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L’impact de l’éducation artistique sur les apprentissages : ce que dit la recherche (R. Normand)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Analyse n°385797 - Publié le
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Romulad Normand - ©  D.R.

« L’éducation artistique joue un rôle fondamental dans le développement cognitif, émotionnel et social des élèves. Les multiples études internationales mettent en lumière l’impact positif des programmes artistiques sur leurs résultats scolaires, leur engagement et leur bien-être, tout en promouvant des compétences comme la créativité, la pensée critique et la collaboration », écrit Romuald Normand Professeur des universités @ Université de Strasbourg (Unistra) • Co-Responsable du réseau européen des sociologues de l’éducation @ European Educational Research Association
, dans une analyse pour News Tank, le 29/01/2025.

« L’Unesco Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture a également promu les compétences du 21e siècle et mis en évidence quatre compétences primordiales, désormais appelées les “4C“ : pensée critique, communication, collaboration et créativité. De nombreux chercheurs affirment que les processus artistiques sont essentiels à l’activation de ces 4C », souligne le sociologue de l’éducation.

Il résume les résultats de nombreuses enquêtes et travaux internationaux, comme le Project Zero de l’Université d’Harvard aux États-Unis, l’initiative Apla (Apprendre par les arts) du Conservatoire royal du Canada ou encore, en Australie, une étude sur les programmes d’éducation artistique.

« Malgré la prévalence croissante des disciplines scolaires, comme les sciences, les mathématiques et la technologie, les arts continuent de démontrer leur capacité à transformer les expériences éducatives, particulièrement pour les élèves issus de milieux défavorisés.

Il apparaît essentiel de reconnaître et de renforcer leur place au sein des programmes scolaires pour soutenir un apprentissage complet et équilibré des plus jeunes », conclut Romuald Normand.


L’éducation artistique et son impact sur les apprentissages

La recherche internationale démontre les effets importants de l’éducation artistique sur l’apprentissage des élèves, la pédagogie des enseignants, le bien-être social et émotionnel des élèves. Ce domaine, comparé à Pisa Programme international pour le suivi des acquis des élèves , reçoit rarement le même niveau d’attention médiatique et politique que les résultats de cette enquête internationale.

Pourtant, Bamford (2006, 2009) a étudié l’impact des programmes « enrichis en arts » dans une vaste enquête internationale commandée par l'Unesco Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture . Il a constaté que « les arts apparaissent dans la politique éducative de presque tous les pays du monde, mais qu’il demeure un fossé entre le “discours” sur l’éducation artistique et les dispositions prises dans les écoles et les établissements scolaires » (2009, p. 11).

Au niveau international, les arts, le jeu et la créativité sont inclus dans la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant (Nations Unies, 1989).

L’article 31 stipule que :

  • Les États reconnaissent le droit de l’enfant au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge et de participer librement à la vie culturelle et artistique.
  • Les États respectent et promeuvent le droit de l’enfant de participer pleinement à la vie culturelle et artistique et encouragent une offre appropriée et égalitaire d’activités culturelles, artistiques, récréatives et de loisirs. (Nations unies, 1989, p. 9)
Les arts sont placés au plus bas cette hiérarchie »

Mais force est de constater que dans la plupart des pays, l’accent est mis de plus en plus sur les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques (STEM) et sur les disciplines scolaires jugées les plus fondamentales. Les arts sont placés au plus bas de cette hiérarchie.

L’Unesco a également promu les compétences du 21e siècle et mis en évidence quatre compétences primordiales, désormais appelées les « 4C » : pensée critique, communication, collaboration et créativité (Scott, 2015). De nombreux chercheurs affirment que les processus artistiques sont essentiels à l’activation de ces 4C (Ewing & Saunders, 2019 ; Jefferson & Anderson, 2017).

L'OCDE Organisation de coopération et de développement économiques fournit par ailleurs une liste de 36 compétences du 21e siècle, notamment : l’adaptabilité/la flexibilité/l’ajustement/l’agilité ; la compassion ; la créativité/la pensée critique/la pensée inventive ; l’empathie ; l’engagement/les compétences de communication/les compétences de collaboration ; l’espoir ; la conscience de soi ; la pleine conscience ; et le respect, pour n’en citer que quelques-unes (OCDE, 2018, p. 17). Bon nombre de ces compétences sont profondément ancrées dans l’apprentissage des arts et sont mises en évidence dans les recherches présentées ci-dessous.

Grandes enquêtes et méta-analyses sur les effets de l’éducation artistique à l’école

Il y a plus de vingt ans, un rapport intitulé Les champions du changement : l’impact des arts sur l’apprendre (Fiske, 1999) s’appuyait sur sept études indépendantes, en jetant des bases solides pour d’autres recherches à grande échelle et des méta-analyses sur l’impact des arts dans l’éducation.

Dans l’ensemble, Fiske concluait que les arts permettent d’atteindre les élèves qu’il aurait été difficile d’intéresser autrement, mais aussi qu’ils permettent de les relier aux autres et à eux-mêmes, en situant leurs apprentissages dans une réalité pratique (Fiske, 1999, p. IX).

Une autre étude importante, publiée à la même époque, est celle de Catterall, Chapleau et Iwanaga (1999) sur les domaines de la musique et des arts du théâtre (dramaturgie).

  • Elle a concerné le suivi de 25 000 élèves américaines sur une période de 10 ans.
  • Les chercheurs en concluent que les élèves s’adonnent aux arts connaissent une évolution scolaire favorable s’accentuant avec le temps (Catterall et al., 1999, p. 2)
  • Ils affirment ainsi que ce temps consacré aux arts est essentiel à la réalisation du potentiel de l’enfant, quel que soit son statut socio-économique.

En 2002, une vaste méta-analyse de 62 études compilées par Deasy a montré la relation entre les programmes riches en arts (danse, théâtre, médias, musique, arts visuels, etc.) l’amélioration des capacités cognitives des élèves, leur motivation pour apprendre et leurs résultats scolaires en lecture, langue maternelle, et mathématiques.

Poursuivant son travail longitudinal, Catterall (2009) a montré l’impact à long terme des arts sur la cohorte de 1999 au moment de leur entrée dans l’âge adulte.

  • Les étudiants issus de milieux socioéconomiques faibles ou élevés, ayant une participation artistique élevée à l’école, étaient plus susceptibles de s’engager dans le bénévolat, d’être inscrits sur les listes électorales et de rendre compte d’« amitiés solides » en termes de capital social.
  • Les élèves ayant une participation artistique élevée sont également plus susceptibles de fréquenter un collège ou une université et ils dépendent moins de l’aide publique que leurs pairs qui ont connu une participation artistique plus faible (Catterall, 2009).

En 2012, Catterall, Dumais et Hampden-Thompson ont de nouveau rapporté, à partir de données recueillies sur quatre bases couvrant une période de 20 ans, de 1988 à 2008, qu’il existait des corrélations significatives entre l’engagement artistique à l’école ou dans le cadre d’activités extrascolaires avec des jeunes « à risque » (définis comme étant socialement et économiquement défavorisés) et des résultats scolaires plus élevés.

Plus tard, les recherches internationales de Bamford (2006, 2009) ont montré que l’impact d’une éducation enrichie en arts était profond et contribuait aussi bien au bien-être social et émotionnel des élèves qu’à la réussite scolaire.

Parmi les points saillants de sa recherche, on peut citer que l’éducation enrichie en arts :

  • Contribue à l’amélioration du niveau d’instruction et des résultats scolaires des élèves.
  • Améliore de manière significative la littératie et les performances en matière d’apprentissage des langues.
  • Permet une meilleure perception de l’école ou de l’établissement par les élèves, les parents et la communauté éducative.
  • Améliore l’attitude des élèves à l’égard de l’école ou de l’établissement scolaire en renforçant la coopération, le respect, la responsabilité, la tolérance.
  • Suscite des approches plus créatives et plus intéressantes de l’enseignement.
  • Est bénéfique à la santé et au bien-être des élèves.
  • Implique des processus d’apprentissage structurellement différents de ceux des autres disciplines et des programmes scolaires.
  • Développe la maîtrise des TIC Technologies de l’information et de la communication et les compétences techniques.

Les chercheurs du Project Zero de l’Université d’Harvard aux États-Unis ont étudié de manière approfondie les expériences artistiques de qualité dans l’éducation. La recherche de Seidel, Tishman, Winner, Hetland et Palmer (2009) a révélé que l’éducation artistique sert plusieurs objectifs liés à l’apprentissage des élèves, la pédagogie, la dynamique de la communauté éducative, la réflexion et la dialogue dans l’organisation scolaire.

Canada : trois résultats clés

Depuis 25 ans, l’initiative Apprendre par les arts du Conservatoire royal du Canada fournit et étudie l’impact de ses programmes d’arts dans l’éducation.

Les chercheurs ont identifié trois résultats clés :

  • Dans une étude nationale de trois ans (1999-2002), les participants de 6e ont obtenu 11 points de percentile de plus aux tests de calcul que leurs pairs du groupe de contrôle.
  • Dans toutes les études, les enseignants, les directeurs d’école ou chefs d’établissement comme les élèves, ont affirmé que les élèves sont très impliqués dans l’apprentissage den classe.
  • Dans une étude menée en 2010 auprès de plus de 1 200 élèves, les enseignants ont reconnu des effets positifs sur l’engagement des élèves, leur capacité à travailler en collaboration, leur ouverture aux différents points de vue et leur joie d’être à l’école (The Royal Conservatory, 2019).

Un écart entre la politique et la pratique

En Australie, l’étude d’Ewing (2010) sur les programmes d’éducation artistique a tiré des conclusions similaires à celles décrites ci-dessus en confirmant le rôle transformateur des processus et des expériences artistiques dans l’ensemble des programmes scolaires.

Comme Bamford, Ewing a constaté un écart entre la politique et la pratique. Alors que toutes les déclarations de politique nationale sur l’éducation en Europe soulignent la dimension culturelle des arts et l’importance de promouvoir les capacités artistiques et créatives des jeunes, dans les faits, les principales disciplines enseignées se limitent souvent aux arts visuels et à la musique, avec moins de temps et de statut que les sciences (Ewing, 2010).

Australie : prédire les résultats scolaires et non scolaires

Une étude longitudinale particulièrement importante menée en Australie a combiné des méthodes qualitatives et quantitatives pour collecter des données dans 15 écoles travaillant avec 643 élèves du primaire et du secondaire sur une période de trois ans (Martin, Mansour, Anderson, Gibson, Liem et Sudmalis, 2013).

L’étude a identifié des facteurs significatifs de participation aux arts à l’école, à la maison et dans la communauté éducative, qui permettent de prédire les résultats scolaires - par exemple, la motivation et l’engagement- et non scolaires - par exemple, l’estime de soi, la satisfaction de la vie (Martin et al., 2013, p. 721).

Martin et ses collègues ont constaté que ces effets se maintenaient après avoir contrôlé les principaux facteurs sociodémographiques et de réussite antérieure, ainsi que la variance antérieure des résultats étudiés (Martin et al., 2013, p. 721).

États-Unis : corrélation entre participer à un grand nombre de cours d’arts et niveaux de réussite scolaire

Dans une vaste étude commandée par l’OCDE, Winner, Goldstein et Vincent-Lancrin (2013) ont fait le constat suivant : un vaste ensemble de données corrélationnelles aux États-Unis révèle que les élèves qui participent à un grand nombre de cours d’arts […] ont des niveaux de réussite scolaire plus élevés (mesurés par les notes obtenues à l’école et les résultats aux tests standardisés verbaux et mathématiques) que ceux qui suivent moins de cours d’arts ou n’en suivent pas du tout […]. (Winner et al., 2013, p. 6)

Des recherches supplémentaires sont nécessaires en ce domaine »

Toutefois, les chercheurs précisent que ces résultats corrélationnels ne doivent pas être considérés comme indiquant que les cours d’arts sont à l’origine du meilleur niveau d’éducation. Une explication plausible non causale ne peut être exclue.

Il est clair que des recherches supplémentaires sont nécessaires en ce domaine.

Une recherche australienne significative sur plusieurs décennies montre que les arts améliorent les résultats scolaires des élèves en général, en particulier la lecture, l’écriture et le calcul (Saunders & Stinson, 2016).

Les arts peuvent améliorer la confiance, la motivation, l’engagement et le bien-être social et émotionnel des élèves, permettant ainsi le développement continu d’apprenants tout au long de la vie. À l’âge adulte, les élèves qui ont pratiqué les arts à l’école sont des membres de la communauté plus actifs et plus engagés.

Participation des élèves à l’éducation artistique et résultats en numératie et littératie, d’après des études expérimentales ou quasi-expérimentales

Plusieurs enquêtes quantitatives quasi-expérimentales affirment que la participation aux arts a un impact causal sur les résultats des élèves en matière de littératie et de numératie.

En littératie

Dans la phase de la petite enfance, Brown, Benedett et Armistead (2010) ont utilisé des tests de vocabulaire pour mesurer les résultats obtenus après un an et deux ans de participation au programme de l’« école enrichie en musique » (programme Kaleidoscope) aux États-Unis.

Cette étude quasi-expérimentale a porté sur 165 enfants défavorisés de 3 à 4 ans, issus de différents groupes sociaux, et sur leurs principaux accompagnateurs (63 dans le programme Kaléidoscope et 102 dans une école témoin).

En tenant compte des facteurs démographiques, l’étude a révélé que les enfants de l’école Kaléidoscope obtenaient en fin d’année des scores de vocabulaire significativement plus élevés que ceux des écoles témoins, ce qui montre que l’intégration d’une plus grande proportion d’activités artistiques dans le programme scolaire permet d’améliorer les résultats en littératie.

Dans le même pays, Wandell, Dougherty, Ben-Shachar, Deutsch et Tsang (2008) ont entrepris une étude sur trois ans, avec 49 enfants âgés de 7 à 12 ans qui faisaient déjà partie d’une étude longitudinale explorant la relation entre le développement du cerveau et les compétences en lecture.

  • Les participants ont rempli un questionnaire sur leurs expériences en matière d’éducation artistique (arts visuels, musique, danse et théâtre) ainsi qu’un autre sur le tempérament et la personnalité de l’enfant, conçu pour fournir un indicateur des aptitudes artistiques.
  • Les parents ont également fourni des informations sur l’implication de leur enfant dans l’apprentissage des arts, y compris la fréquence, le type et le niveau de compétences, ainsi qu’une indication du tempérament de leur enfant et de sa volonté de s’engager dans de nouvelles pratiques artistiques.
  • Les chercheurs américains font état d’une relation causale entre la quantité d’éducation musicale reçue au cours de la première année et le degré d’amélioration de la lecture au cours de la troisième année de l’étude.

L’étude de Kinney (2008) s’est concentrée sur les avantages de la musique en commun et en groupe, en examinant l’impact sur les résultats scolaires de la participation des élèves à un ensemble instrumental (orchestre) et à une chorale dans deux collèges de l’enseignement secondaire américains.

Des tests standardisés en lecture, mathématiques, sciences, arts du langage et études sociales) ont été utilisés pour mesurer le niveau des élèves de deux cohortes : 6e (N=463) et 4e (N=416) avant et après que les élèves aient rejoint l’orchestre ou la chorale.

  • Pour la cohorte la plus jeune, il existait des différences statistiquement significatives entre les résultats des membres de la fanfare en lecture et en écriture et ceux des membres de la chorale par rapport aux élèves qui n’avaient pas participé.
  • Il est intéressant de noter que les scores des membres de la chorale et des non-participants étaient globalement similaires, ce qui suggère que c’est l’apprentissage d’un instrument de musique qui est significatif, plutôt que le fait de rejoindre un groupe pour faire de la musique ensemble.

Dans une étude sur la participation à des activités artistiques multiples aux États-Unis, Greenfader, Brouillette et Farkas (2015) ont utilisé un modèle expérimental randomisé pour mesurer l’impact de la participation à des activités artistiques (théâtre et mouvement/danse « créatifs ») pendant un an sur les compétences linguistiques en anglais avec des élèves dont la langue principale n’était pas l’anglais.

Ils rapportent que le groupe expérimental a obtenu de meilleurs résultats que le groupe de contrôle lors des évaluations de l’expression orale, les élèves dont les capacités d’expression en anglais étaient les plus limitées au départ étant ceux qui en ont le plus profité. Cependant, il n’y avait pas de différence significative pour les compétences d’écoute.

Brouilette, Childress-Evans, Hinga et Farkas (2014) ont étudié l’impact du Teaching Artist Project, qui fait intervenir des professionnels du théâtre et de la danse dans les écoles pour travailler avec les élèves aux États-Unis.

  • À l’aide d’un modèle quasi-expérimental, ils ont étudié les effets sur l’engagement (mesuré par l’assiduité scolaire) et les résultats en matière de compétences linguistiques orales des élèves qui parlaient principalement une autre langue que l’anglais à la maison dans cinq écoles de la ville.
  • L’artiste s’est rendu une fois par semaine dans chaque classe (de la maternelle au CE1) pour animer des séances de « théâtre créatif » c’est-à-dire en travaillant à partir des idées des élèves.
  • L’étude a montré que les compétences des élèves en matière d’écoute et d’expression orale s’étaient considérablement améliorées.

En mathématiques, des résultats plus variables

Alors que certaines études portant sur l’amélioration de la littératie ont mesuré les résultats des élèves en mathématiques, il y a moins de résultats, dans l’ensemble, indiquant que la participation aux arts soit associée à des gains en numératie

Neville et al. (2008) font état d’une étude américaine portant sur 88 enfants des écoles maternelles, âgés de 2 à 5 ans et de faible statut socioéconomique.

  • Le groupe expérimental était composé de 26 enfants ayant participé à des activités musicales - écoute, mouvement, jeu musical et chant.
  • Les enfants du groupe expérimental ont bénéficié de 40 minutes d’activités musicales, cinq jours par semaine pendant huit semaines.
  • L’étude a démontré un impact positif significatif sur le QI non verbal, le calcul et la compréhension de l’espace.

Toutefois, il est possible, soulignent les chercheurs, que ce soit le niveau d’attention plutôt que la musique qui produise de meilleurs résultats, au sein de petits groupes d’élèves (5 élèves pour 2 enseignants dans l’expérimentation).

Bien que les aptitudes musicales et mathématiques soient souvent associées dans les représentations usuelles, toutes les études sur les interventions musicales n’ont pas fait état de gains importants en matière de calcul.

Par exemple, Babo (2004), qui a fait mesurer l’impact des pratiques musicales sur la littératie des élèves dans une étude menée dans deux écoles américaines avec 178 élèves (dont 93 apprenaient un instrument de musique), a constaté que les résultats en mathématiques étaient plus variables. L’étude quantitative de Johnson et Memmott (2006), qui analyse les résultats à des tests standardisés de 4 739 élèves de CE1, CE2, 4 et 3e dans 8 écoles primaires et 11 collèges américains, a révélé que les élèves suivant un enseignement musical de « haute qualité » avaient des résultats plus élevés en mathématiques que ceux dont l’expérience musicale était moindre.

Ces différences étaient significatives, mais l’ampleur de l’effet était faible.

L’importance de la durée de la pratique

Spelke (2008) apporte un éclairage supplémentaire sur les avantages de la participation musicale en rapportant trois études expérimentales menées auprès d’enfants et de jeunes aux États-Unis.

Les résultats suggèrent que les élèves ayant suivi de courtes périodes d’éducation musicale à un niveau faible ou moyen ne semblent pas en tirer de bénéfices en mathématiques. Par rapport aux élèves qui n’ont reçu que peu ou pas d’enseignement musical, les élèves qui ont bénéficié d’une expérience significative de l’éducation musicale pendant une période prolongée ont obtenu de meilleurs résultats aux tests de géométrie, mais pas aux tests de calcul.

Il semble nécessaire de faire la distinction entre la numératie et d’autres aspects des résultats en mathématiques en relation avec la participation musicale, mais aussi de prêter attention à la durée pendant laquelle les participants ont pratiqué la musique.

Les effets des programmes scolaires « enrichis » par l’éducation artistique

Un certain nombre d’articles de la recherche internationale font état de l’effet de la participation artistique sur les résultats scolaires des élèves dans toute une série de disciplines scolaires.

Dans le cadre d’un autre projet de recherche sur la petite enfance, Brown et al. (2010) rendent compte d’une étude quasi-expérimentale visant à comparer les élèves des enfants après un an et deux ans de participation au programme d’ « école enrichie en musique » (Kaléidoscope, voir ci-dessus).

  • L’échantillon était composé de 194 enfants âgés de 3 à 4 ans, issus de milieux socio-économiquement défavorisés et présentant une grande diversité ethnique, ainsi que de leurs parents et de leurs enseignants.
  • L’étude a montré que l’effet était plus important pour les enfants qui avaient fréquenté l’école pendant deux ans que pour ceux du même âge qui n’y avaient participé qu’une année.

À l’école primaire, Metsapelto et Pulkkinen (2012) ont entrepris une étude longitudinale en Finlande sur trois ans, impliquant 302 enfants âgés de 8 à 10 ans au début du programme. Les participants ont suivi la Journée scolaire intégrée, qui visait à accroître la participation à des activités extrascolaires comme « le sport, la musique et les arts ».

  • Les résultats des élèves en lecture, en écriture, en arithmétique, comme les aptitudes au travail scolaire (persévérance, attention et souci du détail) ont été comparés aux résultats moyens de la classe.
  • Les chercheurs ont constaté que les élèves ayant participé pendant deux ou trois ans à des activités extrascolaires artistiques et musicales avaient de meilleurs résultats scolaires que ceux qui n’y avaient participé qu’une année ou pas du tout.

Trent et Riley (2009) font état d’une autre étude à plus petite échelle, fondée sur des méthodes mixtes, qui a examiné l’impact de l’intégration d’activités artistiques dans un programme scolaire spécifique d’une école primaire aux États-Unis.

  • Il a été constaté que l’approche artistique intégrée laissait plus de place à la créativité des élèves, et qu’elle avait un impact considérable (même s’il n’est pas statistiquement significatif) sur leurs résultats. L’amélioration de la réussite a été beaucoup plus importante que dans les domaines où les arts n’étaient pas intégrés.

Australie : un programme musical et artistique sur mesure et à long terme

Un autre exemple de programme artistique intégré à l’école primaire est le « Song Room Programme » : un programme musical et artistique sur mesure et à long terme destiné aux enfants des communautés défavorisées d’Australie.

  • Vaughan, Harris et Caldwell (2011) ont utilisé un modèle quasi-expérimental pour évaluer l’impact de The Song Room dans 10 écoles publiques situées dans des zones défavorisées.
  • Des données ont été recueillies auprès de 370 élèves, répartis entre les groupes participant au programme de six mois, les groupes participant au programme de 12 à 18 mois et les groupes ne participant pas au programme.
  • L’étude a révélé que les élèves ayant participé au programme Song Room avaient des résultats scolaires nettement supérieurs à ceux des autres élèves, tandis que les écoles participantes obtenaient de meilleurs résultats pour tous les facteurs par rapport aux autres.
  • Une fois de plus, les effets étaient plus significatifs pour le programme de 12 à 18 mois que pour la version plus courte.

Une autre étude à grande échelle couvrant une large tranche d’âge est rapportée par Sharp et Cooper (2012), qui ont synthétisé une série d’évaluations de partenariats créatifs (PC) entre des professionnels de la création et des écoles, réalisées en Angleterre entre 2003 et 2011.

  • Environ 400 écoles et 61 000 élèves ont été impliqués dans une série d’études visant à évaluer l’impact à long terme des PC dans les écoles primaires et secondaires.
  • Les résultats ont indiqué que les écoles avec partenariat avaient des niveaux de réussite plus élevés aux niveaux 3 et 4 de 2003 à 2010.
  • Les résultats des élèves indiquent que ceux qui ont participé à ces activités ont amélioré leur réussite et progressé aux niveaux 1 à 4 (7, 11, 14 et 16 ans respectivement) dans les tests nationaux par rapport aux non-participants.
  • L’amélioration des résultats était toutefois plus constante chez les élèves des écoles secondaires.

Les effets plus larges de l’éducation artistique sur la réussite scolaire des élèves

Bien qu’elles n’établissent pas nécessairement de lien direct entre la participation artistique et le niveau des élèves, plusieurs études font état de facteurs qui pourraient avoir un effet positif sur la réussite scolaire, comme l’amélioration :

  • de la mémoire verbale et visuelle (Greenberg, 2010 ; Heyning, 2010),
  • du vocabulaire (Heyning, 2010),
  • des compétences d’écoute et d’apprentissage (Greenberg, 2010) ;
  • de la résolution de problèmes et les capacités de réflexion (Jeanneret, 2010 ; Portowitz, Lichtenstein, Egorova, & Brand, 2009) ;
  • de l’engagement envers l’éducation (Stahl & Dale, 2013) ;
  • un meilleur travail d’équipe et la persévérance (Bryce, 2004 ; Hallam, Creech, & McQueen, 2011) ;
  • de l’amélioration des attitudes à l’égard de l’apprentissage et de l’école et capacité à s’engager dans le monde de l’éducation (Burnard, 2008 ; Gacherieu, 2004) ;
  • de la concentration et la capacité d’organisation (Hallam et al., 2011).

Par exemple, Greenberg (2010) a mené une étude auprès de participants à un programme de théâtre extrascolaire dans un collège public défavorisé et ethniquement diversifié aux États-Unis.

Il fait état d’effets positifs sur la perception qu’ont les élèves défavorisés de leur développement social et scolaire, notamment en ce qui concerne le travail d’équipe et l’engagement dans les études. Stevenson (2014) a étudié l’impact de l’enseignement du théâtre sur l’apprentissage des sciences dans une classe de collège pendant trois mois en Australie.

Elle a constaté un impact positif sur l’engagement, le développement de l’autonomie et le sentiment d’appartenance des élèves, mais pas directement sur les résultats scolaires.

« Les arts continuent de démontrer leur capacité à transformer les expériences éducatives »

Il est clair que l’éducation artistique joue un rôle fondamental dans le développement cognitif, émotionnel et social des élèves. Les multiples études internationales mettent en lumière l’impact positif des programmes artistiques sur leurs résultats scolaires, leur engagement et leur bien-être, tout en promouvant des compétences comme la créativité, la pensée critique et la collaboration.

Malgré la prévalence croissante des disciplines scolaires, comme les sciences, les mathématiques et la technologie, les arts continuent de démontrer leur capacité à transformer les expériences éducatives, particulièrement pour les élèves issus de milieux défavorisés.

Il apparaît essentiel de reconnaître et de renforcer leur place au sein des programmes scolaires pour soutenir un apprentissage complet et équilibré des plus jeunes.

Romuald Normand

Email : rnormand@unistra.fr

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Parcours

Université de Strasbourg (Unistra)
Professeur des universités
European Educational Research Association
Co-Responsable du réseau européen des sociologues de l’éducation
École normale supérieure de Lyon (ENS de Lyon)
Maître de conférences en sociologie
Institut National de Recherche Pédagogique
Maître de conférences en sociologie
Institut National de Recherche Pédagogique
PRAG-Chargé de recherches

Établissement & diplôme

EHESS
Doctorat, sociologie
Sciences Po
HDR

Fiche n° 15784, créée le 04/02/2016 à 14:36 - MàJ le 29/01/2025 à 18:10


Références bibliographiques

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