Prolongation des contrats doctoraux : « Nous attendons des éléments concrets du Mesri » (J-F. Balaudé)
« Nous sommes satisfaits de voir que le Mesri
Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
a entendu les demandes des doctorants, soutenues par la CPU
Conférence des présidents d’université
, en actant la prolongation des contrats. Et de voir qu’il y aura un soutien financier, car il ne pouvait pas s’agir d’autoriser le prolongement sans aider les universités à le faire. Mais il reste de nombreuses questions, sur le montant global, la durée des prolongations, etc. pour lesquelles nous attendons des éléments concrets rapidement », déclare Jean-François Balaudé, président de la commission moyens et personnels de la CPU, à News Tank, le 27/04/2020.
Frédérique Vidal annonçait, le 23/04/2020, la prolongation des thèses, contrats doctoraux et postdoctoraux « lorsque la crise actuelle l’aura rendu nécessaire », jusqu’à un an, pour « compenser l’impact des interruptions des travaux de recherche dues à cette crise ». Elle promettait un accompagnement financier pour l’ensemble des contrats financés par l’État (y compris Cifre
Convention industrielle de formation par la recherche
et financements ANR
Agence nationale de la recherche
).
« Cette information a créé un espoir et une attente chez les doctorants, et nos établissements font l’objet de demandes. Le Mesri doit l’entendre et nous fournir des éléments substantiels notamment budgétaires, dans les deux semaines, si nous voulons pouvoir leur offrir une visibilité pour les mois à venir », ajoute-t-il.
Il préconise le versement d’une enveloppe par université, « en fonction du nombre de doctorants contractuels pour procéder aux ajustements, en lien avec les directeurs des écoles doctorales et directeurs de recherche ». Ensuite, il faudra étudier les situations, au cas par cas.
« L’impact est différent en fonction des disciplines. Cela peut aller de la gêne pour la rédaction, à la perte de données liées à une expérimentation interrompue ou d’un terrain qui n’a pas pu commencer. Donc le préjudice peut varier entre deux à six mois, voir un an », dit-il.
Il revient aussi sur l’ordonnance du 16/04 imposant la prise de congés et RTT
Réduction du temps de travail
pour les agents de la fonction publique en ASA
Autorisation spéciale d’absence
. « Un texte de cadrage est une bonne chose, car cela nous aide dans une situation que nous avions d’ailleurs anticipée. Mais là, nous sommes un peu pris à revers, notamment sur la différence de traitement entre les agents », estime Jean-François Balaudé.
Le bureau de la CPU « a fait valoir ces difficultés auprès du cabinet », et selon lui, plusieurs universités ont fait savoir qu’elles ne l’appliqueraient pas telle quelle.
Le président de la commission moyens et personnels fait aussi le point sur la campagne de recrutement des enseignants-chercheurs, et le recours à la visioconférence pour les auditions et les jurys.
Ordonnance sur les RTT et congés : « Les universités prises à rebrousse-poil »
Une gamme variée de solutions choisies par les établissements
« Nous avions identifié assez tôt la problématique des congés », indique Jean-François Balaudé, autour d’une double réflexion :
- « La première, c’était de se dire qu’il semblait raisonnable que durant le confinement, les agents puissent prendre des congés, car les conditions de travail ne sont pas simples ; certains travaillent dans des espaces restreints et avec des contraintes familiales ou personnelles. Cela devait permettre à tout le monde de souffler.
- L’autre était d’anticiper pour éviter de se retrouver à la sortie de cette longue période de confinement avec beaucoup de monde en congés, et donc en difficulté pour remettre en marche les établissements sur site. »
Selon lui, les choses ont donc commencé à être négociées au sein des établissements, « sans le cadrage du Mesri Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation mais avec les règles que nous avions à notre disposition, et donc avec quelques incertitudes sur l’application à en faire ».
« Sans avoir une vision tout à fait exhaustive, on voit que les établissements ont abordé cela avec différentes gradations, entre ceux qui ont imposé une semaine de fermeture administrative, ou cinq jours de congés, ceux qui ont recommandé cinq jours sans l’imposer, et peut-être des nuances plus douces. Il y a eu une gamme assez variée de solutions. Puis sont arrivées l’ordonnance et les consignes du Mesri qui vont plus loin que ce qu’on pensait », ajoute-t-il.
Une inégalité de traitement entre agents en ASA et en télétravail peu compréhensible
L’ordonnance du 16/04/2020 prévoit que :
- Les agents en autorisation spéciale d’absence seront amenés à prendre cinq jours de RTT Réduction du temps de travail entre le 16/03/2020 et le 16/04/2020 et cinq autres jours de RTT entre le 17/04/2020 et la date de reprise de leur service dans des conditions normales. Pour ceux qui ne disposent pas de jours de RTT ou pas d’un nombre suffisant, ces jours seront décomptés sur les congés annuels, dans la limite de six jours.
- Pour les agents en télétravail, il s’agira d’une faculté laissée à l’appréciation du chef de service, en tenant compte des nécessités de service et dans la limite de cinq jours pris entre le 17/04/2020 et la date de reprise de leur service dans des conditions normales.
- Le nombre de jours « est proratisé en fonction de la durée de l’autorisation spéciale d’absence et de télétravail », et « tient également compte des jours de congés posés volontairement et des arrêts de maladie ».
Des mesures que les syndicats de la fonction publique ont pour la plupart jugées « discriminantes », comme le SNPTES Syndicat national des personnels techniques, scientifiques et des bibliothèques de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la culture . Des recours ont d’ailleurs été déposés devant le Conseil d’État demandant l’annulation de ces dispositions. L’un d’eux, soutenu par FO Force ouvrière santé, a été rejeté le 27/04.
« Cette différence de traitement entre les agents en télétravail et en ASA Autorisation spéciale d’absence a provoqué des réactions vives. Cela nous a pris à rebrousse-poil », admet Jean-François Balaudé qui estime « plus compréhensible une prise de congés égale à ceux en télétravail ». Il précise que « beaucoup d’universités résistent à l’idée » de l’ordonnance.
Campagne de recrutement des enseignants-chercheurs et recours à la visioconférence
« Avant que le calendrier pour la campagne de recrutement des enseignants-chercheurs ne soit encore un peu étendu, des universités se posaient la question de basculer une partie des postes au fil de l’eau. Mais depuis que nous sommes parvenus à cet accord avec la DGRH Direction générale des ressources humaines , ceux qui hésitaient se sont recalés sur la session synchronisée », indique Jean-François Balaudé.
Depuis le 09/04, il est en effet prévu :
- à partir du jeudi 02/07 à 10 heures (heure de Paris), les candidats pourront prendre connaissance des décisions des établissements sur le module Galaxie ;
- jusqu’au jeudi 09/07 à 16 heures (heure de Paris), les candidats classés pourront exprimer leurs vœux d’affectation ;
- lundi 13/07 : publication des résultats sur l’application Galaxie.
Selon lui, les conséquences du recrutement au fil de l’eau sont « un élément repoussoir dans la réflexion » des universités, notamment parce que les prises de postes ne peuvent pas se faire au 01/09.
Malgré ce nouveau calendrier, Jean-François Balaudé indique qu’il reste difficile de garantir « que dans la deuxième quinzaine de juin tout se fera en présentiel. Mais l’étirement des dates a détendu les équipes. De même que l’acculturation aux outils de visioconférence. Les collègues commencent à s’habituer et voient que, dans un contexte contraint, son utilisation est parfois un moindre mal. »
Le recours à la visioconférence, « un principe de réalité »
Un décret du 16/04/2020, pris pour l’application des articles 5 et 6 de l’ordonnance du 27/03/2020 relative à l’organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire, permet en effet le recours à la visioconférence pour tout ou partie des procédures de recrutements dans la fonction publique.
« À ce stade, les comités de sélection auront la possibilité de se réunir en présentiel ou en distanciel, voire les deux. Mais j’entends beaucoup de réflexions sur le fait que certains soient auditionnés en présentiel et d’autres en distanciel, créant une rupture d’égalité », ajoute le président de la commission des moyens et personnels.
Cela doit-il conduire à ne pas recourir à la visioconférence ? Au contraire selon lui. Il s’agit plutôt de généraliser son usage pour tous les candidats.
« Ce que les présidents d’université se sont efforcés de faire valoir auprès des comités de sélection, c’est qu’en temps de grande incertitude, sans savoir si septembre sera un mois de moindre circulation avec des règles à respecter, attendre nous exposerait au risque de ne pas tenir les comités du tout… et de ne pas recruter.
Or, si ces postes sont importants et que les composantes ont argumenté pour les mettre aux concours, alors même si les circonstances ne sont pas idéales, proposons les dans ces conditions pour être certains d’avoir des personnels en poste au 01/09. C’est un principe de réalité. »
Des conditions à respecter
Il ajoute toutefois que les conditions doivent être réunies pour que le recours à la visioconférence se déroule bien.
« Le comité numérique de la CPU travaille à recenser toutes les solutions disponibles, tant pour la visio, que les dispositifs de vote », indique-t-il. Un document « attendu » et qui devrait être disponible début mai.
Autres impératifs :
- « élaborer un cahier des charges pour le bon déroulement du processus, notamment au cas où il y aurait des aléas techniques ;
- en amont, assister techniquement les présidents de comité de sélection pour l’utilisation des outils, avec des tests à blanc. »
Une porte ouverte pour le présentiel, prévu dans le plan de reprise d’activité
« Ce qu’on a répercuté pour le moment, c’est le calendrier, le cadre et la possibilité des auditions en présentiel ou à distance. J’ai le sentiment que beaucoup se rallient à l’idée d’un traitement le plus équitable possible avec la visioconférence, mais on laisse la porte ouverte au présentiel. »
Une question parfois réglée par le calendrier des comités : « À Nanterre, il y a un comité qui sélectionnait le 20/04 et auditionnait le 28/04 donc il n’a pas eu le choix. D’autres sont prévus avant le 11/05… »
Jean-François Balaudé estime que le recours au présentiel sera limité. Il est toutefois prévu un item « comité de sélection » dans le plan de reprise d’activité en cours de préparations à Paris Nanterre. « Car il faut offrir la possibilité et surtout qu’on sache y répondre ».
Les difficultés posées par la procédure « au fil de l’eau »
Remplacer la session synchronisée 2020 par du recrutement « au fil de l’eau », afin de permettre des auditions et réunions des comités de sélection en présentiel, poserait plusieurs difficultés estime le Sgen-CFDT Syndicat général de l’Éducation nationale - Confédération française démocratique du travail dans une analyse, le 22/04.
Selon lui, « un comité tenant tous ses travaux en septembre pourrait difficilement aboutir à un recrutement avant novembre, dans le meilleur des cas, voire décembre. Et des réunions en octobre aboutiront certainement à un recrutement seulement pour janvier. » Or, ce décalage « risque de mettre en difficulté, tant sur le plan financier qu’humain, les potentiels recrutés ».
« Comment les candidats qui souvent sont déjà en activité professionnelle (les Ater Attaché temporaire d’enseignement et de recherche , les chargés de cours, les enseignants du second degré, etc.) seront-ils rémunérés à la rentrée si tout est reporté à l’automne pour le processus de recrutement ? Devront-ils prendre un nouveau poste temporaire et le lâcher deux ou trois mois plus tard, avec ce que cela implique de bouleversements personnels (déménagements, etc.) ? »
Autre écueil : la réduction du vivier de candidats, « certains préférant, par sécurité, accepter le premier poste qu’on leur propose, plutôt que le poste de leurs rêves ».
Le syndicat souligne aussi les enjeux en termes d’organisation pédagogique : « Comment les équipes pédagogiques pourront-elles s’organiser au 01/09 si les postes prévus ne sont pas pourvus dès la rentrée ? Qui assurera les cours à la rentrée ? Et comment gérer le départ en cours de semestre des jeunes Ater, post-docs ou vacataires qui auront été recrutés au fil de l’eau sur un poste de maître de conférences ? Ou celui des MCF Maître.sse de conférences recrutés ailleurs comme PR Professeur ou professeure des universités ? Ou des E-C enseignant(s)-chercheur(s) qui partent en mutation ? »
Jean-François Balaudé
Igésr @ Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (Igésr)
Professeur de philosophie ancienne @ Université Paris Nanterre
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Président
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Habilitation à diriger des recherches en philosophie
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