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« Sciences sociales en danger ? » à l’EHESS : répondre à la « polarisation de la communauté académique »

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Actualité n°255679 - Publié le 21/06/2022 à 14:44
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Isabelle Thireau, sociogue à l’EHESS - ©  D.R.

« L’idée de ce colloque est née du sentiment qu’il fallait répondre à des manifestations très diverses pouvant être prises comme des menaces ou des critiques envers les sciences humaines et sociales, voilà pourquoi nous parlons de “sciences sociales en danger ?” ».

C’est ce que déclare d’Isabelle Thireau, sociologue spécialiste de société chinoise contemporaine, organisatrice du colloque de l’EHESS École des hautes études en sciences sociales « Sciences sociales en danger ? Pratiques et savoirs de l’émancipation » au Campus Condorcet les 23 et 24/06/2022, dans une interview accordée à News Tank le 20/06.

« Un des points déclencheurs fut notamment les attaques de la ministre Frédérique Vidal Conseillère spéciale du président @ European Foundation for Management Development (EFMD)
il y a deux ans contre les sciences sociales, quand elle a déclaré que l’“islamo-gauchisme” gangrène l’université. Les propos de Jean-Michel Blanquer Président @ Terra Academia • Professeur @ Université Paris 2 - Panthéon-Assas
sur le “wokisme” ont aussi fortement renforcé et légitimé notre souhait de monter ce colloque », ajoute cette directrice d’études à l’EHESS et DR Directeur/directrice de recherche au CNRS Centre national de la recherche scientifique .

Selon elle, ce sentiment d’agression suite aux propos de Frédérique Vidal sur l’islamo-gauchisme est encore vif dans la communauté des SHS. « Ces propos ont déclenché deux effets :

• ils ont créé une sorte de polarisation au sein de la communauté académique entre ceux qui se manifestaient contre ces propos et ceux qui disaient qu’ils avaient peut-être une part de vérité ;
• et cette polarisation n’était pas propice à un débat nécessaire au sein même des SHS pour répondre à cette critique de manière posée ».

La communauté des SHS « souhaite un apaisement et pouvoir discuter avec la nouvelle ministre de l’ESR Enseignement supérieur et recherche , Sylvie Retailleau
 ».

L’organisation de colloque avait été annoncée par l’EHESS le 24/02/2021. Son président, Christophe Prochasson Directeur d’études @ EHESS • Président @ EHESS (École des hautes études en sciences sociales)
Domaines de recherche / Thèmes principaux : Histoire de la France contemporaine (XIXe-XXe
avait fait par de sa « stupéfaction » face aux propos de Frédérique Vidal.


« Un colloque qui ambitionne vraiment d’être un lieu de discussion »

« Il nous a semblé nécessaire de répondre à ces critiques. Mais plutôt que de le faire de façon rapide et sur la défensive, ce qui favorise les polarisations et les simplifications, nous avons choisi de le faire en débattant, avec des enseignants-chercheurs et des étudiants mais aussi avec un public plus large :

  • pour essayer d’expliciter nos pratiques,
  • et décrire dans quelle conjoncture historique, et politique, se trouvent aujourd’hui les SHS, avec les nombreux décentrements qu’elles ont connus.

Ce colloque ambitionne donc vraiment d’être un lieu de discussion. »

Un colloque aussi en réaction à des politiques autoritaires

« Ce colloque est aussi né du fait que nous recevons dans nos laboratoires de plus en plus de chercheurs en exil, en raison de politiques autoritaires menées dans différents du pays du monde, des politiques qui affectent notamment les sciences humaines et sociales.

Ces politiques autoritaires touchent non seulement les communautés de chercheurs dans ces pays, mais aussi celles qui travaillent sur ces pays. Plusieurs chercheurs ayant dû s’exiler interviendront au colloque », ajoute-t-elle.

L’exemple récent de Hong-Kong

« On a par exemple appris il y a quelques jours que les manuels pour les écoles à Hong-Kong venaient d’être reconfigurés afin de pouvoir expliquer aux jeunes qu’elle n’a jamais été une colonie britannique. Il s’agit en quelque sorte d’effacer ce passé et de faire croire qu’Hong-Kong a toujours fait pleinement partie du monde chinois, et donc de demander aux historiens de Hong-Kong d’accepter de contribuer à la rédaction de tels manuels… »

Enfin, ce colloque « résulte aussi du fait que, dans des pays non autoritaires, les financements de la recherche, les modalités d’évaluation du travail académique ou l’accès aux archives peuvent également parfois poser problème ».

Les temps forts du colloque

Pour choisir les intervenants, les organisateurs ont souhaité mélanger les disciplines, les générations, les approches, les lieux d’origine, etc.

Pas de guest stars »

Le programme est organisé autour de quatre demi-journées, « mais sans conférence plénière inaugurale ni de “guest stars” qui auraient donné un “la” car nous voulons que tout reste au maximum ouvert ».

Chaque demi-journée est organisée en table-rondes et comporte environ six intervenants qui prendront la parole chacun 20 minutes avant une discussion avec le public. « Environ un tiers des intervenants viennent de l’EHESS, un deuxième tiers d’autres institutions et établissements français et le dernier tiers vient de l’étranger. »

Quatre tables rondes

Avec la première table ronde intitulée « Engagement dans les sciences sociales : contraintes et tensions dans le monde », « nous allons notamment essayer de comprendre ce que sont les libertés académiques et leur relation avec la liberté d’expression. Il y aura notamment la présentation d’un index des libertés académiques effectué sur plusieurs dizaines de pays de 1900 à 2012, basé sur six critères ».

La deuxième table ronde s’intéresse aux sciences sociales dans la cité, « autrement dit la manière dont les chercheurs, enseignants-chercheurs et étudiants répondent à toutes sortes de demandes de la société civile ».

La troisième demi-journée se penche sur la notion d’identité : « l’identité du chercheur qu’il est censé mettre à distance lorsqu’il travaille, mais également les identités ou les appartenances sur lesquelles travaillent des chercheurs en sciences humaines et sociales et qu’il s’agit d’appréhender et d’analyser ».

La dernière demi-journée a pour thème « Autorité et autonomie des sciences sociales : construire une communauté de pairs ». « Nous y discuterons des modalités de débat et de régulation entre pairs, entre chercheurs. Comment reconfigurer celles-ci ? ».

Un colloque pas seulement destiné à des spécialistes

Ce colloque n’est pas destiné qu’à un public de spécialistes « car il traite de sujets variés, qui associent la recherche en sciences sociales, la sphère politique et la société civile comme l’identité, la liberté d’expression, les liens science-société, etc. »

« On souhaite ainsi ouvrir le plus largement possible ce colloque afin que puissent y intervenir des personnes d’expériences et de points de vue différents.

Au total, nous avons déjà environ 200 inscrits pour chacune des quatre demi-journées, et on espère atteindre les 300 pour ce colloque qu’on a voulu 100 % présentiel pour favoriser les échanges au maximum. »

EHESS (École des hautes études en sciences sociales)

L’École des hautes études en sciences sociales est issue de la VIe section de l’École pratique des hautes études créée en 1947 sous l’égide de Lucien Febvre.


Catégorie : Écoles spécialisées


Adresse du siège

54 boulevard Raspail
75006 Paris France


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Fiche n° 1888, créée le 05/05/2014 à 12:22 - MàJ le 28/11/2024 à 10:33


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Isabelle Thireau, sociogue à l’EHESS - ©  D.R.