peut être qu’heureuse pour les caisses de l’État en déficit structurel : l’ingénieur politique combine tous les aspects nécessaires à la réussite du métier.

Au lieu de multiplier les conseillers spéciaux autour d’un ministre technocrate, n’aurions-nous pas tout intérêt à faire du conseiller spécial LE ministre qu’il nous manque ?

Christian Lerminiaux

Email : christian.lerminiaux@chimie-paristech.fr

Chevalier de l’Ordre national du Mérite depuis 2009

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Parcours

ParisTech
Président
Comité de coordination d’Allistène (Alliance des sciences et technologies du numérique)
Vice-président
ParisTech
Vice-président
UTBM (université de technologie de Belfort-Montbéliard)
Administrateur provisoire
CEA Leti
Directeur des programmes microsystèmes
Corning
Directeur de la recherche dans le domaine des amplificateurs optiques
Université Sorbonne Paris Nord (USPN)
Maître de conférences en électronique, électrotechnique et automatisme

Établissement & diplôme


Fiche n° 3690, créée le 07/05/2014 à 12:41 - MàJ le 30/04/2025 à 12:25

Laurent Champaney


Expertise

Ingénierie de formation ; mécanique des structures et simulation numérique en mécanique.

Publications

DAOUK, S., LOUF, F., CLUZEL, C., DORIVAL, O., CHAMPANEY, L. & AUDEBERT, S. Study of the dynamic behavior of a bolted joint under heavy loadings. Journal of Sound and Vibrations. Online. 2017.

ROSENZVEIG, G., LOUF, F., CHAMPANEY, L. A FE model updating method for the simulation of the assembly process of large and lightweight aeronautical structures. Finite Elements in Analysis and Design. Vol 111. Pages 56-63. 2016

DAOUK, S., LOUF, F., DORIVAL, O., CHAMPANEY, L., AUDEBERT, S. Uncertainties in structural dynamics : overview and comparative analysis of methods. Mechanics & Industry. Vol 16. Num 4. 2015

PAVOT, S., FLORENTIN, E., ROUGEOT, P., CHAMPANEY, L. Finite element verification in the case of missing data. Finite Elements in Analysis and Design. Vol 64. Pages 90-96. 2013

LOUF, F., CHAMPANEY, L. Fast validation of stochastic structural models using a PGD reduction scheme. Finite Elements in Analysis and Design. Vol 70-71. Pages 44-56. 2013

ROULET, V., BOUCARD, P.A., CHAMPANEY, L. An efficient computational strategy for composite laminates assemblies including variability. Int Jal of Solids & Structures. Vol 50. Num 18. Pages 2749-2757. 2013


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Parcours

Arts et Métiers ParisTech - École Nationale Supérieure d’Arts et Métiers
Directeur général
Conférence des grandes écoles (CGE)
Vice-président « écoles »

Établissement & diplôme

Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ)
Habilitation à diriger des recherches
Université Paris 6 - Pierre et Marie Curie (UPMC)
DEA en mécanique des structures
École normale supérieure Paris-Saclay (ENS Paris-Saclay)
Agrégé en sciences industrielle de l’ingénieur

Fiche n° 15717, créée le 02/02/2016 à 16:08 - MàJ le 30/04/2025 à 12:25

Rémi Carminati


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Parcours

Établissement & diplôme

CentraleSupélec
Doctorat en physique
CentraleSupélec
Ingénieur spécialité thermique

Fiche n° 42600, créée le 20/01/2021 à 11:10 - MàJ le 30/04/2025 à 12:25


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