IHU Marseille : les réactions de P. Hetzel et AMU après la sortie d’un rapport d’évaluation de 2023
« ll faut que les instances qui sont là pour évaluer la science jouent pleinement leur rôle », déclare Patrick Hetzel
Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche @ Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) • Professeur en sciences de gestion @ Université Paris 2 - Panthéon-Assas
, ministre de l’ESR
Enseignement supérieur et recherche
, le 19/11/2024, lors de la présentation de sa feuille de route. Il répond à une question de News Tank sur le rapport d’évaluation éthique portant sur huit articles dont la majorité des auteurs est affiliée à l’IHU
Institut hospitalo-universitaire
Méditerranée Infection, dévoilé par l’Express le 16/11 et que News Tank a pu consulter.
Le 20/06/2022, après une enquête Igas/Igésr sur les dysfonctionnements de l’IHU dirigé par Didier Raoult, Éric Berton
Président @ Aix-Marseille Université (AMU) • Professeur des universités @ Aix-Marseille Université (AMU)
, président d’Aix-Marseille Université, avait commandé un rapport pour évaluer « les problèmes éthiques potentiels » dans des articles publiés par Elsevier et l’ASM (American society of microbiology). Remis à l’université le 27/01/2023, il n’avait pas été rendu public.
Le rapport a été obtenu après une demande auprès de la Cada
Commission d’accès aux documents administratifs
par Fabrice Frank, chercheur indépendant, co-auteur d’une étude publiée le 03/08/2023 identifiant 456 publications de l’IHU avec de potentiels manquements éthiques et légaux.
Le rapport, qui fait état de préoccupations quant à la conformité des articles aux règles éthiques, estime « nécessaire d’établir une gouvernance éthique claire » pour l’IHU, et de distinguer les responsabilités et mandats des différents comités d’éthique de la recherche.
Sollicitée par News Tank le 18/11, l’université liste les mesures prises par la présidence « à la réception des conclusions, et devant la gravité des accusations ». Celle-ci a :
• « transmis sans délai le rapport et ses conclusions aux autorités compétentes : MESR
Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
, Igas
Inspection générale des affaires sociales
et Igésr
Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche
;
• saisi la justice en informant le procureur par l’application de l’article 40 afin que ces manquements fassent l’objet d’une suite judiciaire ».
Les sujets de gouvernance « en train d’être traités » (Patrick Hetzel)
« Ce qui est très troublant dans ce dossier, c’est que vous vous retrouvez dans des situations où il y a eu des publications dans Science, Nature, etc. Et ce n’est que dans un second temps que, dans certains cas, il a pu y avoir des identifications de problèmes », indique aussi Patrick Hetzel le 19/11/2024, en réponse à une question de News Tank, lors de la présentation de la feuille de route de son ministère.
« Après, il y a des sujets de gouvernance, mais qui sont en train d’être traités pour s’assurer que tout ne se passe dans le respect des règles habituelles de fonctionnement d’un IHU. Ma prédécesseure [Sylvie Retailleau
] a fait en sorte que, localement, un certain nombre de décisions qui me paraissent tout à fait sages aient pu être prises », ajoute le ministre.
Durant la pandémie de Covid-19, alors député Droite républicaine du Bas Rhin, Patrick Hetzel avait partagé sur X le 02/04/2020 son courrier au président de la République demandant l’autorisation temporaire de « l’utilisation de l’hydroxychloroquine, de l’azithromycine et du Zinc dans le traitement précoce du Covid et ceci jusqu’à ce que soient connus les résultats des essais cliniques en cours ».
« J’ai entendu “le ministre est anti-science”. Que les choses soient claires : j’ai un attachement non seulement très fort à la science, mais je considère qu’il faut que les différentes instances qui évaluent, qui prononcent des vérifications éthiques, jouent pleinement leur rôle. Nous aurons aussi un important travail à faire collectivement pour lutter contre la désinformation. C’est un vrai sujet aujourd’hui », ajoute-t-il.
Les changements à la gouvernance de l’IHU
La gouvernance de l’IHU a été renouvelée en septembre 2022, avec les élections en CA Conseil d’administration de Pierre-Édouard Fournier comme directeur de l’IHU le 01/09 et d'Emmanuelle Prada-Bordenave Présidente du conseil d’administration @ IHU Méditerranée Infection • Présidente du conseil d’administration @ Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) • Conseillère… comme présidente du conseil d’administration le 30/09.
La nouvelle direction a rencontré Sylvie Retailleau et François Braun
, alors respectivement ministre de l’ESR et ministre en charge de la santé, le 07/10 et a remis une première version de la nouvelle feuille de route de l’IHU. Les ministres ont également indiqué que la poursuite de l’activité et du financement par l’État de l’institut dépendrait de la mise en œuvre des recommandations du rapport Igas/Igésr.
AMU Aix-Marseille Université : les actions menées depuis 2024 « afin de refaire de l’IHU Méditerranée Infection un fleuron »
« Aix-Marseille Université tient à réaffirmer la détermination avec laquelle agit sa présidence depuis maintenant plus de quatre ans afin de refaire de l’IHU Méditerranée Infection un fleuron de la recherche française, en y garantissant l’éthique scientifique et l’intégrité scientifique », indique l’université à News Tank le 18/11/2024.
Elle rappelle que « le rapport du groupe d’experts internationaux indépendants concernant la probité et l’intégrité scientifique de l’IHU a été commandé par le président de l’Université, Eric Berton, afin de faire toute la lumière sur les possibles manquements et permettre à tous les acteurs hospitalo-universitaires de prendre les mesures nécessaires au rétablissement de l’intégrité scientifique de l’IHU ».
Par ailleurs, « au delà de ce rapport et des actions qui s’en sont suivis, Aix-Marseille Université a mis en place, dès 2020 et les premières alertes, plusieurs mesures afin de retrouver un fonctionnement de l’IHU conforme aux exigences scientifiques et morales d’AMU ». Elle cite :
- « le lancement d’une enquête de probité et d’intégrité scientifique, dès juin 2020, malgré les nombreux refus d’experts », qui a donné lieu au rapport de 2023 ;
- « une inspection sur les conditions de travail, diligentée par la présidence, entre 2020 et 2023, via la visite des laboratoires de l’IHU dans le cadre des missions du CHSCT Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail d’AMU et des autres tutelles. Les rapports ont également été transmis aux autorités compétentes ;
- une saisine de l’Ofis Office français de l’intégrité scientifique en 2022, au sujet de huit publications de l’IHU », dont les résultats étaient attendus par Eric Berton en janvier 2023, mais qui n’ont pas été rendus publics.
« La présidence a fait le choix résolu de redonner à l’IHU Méditerranée Infection sa place de fleuron scientifique et médical, et souhaite que l’institut puisse se concentrer pleinement sur ses missions scientifiques dans un climat de confiance retrouvé », conclut-elle.
Des rapports d’inspection et du Hcéres sur l’IHU
Les activités cliniques de l’IHU-MI avaient été suspendues en septembre 2022 après des rapports d’inspection Igas/Igésr menés du 22 au 26/11/2021 et faisant état de « graves manquements et non-conformités à la réglementation des recherches impliquant la personne humaine ». Elles ont repris depuis octobre 2023 après autorisation de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament).
Mais le Hcéres a émis des réserves quant à la déontologie des travaux des unités Mephi (Microbes évolution phylogénie et infections) et Vitrome (Vecteurs - Infections tropicales et méditerranéennes) de l’IHU, selon la synthèse des évaluations de la recherche d’Aix-Marseille Université publiée le 04/04/2024. La publication des rapport d’évaluation de ces unités, effectuée le même jour, avait été retardée par rapport à celles des deux autres unités de l’IHU.
L’IRD avait retiré sa tutelle à ces deux unités sur avis de son conseil scientifique, annonçait sa P-DG le 06/02/2024. L’unité Mephi n’est plus que sous tutelle d’AMU, le CNRS s’étant retiré en 2019.
Le Hcéres évalue en 2024 les sept premiers IHU, dont l’IHU-MI, en articulation avec le SGPI.
La commission de déontologie saisie concernant l’expression des agents sur les réseaux sociaux
L’université annonce aussi « saisir sa commission de déontologie concernant l’expression de ses agents sur les réseaux sociaux et mettra en place des formations à leur destination sur l’usage de ces derniers ».
Fabrice Frank indique de son côté à News Tank le 19/11/2024 avoir fait l’objet, après des échanges par email concernant sa demande d’accès au rapport, d’accusations de harcèlement et de diffamation en ligne de la part de deux membres du personnel de l’université, dont Éric Chabriere. Ce dernier avait notamment déposé plainte avec Didier Raoult pour harcèlement contre la microbiologiste néerlandaise spécialiste d’intégrité scientifique Élisabeth Bik et le coadministrateur de Pubpeer Boris Barbour
Directeur de recherche à l’Institut de biologie de l’École normale supérieure (ENS, CNRS, Inserm, Université PSL) @ Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
. Le Comets
Comité d’éthique du CNRS
avait pointé à ce sujet des « stratégies d’intimidation inadmissibles » le 07/06/2021.
Les principales conclusions du rapport en détail
« L’examen des articles soulève plusieurs préoccupations quant à leur conformité avec la Déclaration d’Helsinki et avec la législation et la réglementation françaises », indique le rapport.
Notamment, « dans la plupart des cas, les projets de recherche auraient dû être soumis au CPP Comité de protection des personnes compétent, à savoir le CPP Sud Méditerranée I jusqu’au 01/07/2014 », en application de la loi Jardé. Adoptée le 05/03/2012, celle-ci liste trois catégories de recherches impliquant la personne humaine ne pouvant être mises en œuvre qu’après avis favorable d’un CPP (comité de protection des personnes) officiel.
Assurance-qualité et pratiques éthiques : « Des inquiétudes quant aux procédures »
« Le fait que, dans la plupart des cas, les auteurs aient éprouvé des difficultés à produire les décisions compétentes du comité d’éthique de la recherche relatives à leurs articles ou même à citer la décision correcte suscite des inquiétudes quant aux procédures d’assurance qualité suivies en termes de gestion des données et des dossiers », ajoute le rapport.
« La documentation de toutes les activités de recherche est un élément essentiel pour renforcer la confiance dans la science, car elle permet à d’autres de reproduire les mêmes actions et de vérifier que la recherche est menée conformément à l’état de l’art.
L’obtention de l’avis favorable du comité d’éthique de la recherche compétent avant de commencer une étude est une exigence fondamentale en matière d’éthique de la recherche. Les difficultés rencontrées pour prouver que les règles éthiques ont été respectées soulèvent d’importantes questions et inquiétudes quant aux procédures mises en place pour garantir des pratiques éthiques. »
« Des préoccupations évidentes concernant la gouvernance en place »
Plus globalement, « il existe des préoccupations évidentes concernant la gouvernance en place à l’IHU Méditerranée Infection et à Aix-Marseille Université en ce qui concerne :
- les mécanismes d’examen éthique ;
- et la manière dont les chercheurs sont formés, instruits et supervisés lorsqu’ils soumettent leurs projets au comité d’éthique de la recherche approprié, en fonction de la nature de leurs études ».
« Bien que nous n’ayons pas été directement mandatés pour traiter cette question, elle ne peut être ignorée car elle a un impact direct sur l’évaluation des questions éthiques liées aux huit articles examinés », ajoute les auteurs.
Le périmètre de l’évaluation
D’après le rapport, le mandat des experts était limité « aux questions liées à l’examen de ces documents par le comité d’éthique compétent » et excluait « les aspects explicitement techniques de ces études. Selon les articles, les questions à traiter ont été soulevées soit par des lecteurs directement auprès de l’éditeur (American society for microbiology), soit par les auteurs demandant à l’éditeur (Elsevier) de répondre aux accusations publiées sur Pubpeer ».
L’évaluation s’est ainsi concentrée principalement sur « deux éléments du processus d’évaluation éthique :
• si les protocoles de recherche à l’origine des articles répertoriés ont été soumis au comité d’éthique de la recherche approprié conformément aux principes éthiques reconnus et à la législation française ;
• et si le processus d’évaluation éthique était conforme à ces exigences éthiques et juridiques ».
Aix-Marseille Université (AMU)
Catégorie : Universités
Entité(s) affiliée(s) :
École de journalisme et de communication d'Aix-Marseille (EJCAM)
Adresse du siège
Agence comptable - service facturier3 Place Victor Hugo
13003 Marseille France
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Fiche n° 1598, créée le 10/03/2014 à 02:37 - MàJ le 19/11/2024 à 19:00
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