ExclusifParis-Dauphine PSL : « Des chantiers audacieux à consolider » ; vision et priorités de B. Bouchard
« Énormément de chantiers audacieux ont été lancés au cours des précédentes mandatures, notamment à l’échelle de PSL
Paris Sciences & Lettres
. Ils doivent être consolidés », déclare Bruno Bouchard
Président @ Dauphine - PSL
, président de l’Université Paris-Dauphine PSL, à News Tank, le 03/12/2024.
Vice-président du conseil scientifique, en charge de la recherche, depuis 2016, il est devenu tête de liste pour l’élection à la présidence lorsque E.M. Mouhoud, président sortant, s’est porté candidat à l’Université PSL, dont Dauphine est établissement-composante.
Interrogé sur sa vision de la relation entre PSL et Dauphine, il répond : « J’ai eu l’opportunité de travailler au cœur de PSL et de constater à quel point cette alliance peut être un levier puissant pour l’ensemble de ses membres. »
Bruno Bouchard évoque ses chantiers : installer, avec PSL, la Prairie
Paris artificial intelligence research institute
Paris School of Artificial Intelligence ; lancer un institut d’action publique ; créer des presses universitaires ou lancer en accès libre une grande revue internationale sur les sciences humaines et sociales.
Au sein de Dauphine, il prévoit aussi de lancer une grande campagne de sensibilisation à la recherche dès la licence. Et il entend développer les trois campus internationaux de Londres, Tunis et Dakar, avec « l’envoi d’équipes de recherche sur place, mais aussi le recrutement d’enseignants-chercheurs localement ».
Il annonce l’intention de développer une IA
Intelligence artificielle
générative spécifique aux laboratoires de Dauphine. En formation, « il est hors de question d’interdire l’utilisation de ces outils » aux étudiants. « Nous devons au contraire les former, leur expliquer leurs limites, et réfléchir aux inégalités d’accès aux technologies d’IA, pour éviter que certains soient désavantagés. »
Son parcours, sa candidature et ses priorités de président
E. M. Mouhoud devait briguer un second mandat à la présidence de Dauphine, mais sa candidature pour celle de PSL vous a propulsé en tête de liste. Comment s’est jouée pour vous la transition de vice-président de l’équipe sortante à candidat à la présidence ?
Je suis très engagé au sein de Dauphine depuis de nombreuses années. J’y ai été étudiant en mathématiques et économie, j’y ai obtenu mon doctorat. Et même si j’ai été en poste à Sorbonne Université avant de revenir comme professeur, je pense devoir beaucoup à Dauphine.
Nous avons lancé énormément de chantiers avec E. M. Mouhoud dont j’étais le vice-président du conseil scientifique. Lors de la préparation de cette campagne, nous avons beaucoup travaillé sur le programme et pour constituer l’équipe.
De nombreux collègues vice-présidents de l’équipe sortante souhaitaient revenir à leurs activités d’enseignement et de recherche. J’échangeais régulièrement avec ceux qui voulaient s’engager à leur suite. Le jour où E. M. Mouhoud a décidé de porter sa candidature à l’Université PSL, les choses se sont faites assez naturellement.
Son équipe de VP
Bruno Bouchard « tient à remercier tous mes collègues du comité exécutif dont le mandat arrive à son terme. Ce sont des personnes qui ont énormément donné et je leur suis profondément reconnaissant ». Il précise que « l’équipe pour ce nouveau mandat est déjà constituée, avec peut-être un ou deux ajustements à venir ».
• Arnaud Mias sera proposé à la vice-présidence du conseil scientifique ;
• Isabelle Catto à celle de la formation et vie étudiante ;
• Valérie Renaudin sera proposée au CA
Conseil d’administration
pour conserver la vice-présidence en charge de l’immobilier ;
• un binôme composé de Béatrice Parance et Stéphanie Monjon devrait suivre la RSE
Responsabilité sociétale et environnementale
;
• une vice-présidence sera dédiée aux relations avec les entreprises et aux partenariats et confiée à Sonia Adam-Ledunois ;
• Jamal Atif, proposé comme vice-président en charge de l’IA et du numérique
• Florence Benoit-Moreau, proposée comme vice-présidente chargée de la politique relative aux conditions d’exercice d’activité des enseignants-chercheurs, des enseignants et des chercheurs.
• Sophie Méritet, proposée comme vice-présidente chargée des relations internationales et de la mobilité étudiante.
À noter que les finances seront directement prises en charge par la présidence et ses équipes.
Quels sont vos chantiers prioritaires ?
Le thème de la campagne était « consolidation et approfondissement ». Énormément de chantiers audacieux ont été lancés au cours des précédentes mandatures, notamment à l’échelle de PSL. Ils doivent être consolidés : ce ne sont pas des projets ponctuels.
Nous allons installer, avec PSL, la Prairie Paris School of Artificial Intelligence, projet lauréat de l’appel cluster IA : c’est immense ce que nous sommes en train de faire. Avec l’ENS et d’autres établissements, nous allons lancer un institut d’action publique. La mineure lancée en septembre est déjà un beau succès.
Les universitaires doivent beaucoup plus porter leur voix dans la sphère publique. Le dialogue science-société est cher à mon cœur. Nous pourrions créer des presses universitaires pour PSL ou lancer en accès libre une grande revue internationale sur les sciences humaines et sociales. Nous ne pourrions pas faire cela seuls au niveau de Dauphine, mais avec nos collègues de PSL, cela devient possible.
Sur la formation, je tiens à souligner le succès de la double licence en intelligence artificielle et sciences des organisations. Ce programme répond parfaitement aux attentes des étudiants et des entreprises. Il a également permis d’atteindre une parité exemplaire avec 50 % d’étudiantes et 50 % d’étudiants, ce qui est une belle réussite.
Tous nos enseignements sont ancrés dans la recherche, et pourtant, il y a des étudiants qui traversent Dauphine sans réellement savoir ce qu’est la recherche. Je souhaite lancer une grande campagne de sensibilisation dès la licence. Nous avons des collègues très engagés dans cette démarche, mais il faut une impulsion forte au niveau de la gouvernance pour structurer cette action et la rendre visible.
Perspectives de croissance en formation continue et à l’international
Quelle sera votre approche pour vos implantations internationales ?
Le campus de Tunis (470 étudiants) et le projet en cours de construction à Dakar jouent un rôle essentiel. Ils contribuent déjà à former les élites locales, mais nous souhaitons amplifier leur rôle de hub régional.
À Londres (305 étudiants), qui est la première place en termes d’attractivité pour les étudiants, nous bénéficions d’un environnement riche en matière de recherche et de collaborations. Ce campus a un potentiel immense.
Attirer davantage d’étudiants étrangers et y développer la recherche »Sur ces trois campus, nous entendons attirer davantage d’étudiants étrangers et y développer la recherche. Cela passe par l’envoi d’équipes de recherche sur place, mais aussi par le recrutement d’enseignants-chercheurs localement.
Un autre chantier prioritaire sur lequel nous avons beaucoup progressé concerne le développement de parcours entièrement en anglais. Il est essentiel, à tous les niveaux, de proposer des formations intégrant des étudiants étrangers et français dans des programmes communs. Cette diversité culturelle et académique constitue une richesse pour nos étudiants.
Dauphine parvient-elle à intégrer la TEDS Transition écologique pour un développement soutenable dans ses programmes, en particulier en économie ?
Sur le développement durable et la responsabilité sociétale, nous avons été précurseurs à Dauphine. Dès la licence, nous avons instauré un cours obligatoire sur ces thématiques. Nous avons également mis en place un conseil social et environnemental, qui est le poumon de notre réflexion collective, et nous disposons d’un schéma directeur DD-RSE.
Nous entrons maintenant dans une phase d’implémentation. Il s’agit d’accompagner toutes les directions et les laboratoires dans cette démarche.
Dans le domaine de l’économie, de nombreux collègues sont fortement mobilisés sur ces sujets. Nous avons créé plusieurs chaires pour structurer ces travaux, et notre collectif est extrêmement engagé. L’objectif est d’intégrer ces problématiques dans tous les cours.
C’est en réalité peut-être plus simple en économie et en management qu’en informatique ou en mathématiques. Cependant, nous avons des collègues investis, par exemple dans des travaux de modélisation en lien avec la biodiversité.
Avez-vous les moyens de vos ambitions ?
Beaucoup de sujets peuvent avancer avec de l’organisation et de la volonté. Pour créer de nouvelles choses, il va falloir chercher de nouvelles sources de financement.
Lutter contre le désengagement de l’État tout en cherchant de nouvelles ressources »Mais il est évident que les temps sont difficiles. Toutes les universités ont dû faire face à une série de chocs : la crise sanitaire liée au Covid-19, l’inflation, le choc énergétique, la compensation partielle de la revalorisation du point d’indice, et le CAS Compte d’affectation spéciale pensions cette année. Tout le monde est mis en difficulté. Il nous faut lutter contre le désengagement de l’État tout en cherchant de nouvelles ressources propres.
À Dauphine, nous avons développé des savoir-faire pour diversifier nos ressources. Par exemple, nous avons noué des synergies entre la direction des relations entreprises, l’association des alumni et la fondation. Ces partenariats nous permettent de continuer à offrir une qualité d’enseignement et de formation de très grande qualité.
Cependant, il reste essentiel de maintenir une politique contribuant à corriger les iniquités d’accès à l’enseignement supérieur afin de garantir qu’aucun étudiant ne soit pénalisé par des barrières financières. Cette préoccupation est centrale pour moi et pour l’ensemble de la communauté dauphinoise.
Dauphine compte 9 500 étudiants en formation initiale et 3 900 apprenants en formation continue. Avez-vous des objectifs de croissance ? Le chantier en cours pour la rénovation du campus limite-t-il vos ambitions ?
Nous voyons des opportunités, notamment dans la formation continue et sur nos campus internationaux. Nous venons, par exemple, de signer un bail à La Défense pour y installer notre département de formation continue.
Sur le site principal de Dauphine, les travaux sont en cours. L’aile F sera livrée au printemps 2025. Les locaux de l’Institut Pratique du Journalisme sont également en cours de construction. Pendant la reconstruction de l’aile historique de Dauphine, nous aurons des marges de manœuvre limitées. Mais une fois ces travaux terminés, nous disposerons d’espaces beaucoup plus attractifs, qui permettront une réorganisation de nos collectifs.
Ce sera une transformation radicale en termes d’accueil des étudiants et de conditions de travail de nos personnels. Nous aurons des espaces dédiés aux laboratoires, des box de travail pour les étudiants, un learning center, un nouvel espace de restauration avec une terrasse, et même une crèche.
L’IPJ Institut pratique du journalisme de l’université Paris-Dauphine disposera de conditions de travail exceptionnelles. J’imagine déjà mes collègues mathématiciens installer des canapés et tableaux dans les larges couloirs, permettant de nouvelles interactions.
Ce sera une révolution pour notre université.
Un chantier de simplification, des projets en matière d’IA
Comment souhaitez-vous faire évoluer le fonctionnement interne ?
Nous allons lancer un grand chantier de simplification, en lien avec PSL. Avec la forte croissance de l’établissement, nous avons mis en place de nombreux dispositifs. Il est temps de revoir nos processus, de libérer du temps et de l’énergie, afin de pouvoir relancer d’autres projets dans de bonnes conditions. Cela constitue aussi un enjeu clé pour la qualité de vie au travail. À l’université, les salaires doivent souvent être compensés par le sens de l’engagement et une qualité de vie satisfaisante.
Comment entendez-vous prendre en compte l’impact de l’IA ?
Nous envisageons de développer une IA générative spécifique à nos laboratoires, dédiée à leurs thématiques. L’objectif est de disposer d’une offre opérationnelle d’ici fin 2025. Nous privilégierons une IA open source et nous avons les compétences internes en informatique pour entraîner un modèle de langage (LLM Grand modèle de langage ) à partir des données issues de nos laboratoires.
Au-delà de l’IA, il y a un enjeu majeur autour des données en sciences humaines et sociales. Nous travaillons avec le CNRS Centre national de la recherche scientifique pour recruter un ingénieur spécialisé. Du fait des tensions géopolitiques, de plus en plus de collègues ne peuvent plus aller sur leur terrain d’étude et collectent des données en ligne. Cela soulève des questions sur le stockage et l’utilisation de ces données dans un cadre open data.
Un enjeu majeur autour des données en sciences humaines et sociales »S’agissant des usages en matière de pédagogie, l’association DAU’IA a lancé une enquête auprès des étudiants sur leurs usages. Il est hors de question d’interdire l’utilisation de ces outils. Nous devons au contraire les former, leur expliquer leurs limites, et réfléchir aux inégalités d’accès aux technologies d’IA, afin d’éviter que certains soient désavantagés. Nous ne partons pas de rien. Un travail a déjà été engagé par Pierre Laniray, notre délégué à l’innovation pédagogique.
Vous évoquez une enquête menée par les étudiants à propos des usages en matière d’IA. Cette proximité est-elle la marque “grande école” de Dauphine ?
Dauphine est à la fois une université et un grand établissement. La taille de l’établissement fait que le président reste accessible à tous en permanence. Nous avons de nombreuses associations étudiantes qui animent la vie de notre université, et la gouvernance est en soutien constant de ces initiatives. Sur des sujets comme l’IA ou le développement durable, il est essentiel d’associer tout le monde et d’intégrer les étudiants dans la dynamique collective. Cela se fait très naturellement.
La situation géopolitique au Moyen-Orient agite les campus en France. À Dauphine, une décision du Conseil d’État a obligé l’établissement à permettre la tenue d’une conférence sur Gaza initialement interdite. Êtes-vous inquiet de la tournure des événements et quel sera votre rôle en tant que président ?
Nous sommes tous profondément sensibles aux drames qui se déroulent dans cette région. Nous espérons retrouver une forme d’apaisement rapidement. Le rôle de l’université, sous la coordination de PSL, est de venir en soutien aux personnes réfugiées, du Moyen-Orient bien sûr, ou d’autres zones de guerre, comme nous le faisons déjà depuis plusieurs années. Nous avons activé notre diplôme universitaire Passerelle, et le programme Pause Programme national d’accueil en urgence des scientifiques et des artistes en exil a été mobilisé. Nous sommes également engagés dans le projet Global University de l’Université d’Oslo et serons prêts à participer à la reconstruction lorsque la question se posera.
Impulser une dynamique de respect mutuel »Du point de vue étudiant, différentes communautés ressentent le besoin de s’exprimer, ce qui est légitime. La liberté d’expression est précieuse, mais elle doit rester dans les limites définies par la loi, que chacun connaît. Il est essentiel que cela se fasse dans le respect des autres. C’est là tout le rôle du président : impulser une dynamique de respect mutuel. Il est crucial que les étudiants ne se sentent pas sous pression et puissent venir à l’université le cœur léger. Nous sommes un collectif où chacun doit penser à l’autre.
Il faut faire preuve d’une hauteur de vue qui correspond à l’enceinte universitaire. Je rappellerai à la communauté que nous sommes une université. Nous dialoguons avec des étudiants qui sont encore en construction. Sur des sujets aussi complexes, il est important d’adopter cette hauteur de vue universitaire, d’expliquer les choses en proposant des points de vue argumentés, car chacun a sa propre sensibilité.
« PSL c’est nous » : sa vision des rôles avec E. M. Mouhoud
Au fil des campagnes, la question de l’appartenance à PSL ne semble plus posée. C’est désormais le levier que vous citez pour vos projets les plus ambitieux. Comment analysez-vous ce changement ?
Comme aime à le dire E. M. Mouhoud : « PSL, c’est nous. » J’ai eu l’opportunité de travailler au cœur de PSL et de constater à quel point cette alliance peut être un levier puissant pour l’ensemble de ses membres. Lever 75 M€ sur cinq ans sur l’intelligence artificielle est une réalisation qu’aucun établissement n’aurait pu accomplir seul. Cette réussite est un bénéfice direct pour l’ensemble des institutions membres.
Un autre projet clé est la création d’un institut d’action publique. Cette idée, qui nous tient à cœur, s’appuie sur la masse critique des forces académiques de PSL. L’objectif est de produire des policy papers ayant un réel impact sur les politiques internationales et européennes.
Concernant la circulation étudiante, il y a encore un travail à accomplir pour libérer du temps et trouver des modalités de mise en œuvre originales. Par exemple, la mise en place d’une année de césure pourrait être une solution intéressante. C’est une idée qui correspondrait pleinement à la « promesse pslienne ».
Avec E. M. Mouhoud à la présidence de PSL, comment allez-vous fonctionner tous les deux ?
Il est important de souligner le rôle distinct des présidences au sein de Dauphine et de PSL. La présidence de PSL orchestre la dynamique collective et propose une vision globale, tandis que les directeurs d’établissement, dont je fais partie, doivent être forces de proposition pour enrichir cette dynamique. E. M. Mouhoud est particulièrement bien placé pour mener ce travail de coordination entre les établissements.
PSL n’aurait-elle pas dû “ouvrir le jeu” et chercher à recruter un président ou une présidente à l’international ?
Il y avait des délais et des circonstances particulières. Le comité de sélection a travaillé dans un secret total, je n’ai eu aucune information à ce sujet. Les choses auraient pu se dérouler différemment, mais la candidature de E. M.Mouhoud faisait l’unanimité auprès des dirigeants. Je ne crois pas que cela soit un sujet de débat. PSL est une institution jeune et elle doit encore prendre le temps de s’installer durablement.
Parcours
Président
Programme transverse Data et CMA-IA
VP du conseil scientifique, en charge de la recherche
Professeur
Directeur académique du co-fund IA for the sciences
Maître de conférences
Établissement & diplôme
Doctorat en mathématiques appliquées
DEA Mase (Masef) Mathématiques appliquées
Magistère banque, finance, assurance
Deug GEA (économie et gestion)
Fiche n° 26124, créée le 29/09/2017 à 17:27 - MàJ le 04/12/2024 à 12:14