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Doctorat :« Une réaction de personnes incapables de comprendre le destin des précaires » (P. Ouzoulias)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Interview n°281617 - Publié le 01/03/2023 à 15:32
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Pierre Ouzoulias - ©  D.R.

« Il s’agit d’une réaction de personnes protégées par leur statut et incapables de comprendre le destin des précaires. Ils sont dans le déni. La motion ne comprend ni le dispositif, ni la situation », déclare Pierre Ouzoulias Vice-président @ Sénat • Sénateur (groupe CRCE) @ Sénat • Vice-président de la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication @ Sénat • Vice-président de la Commission des affaires… , sénateur CRCE Communiste, républicain, citoyen et écologiste des Hauts-de-Seine, dans un entretien à News Tank, le 21/02/2023.

Il s’exprime au sujet de la « motion contre le serment doctoral », adoptée à l’unanimité par la 22e section CNU Conseil national des universités « Histoire et civilisations », le 03/02/2023.

Exigeant la « suppression pure et simple de ce serment », la section alerte notamment « la communauté universitaire sur les menaces graves que le serment des doctorantes et doctorants, établi à compter du 01/01/2023, fait peser, par son existence comme par sa formulation, non seulement sur les libertés académiques, mais aussi sur le diplôme de doctorat lui-même, en introduisant le principe d’un contrôle moral de l’enseignement et de la recherche ».

« J’aimerais recueillir les réflexions du CNU sur l’intégrité scientifique : il ne s’en est jamais occupé et ne s’est jamais considéré comme touché. Si le CNU a une autre idée pour le serment et l’intégrité scientifique, je suis preneur », ajoute le sénateur à l’origine de cette nouveauté introduite par un amendement à la LPR Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur .

« Le serment n’est pas obligatoire. Les étudiants font leur choix en conscience. Ceux qui choisissent de le prononcer le voient comme une forme d’honneur. Ils sont en quête de sens ; leur dire qu’ils vont prononcer un serment participe du fait de ritualiser leur expérience et valorise le doctorat. »

« Les doctorants ou les jeunes docteurs subissent une double injonction, entre des situations de manquements à l’intégrité scientifique et leur éthique : le serment, c’est ce qui permet de refuser. »


« La motion ne comprend ni le dispositif, ni la situation »

Quel regard portez-vous sur la motion votée par la 22e section du CNU ?

Il s’agit d’une réaction de personnes protégées par leur statut et incapables de comprendre le destin des précaires. Ils sont dans le déni. La motion ne comprend ni le dispositif, ni la situation. Par ailleurs, j’aimerais recueillir les réflexions du CNU sur l’intégrité scientifique : il ne s’en est jamais occupé et ne s’est jamais considéré comme touché. Si le CNU a une autre idée pour le serment et l’intégrité scientifique, je suis preneur.

Ils sont dans le déni »

Les collègues chercheurs ne réagissent pas lorsque le SGPI Secrétariat général pour l’investissement dit vouloir recourir aux algorithmes, prenant en compte notamment le facteur d’impact, pour sélectionner des dossiers, mais s’indignent d’un serment de thèse destiné à protéger l’intégrité scientifique des jeunes chercheurs. Je ne comprends pas cette vision des choses, alors que ce serment redonne de la visibilité à la thèse, au doctorat et à sa valeur symbolique.

Cette motion ne voit en ce serment que de la contrainte. Il s’agit aussi de penser des droits parce que la personne a son doctorat. En cela, c’est un embryon des réflexions sur le statut de chercheur, indépendamment du cadre d’emploi, en pensant aussi aux chercheurs du privé.

Cette réaction du CNU n’est-elle pas liée au fait que le serment vient d’un travail parlementaire, et peut-être perçu comme injonction politique ?

Quand nous avons entamé notre travail avec Pierre Henriet Premier vice-président @ Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) • Député LREM de la 5e circonscription de Vendée @ Assemblée nationale
[député Renaissance de Vendée], nous avons interrogé la communauté universitaire sur leurs besoins en termes d’intégrité scientifique. C’est elle qui nous a exprimé le besoin d’outils législatifs.

Cela s’entend dans un contexte plus global : l’augmentation des méconduites scientifiques, notamment dans les disciplines où la recherche obéit à des critères plus récents, de performance individuelle, où les questions d’évaluation quantitative sont très présentes.

Quel est votre diagnostic sur la situation des jeunes chercheurs ?

Les doctorants ou les jeunes docteurs subissent une double injonction, entre des situations de manquements à l’intégrité scientifique et leur éthique : le serment, c’est ce qui permet de refuser.

Le serment, c’est ce qui permet de refuser »

Quand vous êtes jeunes docteurs, ou en post-doc, vous êtes tributaires des décisions d’un directeur d’un laboratoire. Et quand les situations ne sont pas bonnes, ainsi de cas où les résultats d’une recherche ne correspondent pas aux résultats attendus et que l’on arrange, de pressions ingérables, ou d’autres manquements à l’intégrité scientifique, il faut pouvoir se protéger.

Un des obstacles sur le serment n’est-il pas lié à sa forme ?

C’est possible, mais il faut laisser faire l’expérimentation pendant une première année. Je pense que la rédaction actuelle est technique et évite les ambigüités. Le serment est inscrit dans un arrêté, ce qui veut aussi dire que sa forme pourra évoluer.

Le serment n’est pas obligatoire. Les étudiants font leur choix en conscience. Ceux qui choisissent de le prononcer le voient comme une forme d’honneur. Ils sont en quête de sens ; leur dire qu’ils vont prononcer un serment participe du fait de ritualiser leur expérience et valorise le doctorat. 

Pierre Ouzoulias


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Chargé de mission pour la recherche et la coopération scientifique
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Fiche n° 29852, créée le 04/04/2018 à 15:34 - MàJ le 12/10/2023 à 09:20

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