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Parcoursup : « Des écoles, moins visibles sur APB, enregistrent un bond de 200 % ! » (M. Renner, Cdefi)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Interview n°113872 - Publié le 23/03/2018 à 10:30
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©  Insa Strasbourg
Marc Renner, président de la Cdefi - ©  Insa Strasbourg

Pour les écoles d’ingénieurs présentes dans Parcoursup, « deux risques existent : celui d’avoir plus d’inscrits que les capacités réelles d’accueil et, à l’inverse, celui d’avoir des promotions trop réduites (…). Il nous faudra attendre la fin mai pour y voir plus clair et pour mieux estimer combien d’étudiants seront sur nos bancs en septembre. C’est une bonne chose d’avoir des candidats en mars, mais la finalité, c’est d’avoir des étudiants dans l’école en septembre », déclare Marc Renner, président de la Cdefi Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs , à News Tank, le 21/03/2018.

Il analyse la phase d’ouverture de la nouvelle plateforme d’orientation : « A l’heure actuelle, nous pouvons constater que les écoles qui étaient les années précédentes les plus visibles ou les plus attractives sur APB Admission Post Bac affichent un niveau d’inscriptions rassurant, proche des autres années. Mais nous observons également que les écoles moins visibles sur APB enregistrent, elles, un bond spectaculaire, parfois de 200 % ! (…) Les écoles pourraient faire de l'“overbooking“ : un appel massif initial pour remplir au mieux leur établissement, en jouant statistiquement sur les chances de voir ces candidats rester positionnés sur leur école. »

« Nous allons beaucoup “phosphorer“ en avril, il nous faudra sur la base de statistiques, gérer la complexité et créer un modèle pour paramétrer l’appel du 22/05/2018 (…). Pour la Cdefi, il sera important d’analyser très précisément le résultat de la campagne de recrutement en cours afin de se projeter dans les meilleures conditions pour celle de 2019. »

Marc Renner revient aussi sur le dense agenda politique : « La Cdefi se préoccupe et est intéressée par l’ensemble des sujets politiques qui se traduisent par une évolution de la loi. Pour un jeune président de la Cdefi, c’est passionnant. Je ne m’imaginais pas du tout être confronté à autant de sujets aussi vite :
• la question du baccalauréat qui nous préoccupe ;
• l’ordonnance sur les regroupements ;
• l’évolution de la loi sur les chercheurs-entrepreneurs, qui intéresse les écoles présentes dans le domaine de l’innovation ;
• ainsi que la question de l’apprentissage, sur laquelle la Cdefi s’est exprimée à plusieurs reprises. »


Marc Renner répond à News Tank

Sur la question de Parcoursup, où en sont les écoles d’ingénieurs et la Cdefi Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs  ?

Marc Renner : La phase d’inscription des candidats sur la plateforme s’est achevée le 13/03/2018. Nous sommes à présent dans une phase d’observation et d’attente.

Beaucoup d’écoles étaient sur APB Admission Post Bac , elles sont donc tout aussi nombreuses sur Parcoursup. Mais avec la réforme et la limitation du nombre de vœux, un changement des comportements des candidats au moment de l’inscription est inévitable. A l’heure actuelle, nous pouvons constater que les écoles qui étaient les années précédentes les plus visibles ou les plus attractives sur APB affichent un niveau d’inscriptions rassurant, proche des autres années. Mais nous observons également que les écoles moins visibles sur APB enregistrent, elles, un bond spectaculaire, parfois de 200 % !

Comment l’expliquez-vous ?

D’une part, la manière dont les candidats formulent leurs vœux est impactée par le fait que le choix de vœux est limité : ils vont chercher à maximiser leurs chances.

Ils vont chercher à maximiser leurs chances »

Ainsi, le futur étudiant peut avoir tendance à choisir des établissements fonctionnant en vœux groupés comme, par exemple, le groupe Insa Institut national des sciences appliquées . Un candidat peut faire acte de candidature pour un ou plusieurs Insa et un seul vœu sur les dix lui sera décompté.

Où est l’inquiétude, pour les écoles d’ingénieurs ? 

Les écoles pourraient de faire de l'« overbooking » »

Mi-mai, les établissements devront répondre aux futurs étudiants. Chaque école devra ainsi paramétrer son appel de candidats et déterminer le nombre de candidats qu’elle accepte en tenant bien sûr compte des potentiels désistements (les candidats attendent plusieurs réponses).

Les écoles pourraient de faire de l'« overbooking » : un appel massif initial pour remplir au mieux leur établissement, en jouant statistiquement sur les chances de voir ces candidats rester positionnés sur leur école.

Mais pour les écoles qui ont deux fois plus de candidats qu’auparavant, il est difficile d’estimer le taux de désistement, d’autant que nous n’avons plus la hiérarchie des vœux d’APB qui permettait de mieux connaître la volonté du lycéen. Les candidats ne devront au final ne retenir qu’une école ayant approuvé leur candidature et abandonner toutes les autres. C’est un choix drastique !

Y a-t-il d’autres inconnues ?

Il y a encore une variable d’ajustement : les candidats placés sur liste d’attente des établissements. Selon les réponses apportées par les candidats acceptés dès la première phase puis au fur et à mesure, des places se libéreront dans les établissements et les candidats sur les listes d’attente se verront proposer des affectations.

Deux risques existent : celui d’avoir plus d’inscrits que les capacités réelles d’accueil et, à l’inverse, celui d’avoir des promotions trop réduites.

Il nous faudra attendre la fin mai pour y voir plus clair et pour mieux estimer combien d’étudiants seront sur nos bancs en septembre. C’est une bonne chose d’avoir des candidats en mars, mais la finalité, c’est d’avoir des étudiants dans l’école en septembre.

Pour les écoles privées, il est prévu qu’elles intègrent Parcoursup en 2019, avec des dérogations possibles en 2020. La CGE Conférence des grandes écoles s’inquiète de ce système. Qu’en pense la Cdefi ?

Pour les futurs étudiants, il est quand même plus efficace et plus compréhensible d’avoir un système unique. Pour les établissements, c’est également préférable : les recrutements parallèles ne permettent pas de connaître le flux d’étudiants pour chaque école.

Analyser précisément le résultat du recrutement afin de se projeter dans les meilleures conditions pour la campagne de 2019 »

Pour que cela fonctionne, il faut que les écoles soient convaincues de l’avantage pour elles de rejoindre la plateforme : tout dépendra du recrutement 2018. Il ne faut pas oublier que l’organisation d’un concours est quelque chose qui se prévoit un an à l’avance et que cela nécessite d’être prévenus en amont.

Aussi, pour la Cdefi, il sera important d’analyser très précisément le résultat de la campagne de recrutement en cours afin de se projeter dans les meilleures conditions pour celle de 2019.

Y a-t-il un risque de désaffection pour les écoles isolées n’appartenant pas un groupe ?

Il y a deux risques antagonistes :

  • une perte d’attractivité pour les écoles isolées, car les étudiants peuvent préférer consacrer un vœu à un groupe d’une dizaine d’écoles qu’à une seule, en effet;
  • un regain d’attractivité grâce aux sous-vœux, qui permettent aux étudiants de multiplier les candidatures, ce qui, là encore, ne permet pas de connaître la solidité des candidatures.

Quelle a été l’implication politique de la Cdefi sur ce dossier, en lien avec la CPU et la CGE ?

Nous avons été pleinement associés aux discussions. Et cela faisait partie des sujets abordés lors des réunions mensuelles entre la Cdefi et le ministère.

Côté CPU Conférence des présidents d’université , les préoccupations sont différentes. Nous avons des préoccupations de parcours sélectifs, qui le restent pleinement, sans logique de mise à niveau et de « oui si ». Nous sélectionnons ceux qui ont déjà le niveau, et nous les classons.

Nous travaillons également avec la CGE sur la question des écoles d’ingénieurs. Nous avons un très bon dialogue avec la CGE et avec les classes préparatoires.

Interrogé sur la nomination de l’ancien président de la Cdefi, Armel de la Bourdonnaye, au poste de recteur de Poitiers, le 14/02/2018, Marc Renner déclare : « Je l’en félicite et je m’en réjouis. Il a cette posture - nécessaire pour un recteur - de connaitre parfaitement le système, au-delà de l’enseignement supérieur. »

Les écoles d’ingénieurs ont une expérience de sélection. Vous êtes directeur d’un Insa, école post-bac : quel conseil pourriez-vous donner aux universités sur la gestion des recrutements ? Comment faites-vous ?

Les Insa recrutent sur dossier et entretien : nous étudions le livret scolaire de 1re et Terminale de plus de 15 000 candidats puis nous recevons près de 5 000 candidats en entretien que nous classons ensuite : il y a près de 3 000 places dans les Insa et les partenaires du groupe.

Nous avons des dizaines d’années d’expérience, ce qui nous permet de nous adapter »

Le service d’admission du groupe compte neuf permanents, car le recrutement prend beaucoup de temps : il nous faut, par exemple, organiser les entretiens, avec des jurys qui comptent des enseignants des écoles et des partenaires du monde économique. Mais nous avons des dizaines d’années d’expérience, ce qui nous permet de nous adapter.

APB a connu plusieurs évolutions au cours des années, ce qui a nécessité une adaptation constante et parfois rapide. J’ai aussi vécu trois évolutions majeures du concours, notamment, en 2013, lorsque l’État nous a retiré le droit d’utiliser les résultats du bac pour notre seconde vague d’admission qui faisait 50 % de notre recrutement. Cela avait été annoncé en mai 2013 pour la campagne 2014 : nous avions dû travailler pendant l’été 2013 pour reformater notre modèle d’admission.

Pour Parcoursup, nous allons beaucoup « phosphorer » en avril, il nous faudra sur la base de statistiques, gérer la complexité et créer un modèle pour paramétrer l’appel du 22/05/2018.

Je conseillerais aux universités de mobiliser beaucoup de personnels pour analyser les livrets scolaires et les résultats »

Je conseillerais aux universités de mobiliser beaucoup de personnels pour analyser les livrets scolaires et les résultats. Heureusement, aujourd’hui, ils sont numérisés. Mais on touche à la loi des grands nombres et c’est une difficulté, même si l’on dispose des statistiques des recrutements précédents.

La loi Orientation et réussite des étudiants prévoit la mise en place d’une contribution de 90 € pour l’ensemble des étudiants y compris dans les établissements privés. Avec une incertitude sur le fait que ces étudiants puissent bénéficier des services offerts. A ce sujet, Marc Renner estime que « le dispositif pour les écoles n’est pas clair, notamment pour les écoles privées. C’est un sujet sur lequel nous sommes vigilants. »

Autre point à l’ordre du jour politique : la réforme du lycée et du baccalauréat.

Nous souhaitons pouvoir travailler conjointement avec le ministère de l’Education nationale sur les contenus des programmes »

Ce sujet nous intéresse particulièrement. La réforme du baccalauréat a une incidence sur les établissements d’enseignement supérieur. Nous souhaitons pouvoir travailler conjointement avec le ministère de l’Education nationale sur les contenus des programmes. À la suite de la précédente réforme du lycée, nous avons constaté que les bacheliers avaient un socle de connaissances scientifiques large, mais centré davantage sur des notions que sur une maîtrise réelle des sujets, notamment en physique.

Si l’écart entre les programmes du secondaire et ceux de l’enseignement supérieur sont trop éloignés, les jeunes ne pourront pas réussir dans leurs études et nous ne pourrons pas répondre aux besoins en compétences des futurs employeurs, ni de la société dans son ensemble.

Les entreprises veulent des ingénieurs généralistes ou spécialistes qui maîtrisent des modèles complexes, économiques et techniques, avec des mathématiques et de la physique de haut niveau. Donc, il faut être vigilant sur le socle scientifique.

Il faut voir comment les lycéens et candidats vont s’emparer du système de majeure/mineure  »

Il existe un lien entre la mise en place de Parcoursup et celle du baccalauréat : les attendus des formations indiqués sur Parcoursup sont précis quant au socle de sciences fondamentales, et sont en adéquation avec les attentes des établissements supérieurs notamment en matière de culture générale, d’ouverture au monde et de langue étrangère. Le système de majeure/mineure devrait permettre l’acquisition de ces soft skills, mais il faut voir comment les lycéens et candidats vont s’en emparer.

J’espère que l’orientation ouverte en seconde leur permettra de choisir en âme et conscience une formation qui les anime. Si le système permet au jeune de choisir en fonction de ses goûts et ses passions, cela sera forcément plus satisfaisant. Je suis plutôt optimiste sur la filière généraliste.

Et pour les filières technologiques et professionnelles ?

En revanche, j’ai une inquiétude sur les filières technologiques STI2D et STL qui concernent nos écoles. Il faut offrir à ces jeunes des filières passionnantes. Or, le traitement de la filière technologique dans la réforme du baccalauréat reste très timide : ce système mineure/majeure aurait pu être décliné pour les bacheliers technologiques.

Les écoles d’ingénieurs connaissent moins bien le public des bacheliers professionnels. Nous en accueillons, mais très peu et très exceptionnellement en post-bac.

Comment vous positionnez-vous sur les expérimentations en matière de regroupements ?

C’est un sujet complexe. Il convient d’attendre un texte précis pour voir comment se déclineront les transformations et les réorganisations des moyens humains et financiers. Il est intéressant d’observer que cela permettra d’imaginer de nouveaux dispositifs que la loi 2013 n’avait pas prévus.

Sceptique sur la réversibilité des expérimentations  »

Mais nous restons sceptiques sur la réversibilité des expérimentations : comment peut-elle s’opérer une fois que l’on a créé une nouvelle marque, que l’on a transféré des moyens et des personnes, que l’on a recruté des étudiants et mis en place des diplômes ?

Comment envisager facilement cette réversibilité après plusieurs années de fonctionnement ? Cela me paraîtrait davantage possible au bout d’un an d’étude, et avant même de lancer la machine. Je ne connais pas de fusion qui soit revenue à l’état initial.

Du côté de la loi Allègre sur les chercheurs entrepreneurs, des évolutions sont également annoncées…

Cela préoccupe les écoles présentes dans le domaine de l’innovation, qui verraient d’un bon œil que la loi évolue. Cette annonce a été une surprise pour nous.

La loi Allègre représentait, à l’époque, une évolution majeure. Elle a permis de créer des entreprises à partir des laboratoires de recherche, tout en se préoccupant de l’aspect éthique (puisque les recherches sont financées par l’impôt public), afin que ce ne soit pas juste un transfert d’argent public au secteur privé.

Vu le pas important qui a été fait alors, des réajustements sont nécessaires. Et il sera très utile de se demander si l’intervention du chercheur dans l’entreprise doit être plus forte et de préciser aux établissements comment gérer cela, du point de vue juridique. Nous sommes des établissements publics : il faut penser à l’éthique, mais nous devons aussi booster l’économie. C’est encore très laborieux, il faut accélérer et simplifier cela, tout en permettant également aux chercheurs qui seraient partis en entreprise de revenir aisément dans les unités de recherche quand ils le souhaiteront. Les Satt Sociétés d’accélération du transfert de technologies doivent avoir un rôle majeur dans ce dispositif.

Marc Renner


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Parcours

Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip)
Conseiller de site et d’établissements, en charge de la Nouvelle Aquitaine, du Centre Val de Loire et de PSL
Université de Haute-Alsace (UHA)
Professeur en mécanique, génie mécanique et génie civil
Nantes Université (EPE)
Administrateur provisoire
Université de Haute-Alsace (UHA)
Administrateur provisoire
Université de Haute-Alsace (UHA)
Vice-président en charge des ressources humaines
Université Bretagne Loire (Comue UBL)
Administrateur provisoire
Alliance TriRhenaTech
Porte-parole
Alsace Tech
Président
Université de Haute-Alsace (UHA)
Chef de travaux Arts et Métiers

Établissement & diplôme

Université de Haute-Alsace (UHA)
Titulaire d’un doctorat
Ensisa (Ecole nationale supérieure d’ingénieurs Sud Alsace)
Ingénieur diplômé de la filière textile de l’ENSISA

Fiche n° 4837, créée le 20/06/2014 à 12:18 - MàJ le 16/12/2021 à 14:39

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Fiche n° 1925, créée le 05/05/2014 à 12:22 - MàJ le 04/11/2024 à 09:22


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