« Les CCI peuvent créer et piloter de nouveaux établissements d’enseignement » (Guillaume Cairou)
« À l’heure des transitions écologique, numérique et sociale, nous avons à proposer des formations dans les domaines porteurs d’innovation et de croissance respectueuse de l’environnement, dont les entreprises françaises, souvent des TPE-PME, ont bien du mal à recruter aujourd’hui », écrit Guillaume Cairou, président de la CCI
Chambre de commerce et d’industrie
des Yvelines et VP
Vice-président(e)
de la CCI Île-de-France, dans une tribune pour News Tank, le 21/07/2022.
Il appelle à « sortir de cette stérile “logique du diplôme“ [ce qui] nous amènera à freiner la production aveugle d’armées de cols blancs, en valorisant mieux les filières scientifiques, techniques, industrielles et artisanales aux yeux des talents de demain et de l’opinion publique en général ».
Il propose :
• une meilleure allocation du temps consacré au choix d’orientation ;
• que les entreprises aillent encore plus à la rencontre des talents de demain ;
• le retour immédiat des mathématiques dans le tronc commun obligatoire des matières apprises au lycée, ainsi que l’enseignement de l’innovation à l’école ;
• et que les CCI créent et pilotent de nouveaux établissements d’enseignement à cet effet, à l’image du « Lycée CCI » porté par la CCI du Gard.
« Autant de petites mesures qui, mises bout à bout, peuvent rapidement faire entrer la France dans l’ère du numérique et de la production responsable de biens à forte valeur ajoutée, grâce à des entrepreneurs audacieux et des travailleurs qualifiés motivés. »
Sortons de la stérile « logique du diplôme »
En 2022, la France souffre toujours d’un système éducatif inadapté : la formation est pensée, et surtout vécue, comme une fin et non comme un moyen. Résultat, ce sont chaque année des milliers d’étudiants qui, une fois leur diplôme décroché, se rendent compte qu’ils ne s’épanouiront pas professionnellement dans la voie qu’ils ont choisie de suivre au départ.
L’autre mauvais point de cette architecture mentale est la survalorisation des formations dites prestigieuses : dans notre pays davantage qu’ailleurs, le prestige de certains parcours d’études, au premier rang ceux des grandes écoles, justifie parfois à lui seul nombre de choix d’orientation des jeunes - choix qui ne leur revient au demeurant pas toujours pour des raisons de reproduction sociale.
C’est donc un renversement complet de logique qu’il faut opérer, en passant d’une politique de l’offre à une véritable politique de la demande. À l’heure des transitions écologique, numérique et sociale, nous avons à proposer des formations dans les domaines porteurs d’innovation et de croissance respectueuse de l’environnement, dont les entreprises françaises, souvent des TPE Très petite entreprise -PME Petites et moyennes entreprises , ont bien du mal à recruter aujourd’hui.
Dans le même temps, sortir de cette stérile « logique du diplôme » nous amènera à freiner la production aveugle d’armées de cols blancs, en valorisant mieux les filières scientifiques, techniques, industrielles et artisanales aux yeux des talents de demain et de l’opinion publique en général.
L’appariement défectueux entre offre de formations et demande de talents s’est aggravé ces dernières années, à tel point qu’un changement de politique est devenu urgent.
- Du côté des travailleurs, alors que « seulement » un Français sur deux souhaitait changer de métier en 2019 [1], ils sont aujourd’hui 90 % à vouloir se donner une nouvelle perspective professionnelle [2].
- Les entreprises aussi évoluent dans un environnement plus que jamais mouvant, entre boom technologique et nouvelles aspirations d’inclusion sociale et de souveraineté économique. Rappelons à cet effet que 85 % des emplois qui existeront en 2030 n’ont pas encore été créés [3] !
C’est tout un monde nouveau qui se construit, à base d’intelligence artificielle, de robotique et de réalité virtuelle. Nos entreprises peuvent devenir les leaders de ces marchés encore embryonnaires, mais en pleine expansion. Pour cela, nous devons leur apporter les talents dont elles ont besoin, ce qui implique de former ces derniers au préalable.
Bâtissons une véritable politique éducative de la demande
Faire émerger les smart cities, développer l’agritech et la foodtech, inventer un tourisme écoresponsable, accompagner l’e-sport et l’art numérique sont autant de projets nécessitant un vivier important de personnes qualifiées.
Notre système éducatif, d’un temps désormais révolu, doit donc lui aussi s’adapter aux nouvelles réalités.
Du temps pour l’orientation
Le premier pilier serait indéniablement une meilleure allocation du temps consacré au choix d’orientation. En plus d’être couramment critiqué pour son opacité et sa trop grande complexité [4], le dispositif Parcoursup souffre d’une temporalité peu propice à une formulation éclairée de ses vœux de formation : l’enjeu essentiel de l’avenir professionnel se retrouve, au moment crucial, prisonnier du stress général des révisions pour les épreuves du baccalauréat, diplôme certes important, mais de court terme dans la perspective d’une carrière.
Des temps de plusieurs semaines, en amont du baccalauréat et entièrement consacrés à la recherche de sa voie professionnelle, mériteraient alors d’être implémentés dans le calendrier scolaire, au lycée et même dès le collège.
Ces temps spécifiquement dévolus à la construction de son début de carrière auraient nécessairement pour corollaire une meilleure information et écoute des élèves. Les exemples de choix effectués en méconnaissance de la réalité du métier ne sont pas difficiles à trouver, il n’y a pour cela qu’à consulter les taux d’échec astronomiques en première année à certaines formations, le plus souvent généralistes et accueillant des étudiants en surnombre, par abandon faute de réelle motivation.
Des stages afin de susciter davantage de vocations »Toujours dans un axe de rééquilibrage entre l’offre de formations et la demande des entreprises, ce sont ces dernières qui doivent encore plus partir à la rencontre des talents de demain, directement dans les établissements d’enseignement du secondaire, et leur proposer des stages en leur sein afin de susciter davantage de vocations, bien au-delà des quelques grandes écoles de commerce et d’ingénieurs prestigieuses.
Également, les débouchés professionnels à la sortie des cycles de formation gagneraient à être plus transparents, notamment sur Parcoursup, certains diplômes ouvrant l’accès à un marché déjà saturé d’entrants quand des pans entiers de la nouvelle économie sont sous-exploités.
Des solutions pour répondre aux besoins
Enfin, des solutions plus transversales existent afin de répondre au besoin de ressources humaines de nos chefs d’entreprises innovantes.
Parmi elles, le retour immédiat des mathématiques dans le tronc commun obligatoire des matières apprises au lycée, ainsi que l’enseignement de l’innovation à l’école même, dans une approche bien plus ambitieuse que les quelques heures de cours de technologie par semaine dispensées actuellement.
Les Chambres de commerce et d’industrie, en lien avec les services déconcentrés de l’État et ceux des régions, porteraient une initiative de présentation des métiers de demain dans les collèges et lycées de leur territoire, avec des entrepreneurs locaux volontaires des filières industrielles et agroalimentaires. Elles pourraient aussi créer et piloter de nouveaux établissements d’enseignement à cet effet, à l’image du « Lycée CCI Chambre de commerce et d’industrie » porté par la CCI du Gard [5].
De nouvelles écoles dédiées aux professions d’avenir »L’État central aurait, pour sa part et avec le concours des entrepreneurs du nouveau monde, la charge de dresser le catalogue complet des besoins de formation et, en conséquence, ouvrirait de nouvelles écoles dédiées aux professions d’avenir, dont les formations seraient définies par les représentants des secteurs économiques en tension.
Autant de petites mesures qui, mises bout à bout, peuvent rapidement faire entrer la France dans l’ère du numérique et de la production responsable de biens à forte valeur ajoutée, grâce à des entrepreneurs audacieux et des travailleurs qualifiés motivés. Le plein-emploi et la croissance durable se trouvent dans les nouvelles usines high-tech, pas dans les tours de bureaux des quartiers d’affaires.
[1] étude Lab’Ho Adecco : https://www.nouvelleviepro.fr/actualite/829/52-des-actifs-aimeraient-changer-de-metier
[2] Sondage Nouvelleviepro : https://www.helloworkplace.fr/chiffres-cles-reconversion-professionnelle/
[3] Article Pôle emploi basé sur étude Dell - Institut pour le futur : https://www.pole-emploi.fr/actualites/le-dossier/les-metiers-de-demain/85-des-emplois-de-2030-nexistent.html
[4] https://www.la-croix.com/Famille/lyceens-etudiants-critiques-legard-Parcoursup-2022-06-04-1201218456
[5] https://gard.cci.fr/formations/le-lycee
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