FCU : « Forte inertie à l’université, il faut des partenariats public-privé » (Marc Poncin, Icadémie)
« L’université est marquée par une forte inertie, et continue de discuter les mêmes questions qu’il y a dix ans. L’idée que faire du e-learning serait le premier pas pour se débarrasser des enseignants est toujours présente, mais tout à fait fausse. Il y a encore beaucoup de réticences et de freins », déclare Marc Poncin
Directeur Formation Continue et Apprentissage @ Icademie
, directeur formation continue et apprentissage d’Icadémie et ancien directeur du service formation continue de l’Université de Strasbourg, le 27/08/2020.
Marc Poncin est aussi l’auteur d’un ouvrage qui vient de paraître : « Du présentiel au e-learning efficient : comment développer une formation professionnelle à distance » (Dunod, 192 pages, août 2020).
Il revient pour News Tank sur les raisons de son départ du public vers le privé - lié à l’abandon d’un projet d’ « open université » pour développer la formation à distance en utilisant le dispositif des SUR (sociétés universitaires et de recherche) - et analyse le marché de la formation continue.
« Le rapport Germinet a initié (en 2015) un mouvement de développement de la FCU
Formation continue à l’université. Marque utilisée par la Conférence des directeurs de service universitaire de formation continue.
qui est depuis un peu retombé, et je ne vois pas de grande stratégie, nationale ou locale, se faire jour en la matière. Les parts de marché qui apparaissent me semblent plutôt devoir bénéficier au privé et aux acteurs du distanciel. Aujourd’hui une grande entreprise peut créer son bachelor ou son titre RNCP
Répertoire national des certifications professionnelles
et devenir concurrente de l’université. »
S’agissant d’Icadémie (3 000 étudiants, 300 personnels, 18 M€ de chiffre d’affaires), Marc Poncin la définit comme une « e-business school » qui propose 50 titres RNCP
Répertoire national des certifications professionnelles
à distance. Il y est chargé de développer la partie B to B, ce qui passe par des partenariats avec les CFA
Centre de formation d’apprentis
d’entreprise. « Les opportunités de coopération sont nombreuses si les entreprises veulent développer le e-learning et les parcours diplômants », estime-t-il.
Il plaide pour une coopération entre public et privé « face aux nouveaux entrants sur le marché de la formation professionnelle, avec des capacités d’investissement, qui sont le plus souvent issus du monde anglo-saxon ».
Marc Poncin répond à News Tank
Venu du privé, vous avez passé dix ans à l’Unistra, comme directeur du Service de formation continue, et vous avez rejoint, fin 2019, Icadémie, entreprise spécialiste du e-learning diplômant. Pourquoi ce choix ?
Après une décennie à l’université et alors que la réforme de la formation professionnelle a créé un mouvement nouveau, j’ai saisi cette opportunité de rejoindre Icadémie. Elle est intervenue alors que je travaillais sur un projet très stimulant à l’Unistra, mais qui n’a pas pu voir le jour.
L’idée était de nouer une alliance public-privé »Il s’agissait de créer une « open université » pour développer la formation à distance en utilisant le dispositif des SUR (sociétés universitaires et de recherche) du PIA Programme d’investissements d’avenir 3. J’avais dans ce cadre repéré Icadémie, qui a été précurseur dans le e-learning diplômant en France, comme pouvant être un partenaire d’une SUR.
L’idée était de nouer une alliance public-privé autour de nos contenus et de leur capacité à gérer de grandes cohortes d’apprenants (jusqu’à 200 ou 300) en leur proposant un tutorat adapté.
Mais le projet n’a pas été plus loin et, voyant qu’il n’aboutirait pas, j’ai choisi de développer de nouvelles idées chez Icadémie.
Pourquoi vous semblait-il indispensable de nouer un partenariat public-privé autour de la formation à distance ? L’université ne pouvait-elle le faire seule ?
Au SFC Service de formation continue de l’Unistra, nous maitrisions la chaine complète de la formation à distance : au-delà de l’expertise académique, nous avions un studio vidéo et une plateforme d’apprentissage propre adaptée à la formation continue.
Pour autant, nous étions capables de développer seulement une licence par an à distance. Pour aller plus loin, il aurait fallu quadrupler l’équipe ! Or la logique d’investissement nécessaire pour développer une nouvelle activité n’est pas du tout celle de l’université.
On est loin du modèle Mooc »Au contraire, Icadémie offre 50 titres RNCP Répertoire national des certifications professionnelles à distance, les contenus sont entièrement découpés en blocs de compétences et éligibles au CPF Compte personnel de formation . Et on est loin du modèle Mooc Massive open online courses où seule une minorité des inscrits vont au bout de la formation. Ici, une personne inscrite est accompagnée de bout en bout et le taux de complétude est proche de 100 % !
Le projet était donc de placer, dans une entité nouvelle, notre contenu avec toute l’expertise de création et de production de formations d’Icademie, c’est-à-dire qu’ils apportaient toute la richesse de leur back-office.
Mais ce qui a bloqué, c’est la nécessité de monter un partenariat public-privé.
Quelle est l’histoire d’Icadémie ?
Créé en 2006, Icademie est une e-business school. Notre marché est d’abord B to C : le groupe propose, comme le ferait une école privée, de la formation initiale et de la formation professionnelle, notamment pour des personnes en reconversion.
Nous sommes aussi devenus CFA »Nous offrons, essentiellement sur des fonctions transverses, des bac +3 (bachelor), bac +5 et un MBA inscrits au RNCP Répertoire national des certifications professionnelles . En 2019, en application de la loi « Choisir son avenir » nous sommes aussi devenus CFA Centre de formation d’apprentis .
Nous comptons environ 3 000 étudiants et affichons 18 M€ de chiffre d’affaires. L’équipe est composée de 300 personnes.
Le siège historique d’Icadémie est à Toulon, d’où nous gérons les formations 100 % distanciel dispensées dans toute la France. Nous sommes aussi présents à Aix-en-Provence, où j’ai mon bureau et où se trouve le fondateur et DG du groupe, Jean-Luc Codaccioni, à Paris, Lille et Angers, où nous possédons l’EEGP, une école d’arts appliqués et de design.
Le groupe a une palette d’activités plus large avec un job board (Jobintree) et un cabinet de solution RH (Talentis Horizon) spécialiste de l’alternance.
Quelle est votre mission au sein de ce groupe ?
Je suis venu pour développer la partie B to B, comme nouer des partenariats avec les CFA d’entreprise. C’est en effet un nouveau métier pour celles qui souhaitent se doter d’une telle structure. Les opportunités de coopération sont nombreuses si les entreprises veulent développer le e-learning et les parcours diplômants.
Les CFA historiques ont une expérience du e-learning qui leur permet de gérer un ou deux diplômes et des stages courts selon cette modalité. Mais le mettre en place à l’échelle industrielle avec des standards de qualité adaptés, c’est un métier à part entière.
Nous allons par exemple mettre en œuvre un bachelor avec une entreprise. Il reposera sur 20 % de formation en présentiel, assurés par l’entreprise, et 80 % à distance que nous allons opérer.
Aujourd’hui, comment jugez-vous la dynamique de la FCU Formation continue à l’université. Marque utilisée par la Conférence des directeurs de service universitaire de formation continue. ? Le milliard d’euros de chiffre d’affaires est-il atteignable par les universités (il était de 480 M€ en 2019) ?
Je ne vois pas de grande stratégie, nationale ou locale »Le rapport Germinet
Un milliard d’euros de chiffre d’affaires en formation continue dans l’ESR d’ici 2020, tel est l’objectif que préconise de fixer François Germinet, président de l’UCP, dans son rapport intitul…
a initié (en 2015) un mouvement de développement de la FCU qui est depuis un peu retombé et je ne vois pas de grande stratégie, nationale ou locale, se faire jour en la matière. Les parts de marché qui apparaissent me semblent plutôt devoir bénéficier au privé et aux acteurs du distanciel. Aujourd’hui une grande entreprise peut créer son bachelor ou son titre RNCP et devenir concurrente de l’université.
Au SFC de l’Unistra, nous avions déjà développé des formations en partenariat avec des acteurs privés dont nous étions le contrôleur pédagogique. Cela s’est amplifié avec la loi de 2018, qui distingue le rôle d’opérateur de formation et de certificateur et avec la possibilité de créer librement des CFA. Les entreprises qui vont se saisir de cette possibilité vont devoir aller chercher le diplôme chez un certificateur. C’est un nouveau travail qui apparait.
N’est-ce pas une opportunité pour les universités ?
L’université est marquée par une forte inertie et continue de discuter les mêmes questions qu’il y a dix ans. L’idée que faire du e-learning serait le premier pas pour se débarrasser des enseignants est toujours présente, mais tout à fait fausse. Il y a encore beaucoup de réticences et de freins.
Il y a dix ans, quand Alain Beretz
Président @ Cost • Président @ IEEPI • Professeur émérite @ Université de Strasbourg (Unistra) • Président @ Ksilink • Ambassadeur français du Plan S @ Coalition S
(alors président de l’université) m’a recruté à Strasbourg en me cherchant dans le privé pour développer la formation continue, je pensais qu’il fallait nous battre pour garder notre avance. Je pensais que d’autres établissements allaient nous rattraper. Mais j’avais tort : les choses n’ont pas bougé autant que nous aurions pu l’imaginer au moment du rapport Germinet.
Avec le renouvellement des gouvernances, je vois néanmoins des universités où émerge une volonté politique de faire bouger les choses.
Aujourd’hui c’est la coopération qui nous rend plus fort surtout face aux nouveaux entrants sur le marché de la formation professionnelle, avec des capacités d’investissement, qui sont le plus souvent issus du monde anglo-saxon.
Le confinement et le passage au tout distanciel changent-ils la donne ?
Je ne suis pas sûr que l’on ait gagné dix ans avec le confinement »Après une semaine de confinement, j’ai écrit un article pour dire que ce que l’on vivait, ce n’était pas du vrai e-learning, mais un e-learning de circonstance. Il y a eu un bond dans les usages, c’est évident. Mais je ne suis pas sûr que l’on ait gagné dix ans, comme certains peuvent le dire. Car ce qui s’est passé peut aussi bien servir d’argument à ceux qui étaient contre le e-learning.
En outre, beaucoup de jeunes sont encore très attachés à la formation en présentiel, ce n’est pas une question d’âge ou de génération. Il faut le souligner : le distanciel est plus exigeant pour tout le monde, l’organisme de formation bien sûr, mais aussi et surtout pour l’apprenant !
Simplement, les deux dispositifs se complètent et répondent à des attentes différentes.
Marc Poncin
Directeur Formation Professionnelle et CFA @ Université Paris-Est Créteil (UPEC)
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Directeur Formation Continue et Apprentissage
Directeur du service de formation continue
Responsable développement ingénierie emploi et compétences
Directeur Emploi-formation direction Est
Directeur du développement
Fiche n° 40261, créée le 27/08/2020 à 18:04 - MàJ le 15/10/2021 à 09:31
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