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La place de l’étudiant dans l’ESR, entre consommateur et acteur (Think 2019)

Paris - Actualité n°140691 - Publié le 27/02/2019 à 11:12
©  Seb Lascoux
Les cinq intervenants lors du débat à Think Education & Recherche 2019 - ©  Seb Lascoux

« Quand j’ai créé la direction de l’expérience étudiante à l’Edhec, j’ai décidé d’engager une évaluation de l’établissement par des questionnaires à destination des étudiants. Depuis trois ans, j’ai étudié l’ensemble des verbatims. Grâce à ça, j’ai compris les frustrations, les attentes et ce sur quoi nous pouvions travailler ensemble », indique Anne Zuccarelli Directrice du département expérience étudiante et opérations @ Edhec Business School (Ecole des hautes études commerciales du Nord)
, directrice du département expérience étudiante et opérations à l’Edhec Business School, le 13/02/2019.

Elle prend la parole lors d’une table ronde intitulée « À la carte : quand les étudiants deviennent des clients » qui s’est tenue lors de Think Education & Recherche 2019, événement organisé par News Tank à l’Université Paris-Dauphine.

Étaient également invités :
• Florence Dufour Directrice honoraire @ EBI (École de biologie industrielle) • Présidente @ Union professionnelle de l’enseignement supérieur privé
, directrice générale de l’École de biologie industrielle ;
• Yves Grandmontagne Directeur associé @ Nextmodernity • CEO & Consultant @ DIGILAB RH
, président du Lab RH, ancien DRH de Microsoft ;
• Olivier Faron Conseiller spécial éducation-formation @ Medef
, administrateur général du Cnam ;
• Marc Drillech
, directeur général, Ionis Education Group.

Comment a évolué le statut des étudiants ? Sont-ils devenus des clients ? Pour Anne Zucarelli, ils peuvent surtout être acteurs et construire avec leur établissement. 

Ce à quoi Olivier Faron ajoute : « L’idée d’associer les étudiants à une démarche de qualité implique que l’on devrait attendre un retour de notre public. Je rappelle que l’évaluation des enseignants avait été annoncée par François Bayrou en 1995. Cette évaluation, a des marges de progression à faire, dans l’enseignement public on a un peu contourné cette façon de faire. En même temps, je crois que beaucoup d’enseignants de ce pays ont un rapport avec leurs étudiants qui fait qu’il y a un certain nombre d’échanges très positifs qui permettent la compréhension. De même, la création de vice-présidents étudiants dans les conseils d’administration des universités, c’est une avancée extrêmement forte. »

La place de l’étudiant et l’ESR peut-elle évoluer ?

L’étudiant dans l’enseignement supérieur : client, consommateur, producteur ?

Olivier Faron (Cnam) observe une évolution de la place de l’étudiant, mais qui lui semble corrélée à l’évolution de la société : « On est tous un peu plus consommateurs ». Néanmoins, il émet des réserves sur le terme « client » :

« Il y a effectivement une forme de transaction, mais il s’agit d’un bien extrêmement précieux : les connaissances et les compétences ».

Olivier Faron - ©  Seb Lascoux
Selon lui, la relation n’est pas uniquement marchande, il s’agit surtout d’une « responsabilité par rapport aux étudiants afin de les accompagner vers leur réussite, ce qui dépasse le simple cadre d’une transaction ».

Marc Drillech (Ionis) estime quant à lui qu’il ne s’agit pas simplement d’être des « dealeurs de connaissances », mais bien de « former des individus, détecter chez eux des capacités, et finalement aller au-delà des connaissances et des compétences ».

Pour d’autres, comme Florence Dufour, les étudiants ne sont pas que consommateurs, mais également « producteurs » puisqu’ils contribuent notamment par le biais de leurs associations.

« Est-ce que les étudiants ont changé ? Je pense qu’ils sont à l’image des citoyens d’aujourd’hui qui sont en quête de sens, ils ont envie de contribuer de la manière la plus précise possible. »

Un ESR figé pour certains, évolutif pour d’autres

Marc Drillech - ©  Seb Lascoux
Si certains constatent que la place de l’étudiant évolue ces dernières années, il faut aussi s’intéresser à l’éco-système dans lequel il évolue : l’ESR.

Marc Drillech parle d’un « establishment » qui empêche l’innovation : « Comment voulez-vous innover si l’ensemble du système ne fait qu’exiger le respect de la norme ? Dans un monde qui justement n’a jamais autant changé, il y a un besoin de réfléchir à notre capacité à vivre avec le hors-norme », interroge-t-il.

Ce à quoi Olivier Faron répond : « Je vais me hasarder à me faire le défenseur de l’establishment, mais les établissements ont beaucoup innové ces dernières années, notamment dans les rapports avec les entreprises, comme l’Université de Cergy qui a misé sur l’apprentissage. »

Selon l’administrateur général du Cnam, il est effectivement nécessaire que le système évolue. « Le vrai enjeu est de savoir comment on reconstruit le système, notamment en ayant un regard à l’international : comment placer l’étudiant au cœur d’un projet qu’il s’approprie et qui lui permet de réussir ? » 

Comment fabriquer le système avec les étudiants ?

Co-construire une réponse aux besoins des étudiants : le cas de MyEDHEC

Anne Zuccarelli - ©  Seb Lascoux
Anne Zuccarelli travaille à la direction de l’expérience étudiante de l’Edhec. Dès la création de cette direction, elle crée des évaluations pour les étudiants, sous la forme de questionnaires. Rapidement, l’enjeu d’améliorer la communication apparaît. Pour cela, l’Edhec décide de mettre en place une démarche de co-construction :

« J’ai créé un comité de pilotage ainsi qu’un “shadow copil”, composé d’étudiants. Les deux comités de pilotage travaillaient sur un certain nombre de sujets pendant un an. Cela a permis d’avancer sur la création de MyEdhec, qui est un portail d’information et une application mobile, qui répond à un constat fait par les étudiants sur la diffraction des supports de communication. »

Pour Anne Zuccarelli, la co-construction de ce projet répond à une forte aspiration de la part des étudiants :

« Qu’est-ce que la génération Z plébiscite ? À 87 % d’entre eux, les étudiants veulent du collaboratif, 60 % apprennent mieux par des expériences concrètes. La notion de la co-construction, de l’engagement et du sens est essentielle pour définir nos projets. Les impliquer dès le départ dans le dispositif, les tenir au courant, continuer à les impliquer pour bâtir un processus d’amélioration continue, je pense que c’est comme ça que l’on arrivera à développer ces personnalités. »

Affirmer une démarche de qualité dans l’ESR avec les étudiants

Pour Olivier Faron, l’enjeu de fabriquer le système avec les étudiants est de penser globalement la qualité des enseignements et de mettre l’apprenant au cœur de la pédagogie. Il faut, selon lui :

  • Affirmer « la qualité des enseignements qui sont donnés, dans un contexte où l’on voit apparaître des offres de formations “low cost” avec des prix proposés qui sont inférieurs aux coûts de revient. »
  • Rendre « cette qualité accessible, pour les apprenants en formation initiale comme pour les apprenants en formation professionnelle ». Dans ce contexte, la loi « Avenir professionnel » est citée comme un levier, car elle met la qualité au centre.
  • Travailler à « une meilleure régulation entre les établissements » : « Il faut que l’ensemble des établissements, notamment des grandes conférences, CPU Conférence des présidents d’université , CGE Conférence des grandes écoles et Cdefi Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs , trouvent des règles du jeu. Je crois que les divisions privé/public ont peu de sens, alors que l’on doit penser les enjeux de qualité et de respect des apprenants, qui sera un futur actif, qui portera des compétences qui seront reconnues sur le terrain par la FTLV Formation tout au long de la vie et la VAE Validation des acquis de l’expérience . »

Mettre au cœur les apprenants dans la pédagogie, c’est pouvoir rapprocher les enjeux pédagogiques aux contextes d’apprentissage. Olivier Faron indique deux pistes concrètes :

  • Encourager la formation hybride : « Nos analyses indiquent que sur des cohortes d’apprenants, entre le tout numérique et le tout présentiel, ce qui fonctionne le mieux, c’est l’hybride. Les générations d’apprenants ont bougé, elles ont une envie de numérique mais en même temps la fonction de l’enseignant dans la transmission est essentielle. »
  • Développer la pédagogie inversée pour associer des profils plus diversifiés : « Les étudiants qui ne réussissent pas très bien en formation initiale ou qui n’ont pas la chance de rentrer dans les meilleures écoles de ce pays, expriment leur potentiel par la pédagogie inversée. Notre école Vaucansson, c’est de la pédagogie par projet, de la pédagogie inversée, elle permet à des bacheliers professionnels d’avoir une licence en trois ans et des carrières. »

L’évaluation dans un établissement : un « cercle vertueux » basé sur les retours des étudiants à l’École de biologie industrielle

Florence Dufour - ©  Seb Lascoux
« Nous allons assez loin à l’EBI École de biologie industrielle , car nous avons tous dans nos salaires une part variable qui est évaluée sur objectif individualisé et ce que nous récoltons à la fin dépend de la performance collective. Cette performance collective est assise pour moitié sur la performance de gestion de l’établissement et d’autre part sur la satisfaction des étudiants, qui dépend à parité de la satisfaction dans les enseignements et dans l’activité administrative. C’est un cercle vertueux, tout le monde est motivé pour que cela fonctionne, et va utiliser de façon efficace ces verbatims », explique Florence Dufour.

L’évaluation à l’EBI a connu plusieurs évolutions, depuis 1992 :

  • De 1992 à 1999, l’école a mis au point sa méthode pour évaluer le corps professoral et rendre son outil indispensable. L’évaluation est basée sur des questionnaires à destination des étudiants, les résultats sont analysés selon des méthodes d’occurrence sémantique et permettent de dégager des points forts et des points de consolidation. Les enseignants-chercheurs travaillent en binôme pour s’apporter des compétences.
  • En 2010, la totalité du périmètre de l’école (recherche, enseignement, formation continue) a reçu une certification ISO pour attester de la qualité.

Cette certification a mis en évidence un nouveau besoin : celui d’avoir des évaluations sur l’activité administrative. Les personnels étaient demandeurs. Une enquête annuelle a été mise en place pour capter des retours sur les services pédagogiques, l’accueil, le gardiennage, la propreté, l’animation ou la vie associative.

Aujourd’hui, les étudiants participent à certaines instances de l’établissement :

« L’an passé, nous avons ouvert nos cercles qualité et réflexion à nos étudiants qui représentent une partie qui va d’un quart à un tiers des personnes qui sont présentes. Cela concerne : la commission sécurité, la commission de gestion du site, la commission académique. »

Le regard d’un DRH

©  Seb Lascoux
Les cinq intervenants lors du débat à Think Education & Recherche 2019 - ©  Seb Lascoux