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Université de La Réunion : 10,3 M€ recouvrés par l’État et la région ; tensions avec le rectorat

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Actualité n°271770 - Publié le 24/11/2022 à 17:28
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Université de La Réunion - ©  D.R.

« Cela fait un an et demi que nous avons tiré la sonnette d’alarme sur la situation financière de l’université. Nous avons enfin pu obtenir un début de réponse avec cette annonce, qui n’est pas une aide, mais un recouvrement de sommes avancées par l’université », déclare Frédéric Miranville Membre du CA @ France Universités • Président (suspendu à titre conservatoire au 06/10/2023, pour un an) @ Université de la Réunion • Professeur des universités en physique du bâtiment au sein du… , président de l’Université de La Réunion, à News Tank, le 23/11/2022.

Il réagit à l’annonce par le rectorat de la Réunion le même jour du versement par l’État et la Région de 10,27 M€ « qui viendront abonder la trésorerie de l’université à très court terme pour garantir le paiement des personnels et des fournisseurs en attente ».

L’université a en effet engagé pour 48 M€ sur des opérations immobilières. Des moyens financés par le plan de relance et le contrat de convergence et de transformation, et des projets scientifiques financés par les fonds Feder Fonds européen de développement régional . Sur les 28,2 M€ pour lesquels elle attend un remboursement, 14,1 M€ restent à recouvrer. Cela a notamment conduit l’université à mettre en attente 2,9 M€ dus à 500 fournisseurs, souvent des TPE Très petite entreprise , et à mettre fin à 31 CDD Contrat à durée déterminée .

Le rectorat annonce aussi une mission de l’Igésr Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche « afin que l’établissement puisse désormais suivre de manière plus rigoureuse le recouvrement des fonds européens et du plan de relance ».

Une formulation qui a suscité une vive réaction de la section Sgen-CFDT Syndicat général de l’Éducation nationale - Confédération française démocratique du travail pour qui le rectorat « fait porter toute la responsabilité de la crise que vit actuellement l’université à ses agents (chercheurs et Biatss Bibliothèques, Ingénieurs, Administratifs, Techniciens, Social, Santé ) », indique-t-elle le même jour. Elle appelle à une réunion intersyndicale le 25/11 et n’exclut pas le dépôt d’un préavis de grève.

Frédéric Miranville « remercie la ministre pour son intervention qui permet de débloquer la situation pour 2022, mais reste très soucieux pour 2023, car beaucoup de sommes restent à recouvrer. Nous pourrions nous retrouver dans la même situation dans trois mois. »


« Nous avons largement anticipé la situation »

Selon le rectorat de La Réunion, l’université a reçu en octobre 1,993 M€ de l’État et 2 M€ de la région et doit recevoir « d’ici la fin décembre 1,277 M€ de l’État et 5 M€ de la région », correspondant au recouvrement de fonds européens Feder et du plan de relance.

Cette annonce intervient après le vote par le CA Conseil d’administration de l’université le 03/11 d’une motion « demandant aux deux financeurs (État et région) de reverser rapidement les fonds », indique Frédéric Miranville, à News Tank.

Il a par ailleurs envoyé un courrier à Sylvie Retailleau
, ministre de l'ESR Enseignement supérieur et recherche . Mais il rappelle que des actions avaient été engagées dès 2021.

« Contrairement à ce que certains font croire, nous avons largement anticipé cette situation. J’ai envoyé un courrier au MESR Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche en novembre 2021, et nous avons validé un plan d’action en CA en décembre 2021. Nous avons tout fait pour éviter d’en arriver là. »

Réorganisations, pièces justificatives, inflation : des raisons multiples à cette situation

Comment expliquer ces difficultés de recouvrement alors que de l’avis du président de l’université, ils étaient auparavant plus rapides ?

« Le retard des derniers mois s’explique par des raisons diverses.

  • Du côté du rectorat, il me semble qu’il y a un ralentissement dû à des circuits internes qui ont changé, et des problématiques avec des personnels en manque de disponibilité.
  • Il y a eu aussi des cas où nous avons produit des pièces justificatives qui n’étaient pas satisfaisantes au regard des attentes du rectorat, il reste donc des choses à améliorer de notre côté », indique-t-il.

« Du côté de la région, la réorganisation qui a suivi l’arrivée d’une nouvelle équipe politique a ralenti les procédures. Nous sommes aussi dans un contexte de fonds européens pour lesquels le cahier des charges demande une rigueur importante en matière de justificatifs.

Nous nous sommes rendu compte que sur bon nombre de dossiers, quand il manquait un justificatif même sur une petite portion des finances, l’ensemble des sommes étaient bloquées. Mais nous avons fait valoir auprès de la collectivité que nous étions sur des sommes très importantes, elle a réagi positivement et recruté des agents dédiés à l’université qui commencent donc à traiter les dossiers. »

Enfin, il pointe le contexte économique « qui, à la décharge de nos financeurs, a créé un effet ciseau pour l’Université de La Réunion, avec des charges lourdes imprévues dues à l’inflation, la non-compensation du point d’indice, la hausse du coût des matériaux et du fret. »

« Améliorer le process global »

Le président insiste sur le fait que l’université n’a pas de problème budgétaire : « C’est une problématique financière liée à de la trésorerie déportée. Et quand on nous rétorque qu’on aurait dû réduire les dépenses, ce n’est pas sérieux ! Dans un projet immobilier, on ne va pas interrompre les travaux, ni pour des projets scientifiques demander aux chercheurs de laisser tomber leurs expérimentations. Cela ne se voit jamais ! ».

Il reconnaît toutefois que l’université peut améliorer certains aspects en matière de gestion. « À la suite d’une inspection de l’IGF Inspection générale des finances , l’université a adopté un plan d’action qu’elle commence à déployer. C’est d’ailleurs ce qui a permis de freiner les dépenses et d’anticiper avant d’arriver à un défaut de paiement. »

Frédéric Miranville ajoute être favorable à la mission de l’Igesr annoncée par le rectorat pour accompagner l’université. « À chaque fois qu’une mission est venue nous avons ouvert portes et placards. Nous ne sommes pas parfaits, mais désireux d’améliorer notre organisation, à condition qu’il s’agisse aussi d’améliorer le process global touchant aux interactions entre l’université, l’État via le rectorat et le conseil régional, sur la gestion des fonds. »

Interrogé sur le fonds d’intervention de l’État pour les établissements publics d’ESR, prévu dans le cadre du second PLFR 2022, Frédéric Miranville indique que l’université a reçu un premier versement pour 365 k€ « et qui visiblement identique pour toutes les universités. Il est à mettre en regard avec une projection de 2,9 M€ de surcoûts pour 2022, et de 4,3 M€ pour 2023 ».

« Nous savons qu’un second volet de moyens issus de ce fond sera attribué, au cas par cas en fonction des besoins des établissements, mais nous ne savons pas si cela passera par le rectorat ou sera géré par le MESR. Nous n’avons pas été sollicités à ce jour. » 

Le rectorat pointé du doigt par le Sgen-CFDT

Si le Sgen-CFDT « salue l’intervention de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, alertée sur la situation par l’université, pour débloquer le versement des fonds dus », il estime que le rectorat porte une responsabilité dans la situation.

« Alors que le conseil régional met tout en œuvre pour accompagner l’université et trouver des solutions rapides, ce n’est semble-t-il pas le cas du rectorat qui affiche plutôt une forme de mépris comme lors de l’audience que la section a obtenue le 14/11/22 et par la publication le 23/11/22 d’un communiqué de presse à charge », indique-t-il. Selon lui, le rectorat doit verser 7 M€ à l’université.

« Si pour la section universitaire du Sgen-CFDT, l’heure n’est pas à la recherche de responsabilités, mais à celle de la recherche de solutions en urgence, il faudra cependant comprendre les raisons d’un tel comportement de l’académie.

Elle devrait plutôt être un partenaire de l’université et l’accompagner dans son développement au plus grand profit du territoire.

La section constate au contraire que le rectorat, de son côté, impute les dysfonctionnements aux agents de l’université qui n’auraient pas géré de façon rigoureuse la “complexité des appels à projets européens”. Ces accusations ne sont pas acceptables. »

« Nous nous attendions à être accompagnés plutôt que pointés du doigt » (F. Miranville)

Interrogé sur cette réaction du syndicat, Frédéric Miranville dit la comprendre. « Au-delà de la complexité technique, il faut prendre en compte la dimension humaine. Les personnels de l’université ont été mis à rude épreuve pendant le Covid, et ont le sentiment que ce n’est pas pris en compte et qu’on estime que leur travail n’est pas au niveau. Ils trouvent cela injuste. »

« Ils voient aussi certains de leurs collègues pâtir de la situation, leur CDD n’étant pas renouvelé. Et sur les prestataires, tout le monde connaît de près ou de loin un employé ou un dirigeant d’une PME Petites et moyennes entreprises ou TPE en difficulté parce que l’université n’a pu encore honorer des factures… »

« Cette situation est une responsabilité a minima partagée et nous nous attendions à être accompagnés plutôt que pointés du doigt. Cela fait des décennies que l’université gère des fonds européens et qu’elle le fait bien. »

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