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Plan de numérisation, cadrage juridique, télétravail : le regard d’O. Faron sur les enjeux post-Covid

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Interview n°179461 - Publié le 01/04/2020 à 16:53
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Olivier Faron -

« L’enjeu majeur qui est devant nous est de savoir comment notre offre de formation au niveau national peut être déclinée en ligne de façon régulée et concertée. Nous avons besoin d’un plan de numérisation de nos ressources de l’ESR Enseignement supérieur et recherche . Il y a de très belles réalités (FUN France Université Numérique , les UNT Universités numériques thématiques  ; etc.), mais elles ne sont pas coordonnées. L’offre globale dont nous avons besoin n’existe pas », déclare Olivier Faron Conseiller spécial éducation-formation @ Medef
, administrateur général du Cnam Conservatoire national des arts et métiers , dans un entretien à News Tank, le 01/04/2020.

Il revient sur la situation du Cnam face à la crise liée à l’épidémie de Covid-19 et envisage les conséquences administratives et pédagogiques. 

« Il nous faut imaginer la reprise d’activité dès maintenant, en discutant avec les organisations syndicales, pour permettre, ce qui est notre préoccupation centrale, une rentrée universitaire en septembre de la meilleure facture », indique-t-il notamment.

Sur le fonctionnement administratif, « nous avons besoin d’un retour formel sur la validité juridique et réglementaire de la tenue d’instances et de comités de sélection en visioconférence », dit-il.  « Nous avons besoin d’être bordés : ce sont des process compliqués et très encadrés. Il n’y aurait rien de pire que des risques d’annulation à la suite de recours », souligne-t-il, alors que le Cnam doit recruter une vingtaine d’enseignants-chercheurs.

Interrogé sur le paiement des vacataires, Olivier Faron demande que « la règle du service fait soit adaptée à ce contexte très particulier. Il faut la cadrer juridiquement au regard des circonstances ».

Olivier Faron s’inquiète enfin sur le plan des conséquences économiques de la crise : « Il va falloir que nos centres en région, qui sont autonomes et indépendants tiennent le choc. Je suis à l’écoute de mes directeurs, mais je suis inquiet ».


Olivier Faron répond à News Tank

En pleine crise du coronavirus, quelles sont vos priorités en matière de continuité administrative ?

La nécessité est de maintenir les services névralgiques, comme le prévoit notre plan de continuité d’activité :

  • Je pense bien évidemment au service informatique : c’est le nerf de la guerre en cette période, d’autant plus qu’il y a un risque d’attaques informatiques ;
  • le suivi de nos personnels et l’activité RH, qui est marquée par le développement du télétravail, dont nous avions une certaine habitude, mais qui prend une tout autre dimension.

Nos personnels sont exemplaires dans une période compliquée et nous essayons de maintenir du lien entre eux. Il y a une vigilance à avoir sur le fait que le confinement n’engendre pas de détresse psychologique.

Attendez-vous un appui de l’État ?

Cette situation nouvelle engendre des questions sur lesquelles nous avons besoin de retours précis et d’un cadre réglementaire qui tiennent compte du caractère exceptionnel de la situation.

Je pense d’abord au recrutement des E-C enseignant(s)-chercheur(s) - une vingtaine chaque année - dont l’entrée en fonction au 01/01/2021 constitue pour le Cnam Conservatoire national des arts et métiers une date butoir.

Pour cela, nous avons besoin d’un retour formel sur la validité juridique et réglementaire de la tenue d’instances et de comités de sélection en visioconférence. Nous avons besoin d’être bordés : ce sont des process compliqués et très encadrés. Il n’y aurait rien de pire que des risques d’annulation à la suite de recours. 

Il nous faudra aussi sensibiliser les collègues, voire les candidats, à ces modalités nouvelles. 

Chacun a envie que ces comités se déroulent bien et nous avons besoin de nouveaux enseignants-chercheurs !

Le ministère a précisé les modalités de rémunération des contractuels et vacataires. Quelle est votre position ?

Les contractuels et vacataires sont nombreux au Cnam Conservatoire national des arts et métiers . Nous souhaitons la prise en compte de leur rémunération sur la base des mois précédents, car nous mesurons bien que les services (DGFIP Direction générale des finances publiques et DRFIP Direction régionale des finances publiques ) sont surchargés et comprenons qu’ils ne puissent pas prendre en compte d’éventuelles modifications à la hausse des rémunérations.

La règle du service fait doit être adaptée à ce contexte très particulier. Il faut la cadrer juridiquement au regard des circonstances : il en va du rapport entre responsable de l’établissement et agent comptable. 

La paye des personnels relevant du Mesri fait l’objet d’une procédure dérogatoire en avril, qui sera peut-être reconduite en mai, selon une note de la DGRH Direction générale des ressources humaines datée du 20/03, dont News Tank a obtenu copie. Une situation liée au fonctionnement en mode dégradé de la DGFIP et de ses DRFIP, en raison de l’épidémie de Covid-19.

La situation des différentes catégories de personnels est précisée par la note : 

• Les 20 000 ATV (agents temporaires vacataires) seront payés « par voie d’acompte » avec une « régularisation traitée ultérieurement ».

• En revanche, les plus de 100 000 CEV (chargés d’enseignement vacataires, régis par le décret 87-889 article 2), ne seront pas payés, du fait de la fermeture des établissements, s’ils n’assurent pas de cours. « L’absence de service fait doit conduire à ne pas verser de rémunération. En tout état de cause, peu d’heures de CEV auront été effectuées » pendant la période de confinement. Mais en cas de service fait, « un acompte sera demandé par l’ordonnateur » et « la régularisation traitée ultérieurement ». 

• Enfin, pour les personnels titulaires et contractuels permanents, les salaires versés en avril ne comprendront que les éléments indiciaires et indemnitaires.

Comment voyez-vous la reprise de l’activité ? Faudra-t-il travailler cet été ?

Il nous faut imaginer la reprise d’activité dès maintenant, en discutant avec les organisations syndicales, pour permettre, ce qui est notre préoccupation centrale, une rentrée universitaire en septembre de la meilleure facture.

Cela suppose de travailler à partir de la reprise et jusqu’à septembre, pour concilier les droits légitimes des personnels et la nécessité d’un maintien d’activité. 

Ainsi, s’agissant de la période des congés d’été à venir, il faudra construire quelque chose de très concerté pour répondre aux enjeux d’une période exceptionnelle. 

L’enjeu est d’organiser le temps qu’il va nous rester à partir de la fin du confinement de la meilleure des façons. 

Je ne crois pas à des mesures qui seraient vécues comme des sanctions ou des formes de régression sociale. Il faut un dialogue entre la gouvernance et les personnels, en procédant composante par composante, instance pédagogique par instance et unité de recherche par unité.

Quid de l’impact économique sur le Cnam ?

Il va falloir que nos centres en région, qui sont autonomes et indépendants tiennent le choc. Ainsi en région Aura Auvergne Rhône Alpes , après avoir été mis en cessation de paiement, le centre était sorti des grosses difficultés, le directeur avait changé… L’équilibre est fragile et peut être remis en question. Je suis à l’écoute de mes directeurs, mais je suis inquiet.

« Nous avons mis entre parenthèses la mission recherche pendant la période de confinement : toutes les pratiques collectives étant exclues en cette période particulière, cela renvoie les chercheurs, enseignants-chercheurs et doctorants à leurs travaux individuels. 

Nos actions de CSTI Culture scientifique technique et industrielle sont suspendues et le Musée des Arts et Métiers est fermé », précise l’administrateur général.

Avez-vous réussi à généraliser le télétravail ?

Le Cnam dispose d’une très forte identité d’établissement, qui est tout à fait remarquable. Une partie de la solution ou des solutions vient de la mobilisation des composantes et de projets portés au niveau de chacune d’entre elles. L’administration se doit donc d’être déconcentrée et flexible. 

250 personnels du Cnam sont en télétravail actuellement. Nous avons engagé un plan pour porter ce chiffre à 500 personnels opérationnels, en étroite concertation avec les partenaires sociaux.

Quels sont les enjeux du télétravail, selon vous ?

Il faut séparer les actifs en situation familiale, ce qui est légitime, du télétravail en général. Il est fondamental pour des parents d’être près de leurs enfants dans la période actuelle. Mais le télétravail, ce n’est pas être à domicile en gardant ses enfants.

Mélanger les deux situations, c’est le meilleur moyen de tuer le télétravail, qui obéit aux règles du droit du travail.

Les points de blocage et de vigilance pour bien développer le télétravail en cette période de crise sont nombreux : 

  • une concertation nécessaire instance par instance ;
  • certaines tâches ne s’y prêtent pas ;
  • de grosses difficultés d’approvisionnement en matériel informatique. Tout était saturé, et tout cela a un coût. L’enjeu est d’accélérer dans l’acquisition d’équipements, en inscrivant cela dans un nouveau schéma directeur du numérique qui devient une priorité absolue ;
  • une nécessaire éducation au télétravail : une définition des tâches et de la façon de l’utiliser sont nécessaires. Nous testons les outils en ce moment et nous mesurons combien il faut progresser. Nous devons pouvoir proposer des conférences interactives pour l’ensemble de la communauté. Or, je le dis avec humilité, avant la crise, je n’y avais pas pensé. Désormais, c’est quelque chose d’indispensable.

60 % de l’offre du Cnam est en formation à distance. Sur le plan pédagogique, la bascule a été plus facile ?

La réactivité des enseignants est exceptionnelle et cela se passe extrêmement bien. Des universités, par exemple d’outre-mer, font appel au Cnam car nous avons des habitudes en ce domaine qui peuvent être à disposition de la communauté. 

La continuité pédagogique est là : 90 % des cours du second semestre sont assurés en distanciel, les 10 % restants sont soit des TP reportés sur le prochain semestre, soit des cours organisés avec des partenaires, sur lesquels nous continuons de travailler.

D’ores et déjà, voyez-vous des conséquences pour le Cnam en particulier et l’ESR en général, de cette généralisation forcée de la FOAD Formation ouverte et/ou à distance  ?

Le nouveau dispositif de formation des nouveaux MCF Maître.sse de conférences , que je trouve excellent, doit tenir compte des compétences nécessaires en matière de formation à distance.

Les universités se sont dotées, depuis la loi Fioraso, en 2013, de vice-président numérique. C’est très bien. Mais la crise actuelle montre que leur rôle doit porter autant sur les réseaux, le « hard », que sur le « soft », les pratiques.

L’enjeu majeur qui est devant nous est de savoir comment notre offre de formation au niveau national peut être déclinée en ligne de façon régulée et concertée. Nous avons besoin d’un plan de numérisation de nos ressources de l’ESR Enseignement supérieur et recherche . Il y a de très belles réalités (FUN France Université Numérique , les UNT Universités numériques thématiques  ; etc.), mais elles ne sont pas coordonnées. L’offre globale dont nous avons besoin n’existe pas.

Le Cnam est l’établissement qui a fait le plus de Mooc Massive open online courses . Aujourd’hui vont se poser très clairement et rapidement des questions pour savoir comment ils peuvent être intégrés dans l’offre et accessibles, sur tous les types de terminaux, et via le CPF Compte personnel de formation .

Deux choses me semblent centrales :

  • Une éditorialisation de l’offre pour aboutir à un catalogue raisonné.
  • Que ce dispositif sur lequel l’État et les établissements investissent soit intégré au catalogue d’une offre de formation nationale ou dans les maquettes pédagogiques des établissements (master, licence, RNCP Répertoire national des certifications professionnelles ).

S’agissant du rôle des UNT Universités numériques thématiques , c’est la même chose, il faut que tout cela soit intégré. Nous devons travailler sur une cohérence de l’offre et que les établissements soient incités à proposer de plus en plus de ressources accessibles et valables à distance. Il faut que ce modèle se généralise, il faut une ambition nationale sur la question. 

Par ailleurs, et cela me tient à cœur, demain, si nous avons une ambition nationale pour le numérique, il ne faudra pas oublier les jeunes des petites et moyennes villes, qui n’ont pas le même accès aux pôles de formation.  

Notre philosophie au Cnam est de développer les contenus hybrides (présentiel et distanciel), mais pour certains territoires, très éloignés, le tout numérique est une solution qui doit être développée.

De même, la formation et les contenus « made in France » participent de notre politique de « soft power » dans le monde. Nous signerons d’ailleurs une convention en ce sens avec France Éducation International (ex-CIEP Centre international d’études pédagogiques ).

Je pense aussi au Campus franco-sénégalais pour lequel la question du numérique va désormais s’imposer à nous. 

Olivier Faron


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Parcours

Medef
Conseiller spécial éducation-formation
Ecole nationale supérieure de la police (ENSP)
Membre du CA
Cabinet de Laurent Wauquiez, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
Directeur adjoint enseignement supérieur
Conseil du Loisirs Scientifique de la Région métropolitaine
Membre
École normale supérieure Lettres et sciences humaines de Fontenay-Saint-Cloud
Directeur
Cabinet de Claudie Haigneré, ministre déléguée à la Recherche et aux nouvelles technologies
Conseiller pour les sciences humaines et sociales et les relations entre science et société
Université Paris IV - Sorbonne
Professeur
CNRS
Chargé de recherches
CNRS
Directeur adjoint
Ecole française de Rome
Membre

Établissement & diplôme

École normale supérieure de Saint-Cloud
Doctorat Histoire

Fiche n° 4739, créée le 18/06/2014 à 11:34 - MàJ le 30/09/2024 à 09:38

Conservatoire national des arts et métiers (Cnam)

Le Cnam est le seul établissement d’enseignement supérieur français dédié à la formation des adultes.

Catégorie : Universités
Entité(s) affiliée(s) : Conservatoire national des Arts et Métiers Nouvelle-Aquitaine (Cnam Nouvelle-Aquitaine)


Adresse du siège

292 rue Saint-Martin
75141 Paris Cedex 03 France


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Fiche n° 2213, créée le 25/06/2014 à 10:46 - MàJ le 06/06/2024 à 16:43


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