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[Think 2024] JOP de Paris, performance dans l’ESR, promesse de podium (Joël Bertrand)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Tribune n°314830 - Publié le 12/02/2024 à 11:04
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©  Seb Lascoux
©  Seb Lascoux

« En cette année olympique, il faut pouvoir mesurer la performance. En sport, plus vite, plus haut, plus fort, ensemble, c’est clair : c’est un chrono, une mesure de distance, un nombre de buts ou d’essais, un KO ou un arrêt de l’arbitre. Et c’est un mantra souvent repris un peu partout de manière désordonnée », écrit Joël Bertrand Directeur de recherche émérite @ Centre national de la recherche scientifique (CNRS) • Vice-président @ IRT Saint Exupéry • Président du conseil scientifique @ Naval Group
, dans une chronique pour News Tank, le 12/02/2024. 

L’ancien directeur général délégué à la science du CNRS Centre national de la recherche scientifique a participé à Think Education et Recherche organisé par News Tank, le 08/02/2024. Il livre son regard sur l’événement et ce qu’il en retient. 

« Non, la France n’est pas nulle en recherche. Certes en volumétrie de publications, notre pays n’est que neuvième, dépassé par l’Italie en particulier, mais en qualité de publications (nombre dans le premier quartile des revues), notre pays est sixième, et en dépôts de brevets, nous ne sommes pas nuls non plus. »

« Un vent d’optimisme nous est également venu dans la matinée du président de l’Université Jean Monnet à Saint-Étienne, Florent Pigeon, nous indiquant comment son université avait contribué pleinement à l’évolution du site industriel de GIAT Industries, sur son territoire. »


« Il faut pouvoir mesurer la performance »

C’est par l’évocation de nos JOP Jeux olympiques et paralympiques  2024 à Paris, que ce 08/02/2024, Gilbert Azoulay de News Tank, directeur général associé et grand amateur de sport, ouvre notre très attendue journée annuelle Think Education et Recherche. Elle est cette fois dédiée à la performance dans nos communautés académiques et scientifiques.

Elle est inaugurée par un duo. Gilbert Azoulay, facétieux, veut même parler de « duel » entre Nathalie Drach-Temam, la maîtresse des lieux, car nous sommes à Sorbonne Université, et Bruno Bonnell Secrétaire général pour l’investissement @ Secrétariat général pour l’investissement (SGPI)
, secrétaire général à l’investissement, chargé du plan France 2030.

D’entrée de jeu - et les dépêches News Tank ne manqueront pas de mentionner les riches détails de toutes les contributions - Nathalie Vice-présidente @ Udice • Présidente @ Sorbonne Université
Drach-Temam dit ne pas refuser la performance. D’autres le diront dans la journée, et même notre ministre Sylvie Retailleau
 : la performance dans l’ESR Enseignement supérieur et recherche n’est pas un gros mot.

Bruno Bonnell quant à lui, se plaît à rappeler l’origine du mot performance, qui viendrait des courses de chevaux anglaises, où les riches propriétaires se lançaient des défis, les chevaux de l’époque ne se produisant pas à Ascot ou Epsom, mais sur des prairies, en vue de les préparer pour les chasses à courre.

Ce que ne dit pas Bruno Bonnell, c’est que déjà des paris étaient engagés sur ces courses-là, nous n’en sommes pas vraiment là dans le supérieur et la recherche, il nous faudrait convoquer un pari mutuel ou des bookmakers, convoquer aussi des parieurs… histoire de précipiter l’effondrement.

La recherche, un amplificateur de signaux faibles

Bruno Bonnell évoque une caractéristique de la recherche qui doit être un amplificateur de signaux faibles et une préparation aux 20 ou 30 ans futurs, bref toujours en avance d’une génération, cette phrase venant d’un ingénieur, entrepreneur immergé dans les milieux économiques est un invariant de nos activités, et ouvre l’éternel débat entre science et technologie. Martin Vetterli Président @ École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL)
, de l’EPFL Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne , y reviendra, de manière étrange, plus tard.

En cette année olympique, il faut pouvoir mesurer la performance. En sport, plus vite, plus haut, plus fort, ensemble, c’est clair : c’est un chrono, une mesure de distance, un nombre de buts ou d’essais, un KO ou un arrêt de l’arbitre. Et c’est un mantra souvent repris un peu partout de manière désordonnée. C’est le slogan de Fort Boyard, c’est le slogan de petites entreprises qui veulent jouer dans la cour des grands, et bien d’autres.

La performance des dirigeants

Sur ces généralités s’ouvre le débat sur la performance des dirigeants.

Qui dit performance des dirigeants dit évaluation, et là ce n’est pas un chrono ou une mesure objective de distance.

Les trois intervenants : Caroline Pascal Directrice générale de l’enseignement scolaire @ Ministère de l’éducation nationale (MEN)
de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, Thierry Coulhon Président du directoire @ Institut Polytechnique de Paris (IP Paris)
de l’Institut Polytechnique de Paris et Stéphane Braconnier Président @ Université Paris Panthéon-Assas • Professeur de droit public @ Université Paris 2 - Panthéon-Assas
de l’Université Paris Panthéon Assas, n’arrivent pas à qualifier la performance du dirigeant. Car ils ont du mal à la différencier de la performance de l’institution dirigée, ayant du mal à discerner l’équipe derrière l’équipe et les invisibles derrière les dirigeants (dans le sport ce seraient les mécaniciens, les soigneurs, les coachs, les entraîneurs…). 

À raison donc, ils n’essaient pas de mesurer cette performance.

L’évaluation de la performance d’un dirigeant élu (président d’université) doit relever de ses électeurs, et s’il n’est pas réélu, c’est que sa performance n’était pas bonne. Même si cela est faux, assure Stéphane Braconnier, seul le résultat compte.

L’évaluation de la performance d’un dirigeant nommé (président d’organismes nationaux de recherche) incombe à ceux qui l’ont nommé, ils sont responsables et ce sont les seuls.

Contrairement à certains sports, tout le monde n’est pas sélectionneur des dirigeants du supérieur et de la recherche, les sélectionneurs sont clairement identifiés.

Mercato des dirigeants ?

Faisant un pas de côté, Thierry Coulhon suggère, sans trop y croire sans doute, bien qu’il en soit un exemple, un mercato des dirigeants.

Cette proposition laisse songeur. Dans mercato, il y a enchères, en vérité montée des enchères. Il cite un dirigeant australien qui avait dirigé une université médiocre, l’avait transformée en bonne université dans la moyenne, puis auréolé de ses performances, avait dirigé une excellente université de rang mondial et en avait aussi fait une bonne université dans la moyenne. Thierry Coulhon ne dit pas la suite.

Performance de la recherche et de l’innovation

Un autre débat, très animé et au contenu foisonnant, est consacré à la recherche et l’innovation, reprenant d’ailleurs dans son titre la devise olympique.

Ce débat accueille, entre autres, le brillantissime président de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, Martin Vetterli, qui a présidé il y a quelques mois le comité Hcéres Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur du CNRS Centre national de la recherche scientifique , et que Théo Haberbusch, directeur de la rédaction de News Tank qualifie de « grand témoin » de cette journée. 

Martin Vetterli a dirigé 74 doctorants (record en cours probablement), qui presque tous ont fait ensuite de brillantes carrières.

Il est rappelé que l’évaluation du CNRS fut une évaluation pas copain du tout, une évaluation sans concession, une évaluation utile, indique Martin Vetterli. Malheureusement, certains lecteurs peu attentifs ou chercheurs ordinaires peu intéressés par les méandres de notre establishment l’ont trouvée sévère et sont vite revenus avec sagesse à leurs affaires courantes, oubliant l’évaluation.

Tout remonte au président de la République

Martin Vetterli nous indique que l’organisation française est trop complexe, ce qui empêche la bonne recherche, presque tout devant remonter au président de la République.

Devant ce jugement sans appel, pas vraiment autorisé, Michel Deneken Président @ Udice • Président @ Université de Strasbourg (Unistra)
de l’Université de Strasbourg, rappelle qu’en France le président de la République ce n’est pas tout à fait rien, que ce président-là, en deux ans, a parlé deux fois de recherche.

Frôlant le hors sujet, mais pas la qualité du propos, tant son commentaire est élégant, Michel Deneken évoque les 26 cantons suisses, se lance dans une comparaison réussie entre complexe et compliqué, et cite le terrible Shylock du Marchand de Venise, en une évocation érudite, répondant ainsi aux demandes initiales de Gilbert Azoulay, enjoignant les participants à faire des pas de côté, ceux qui parfois marquent de telles journées.

La place de la France en recherche

Olivier Dumon Managing Director Academic Leaders & Funders @ Elsevier
, d’Elsevier, nous rassure. Non, la France n’est pas nulle en recherche. Certes en volumétrie de publications, notre pays n’est que neuvième, dépassé par l’Italie en particulier, mais en qualité de publications (nombre dans le premier quartile des revues), notre pays est sixième, et en dépôts de brevets, nous ne sommes pas nuls non plus.

Le bloc santé au service de notre pays »

Ces propos quantitatifs sont presque aussi satisfaisants qu’une médaille olympique. Une illustration vient à propos qui est donnée par Didier Samuel P-DG @ Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) • Président @ Conférence des doyens des facultés de médecine
, le président de l’Inserm Institut national de la santé et de la recherche médicale qui nous assure que certes l’Inserm est l’opérateur majeur en santé, mais devenant agence de programmes depuis les annonces du président de la République en décembre, pourra constituer le bloc santé au service de notre pays et au niveau des meilleures agences internationales.

Démarrage dans trois semaines, dit-il.

Certes, il est commun de lire que notre système de santé est défaillant, encore qu’il faudrait des mesures quantitatives et comparatives pour étayer ce qui est devenu un lieu commun, mais rien ne dit que notre recherche est médiocre, le seul exemple des progrès en cancérologie démontrant le contraire, il y aurait maintenant des médicaments pour presque tout, viendraient ensuite des difficultés logistiques, hors sujet ici.

Un chemin dirigé de la recherche

Claire Giry Présidente @ Agence nationale de la recherche (ANR)
, directrice générale de la recherche et innovation, très technique, très claire bien sûr, nous présente les agences de programmes comme un chemin dirigé de la recherche, une sorte de top-down, contrairement au bottom-up que doit être l’ANR Agence nationale de la recherche . Démonstrative, elle joint le geste à la parole.

Un vent d’optimisme nous est également venu dans la matinée du président de l’Université Jean Monnet à Saint-Étienne, Florent Pigeon, nous indiquant comment son université avait contribué pleinement à l’évolution du site industriel de GIAT Industries, sur son territoire. Cette collaboration est plus aussi performante que performative, si cette lourdeur d’écriture est acceptée.

Attaques cyber, intelligence artificielle et ChatGPT

Un marronnier nous revient ensuite, l’intelligence artificielle et ChatGPT.

Cette table ronde est précédée par la keynote de l’après-midi donnée par Thiébaut Meyer Directeur cybersécurité, Google Cloud @ Google
de Google Cloud. Les attaques cyber de nos institutions se multiplient, une des dernières en date étant celle de Toulouse INP Institut national polytechnique qui s’est trouvé paralysé plusieurs mois.

Les motivations de ces attaques sont diverses : demandes de rançons, captures de données, falsification de résultats (craignons peut-être pour nos élections) jusqu’à une extension des cyberguerres, déjà présentes sur les quelques théâtres d’opérations actuels.

La question n’est pas de savoir si notre institution sera attaquée, ni même quand, mais de savoir si notre institution peut faire face à une attaque, bref se préparer à une agression dont on ne connaît ni le coupable, ni l’intensité, ni le mode d’attaque.

A la question, d’où viennent ces attaques, Thiébaut Meyer isole quatre usual suspects, la Chine, la Russie, l’Iran et la Corée du Nord. C’est déjà beaucoup et cela laisse l’assistance interrogative et vaguement inquiète.

L’IA levier de performance ?

Peut-on faire de l’IA un levier de performance ? Antony Hié Directeur de la transformation digitale @ Excelia
d’Excelia business school, Nejma Belkhdim Cofondatrice et directrice produit @ Nolej
de Nolej et Martin Vetterli répondent évidemment oui.

Ils temporisent toutefois leurs avis d’une nécessaire acceptation, laquelle ne peut venir qu’après une confiance avérée dans les outils.

La trajectoire d’une publication écrite par ChatGPT est mentionnée. Cette publication sera acceptée. Au bout d’un moment elle sera citée par d’autres publications écrites aussi par ChatGPT, et ainsi de suite, de sorte que ces publications inonderont la production mondiale sans aucune avancée scientifique bien sûr, mettant à l’arrêt l’avancée des connaissances.

Présente dans l’assistance, Dominique Leglu, de Sciences et Avenir et de Challenges, pour rassurer les participants, nous indique qu’il est possible de détecter une publication écrite par ChatGPT.

Martin Vetterli ajoute, et cela est étrange, qu’il est optimiste sur la science et pessimiste sur la technologie. Un dirigeant d’entreprise industrielle (Airbus, Pfizer, Danone ou encore Michelin) dirait exactement le contraire. Voilà un débat à venir pour Think Education et Recherche 2025.

D’autres enseignements de la journée

La journée se poursuit, riche de contenus, desquels j’isole quatre points.

Un monde incertain et inquiétant

En premier lieu une conversation privée (c’est le but de la pause) avec Jean-Pierre Bourguignon Président @ FSMP • Mathématicien @ Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
, l’ancien président du comité d’éthique du CNRS (2007-2011) et aussi bien sûr ancien président de l’ERC European Research Council qui me dit : tout cela est tellement beau, mais le monde, la guerre en Ukraine, la guerre au Proche-Orient, la misère rampante, les élections américaines, donc tout cela, toutes nos savantes constructions peuvent disparaître d’un moment à l’autre.

Oui, mais. Le supérieur et la recherche dans un monde incertain et inquiétant, un nouveau sujet pour Think Education et Recherche 2025 (après les élections américaines).

La performance RH Ressources humaines

Le deuxième point est le contenu du débat sur la performance RH, l’attractivité, les salaires, l’enthousiasme. Les quatre intervenants, Catherine Nave Bekhti Secrétaire générale @ CFDT Éducation, Formation, Recherche Publiques (SGEN - CFDT)
de la CFDT Confédération française démocratique du travail , Ali Ferhi Adjoint au DGRH, chef du service des personnels enseignants de l’ESR @ Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR)
du MESR Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche , Valérie Gibert Présidente @ Association des DGS (ADGS) • DGS @ Université de Strasbourg (Unistra)
, DGS Directeur/trice général(e) des services de l’université de Strasbourg et Fabienne Chol DGA en charge des RH @ Région Île-de-France (Conseil régional d’Île-de-France)
de la Région Île-de-France nous rappellent nos réalités, en tout cinq millions d’agents publics. A nous d’offrir des carrières à ceux de l’ESR, à nous de les motiver.

Nous sommes tous des agents »

Au passage, de manière subtile et persuasive, Catherine Nave Bekhti nous rappelle que nous sommes tous des agents, et nous employons peu ce mot qui nous qualifie néanmoins exactement : agents tous unis vers la même performance, illustrant ici la troisième partie de la devise olympique.

Thomas Froehlicher Président de la commission relations internationales @ Conférence des grandes écoles (CGE)
, ancien directeur de plusieurs business schools (un mercato à lui tout seul, pour faire plaisir à Thierry Coulhon) demande instamment des méthodes pour rendre attractives les carrières d’enseignant du supérieur.

Acte 2 de l’autonomie

Le troisième point est l’intervention de Solange Chavel CEO @ Siris Academic
de Siris Academic dans le débat terminal rassemblant les hauts dirigeants de notre écosystème nous indiquant que pour plus de performance, il nous faut moins de contrôle, plus de confiance et peut-être enfin passer à l’acte 2 de l’autonomie.

Solange Chavel nous livre des comparaisons internationales qui, une fois n’est pas coutume, nous sont souvent favorables.

Un discours de politique générale

Le meilleur peut arriver »

Le quatrième point est naturellement la conclusion de notre ministre, Sylvie Retailleau, qui dans un vrai discours de politique générale du supérieur et de la recherche auxquels elle ajoute toujours l’innovation, nous trace les lignes à court et moyen terme.

Nous partirons rassurés, il n’est jamais interdit d’espérer et de progresser, car le meilleur peut arriver, et cela rejoint l’introduction de Bruno Bonnell.

Joël Bertrand

Email : joel.bertrand@ensiacet.fr

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Parcours

IRT Saint Exupéry
Vice-président
Naval Group
Président du conseil scientifique
Muframex
Membre permanent du Comité d’évaluation et orientation
Fondation de Recherche pour l’Aéronautique et l’Espace (Airbus, Liebherr Aerospace, Safran, Thalès)
Président du conseil scientifique
Centre d’études mexicaines en France
Président du conseil scientifique
Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Conseiller spécial du président
Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Directeur général délégué à la science
Fondation de coopération scientifique Science et Technologie pour l’aéronautique et l’espace
Directeur
Laboratoire de génie chimique (UMR CNRS, UPS, INP Toulouse)
Directeur
Comité national de la recherche scientifique (CoNRS)
Président de la section 10 Milieux fluides et réactifs : transports, transferts, procédés de transformation

Fiche n° 27835, créée le 22/12/2017 à 11:54 - MàJ le 04/04/2024 à 10:58

©  Seb Lascoux
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