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Sorbonne Université : « Poursuivre la construction avec une vision et une identité communes »

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Interview n°268984 - Publié le 28/10/2022 à 15:55
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©  Laurent Ardhuin
©  Laurent Ardhuin

• Disposer d’une vision plus intégrée de la consommation des crédits en temps réel et mettre en place plus de la solidarité entre facultés.
• Être beaucoup plus dans l’expérimentation, faire bouger les lignes et accepter le droit à l’erreur dans son travail.
• Une phase d’auto-évaluation Hcéres Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur  « extrêmement importante pour réaffirmer la nécessité d’autonomie des universités ».
• La volonté d’expérimenter les premiers COMP Contrat d’objectifs, de moyens et de performance avec l'État.
• Réaliser un inventaire précis des actions à l’international.

Ce sont quelques-unes des priorités de Nathalie Drach-Temam, présidente de Sorbonne Université, qui s’exprime lors d’un entretien à News Tank, le 28/10/2022.

Élue en février 2021, elle revient sur sa vision et sa pratique de la gouvernance : équipe resserrée de vice-présidents, travail de l’administration pour homogénéiser les pratiques et simplifier les procédures, rendez-vous réguliers avec les syndicats et transparence accrue. 

Interrogée sur la fusion UMPC-Paris 4, elle déclare : « Le projet sur lequel j’ai été élue est de mettre en place une université intégrée, de poursuivre la construction avec une vision et une identité communes. Nos diversités en recherche et en formation sont des atouts, il y a des spécificités fortes dans nos trois facultés. Mais il ne doit pas y en avoir sur l’administration ni sur le fonctionnement. »

« Notre ambition reste de soutenir la recherche fondamentale au cœur des disciplines comme aux interfaces, et d’encourager le dialogue entre les arts, la culture, les sciences, l’ingénierie, les lettres, les langues, la médecine et la société. Ce que nous portons c’est de remettre la science au cœur du débat démocratique, placer la connaissance au service de l’action », déclare-t-elle.


« La mise en place d’une équipe de VP resserrée »

La fusion de l’UPMC Université Pierre et Marie Curie et de Paris 4 au 01/01/2018 est-elle derrière vous ?  

Le projet sur lequel j’ai été élue est de mettre en place une université intégrée, de poursuivre la construction avec une vision et une identité communes.

Sur le plan du fonctionnement administratif, un travail considérable sur l’harmonisation, la simplification, est porté par l’équipe de direction générale. Nous devons parvenir à cette harmonisation pour des questions d’équité RH quelle que soit la structure d’origine des personnels, mais aussi pour homogénéiser les pratiques et outils de travail pour piloter notre université.  

Nos diversités en recherche et en formation sont des atouts, il y a des spécificités fortes dans nos trois facultés. Mais il ne doit pas y en avoir sur l’administration ni sur le fonctionnement. Nous devons avoir une politique RH unique et les étudiants sont des étudiants de Sorbonne Université, avec un agenda culturel et des services identiques pour tous. 

Concrètement, comme se traduit la mise en place de l’université intégrée que vous souhaitez ? 

Sur l’aspect scientifique et l’intérêt de ce regroupement, nous avons prouvé, avec nos instituts et initiatives, que la pluridisciplinarité est un atout. 

Chaque faculté sait ce que les autres prévoient »

Dans la gestion et la stratégie, nous avons changé la façon de faire les budgets, qui sont désormais élaborés par missions et plus par faculté. Recherche, formation, soutien : nous travaillons les projets sur ces trois dimensions, tous ensemble. Ainsi, chaque faculté sait ce que les autres prévoient sur chaque item. Bien sûr, après cette discussion, les facultés disposent d’un budget agrégé.  

À l’avenir, nous aurons besoin d’une vision plus intégrée de notre consommation des crédits en temps réel. Je souhaite aussi mettre en place plus de solidarité entre facultés. Il faut qu’il y ait un budget par faculté, mais qu’à des moments clés on puisse avoir des évolutions en fonction des besoins des uns et des autres. 

Nous allons passer à une prochaine étape : être beaucoup plus dans l’expérimentation, faire bouger les lignes et accepter le droit à l’erreur dans son travail. 

L’enjeu pour notre administration sera aussi de simplifier, de coller encore davantage aux besoins des chercheurs et enseignants-chercheurs dans leurs nouvelles missions. 

« Beaucoup a été fait pour installer un travail en confiance avec le ministère, le CNRS, l’Inserm Institut national de la santé et de la recherche médicale etc, renforcer notre politique d’influence via Udice Association réunissant les universités labellisées Idex ou la Leru League of European Research Universities que nous avons pleinement réinvesties. Mais il est aussi logique que les premiers mois du mandat soient consacrés à l’installation en interne.

Dans l’écosystème actuel de l’ESR Enseignement supérieur et recherche l’un ne va pas sans l’autre. On ne peut pas à la fois affirmer sa signature en externe, avec un projet lauréat de l’APP Excellences, sans se mettre en ordre de marche en interne pour lancer ce projet !

Notre seul nom “Sorbonne Université“ nous oblige vis-à-vis de l’extérieur à être à la hauteur des enjeux que nous nous sommes fixés et que nous sommes fiers de porter collectivement. »

L’une de vos priorités était de mettre en place une nouvelle gouvernance pour Sorbonne Université. Comment avez-vous procédé ? 

Je portais en effet un projet qui était de casser les silos, qu’ils soient disciplinaires ou de missions. Cela passait par la mise en place d’une équipe de VP Vice-président(e) resserrée, permettant des regroupements de mission et de travailler ensemble sur tous les sujets. Les sept VP et moi constituons une équipe extrêmement agile, très réactive. 

Nous avons nommé des conseillers chargés de mener des projets transverses. Par exemple, un conseiller développement durable et transition environnementale est conduit à travailler avec tous les VP, ou un conseiller en charge de l’université européenne 4EU+, ou encore un conseiller pour la diplomatie scientifique. 

À noter également la nomination de trois conseillers chargés de mission sports et JO Jeux olympiques . Ils sont chargés de répertorier tout ce que l’on fait en formation et recherche, d’accompagner nos collègues, de susciter des projets étudiants et plus largement de porter la pratique sportive au sein de l’université qui compte 12 qualifiés potentiels aux JO 2024. Accompagner nos étudiants vers la réussite, qu’elle soit académique, artistique ou sportive, c’est la mission première de notre université.

  • Les vice-présidents et leur périmètre

Au quotidien, quelles sont vos principales instances de gouvernance ? 

Notre équipe de gouvernance réunit la présidente, les VP, la doyenne et les deux doyens des trois facultés. Nous nous réunissons pour travailler ensemble une fois par mois sur la politique de l’établissement. 

En miroir de l’équipe de gouvernance, une équipe de direction générale comprenant le DGS Directeur/trice général(e) des services , les trois DGS adjoints et les DG de facultés se réunissent toutes les semaines. 

Les discours sont beaucoup plus cohérents et articulés »

Le comité exécutif, constitué de l’équipe de gouvernance et de l’équipe de direction générale, se réunit tous les quinze jours. Dans cette configuration, l’équipe de gouvernance travaille avec l’administration pour revoir les projets que l’on souhaite porter, les prioriser, et avoir un retour sur leur faisabilité. 

Avec cette organisation, nous travaillons dans la même direction, les discours sont beaucoup plus cohérents et articulés. Tous les services travaillent dans le même sens. 

Et plus largement, en interne ?  

Au regard de la taille de Sorbonne Université, la gouvernance doit être capable d’avoir une vision d’ensemble et une stratégie d’établissement sans que celle-ci soit déconnectée des spécificités de terrain en recherche et en formation, et de chacun. Il y a un équilibre à trouver entre répondre aux problématiques des collègues au quotidien et porter un projet transformant sur le temps long.

Pour cela, je souhaitais un dialogue direct et de proximité avec la communauté : avec les VP, nous allons à la rencontre des personnels. Cela passe par des réunions mensuelles avec tous les directeurs d’UFR Unité de formation et de recherche et par des AG Assemblée générale

Cela peut paraitre un détail, mais j’ai aussi souhaité que l’on diffuse les comptes-rendus de toutes les réunions de gouvernance et du comité exécutif pour tenir la communauté informée régulièrement.

Je rencontre également les organisations syndicales à mon initiative trois fois par an, une à une. Bien sûr, je les reçois à leur demande en cas de problème, mais dans ces trois réunions annuelles ma volonté est de discuter de tous les sujets de préoccupation et d’anticiper certains.  

« Nous avons des difficultés de recrutement et d’attractivité. Nous allons revoir notre politique RH et chercher à proposer aux collègues une palettes d’avantages », déclare la présidente de Sorbonne Université. 

Nous souhaitons aussi recruter davantage de jeunes sans expérience et beaucoup plus d’apprentis.D’ailleurs, c’est ce que nous faisons déjà dans des secteurs très tendus comme l’informatique ou les RH en formant des jeunes sans expertise à nos process et outils.

Nous aimerions également être plus autonomes dans la promotion de nos collègues."

« Remettre la science au cœur du débat démocratique »

Comment évolue votre politique scientifique ? 

Notre ambition reste de soutenir la recherche fondamentale au cœur des disciplines comme aux interfaces, et d’encourager le dialogue entre les arts, la culture, les sciences, l’ingénierie, les lettres, les langues, la médecine et la société. La force de Sorbonne Université c’est ce spectre disciplinaire très large qui va des humanités classiques aux disciplines émergentes au fort impact technologique ou sociétal.

Ce que nous portons c’est de remettre la science au cœur du débat démocratique, placer la connaissance au service de l’action. Il s’agit de faire savoir que l’université est légitime pour contribuer au débat public et conseiller les décideurs. 

Faire la preuve de notre professionnalisme. »

Nous entrons dans la phase d’auto-évaluation Hcéres Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur et allons profiter de ce moment important pour construire notre projet Excellence PIA Programme d’investissements d’avenir . Sound va accompagner le renforcement de notre identité d’université pluridisciplinaire ayant un rôle essentiel dans la société. 

Je conçois cette auto-évaluation comme extrêmement importante, c’est un moment pour réaffirmer la nécessité d’autonomie des universités. Nous avons la capacité à être autonomes, nous allons, grâce à cet exercice, faire la preuve de notre professionnalisme, de notre capacité à gérer des budgets et des RH et à porter des projets.

Comment allez-vous conduire cette auto-évaluation pour qu’elle fasse la démonstration de votre capacité à vous saisir de votre autonomie ? 

Je suis complètement d’accord avec l’approche du Hcéres : nous voulons en faire un processus intégré, continu et allégé. Nous devons partir de l’existant, à savoir notre évaluation Hcéres précédente et notre contrat avec l’État. Nous devons parvenir à faire le lien entre l’ensemble des objets de l’université au regard de la stratégie de l’établissement.

Cela doit être conduit en partenariat avec les organismes de recherche afin de cadrer les choses ensemble vis-à-vis des laboratoires et de faire les mêmes demandes de documents aux équipes.  

Nous devons différencier ce que nous demandons en interne en regardant ce qui s’est passé au cours des cinq ans dans la vie de nos labos. Nous n’avons pas besoin d’analyser avec la même intensité nos 175 structures de recherche.  

Serez-vous volontaire pour expérimenter les COMP Contrat d’objectifs, de moyens et de performance avec l’État ?  

Nous sommes dans le bon timing.   »

Oui, j’ai déjà dit que j’étais prête à expérimenter le COMP, c’est la suite logique du travail que je viens d’évoquer. La dynamique d’évaluation et le projet d’établissement qu’on va décrire pour le Hcéres, devraient être suivis d’un COMP avec l’État en intégrant la notion d’objectifs et de moyens de les atteindre. Nous sommes dans le bon timing.

Le dialogue avec le Mesri Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation sous la présidence de Jean Chambaz était parfois difficile, voire inexistant. Qu’en est-il aujourd’hui ? 

La relation est très bonne avec le ministère, la ministre et ses collaborateurs. 

« Un lieu totem pour tout notre écosystème d’innovation »

En matière d’innovation, quels sont vos objectifs pour votre PUI  Pôle universitaire d’innovation  ? 

Nous avons réalisé un gros travail sur notre PUI. Le point important c’était la coordination de tous les acteurs : Satt Sociétés d’accélération du transfert de technologies , incubateur, pôle de compétitivité, organismes de recherche, ville et région. Les moyens obtenus permettent de financer ce travail conjoint.  

Nous voulons inscrire ce PUI dans une dimension européenne puisque nous sommes engagés dans trois KIC Knowledge and innovation community (santé, climat et IT). Ce PUI vise à offrir un écosystème accessible à tous les personnels, à tous les étudiants et aux alumni de l’université. Il comporte un volet extrêmement important sur la sensibilisation et l’accompagnement des étudiants via notre Pépite Pôle étudiant pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat

À noter que les travaux de Paris Parc débuteront fin 2022 : d’ici deux ans nous aurons un lieu totem pour tout notre écosystème d’innovation, ainsi qu’un hôtel à projets et une pépinière d’entreprises. Nous allons sans tarder nous projeter pour en organiser l’animation et faire vivre le lieu.  

Où en est votre Satt ? 

La procédure pour obtenir un financement dans le cadre de l'AAP Appel à projets Booster est encore en cours. L’écosystème d’innovation et de transfert parisien est spécifique avec de nombreux acteurs (AP-HP Assistance publique-hôpitaux de Paris , Inserm, CNRS, Structures d’accélération…). Cette diversité est riche d’opportunités et de transferts de résultats pour nos collègues, mais il est nécessaire de l’appréhender. Notre Satt, pilier du PIU, accompagne une partie des affaires de l’Alliance Sorbonne Université de l’ordre de 30 % de flux.

Quel avenir voyez-vous pour votre université européenne ? 

Notre alliance s’est renforcée avec l’élargissement à l’Université de Genève. C’est une coopération intéressante, un enrichissement mutuel, en recherche, en formation et sur le plan de l’administration.  

Nous y travaillons bien, les échanges sont bons. L’alliance doit nous permettre de faire de l’internationalisation à tous les niveaux.  

Ces nouveaux objets peuvent, j’en suis convaincue, contribuer à la création d’un système universitaire européen. Elles peuvent donner une meilleure visibilité et favoriser une meilleure vision de ce qu’est l’ESR au niveau européen. Et ainsi permettre de mieux penser les politiques en direction des universités. 

Plus largement à l’international quelles sont vos priorités ? 

Nous sommes en train de réaliser un inventaire précis de notre action à l’international. Nous y verrons plus clair début 2023, mais d’ores et déjà, le contexte international nous y encourage en réorientant ou en réaffirmant certains partenariats.

Nous fonctionnerons non pas à l’opportunité, mais davantage en étudiant en amont l’intérêt réel de monter des partenariats forts et intégrés, au-delà de la simple mobilité.

Nouer des partenariats soutenables. »

Ce qui est sûr, c’est que les axes de notre projet Excellences Sound (One health : approche globale de la santé ; One humanity : sociétés, langues et cultures en mutation ; One earth : ressources pour une planète durable) seront autant de balises autour desquelles construire ces relations.

En clair, nous souhaitons ainsi nouer des partenariats soutenables, en phase avec nos valeurs, notamment avec des institutions qui promeuvent la connaissance comme bien commun. 

Nathalie Drach-Temam


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Parcours

Udice
Vice-présidente
France Universités
Membre du CA
Sorbonne Université
Professeure d’informatique affiliée au LIP6
Sorbonne Université
Vice-présidente recherche, innovation et science ouverte
Université Paris 6 - Pierre et Marie Curie (UPMC)
Vice-présidente formation et insertion professionnelle
Université Paris 6 - Pierre et Marie Curie (UPMC)
Vice-présidente insertion professionnelle
LIP6 - Laboratoire d’informatique de Paris 6
Responsable d'équipe de recherche
Université Paris 6 - Pierre et Marie Curie (UPMC)
Responsable du master « Systèmes électronique et systèmes informatiques »
Université Paris-Sud (Paris 11)
Maître de conférences

Établissement & diplôme

Université de Rennes 1
Doctorat en informatique

Fiche n° 30420, créée le 07/05/2018 à 15:49 - MàJ le 10/01/2024 à 15:22

Sorbonne Université

Catégorie : Universités
Entité(s) affiliée(s) : Institut Henri Poincaré / Maison des mathématiques (IHP)


Adresse du siège

15-21 Rue de l'École de Médecine
75006 Paris France


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Fiche n° 4949, créée le 24/04/2017 à 10:35 - MàJ le 09/04/2024 à 16:33

©  Laurent Ardhuin
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