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ExclusifSorbonne U lance son propre centre en IA : « Nous nous serions sentis un peu à l’étroit dans un 3IA »

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Actualité n°149983 - Publié le 18/06/2019 à 17:29
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©  Sorbonne Université
Nathalie Drach-Temam, Gérard Biau et Jean Chambaz - ©  Sorbonne Université

« Le Sorbonne center for artificial intelligence s’inscrit pleinement dans et contribuera à la stratégie nationale pour l’IA Intelligence artificielle , coordonnée par Inria Institut national de recherche en informatique et en automatique  », affirme Jean Chambaz
, président de Sorbonne Université. « Mais compte tenu des capacités en IA de l’Alliance Sorbonne Université, nous nous serions sentis un peu à l’étroit au sein d’un 3IA Institut interdisciplinaire d’intelligence artificielle , ces instituts étant conçus initialement pour réunir 20 à 30 chercheurs de très haut niveau bien encadrés pour faire des percées dans le domaine de l’IA », affirme le président dans le cadre d’une interview donnée à News Tank, en amont de l’inauguration officielle du centre le 18/06/2019.

Scai Sorbonne center for artificial intelligence entend « embarquer l’ensemble de notre communauté liée à l’IA, c’est-à-dire nos près de 150 chercheurs — mathématiciens, informaticiens, roboticiens —, et nos communautés de chercheurs travaillant sur les données sur le climat, la biodiversité, la santé et les humanités numériques », souligne Jean Chambaz. Autre objectif affiché pour le centre : « Contribuer à l’industrie 4.0 et au renforcement du potentiel industriel de l’Europe. »

Les cofondateurs de Scai sont :
• les membres de l’Alliance Sorbonne Université (Sorbonne Université, l’Université technologique de Compiègne, le MNHN Muséum national d’histoire naturelle et l’Insead Institut européen d’administration des affaires ) ;
• les « cotutelles de nos UMR Unité mixte de recherche ou de nos équipes-projets » : CNRS Centre national de la recherche scientifique , Inserm Institut national de la santé et de la recherche médicale , Inria, et IRD Institut de recherche pour le développement  ;
• le CEA Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives et l’AP-HP Assistance publique-hôpitaux de Paris , « avec qui nous signons un accord-cadre pour le développement de l’IA en santé et médecine qui nous donnera notamment accès à l’EDS, leur entrepôt des données de santé des patients ».

Scai fait le choix de privilégier les collaborations avec des industriels plutôt qu’avec des Gafam Google Amazon Facebook Amazon et Microsoft , « car l’ambition est de contribuer au développement de l’industrie européenne et à la souveraineté de l’Europe en matière de données et d’IA », complète Nathalie Drach-Temam, vice-présidente recherche de Sorbonne Université.

« Nous avons déjà signé un accord avec Thales et Total en juin, ils sont donc membres de Scai ; une chaire est en préparation avec Atos et des discussions sont en cours avec Safran », ajoute Jean Chambaz.

Pour sa première année, en mobilisant les premières chaires et le budget de l’Idex Initiative(s) d’excellence , Scai sera doté d’un budget « de 3 à 4 M€ » pour financer des chaires. « Ce budget annuel a vocation à être pérennisé pour les années suivantes. La contribution financière des partenaires industriels de Scai se fera via le financement de chaires, de projets de recherche ou de formations », indique encore Jean Chambaz.


Scai en cinq questions/réponses

Pourquoi Sorbonne U n’a pas opté pour le 3IA parisien « Prairie »

« Paris constitue un site très dense en IA et la question se posait de savoir s’il fallait ou non un seul 3IA Institut interdisciplinaire d’intelligence artificielle à Paris : c’est finalement le choix qui a été fait. On nous a proposé d’intégrer Prairie, mais nous avons fait le choix de ne pas y aller et de créer notre propre centre hors 3IA correspondant vraiment à la communauté de l’Alliance Sorbonne Université et à nos partenariats industriels », indique Jean Chambaz.

On nous a proposé d’intégrer Prairie »

« Nous coopérerons bien sûr avec le 3IA Prairie dans un esprit d’effort national sur l’IA. Si l’inauguration officielle de Scai a été programmée au 18/06/2019 c’est aussi, car nous souhaitions attendre l’annonce officielle des résultats de l’AAP 3IA, pour ne pas interférer ».

« Scai ne s’interdira pas de travailler avec des collègues du 3IA Prairie, d’autres 3IA ou d’autres initiatives comme celle de Saclay (DataIA) », complète Gérard Biau.

Investissement des industriels : pas de lettre d’engagement comme dans les 3IA

Pour Gérard Biau, directeur de Scai, il faut maintenant que l’IA puisse être déployée industriellement pour diverses applications (médical, automobile, aéronautique…) :

« Pour y parvenir, l’expertise de grands industriels comme Atos, Thales, Total, Safran ou Airbus est incontournable, même si Scai ne s’interdit pas pour autant de travailler à l’avenir avec des Gafam Google Amazon Facebook Amazon et Microsoft  ».

« Il faudra juste bien construire les partenariats pour que l’échange soit équilibré », ajoute Nathalie Drach-Temam, VP recherche de Sorbonne Université.

Scai ne s’interdit pas de travailler avec des Gafam »

Interrogé sur l’apparent tropisme « IA data driven » de Scai, son directeur précise que les trois piliers essentiels de l’IA sont les données, les algorithmes et la puissance de calcul. « L’opposition IA symbolique versus data driven me semble déjà dépassée. Nous avons par exemple un projet de chaire avec Thales et Total qui devrait porter précisément sur la jonction entre la connaissance physique des systèmes, la connaissance experte et les données, autrement dit la combinaison entre ces deux types d’IA. »

L’investissement des industriels partenaires de Scai se fera via le financement de projets collaboratifs et de chaires : « Il n’y a pas d’engagement financier précis par lettre comme dans les 3IA. Et nous ne nous sommes pas fixé de niveaux de budgets alloués aux chaires, ni de limite. Leur financement dépendra de leurs besoins », ajoute Nathalie Drach-Temam.

« Avec les partenaires industriels de Scai, nous irons aussi chercher des financements au sein du volet “missions“ du pilier 2 d’Horizon Europe, le futur programme-cadre européen de R&I qui prendra le relais d’Horizon 2020 de 2021 à 2027 », indique Jean Chambaz

« Concernant le pilier 2, il faut convaincre la Commission européenne que de la recherche amont est indispensable pour remplir ces “missions“ d’Horizon Europe ; il faut donc que le programme laisse assez de libertés aux chercheurs dans le choix des sujets de recherche et ne les pilote pas de trop près si on veut obtenir des résultats intéressants, “de rupture“ comme on dit, dont l’impact sera évalué a posteriori. »

Formation : « data litteracy » pour tous les étudiants

« Scai a aussi l’ambition, partagée avec la stratégie nationale pour l’IA, de la formation. Nous continuerons bien sûr à former des experts en IA. Notre volonté est aussi qu’à terme, grâce à l’activité de Scai, l’ensemble des diplômés de Sorbonne Université et de l’Alliance possèdent la “data litteracy“, c’est-à-dire une capacité à comprendre, collecter, traiter et ranger des données et à pouvoir travailler avec des experts en data qui constituent les premières briques de l’IA », indique Jean Chambaz.

Données : des formations via l’AAP Grandes universités de recherche

Sorbonne U compte ainsi progressivement développer et généraliser des formations sur les données pour l’ensemble de ses étudiants en licence, master et doctorat, dans le cadre des collèges des licences, des masters et du collège doctoral.

« Dans cette optique, nous candidaterons à l’AAP Grandes universités de recherche du PIA attendu d’ici l’été 2019 pour financer ces formations adossées à la recherche. Scai veut aussi contribuer au transfert de connaissances sur l’IA vers la société. »

Un master apprentissage et algorithmes

En septembre 2019, Sorbonne Université ouvrira aussi un master 2 « apprentissage et algorithmes » pour former des étudiants dans le domaine des mathématiques, du machine learning et à l’IA en général.

Master : intégrer la cour des grands, tel le master MVA »

« L’objectif est que ce master intègre la cour des grands, tel le master MVA (mathématiques, vision, apprentissage) qui fait aujourd’hui référence en la matière. En 2019, nous avons aussi créé un DU en IA et machine learning, destiné aux cadres d’entreprises. Cette formation diplômante a fêté sa première promotion d’une vingtaine de diplômés le 14/06/2019 », indique Gérard Biau.

Pour ses doctorants, l’université réfléchit aussi à une formation plus spécifique sur les plans de gestion de données (DMP : data management plans), « qui deviennent obligatoires pour les projets de recherche financés par la Commission européenne et l’ANR », indique Nathalie Drach-Temam.

« Scai permettra aussi d’accompagner notre communauté à l’évolution des pratiques scientifiques liées à l’IA ».

« Il a un temps été question d’étendre à l’IA le champ d’expertise de l’ISCD (Institut des sciences du calcul et des données). Mais au vu de l’envergure prise par l’IA, avec un plan national, un plan européen et une préoccupation mondiale sur le sujet, nous avons au final fait le choix de créer un centre spécifiquement dédié à l’IA (Scai) », indique Jean Chambaz.

« On a la chance d’avoir deux directeurs - Pascal Frey (directeur de l’ISCD) et Gérard Biau (directeur de Scai) - qui sont des chercheurs de très haut niveau, mais aussi des hommes extrêmement ouverts et pragmatiques qui ont le sens du collectif et sauront articuler de manière très complémentaire le fonctionnement de leurs deux structures ; pour preuve, elles seront installées dans les mêmes locaux. »

Valorisation : des projets prématurés proposés à la Satt Lutech

Au sein de Scai, les chercheurs travailleront sur des données fournies par les groupes industriels partenaires « dans l’optique d’avancer sur des solutions industrielles qui passeront ensuite à grande échelle chez eux », indique Nathalie Drach-Temam, VP recherche de Sorbonne Université.

Scai mettra aussi à contribution le dispositif de prématuration conjoint avec le CNRS et les autres membres de l’Alliance Sorbonne Université. Des projets nés au sein de Scai seront ensuite proposés à la Satt Lutech pour créer des start-up ou générer des licences vers des ETI Entreprise de taille intermédiaire .

« Nous sommes très satisfaits de la Satt Lutech, dont nous sommes l’actionnaire principal, et qui est spécifiquement sur le périmètre de l’Alliance Sorbonne Université et de l’Ensci Ecole nationale supérieure de création industrielle  ; c’est donc notre propre Satt, dans la ligne de ce qui se fait dans nombre de pays où chaque grand regroupement universitaire a son propre outil de valorisation. Il faudrait même que la loi transforme les Satt en filiales des universités », précise la VP recherche.

À la demande du Premier ministre, le directeur de cette Satt, Jacques Pinget, va travailler à mieux articuler la stratégie de Lutech avec celle de ses partenaires académiques, selon Nathalie Drach-Temam. « Il est aussi fort probable que nous renforcions notre axe de prématuration via des financements Idex, en lien avec le CNRS », indique la VP recherche.

« Nous voulons aussi que la Satt Lutech soit plus agile, qu’il y ait moins de contrôle a priori et de micromanagement de la part de l’État actionnaire. Nous avons besoin que cette Satt soit généraliste, car nous sommes une alliance pluridisciplinaire. »

Attractivité face à la concurrence des Gafam

Pendant un an, Scai va héberger sur une chaire, Jim Kurose, « un des très grands spécialistes internationaux de l’IA qui était, il y a encore quelques mois, conseiller du président des États-Unis sur ces questions », indique Jean Chambaz.

A l’image de Jim Kurose, « nous serons très heureux d’attirer d’excellents chercheurs internationaux dans Scai », poursuit-il. « Mais nous avons déjà d’excellents chercheurs en IA parmi nos membres : donnons-leur donc déjà les moyens de développer leurs recherches en IA au meilleur niveau », prévient-il.

Interrogée sur la possibilité de rémunérer plus les chercheurs académiques en IA étant donné les salaires proposés par les Gafam, Nathalie Drach-Temam répond :

« Nous militons plutôt pour favoriser le système de la double position, une solution qui convient à beaucoup de chercheurs attirés par le privé, car la plupart souhaitent garder un pied dans leur université, notamment pour y former des doctorants. Ce système convient également bien aux industriels. »

« Notre philosophie est plutôt de partager nos chercheurs en IA avec les industriels via ce système de double position, plutôt qu’ils quittent définitivement notre université pour aller travailler pour eux à 100 %. Par ailleurs, il faut aussi que nous sachions mettre les moyens pour garder nos très bons chercheurs grâce à des chaires bien environnées ».

« La double position est rendue possible par la loi Pacte, mais elle nécessite des améliorations. En effet, il n’est pas encore possible d’être dirigeant d’une start-up tout en gardant une position dans son université. La future loi de programmation de la recherche réglera peut-être ce problème », précise Nathalie Drach-Temam.

Un Scai « miroir » à Abou Dabi

« À l’automne 2019, en même temps que l’ouverture de Scai à Paris, nous ouvrirons un Scai miroir à Sorbonne Abou Dabi, avec, là encore, des enseignants-chercheurs recrutés sur des chaires industrielles, associant des entreprises françaises et émiriennes », indique Jean Chambaz.

« Il s’agit de répondre à la stratégie des Émirats qui eux ont déjà un ministre de l’IA Intelligence artificielle . En septembre, nous ouvrirons aussi notre formation en mathématiques pour l’IA à Sorbonne Abou Dabi ».

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Catégorie : Universités
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Fiche n° 4949, créée le 24/04/2017 à 10:35 - MàJ le 09/04/2024 à 16:33

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