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Exclusif[Think 2024] « Trop d’indicateurs tuent la performance » (Nathalie Drach Temam, Sorbonne Université)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Actualité n°314546 - Publié le 08/02/2024 à 18:14
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©  Seb Lascoux
Nathalie Trach-Temam et Bruno Bonnell - ©  Seb Lascoux

« Trop d’indicateurs tuent la performance. C’est quelque chose que l’on devrait revoir : les indicateurs ne sont pas adaptés à la stratégie et ils ne parlent pas à la société », déclare Nathalie Drach Temam, présidente de Sorbonne Université lors de l'édition 2024 de Think Éducation & Recherche, le 08/02/2024.

Elle s’exprime lors de la conférence d’ouverture de cette journée, autour de la question « Performance dans le supérieur et la recherche : changer de paradigme ? », en duo aux côtés de Bruno Bonnell Secrétaire général pour l’investissement @ Secrétariat général pour l’investissement (SGPI)
, Secrétaire général pour l’investissement, chargé de France 2030.

« Le concept de performance, de réussite ou d’impact, existe déjà dans nos universités, c’est notre ADN. La performance des universités est liée au fait que les universités ont des stratégies et sont capables de faire des choix, en lien avec les politiques publiques, et en capacité de mesurer les effets, les impacts de cette réussite, de ces performances. »

Selon Bruno Bonnell, « au niveau de la recherche, le meilleur indicateur de performance, c’est amplificateur de signaux faibles. S’il y a un rôle que la recherche doit se donner, et là où elle est la plus performante, c’est dans l’anticipation de ce qu’il y a après. Il n’y a que des chercheurs qui peuvent commencer à anticiper de façon crédible, les technologies, les idées, les méthodes qu’on pourrait avoir. »

Le SGPI Secrétariat général pour l’investissement évoque aussi la nécessité d’indicateurs globaux. « Il faut trouver des indicateurs de performance plutôt macro. C’est donc plutôt la performance de l’ensemble des gens qui me font face qui va intéresser le Gouvernement, plutôt que de chercher à calibrer une performance individuelle en fonction de stratégies qui seront complètement différentes. »


« Dissocier le financement des projets d’innovation et le financement des universités » (N. Drach Temam)

Concernant les questions de financement, Nathalie Drach Temam Vice-présidente @ Udice • Présidente @ Sorbonne Université
indique :

« C’est important de bien dissocier le financement des projets d’innovation, et le financement des universités. Il y a eu, avec les Idex Initiative(s) d’excellence , plutôt des financements d’infrastructures, d’écosystèmes. Nous avions peut-être une vision, une pensée différente de ce qu’étaient les PIA Programme d’investissements d’avenir et France 2030. Nous sommes sur France 2030, sur des projets à long terme, engageants, et cela nous va très bien. »

Elle déclare également : « La question qui reste ouverte est celle de la question du financement récurrent des universités, il ne faut pas l’oublier, même si la composante innovation est importante. »

Bruno Bonnell indique : « Je rêve que l’on bascule, et c’est ce que nous faisons avec France 2030, d’une France sous perfusion à une France surperformante. Il faut surtout écouter le terrain et c’est toute la philosophie de France 2030, c’est-à-dire de choisir des projets d’excellence supportés notamment par les universités, mais également d’autres systèmes de formation supérieure qui creusent et recherchent dans de nouveaux champs de performance, cette fois-ci économiques. »

« Nos indicateurs ne sont pas adaptés à ce que sont nos jeunes »

Sur la mesure de la performance, la présidente de Sorbonne Université déclare : « Cette génération dans nos universités, et celle qui arrive, est vraiment différente. Nos indicateurs, et comment la formation est vue du point de vue de l’État, ne sont pas adaptés à ce que sont nos jeunes. Il faut intégrer le droit à l’erreur, de se tromper, de prendre un peu de temps pour choisir son orientation. »

« Toutes nos performances, c’est la réussite à tout prix. Je pense qu’à terme, cela coûtera beaucoup plus si nous n’avons pas de jeunes engagés dans leur formation. Nous travaillons sur cette idée de différenciation, d’interdisciplinaire, de reconnaître l’engagement des jeunes au-delà de leur formation ».

Parmi les « indicateurs qui ne vont plus », Nathalie Drach Temam évoque le taux de réussite de la licence en trois ans, qui ne doit plus être utilisé selon elle.

« Il faut parler de salaires en sortie des diplômés. Nous avons fait une étude avec Udice Association réunissant les universités labellisées Idex et une société de conseil britannique, et pour un 1€ investi dans les universités Udice, cela crée 4€ de valeur ajoutée. »

Pour Bruno Bonnell, l’heure est à la remise en question. « On est en train de basculer par petites touches dans une évolution du rapport à la formation, du rapport au travail, finalement, d’une nouvelle société. Nécessairement il y a une profonde remise en question, et vous le faites quotidiennement, mais il ne faut surtout pas baisser la garde, on est loin du compte. On l’a vu avec l’intrusion de l’IA dans notre monde ».

« Il y a une attente d’une réelle remise en question de chaque université, de chaque centre de formation, et c’est pour cela que nous avons le plan Compétences et métiers d’avenir. Il se fait au fil de l’eau, sans timing imposé. C’est une décision d’un centre de formation de proposer de nouvelles formations d’excellence. Il y a une souplesse que n’ont pas d’autres appels à projets. »

Performance dans la recherche : « Nous avons des stratégies, nous allons jusqu’au bout »

Concernant la performance dans la recherche, Nathalie Drach-Temam indique que « la performance en recherche va dépendre de la stratégie de l’université. La France est une nation performante aussi par ses universités - ce qui n’est absolument pas assez reconnu et que l’on a besoin de reconnaître davantage - et par les choix stratégiques qu’elle fait en matière de recherche et de formation. »

« Au moment de l’AAP Appel à projets 3IA Institut interdisciplinaire d’intelligence artificielle il y a trois ans, il nous a été dit au plus haut niveau : “Cela ne sert à rien de candidater à Paris, c’est PSL Paris Sciences & Lettres et Prairie Paris artificial intelligence research institute , il n’y aura rien d’autre”. Nous nous sommes dit que l’IA, c’est notre sujet et nous avons les forces pour cela, et nous a fait notre 3IA, nous avons fait notre centre d’intelligence artificielle. Nous avons mis du budget, nous avons pris sur notre Idex. Le dernier rapport de la Cour des comptes dit qu’il y a quatre 3IA et trois centres d’excellence en IA, dont Scai, qui est notre centre. C’est cela la performance en recherche, c’est être en capacité de faire des choix. »

« Nous avons des stratégies, nous allons jusqu’au bout. Bien sûr, nous allons chercher des financements, et c’est extrêmement important. Nous ne sommes pas opportunistes, nous sommes stratèges. »

Pour le SGPI, « il y a des métiers dans lesquels on a besoin de constance, donc il va falloir trouver des solutions pour que les gens s’engagent sur le long terme. L’université a une responsabilité vis-à-vis de ça. Il y a d’autres métiers qui au contraire ont nécessité que l’on forme à la performance sur l’agilité ».

« Sur certains sujets, passer du million au milliard »

Interrogée sur ses attentes, Nathalie Drach Temam appelle d’abord à « renforcer la cohérence entre la stratégie nationale et la stratégie européenne. Nous entendons trop un discours assez franco-français, il manque cette dynamique et cette inclusion dans ce que l’on va faire au niveau européen. Cela me manque dans nos débats et nos réflexions. »

« Il manque aussi de bien comprendre quels sont vraiment les sujets ciblés, pour la France pour l’Europe, il ne faut pas avoir peur de passer du million au milliard. Le milliard est nécessaire pour passer sur certains sujets, par exemple, dans la microélectronique que je connais. Quels vont être les deux ou trois sujets sur lesquels on va mettre le milliard. Il y a deux ou trois sujets dans lesquels on pourrait être leader en Europe sur notre sujet. »

« Nous en avons marre des AAP, nous sommes épuisés »

« Nous en avons marre des AAP. Nous sommes épuisés, il y a trop d’AAP. Le président de la République a parlé de simplification, mais là, on n’y est pas du tout, aussi bien sur les enquêtes, les indicateurs, les AAP… Si nous utilisions les personnels d’appui de soutien dans les laboratoires pour appuyer la recherche, nous serions bien plus performants. »

Ce à quoi Bruno Bonnell répond : « S’il y a des projets d’exception qui méritent d'être partagés et développés, nous avons aussi cette souplesse. Donc je suis assez d’accord sur le fait qu’il y en ait eu beaucoup trop. Cela s’est beaucoup calmé. S’il y a des projets performants ou des projets qui méritent véritablement que vous les défendiez, les équipes de France 2030 sont à votre disposition pour essayer de les élaborer et trouver leur financement. Voilà ce que je dirais ».

Nathalie Drach-Temam fait une proposition : « Il faudrait un seul AAP pour les universités, et dedans, nous vous décrivons notre stratégie, où l’on se présente. Ce ne sera pas un AAP à 2 ou 3 M€, plutôt 100 M€. On parle de l’université cheffe de file, pourquoi nous n’aurions pas un contrat avec le SGPI Secrétariat général pour l’investissement et les universités qui décline leur stratégie, et en fonction de leur stratégie, un seul appel, un seul budget. Et la vie serait tellement plus facile ! ».

Une recherche comparée à l’international

« Nous ne sommes pas seuls dans notre bulle. La recherche française universitaire est confrontée à la recherche des pays européens, la recherche américaine et celle des pays asiatiques. Dans sa mesure de performance, elle est forcément à l’aune de ce qui se fait en moyenne dans le monde. »

« C’est assez complexe parce qu'à l’inverse, notre capacité de recherche est orientée d’une façon fondamentalement différente d’autres recherches, qui sont tournées vers l’applicatif. Nous avons une caractéristique : celle d’accepter l’idée, très humaniste et universaliste, d’avoir de la recherche pour véritablement découvrir des choses, élever l’humain », dit le SGPI.

La francophonie, un « handicap supplémentaire »

Un autre élément d’amélioration pour Bruno Bonnell concerne la langue. « Nous avons un handicap supplémentaire, c’est que nous défendons notre langue. Nous défendons la francophonie, alors que nous sommes dans un monde qui a choisi la langue anglaise comme langue avec laquelle tout le monde se comprend, avec des raccourcis, qui ne sont pas les nuances de notre langue. C’est encore pire. Nous jouons les règles qui ne sont pas vraiment les nôtres. »

Secrétariat général pour l’investissement (SGPI)

Le Secrétariat général pour l’investissement est chargé du suivi du Grand plan d’investissement et de la mise en œuvre du PIA (Programme d’investissements d’avenir).


Catégorie : État / Agences d'État


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Fiche n° 3946, créée le 04/03/2016 à 06:53 - MàJ le 24/10/2019 à 10:59

Sorbonne Université

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