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Think Education : « La transformation du financement de l’ESR n’a pas commencé »

Paris - Interview n°61997 - Publié le 10/02/2016 à 15:50
©  News Tank - LM
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« Force est de constater que les gouvernements successifs ne veulent pas nous donner les moyens de notre autonomie financière et budgétaire : les emprunts sont interdits aux universités et nous ne pouvons pas non plus vendre notre immoblier sans être astreints à un impôt de 80 % (impôt sur frais de cession). Pour l’instant le chantier de la transformation du financement de l’ESR n’a pas commencé », déclare Jean-Loup Salzmann, président de la CPU Conférence des présidents d’université , lors du débat « Financer la transformation, transformer le financement ? » organisé lors de Think Education, le 02/02/2016.
« La transformation du modèle de financement de l’ESR passe par des liens entre les différents maillons de la chaine, notamment entre les écoles et les universités », affirme Anne-Lucie Wack, présidente de la CGE Conférence des grandes écoles . « L’ ESR doit-être perçu comme un thème sur lequel chacun doit se mobiliser et mobiliser des ressources », ajoute-telle.

Participaient au débat intitulé animé par Gilbert Azoulay, directeur général associé de News Tank Education : Anne-Lucie Wack, François Cansell, président de la Cdefi Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs , Patrice Guezou, directeur formation et compétences à CCI Chambre de commerce et d’industrie France, Sandrine Javelaud, directrice de mission formation initiale au Medef Mouvement des entreprises de France , et Philippe Bordeyne, président de l’Udesca Union des établissements d’enseignement supérieur catholique .

Etat des lieux du financement de l’ESR

Les enjeux pour les universités (Jean-Loup Salzmann)

Le montant du budget de l’ESR pourrait atteindre 300 milliards d’euros au cours de la prochaine mandature. »

« Les universités et les établissements publics d’enseignement supérieur sont financés par la subvention qui représente 90 % des crédits dont 80 % va à la masse salariale. Ils sont dopés à une dotation qui baisse tous les ans ou presque, et avec laquelle il faut parvenir à fonctionner et en plus… à financer l’accueil des étudiants étrangers, la transformation digitale, la rénovation des bâtiments, la venue des professeurs étrangers et faire face à l’augmentation du nombre d'étudiants… »

« A partir du moment où 50 % d’une classe d'âge  fait des études supérieures cela devient un sujet de société et de financement. Le montant du budget de l’ESR pourrait atteindre 300 milliards d’euros au cours de la prochaine mandature : pour  la simple application de la loi LRU, il faut compter 850 millions d’euros chaque année. Avec l’augmentation naturelle de la masse salariale pour absorber le nombre d'étudiants, il faudra également compter 200 à 300 millions d’euros supplémentaires par an. »

Ecoles : « des réalités différentes » (Anne-Lucie Wack)

Financer la transformation - ©  News Tank - LM
« Pour les écoles, la question du financement et des ressources supplémentaires se pose également. Parmi les 230 écoles membres de la CGE, certaines sont publiques et d’autres privées, ce qui recouvre des réalités parfois très différentes. Pourtant, toutes doivent faire face à une augmentation importante des effectifs (+36 % entre 2007 et 2013) et à une baisse simultanée des recettes de la taxe d’apprentissage depuis sa réforme. »

 Leviers et freins au financement de l’ESR 

« Une urgence » (Jean-Loup Salzmann)

« Ni l’Etat, ni les différentes forces de l’ESR ne veulent vraiment aborder le problème du financement des universités qui est pourtant devenu une urgence car nous sommes confrontés à une forte concurrence internationale et à l'étranger les investissements dans le domaine de l’ESR sont massifs, notamment dans les pays émergents. »

Jean-Loup Salzmann dans l’atelier « Financer la tranformation, transformer le financement ? » - ©  News Tank - LM
« Il existe trois leviers de financement pour l’université : l’argent des entreprises notamment versé via des fondations, les recettes de la formation continue, chasse gardée du paritarisme, et les droits d’inscriptions. Mais, sur ce dernier point, cela ne sert a rien d’ouvrir le dossier car il n’est pas à l’agenda du MENESR. » 

Les frais d’inscription : pas le levier unique de financement (Anne-Lucie Wack)

« Les frais de scolarité ne doivent pas être le levier unique de financement des écoles qui doivent adopter un modèle économique à la fois durable et permettant de garantir un accès aux enfants de CSP modeste. Aujourd’hui nos écoles accueillent en moyenne 40 % de boursiers sur critères sociaux. Les frais d’inscription peuvent être un véritable enjeu d'équité sociale  »

Le point de vue de la Cdefi

« Je me retrouve à la fois dans les propos de la CPU et ceux de la CGE car en France la moitié des ingénieurs sont formés à l’université », selon François Cansell, président de la Cdefi.

Les universités et leur financement vus par le Medef

Les droits d’inscription sont un sujet idéologique tabou qui dépasse le débat droite-gauche. »

« Depuis quelques années, les entreprises augmentent globalement leurs capacités de mécénat pour l’ESR mais il n’est pas orienté vers les universités. Car les entreprises ne ne connaissent pas bien leur fonctionnement qui est moins lisible que celui des écoles. Elles ne voient que la subvention publique et pas le reste », déclare Sandrine Javelaud.

« Les droits d’inscription sont un sujet idéologique tabou qui dépasse le débat droite-gauche. Nous avons participé aux assises de la Stranes Stratégie nationale de l’enseignement supérieur  et nous pensons que le développement des universités est bloqué en partie pour cette raison. Si vous me permettez la comparaison, une bonne université c’est comme une bonne entreprise, il lui faut des compétences et du cash. »

Sandrine Javelaud - ©  News Tank - LM
« La question du financement des universités est reliée à celle du modèle idéologique. Oui, la formation continue est un levier mais quel chemin prend-on ? Début 2015, on prévoit de prélever 150 millions d’euros sur fonds de roulement et fin 2015,  le rapport Germinet ouvre la possibilité de co-construire une offre de formation professionnelle tout au long de la vie avec des structures privées » 

« Les entreprises françaises qui versent environ 2,8 milliards d’euros de mécénat chaque année à l’ESR (12 % d’entre elles)  ont besoin de voir les résultats de leur investissement. Pierre Gattaz a proposé qu'à chacune de leurs missions à l'étranger, les entreprises partent avec une délégation d'écoles et d’universités car la proximité et le fait de partager cette expérience peut leur permettre de mieux se connaître et de se rapprocher mais aussi parce que le développement de formations et de la recherche à l’international est lié à des objectifs économiques. »

« Nous sommes en train de mettre en place des outils pour faire du crowndfunding de projets des écoles et universités pour proposer aux entreprises de les financer. »

 Transformer les modèles de financement

« Donner plus d’autonomie » (François Cansell, Cdefi)

« L’Etat doit aujourd’hui s’engager fortement et considérer que l’ESR est un des acteurs majeurs de l’enjeu sociétal durable et contribuer à mieux dépenser l’argent public. Pour cela, il faut lui donner plus d’autonomie pour aller chercher des ressources propres, ce qui signifie :

  • plus d’agilité pour collecter la taxe d’apprentissage ;
  • plus d’autonomie sur ses droits d’inscription tout en garantissant à toutes les couches sociales un accès à l’ESR en général et aux écoles en particulier ;
  • plus d’autonomie de pilotage pour gérer notre épargne et contracter des prêts ;
  • le développement des prêts étudiants via les établissements ;
  • le renforcement de l’orientation active. » 

Une nouvelle équation à résoudre, un « new deal » à trouver (Anne-Lucie Wack, CGE)

« Les écoles doivent trouver un nouveau système, et résoudre une nouvelle équation permettant :

  • de diversifier leurs ressources ;
  • diminuer leurs charges tout en finançant la transformation numérique qui d’ailleurs change les modèles de financements ;
  • changer de posture et raisonner en terme de  »retour social sur investissement«  ;
  • l’internationalisation  de nos écoles représente un coût énorme tout comme le développement massif de programmes d’inclusion sociale. C’est pourquoi il faut un New Deal avec la société pour financer l’ESR. »

« La transformation du modèle de financement de l’ESR passe par des liens entre les différents maillons de la chaine, c’est à dire entre les écoles et les universités. »

De l’agilité pour les établissements consulaires (Patrice Guezou, CCI France)

« Le nouveau statut d’EESC va permettre aux établissements consulaires qui l’adoptent de retrouver de l’agilité et de mettre en place une gouvernance en lien avec leurs moyens et leurs objectifs. »

« Les CCI et les écoles de management portent en elles les solutions à leurs revenus futurs et en même temps, les activités des écoles consulaires entrent parfois en concurrence avec les activités des CCI. Elles doivent aller vers de nouvelles offres et de nouveaux services pour apporter de la valeur ajoutée à leurs étudiants et à leur territoire. La question de l’innovation en matière de financement de l’ESR revient à poser la question du retour sur investissement. »

« Il parait légitime de faire en sorte que les opérateurs que sont les CCI investissent dans le champ de la formation pour que le taxe “frais de chambre” soit investie dans l’ESR. Le monde économique doit pouvoir participer à l’orientation que prennent les établissements sans pour autant s’immiscer dans leur gestion : il faut distinguer maîtrise d’oeuvre (déléguée aux établissements) et maîtrise d’ouvrage (qui revient aux CCI en tant qu’investisseurs). » 

Le cas des instituts catholiques (Philippe Bordeyne, Udesca)

« Les instituts catholiques doivent faire face à une série de paradoxes - doublement des effectifs en 10 ans et diminution de la subvention de l’Etat de 20 % entre 2012 et 2014 - qui les obligent à être agiles et structurent nos questions de financement. Cela nous a notamment permis de construire notre carré magique qui repose sur 4 piliers :

  • des campus à taille humaine,
  • concentrer notre recherche et nos innovations sur les domaines de l'éthique humaniste et des écosystèmes innovants,
  • renforcer l’insertion professionnelle et la qualité, s’ouvrir largement à l’international notamment via le réseau international des universités dites catholiques. »

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