University of British Columbia : J-O. Pesme, premier Français à la tête du Wine Research Center
Jacques-Olivier Pesme est nommé directeur du Wine Research Center de l’Université de British Columbia (Canada), annonce-t-elle le 18/06/2020.
Diplômé de Kedge Business School, titulaire d’un doctorat de l’Université de Bordeaux (en programme joint avec l’Université de Floride), Jacques-Olivier Pesme a travaillé durant vingt ans à Kedge Bordeaux, dont il a notamment été directeur associé à partir de 2006, et à la tête de la Wine & Spirits Academy.
« Je suis un produit des grandes écoles de gestion françaises. Mes 23 ans à BEM
Bordeaux école de management
puis Kedge après la fusion, où j’ai dirigé un certain nombre de services (marketing, relations entreprises, relations extérieures, programmes) m’en ont donné une lecture exhaustive, tout en m’offrant ma spécialisation sur le business du vin. Puis j’ai eu besoin de partir », déclare-t-il à News Tank.
En juillet 2018, Jacques-Olivier Pesme quitte l’école et se voit recruté comme professeur dans deux universités anglo-saxonnes : l’Université d’Adelaïde (Australie) et l’Université de British Columbia où il occupe aussi les fonctions de conseiller du doyen de la faculté de management.
« Intégrer ces deux institutions étrangères était une opportunité à la fois de connaître leur mode opératoire pour comprendre la prédominance anglo-saxonne dans le monde académique, et de développer mes connaissances sur mon domaine de recherche », dit-il.
Sa nomination à la tête du Wine Research Center, effective depuis début juin 2020, correspond à la volonté de l’université de se positionner comme « l’un des grands centres de recherche mondiaux en vin et porter ainsi la croissance du vignoble canadien et de son marché intérieur, l’un des plus importants au monde ».
« Le centre a été créé en 1999, et était très tourné vers les sciences dures, la biochimie notamment. Mon arrivée doit permettre de développer la partie management et stratégie, et plus globalement sciences sociales — ce qui est relativement nouveau parmi les instituts de ce type. Cela se traduira par de nouvelles formations et axes de recherche, ainsi qu’une ouverture vers l’international », indique-t-il.
Le centre compte une trentaine de professeurs titulaires et près de 600 étudiants. Concernant son budget, Jacques-Olivier Pesme évoque « plusieurs millions de dollars canadiens ».
D’une business school française au monde académique anglo-saxon
Diplômé de BEM (Bordeaux école de management, devenue Kedge en 2013 après la fusion avec Euromed), Jacques-Olivier Pesme y est revenu comme professeur en 1996, après l’obtention de son doctorat à l’Université de Bordeaux.
En septembre 2013, l’école lance sa Wine and spirits academy et il en prend alors la tête :
« C’est l’aboutissement d’une décision stratégique de BEM au début des années 2000, avec le lancement de programmes spécialisés sur ce secteur, et notamment un MBA et un master vin et spiritueux.
À l’époque, l’école n’avait pas vraiment d’enseignant spécialisé, et donc j’ai décidé d’orienter mes recherches sur ce secteur, et c’est finalement ce qui a pris le pas dans mon occupation professionnelle », indique-t-il à News Tank.
Il retient aussi de son long passage dans la business school, le moment de la fusion. « En 2012, j’étais en première ligne pour la conduite des discussions sur la fusion, ce qui était très intéressant. Mais a posteriori, c’est une décision qui peut aussi interroger. Le modèle historique des grandes écoles repose sur leur enracinement dans un territoire, et celles qui ont fusionné sont souvent passées par des périodes compliquées », analyse-t-il.
« Ce n’est pas une critique négative, mais l’équation qui vise à faire la somme d’écoles pour en créer une nouvelle est souvent plus complexe que ce qu’on pense. Et quand j’en ai parlé à des doyens dans le monde académique anglo-saxon, on m’a souvent retourné la question “pourquoi, quel sens”… ».
Plus globalement, il admet que si les grandes écoles françaises sont regardées « avec grand intérêt à l’international, et pour quelques rares d’entre elles, avec envie, la singularité de ce système demeure une énigme dans le modèle académique anglo-saxon. »
« Ce dont Kedge a besoin surtout, c’est de stabilité »
À la question de savoir ce qu’il pense de la nomination d’Alexandre de Navailles, président de Hertz France, comme directeur général de Kedge, à compter du 01/07/2020, Jacques-Olivier Pesme indique « ne plus suivre l’actualité de l’école ».
Il ajoute toutefois : « Ce dont Kedge a besoin surtout, c’est de stabilité. Il peut y avoir dans le monde des business schools en France la tentation de pallier l’absence de vision stratégique, par un pilotage les yeux rivés sur les comptes de résultat. Or, le monde académique est la règle du temps long. »
Les différences entre les deux systèmes
Alors que le débat sur l’attractivité internationale se pose en France autour du projet de LPPR Loi de programmation pluriannuelle de la recherche prévoyant l’introduction de nouvelles voies de recrutement, Jacques-Olivier Pesme revient sur son recrutement à Adelaïde et UBC University of British Columbia .
« Ce sont des procédures très structurées : on passe devant un nombre important de commissions avec des dossiers conséquents. Beaucoup de critères sont pris en compte, et en ce qui me concerne, ce qui a joué en ma faveur, c’est l’impact community, c’est-à-dire la capacité de pouvoir influencer sur un secteur. »
Mais il estime que la procédure n’est pas plus simple qu’en France : « Les universités anglo-saxonnes sont finalement assez bureaucratiques ».
Depuis son double recrutement, sa vie s’organise autour de trois bases : « Bordeaux où j’ai toujours ma famille, Vancouver et Adelaide », même si l’épidémie de Covid l’a obligé à rester en France depuis le mois de mars.
Sa prise de poste à la tête du Wine Research Center s’est donc faite à distance. « Ce qui n’est pas un problème, car la pratique du distanciel est commune et acceptée dans le monde anglo-saxon. UBC a deux campus distants de 400 km — ce qui n’est pas grand-chose à l’échelle du Canada, — et donc lors des réunions, il y a toujours des gens qui sont en visioconférence, même s’ils sont dans un autre bâtiment du campus ».
La principale différence qu’il voit entre les deux systèmes tient au changement d’échelle, notamment en termes de moyens :
« Kedge c’est 122 M€ pour 15 000 étudiants, UBC c’est quasi 2 Md€ (3 Md $ CAD) pour 60 000 étudiants. Les enjeux sont forcément différents. »
Mais cela a un impact sur la construction d’un plan de charge « moins lourde qu’en France ».
« Pour les enseignants, la charge dévolue aux réunions ou les contributions aux activités administratives, n’existe pas ou très peu. Un professeur enseigne, fait ses recherches et on lui donne des moyens pour cela. Le reste, c’est s’il le souhaite. Il y a une condition de vie générale plus facile, ce qui a sûrement facilité la capacité d’adaptation lors de la crise sanitaire. Même si je crois qu’en France aussi, les établissements se sont rapidement adaptés. »
L’impact de la crise sanitaire à Adélaïde et UBC
« Les universités australiennes sont très affectées par la crise Covid, car leur modèle est basé sur leur capacité à attirer les étudiants internationaux notamment asiatiques, ce qui fait que beaucoup sont en grande difficulté », indique Jacques-Olivier Pesme.
Il évoque une situation « assez différente » à UBC. « La marque de l’université, qui est dans la top 50 mondial, est toujours très attractive. Par ailleurs, la Colombie britannique a été assez peu touchée par l’épidémie (600 cas) et les dispositions sur le distanciel ont été prises tout de suite. L’année prochaine, l’université propose un choix aux étudiants entre distanciel et présentiel. »
Tout en reconnaissant que la vie de campus est importante à UBC, « et d’autant qu’il est magnifique, mais il y a beaucoup de choses à imaginer en distanciel, et je trouve qu’il y a eu une réactivité forte. »
Un « nouvel élan » pour le Wine research center de UBC
Le Wine Research Center de l’University of British Columbia est un centre d’excellence pluridisciplinaire de recherche, d’enseignement et de développement dédié à l’industrie du vin.
« Il regroupe l’ensemble des équipes de UBC travaillant sur le vin et soutient le développement d’une filière vin durable et compétitive au Canada. Il produit des recherches de pointe en œnologie, viticulture, gestion et sciences sociales ».
Il se veut aussi un « organe R&D clé de la filière canadienne », indique l’université.
Un des objectifs de Jacques-Olivier Pesme est de « développer l’aspect formation, en allant plus loin que les bachelors et masters en biochimie et management qui existent déjà. »
« Le centre propose déjà des workshops, des rendez-vous et forums, mais il s’agit d’aller plus loin sur le volet de la formation continue, pour apprendre aux Canadiens à comprendre le vin, le pays se situant dans les dix premiers marchés consommateurs mondiaux. »
Un axe qui passe aussi par le développement de nouvelles infrastructures, surtout sur le campus d’Okanagan qui est la capitale du vignoble de Colombie britannique : « Cela permettra d’avoir des ancrages forts et de couvrir quasiment toute la région ».
Le WRC va aussi s’appuyer sur « un trésor » : une cave à vin de plus de 5000 bouteilles, « avec tous les grands crus français et mondiaux sur des millésimes de légende, démarrée au lancement du centre grâce à des dons de collectionneurs ».
« On va déjà la faire vivre, car il s’agissait un peu d’un musée sous cloche, et donc l’alimenter en faisant entrer de nouvelles bouteilles. Mais aussi en sortir certaines, et les vendre aux enchères par exemple pour financer des bourses ».
Son autre objectif : développer un réseau avec des établissements partenaires, en Australie où il continue par ailleurs d’enseigner, mais aussi et surtout en France. « Cela me paraît normal de me tourner vers la France qui est une référence en matière de formation au vin : on a des centres à Dijon ou Montpellier notamment. Sachant que mon ambition et celle d’UBC sont de ne travailler qu’avec les meilleurs ! »
De futures collaborations qui sont encore en discussion, et qui seront annoncées à l’automne.
Les parallèles entre pilotage, recherches sur le management du vin… et rubgy
L’autre passion du bordelais Jacques-Olivier Pesme est le rugby. Ancien joueur et actuel secrétaire général de la commission relations internationales de la Fédération française de rubgy, il dresse des parallèles entre ce sport et le management : « Plus je vieillis et plus je m’aperçois que dans ma conception du pilotage, mon histoire rugbystique compte, notamment à travers l’importance que j’attache au collectif. »
Il y a voit aussi un parallèle avec sa spécialité de recherche : « Le cœur de mes recherches porte sur la constitution de collectif dans le secteur viticole, et la façon dont une grappe de domaines peut prendre conscience de leur appartenance à un même terroir. C’est un peu comme au rugby, où un assemblage d’individus différents se retrouvent autour de la conquête d’un ballon. »
Il met une autre valeur en avant issue du sport : le courage. « Le sport de compétition dans son ensemble est un peu une école du courage qui consiste à se dire que rien n’est impossible. Or, il me semble que nos sociétés et les leaders des organisations en manquent souvent. Et en tant qu’enseignant, c’est une valeur essentielle à transmettre aux étudiants. Cela devrait faire partie du lot d’une bonne formation, notamment pour ceux et celles qui se destinent à diriger les organisations. »
Petit signe du destin : l’équipe de rugby de UBC est une des meilleures au Canada, « et elle fournit à l’équipe nationale entre un quart et un tiers de son équipe, ce que j’ignorais totalement avant d’arriver ».
Jacques-Olivier Pesme
Directeur du Wine research center @ Université British Columbia
Professeur @ Université d’Adelaide
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Parcours
Directeur du Wine research center
Professeur
Conseiller du doyen de la faculté de management
Consultant
Directeur associé
Directeur du Wine and spirits academy
Membre du CA
Établissement & diplôme
Doctorat en géographie (programme joint avec l’Université de Floride)
Fiche n° 14102, créée le 03/11/2015 à 16:10 - MàJ le 19/06/2020 à 12:45
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