Cours à distance, examens, RH : « De nouvelles formes d’organisation » dans les universités (CPU)
« Les universités restent ouvertes, même si c’est différemment. Nos activités se poursuivent avec de nouvelles formes d’organisation, de pédagogie, de recherche. Nous commençons aussi à réfléchir à la sortie de crise, même si on n’en connaît pas encore la date précise, et ainsi retrouver un fonctionnement plus habituel », déclare Gilles Roussel
Président @ Comité éthique et scientifique de Parcoursup (CESP) • Membre du CA @ France Universités • Président @ Université Gustave Eiffel
, président de la CPU
Conférence des présidents d’université
, à l’occasion d’un point presse du bureau de la Conférence sur la crise du Covid-19, le 01/04/2020.
En matière de continuité pédagogique, Christine Gangloff-Ziegler
Rectrice de la région académique de la Guadeloupe @ Académie de Guadeloupe • Professeure des universités @ Université de Haute-Alsace (UHA)
, vice-présidente de la CPU, estime que « les universités ont relevé ce défi très rapidement, grâce à la mobilisation très forte des enseignants-chercheurs ». Si certains étudiants connaissent des difficultés pour suivre les cours, « notamment du fait d’un souci d’accès aux outils numériques », elle ajoute que « c’est une chance que cette situation se déroule en fin de deuxième semestre, la situation aurait été beaucoup plus compliquée si elle s’était passée en septembre ».
Sur l’organisation des partiels, Gilles Roussel rappelle que « chaque formation de chaque université définit ses propres modalités, et tout le monde travaille pour faire en sorte de les adapter », avec « plusieurs alternatives possibles ». Des choix qui pourraient toutefois avoir un impact sur le calendrier : « avec les secondes sessions, on se demande si on ne va pas devoir décaler un peu la rentrée prochaine », dit-il.
Pour les présidents d’université, la fermeture des établissements a conduit à la mise en place de plans de continuité d’activité et une généralisation du travail à distance. Selon Olivier Laboux
, vice-président de la Conférence, « environ 5 % des personnels sont sur site ». Christine Gangloff-Ziegler reconnaît toutefois pour certains personnels administratifs et techniques des « soucis d’équipement, car les dispositifs de télétravail n’avaient pas encore été généralisés à tous les services, et dans l’urgence, il n’a pas été possible d’acheter du matériel pour les équiper ».
« On s’est rendu compte des limites de nos PCA
Plan de continuité d’activité
, assez théoriques, et qui n’avaient jamais été conçus dans la perspective d’une fermeture globale de tous les établissements, sur la durée », constate-t-elle. Il s’agira, selon elle, de « revoir quelles sont les compétences indispensables ».
En revanche, les instances continuent de fonctionner. « Je vais réunir bientôt le CAC
Conseil académique
de mon université sur l’évolution des modalités d’évaluation des connaissances et de recrutement des enseignants-chercheurs. Au-delà de l’aspect réglementaire, cela permet de continuer la vie de l’université, et de garder ce lien », indique Gilles Roussel.
Le défi de la continuité pédagogique
Un « effet transformant »
S’agissant de la mise en place d’une continuité pédagogique à distance, Christine Gangloff-Ziegler indique que « toutes les universités ont des ENT Environnement numérique de travail en état de marche, même s’il existe toujours dans les équipes des personnes qui sont plus en avance. De fait, on a pu voir des partages de pratiques, avec des enseignants plus expérimentés qui aident les autres », dit-elle. Elle croit aussi en des échanges de pratiques « d’un pays à l’autre, puisque c’est un défi mondial ».
Parmi les effets positifs, selon elle : l’utilisation de nouveaux outils, « comme Discord, où ce sont les étudiants déjà utilisateurs qui ont formé les enseignants : cela change la relation entre eux. D’autres travaillent en articulation avec les Universités numériques thématiques ou FUN France Université Numérique -Mooc qui ont très largement ouvert leurs ressources, au-delà de leurs membres. Tout cela donne des portefeuilles utiles où les enseignants peuvent venir piocher et repenser leurs cours. »
« Il est certain que les usages pédagogiques vont évoluer. Il faudra tirer un bilan pour voir quels ont été ces effets transformants et réinvestir cela », dit-elle.
Pour Olivier Laboux, « le numérique apporte une réponse à l’équation qui consiste à concilier individualisation et massification ».
Aider les étudiants à accéder aux outils numériques
Cette offre numérique peut toutefois se heurter à des étudiants qui décrochent. Selon Gilles Roussel, il est difficile d’avoir un chiffre consolidé sur ce pourcentage d’étudiants : « Il y en a toujours qui ne répondent pas en général aux sollicitations de l’université. Certains ont pu décrocher, mais ça dépend des niveaux de cursus : en première année de licence, les étudiants ont plus de mal à s’adapter. Mais en fin de licence ou master, ils connaissent la méthodologie universitaire, et la taille des groupes fait qu’on a moins d’étudiants éloignés des enseignements. »
Il estime ensuite « à 5 ou 10 % ceux qui ont des difficultés à accéder à des outils numériques ». Olivier Laboux indique que cette préoccupation des étudiants en dehors du champ numérique a fait l’objet d’une démarche spécifique de la CPU auprès du Mesri Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation , « afin notamment que les fournisseurs d’accès à internet et les opérateurs téléphoniques puissent proposer des modalités facilitant cet accès ».
Selon Christine Gangloff-Ziegler, dans la région Grand Est, l’opérateur Orange a annoncé qu’il ajoutait « 10 Go de données internet au forfait; et dans certains cas, ce sont les universités qui payent les forfaits par des clés 3G ou des cartes SIM ».
Un investissement important des enseignants
Quant aux enseignants qui s’investissent beaucoup, voire trop, Christine Gangloff-Ziegler reconnaît qu’il y a des retours « d’une fatigue importante, après un démarrage qui a demandé beaucoup d’investissement. Il faut désormais être attentif à pouvoir maintenir cet effort sur une échéance plus longue. Nous sommes tous conscients de l’effort demandé. »
« Je crois que tous les enseignants sont très motivés à l’idée de ne pas pénaliser leurs étudiants, ce qui a pu générer un sentiment d’impuissance ou d’incapacité au départ », ajoute Gilles Roussel.
« Des outils ont peu à peu été mis en place pour les accompagner : soutien pédagogique, mais aussi psychologique. Et nous avons transmis des messages pour les rassurer et les déculpabiliser, notamment pour ceux qui sont aussi parents et doivent gérer leurs enfants. Il faut le temps que ça se régule. »
« Il y a deux principes clés dans cette période où nous avons dû réagir vite : être humble sur la mise en place, et avoir une totale confiance dans les équipes pédagogiques », ajoute Olivier Laboux.
Paiement des vacataires, « au cas par cas »
Interrogé sur le paiement des personnels notamment vacataires, Gilles Roussel indique qu’il a été demandé aux universités, « du fait du fonctionnement limité des directions régionales des finances publiques, de limiter les nouvelles opérations pour avril et mai. Donc toutes les personnes payées régulièrement le seront, mais pas celles qui ont été engagées entre temps. »
« Sur avril, on nous a demandé de limiter les règlements aux situations d’urgence, donc nous allons nous focaliser sur les vacataires qui en ont besoin, notamment les étudiants, ou les intervenants qui avaient une activité rémunérée auparavant mais pas cette année. On doit les identifier, et faire en sorte que ces personnes soient vraiment rémunérées », dit-il.
Des pertes de rémunération sont ainsi à prévoir, « au cas par cas, en fonction des établissements ». Mais selon Christine Gangloff-Ziegler, de nombreux vacataires « réalisent leur activité d’enseignement à distance », et seront donc rémunérés.
Examens et stages
L’évaluation des connaissances est devenue la principale préoccupation des universités. « Avec le contrôle continu, certains peuvent estimer que les étudiants ont déjà été suffisamment évalués », indique Gilles Roussel. Et pour les examens qui étaient prévus en avril, plusieurs solutions alternatives sont envisagées :
- remplacer par d’autres types d’évaluation qui peuvent prendre la forme de projets écrits ;
- décaler un certain nombre d’examens, notamment en mai, sachant que nous n’avons pas de visibilité sur la réouverture des campus ou la possibilité de regrouper de grands nombres de personnes dans un même lieu ;
- faire des examens en ligne, et nous en évaluons les possibilités techniques.
Autre problématique à gérer : celle des stages. « Beaucoup d’entreprises ont accepté de garder leurs stagiaires, soit sur place en garantissant le respect des règles de sécurité, ou à distance », indique Gilles Roussel. « Mais d’autres ont dû arrêter parce qu’ils avaient des fragilités ou que les conditions sanitaires n’étaient pas assurées. Et pour eux se posent des questions autour de la validation des UE Unités d’enseignement et de leur année, avec l’idée soit de décaler, soit de raccourcir la durée du stage. »
Préparer le déconfinement et la rentrée de septembre
Travailler à différents scénarios
À la question de savoir si la CPU Conférence des présidents d’université avait une idée de l’impact économique de la crise Covid-19 pour les universités, Christine Gangloff-Ziegler indique que « ce n’est pas la première chose à laquelle nous nous sommes intéressés. Il y a eu des dépenses immédiates, notamment sur les aides sociales. Mais il faudra mesurer tout cela après, dans des conditions de redémarrage normales ».
Selon elle, les universités doivent surtout anticiper la suite, et envisager plusieurs scénarios sur le déconfinement des personnels. « Il est prévu de faire revenir les étudiants en juin, mais il faudra voir dans quelles conditions. Et pour l’instant, rien n’est certain. Il faut donc des scénarios de repli », dit-elle.
Recrutement des étudiants en licence et master
Concernant le recrutement des nouveaux étudiants pour la rentrée 2020, alors que la phase de confirmation des vœux sur Parcoursup s’achève le 02/04 et que les commissions d’examen des vœux vont débuter la phase d’examen, le bureau de la CPU indique que « pour les licences, rien ne change dans l’ensemble, puisque tout est déjà dématérialisé ». De même pour les candidatures en master.
« En revanche, il faut rassurer les candidats sur la qualité de traitement de leurs dossiers », ajoute Christine Gangloff-Ziegler.
Les universités peuvent-elles s’attendre à une baisse des candidatures ? « Nous avions quelques inquiétudes, mais la Dgesip Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle nous a indiqué que les chiffres étaient équivalents à 2019. Celle-ci organise un suivi individualisé des candidats : ceux qui ne confirment pas leurs vœux sont contactés et relancés. Les lycées aussi jouent un rôle dans ce suivi. »
Quant aux étudiants internationaux, Gilles Roussel admet qu’il y a « des questionnements sur la capacité à faire venir les étudiants qui souhaitent s’inscrire, car en fonction du rythme différent où avance l’épidémie, potentiellement certains seront encore confinés. On travaille avec Campus France notamment sur les questions sur le recrutement et pour préparer différents scénarios possibles. »
Recrutement des E-C : le recours à la visioconférence envisagé
Interrogé sur la possibilité de recourir à la visioconférence pour recruter les enseignants-chercheurs, Christine Gangloff-Ziegler indique que cette possibilité est ouverte, « mais nous verrons en fonction du calendrier ».
« Les équipes préfèrent faire des auditions en présentiel, mais cela dépendra des possibilités de déplacement. Notre objectif est de pouvoir recruter pour organiser au mieux la rentrée en septembre. Il faudra aviser aussi pour les candidats venant d’autres pays où il y a un confinement », ajoute-t-elle.
Fiche n° 1765, créée le 05/05/2014 à 12:19 - MàJ le 18/11/2024 à 10:58