« Accroître l’autonomie des universités » : tribune des quatre présidents de la CPU de 2006 à 2016

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Tribune n°91661 - Publié le
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Jean-Pierre Finance, Lionel Collet, Louis Vogel et Jean-Loup Salzmann -

« Les candidats à l’élection présidentielle doivent porter une politique volontariste pour accroître l’autonomie des établissements universitaires leur permettant, en toute responsabilité, de faire face aux défis de la diversification, de la mondialisation et des ambitions sociétales de notre pays. (…) Sans une autonomie accrue, la France perdra de l’attractivité universitaire, lourde de conséquences sur la qualité de sa recherche et par suite sur les retombées économiques », écrivent Jean-Pierre Finance Président du groupe d’experts sur l’open science @ European University Association (EUA)
, Lionel Collet Président @ Haute Autorité de Santé (HAS) • Conseiller d’État @ Conseil d’État
, Louis Vogel Président @ Club d’Iéna • Sénateur de Seine-et-Marne @ Sénat • Maire @ Melun • Membre fondateur @ Vogel & Vogel
et Jean-Loup Salzmann
, présidents successifs de la CPU Conférence des présidents d’université de 2006 à 2016, dans une tribune publiée dans le Monde le 18/04/2017.

Les auteurs précisent en préambule que « bien qu’ils expriment des sensibilités politiques personnelles différentes, une ambition commune pour l’enseignement supérieur et la recherche les réunit ».

Ils mettent en avant plusieurs propositions, qui selon eux « ne nécessitent pas de nouvelle loi générale sur l’ESR », parmi lesquelles :
• donner « la possibilité aux établissements de fixer des capacités d’accueil et de subordonner l’admission dans certaines filières au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat », dès la licence ;
• accroître « la liberté pédagogique et la responsabilisation des établissements » ;
• permettre « la liberté de recrutement et de promotion des enseignants-chercheurs selon des normes internationales » ;
• donner un « droit effectif à l’expérimentation y compris sur l’organisation même des établissements » ;
• fusionner Dgesip Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle et DGRI Directeur/rice général(e) de la recherche et de l’innovation .


Extraits de la tribune

« La stagnation » de la France

Toutes les études convergent sur la nécessité d’une dépense publique d’enseignement et de recherche forte et sur les retombées très importantes de ces investissements sur l’économie des pays qui font ce type d’effort

Depuis dix ans, deux lois ont accru l’autonomie des établissements (loi Pécresse de 2007 et loi Fioraso de 2013). Mais ces lois n’ont concerné que certains pans de l’autonomie et le récent rapport de l’EUA European University Association a confirmé la « stagnation » de la France dans ce classement malgré l’application de ces deux lois.

La France se situe, pour l’autonomie des universités, dans le dernier tiers des 29 pays européens :

  • 20e pour l’autonomie organisationnelle ;
  • 24e pour l’autonomie financière ;
  • 27e pour l’autonomie dans le domaine des ressources humaines ;
  • 27e dans l’autonomie académique.

Les propositions pour renforcer l’autonomie

  • Le droit à la poursuite d’étude de chaque bachelier doit être réaffirmé et les dispositifs d’information et d’orientation doivent être renforcés. Mais la possibilité doit être donnée aux établissements de fixer des capacités d’accueil et de subordonner l’admission dans certaines filières au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat.
  • La liberté pédagogique et la responsabilisation des établissements doivent être accrues pour les programmes, les modalités du contrôle des connaissances, les cursus ou l’orientation.
  • Les droits d’inscription des ressortissants européens doivent rester identiques aux droits des étudiants nationaux et à un niveau faible permettant l’accès le plus large à l’enseignement supérieur. Toutefois, pour les étudiants extra-européens, les droits d’inscription devraient être fixés par chaque établissement avec un maximum décidé nationalement.
  • Une remise à plat des aides sociales à l’étudiant et le contrôle réel de l’assiduité et de la réalité du « mérite » de l’étudiant devraient permettre la poursuite d’étude des étudiants les plus défavorisés.
  • La liberté de recrutement et de promotion des enseignants-chercheurs selon des normes internationales, c’est-à-dire sans tutelle nationale mais par des comités composés de spécialistes majoritairement extérieurs à l’établissement. Des mesures permettant d’éviter « le localisme » devraient faire partie du contrat entre l’établissement et le ministère.
  • L’application de la laïcité dans les établissements ne nécessite pas de modifications relatives au port de signes religieux. En revanche, la laïcité impose que les lieux d’enseignement ne soient pas des lieux de pratique religieuse ou de refus d’enseignement au nom de convictions religieuses.
  • Les règles régissant les rapports entre les universités et la tutelle ministérielle doivent être modifiées en profondeur.
  • Le contrôle doit être réalisé a posteriori et non a priori, droit effectif à l’expérimentation y compris sur l’organisation même des établissements, évaluation rigoureuse et indépendante, décision au vu des résultats de l’évaluation.
  • Enfin, enseignement supérieur et recherche doivent rester indissolublement liés. A cette fin, les deux directions, Dgesip et DGRI doivent fusionner.
Jean-Pierre Finance, Lionel Collet, Louis Vogel et Jean-Loup Salzmann -