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ExclusifHcéres : allonger les cycles d’évaluation, des saisines plus précises ; le projet de C. Dargemont

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Actualité n°344515 - Publié le 18/11/2024 à 16:14
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©  Hcéres
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Catherine Dargemont Chargée de Mission « Impact du CNRS » auprès de la Présidence @ Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
• Auteur de 82 publications dans des journaux scientifiques internationaux (dont 6…
, candidate à la présidence du Hcéres Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur , propose d’allonger le cycle des vagues d’évaluation de cinq à sept ans, dans son projet que News Tank a pu consulter. Il s’agit de « permettre une évaluation plus profonde et stratégique, assortie à mi-parcours d’un suivi des recommandations et, si nécessaire, d’un examen des nouvelles formations et laboratoires, pour plus de réactivité ».

Sollicitée par News Tank, le 14/11/2024, elle détaille : « Pour que l’évaluation soit utile, il faut laisser le temps aux évalués de s’approprier les recommandations, de les mettre en œuvre et d’en voir les effets. Actuellement, il y a à peine trois ans entre la réception d’une évaluation et la suivante. Cela engendre une certaine inefficacité de l’évaluation et une lassitude certaine des évalués. »

Catherine Dargemont proposer d’aller vers une évaluation « sur mesure ». Il faut « cesser de se conformer à un référentiel rigide et de simplement cocher des cases ». Son projet insiste sur la nécessité de débuter toute évaluation « par une cartographie des attentes des parties prenantes » (établissement, tutelle et collectivités locales) afin d’aboutir à une saisine « appropriée ».

« Chaque établissement a un positionnement unique qu’il convient de prendre en compte. Pour que l’évaluation soit utile, il faut poser des questions précises. C’est ce qui a été initié avec le CNRS Centre national de la recherche scientifique , qui n’a pas été évalué dans son ensemble. » Pour elle, « il faut co-construire un dispositif adapté à la saisine. Tous les acteurs doivent se sentir acteurs et responsables de l’évaluation ».

Elle propose par ailleurs qu’un pilote du Hcéres coordonne chaque évaluation de site ou d’établissement, et une coordination plus étroite entre les départements actuels « pour garantir une véritable évaluation intégrée ».


Évolution du processus d’évaluation des laboratoires

Catherine Dargemont a œuvré comme déléguée scientifique à l'Aeres Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur puis au Hcéres de 2009 à 2016. De 2012 à 2018, elle a dirigé le labex « Who Am I ? ». Elle souligne dans son dossier de candidature que « le Hcéres évalue plus de 500 laboratoires par an, mobilisant des milliers d’évaluateurs et une partie importante des ressources humaines et financières ». Et pointe que « la valeur ajoutée des évaluations est questionnée par les acteurs ».

Elle estime que « le processus actuel n’est plus adapté aux besoins » en raison de plusieurs évolutions : développement des financements par projets, structuration des stratégies de recherche des universités devenues autonomes… De plus, « l’abandon légitime des notes et la confidentialité des rapports ont eu pour conséquence un “glissement” vers des évaluations très descriptives et lissées », écrit-elle.

« J’ai suivi l’évaluation des laboratoires depuis les débuts de l’Aeres. Initialement, il était important d’avoir une évaluation uniforme pour tous les laboratoires et pas seulement les UMR Unité mixte de recherche  », déclare Catherine Dargemont à News Tank.

Pas de double évaluation quand les labos disposent de SAB

La candidate à la présidence juge nécessaire de « passer à une nouvelle phase » de l’évaluation, se concentrant sur les axes scientifiques majeurs, la trajectoire du laboratoire, et la capacité à développer des projets à risques. Comme pour les établissements, le travail du Hcéres doit reposer sur « une saisine claire des établissements qui devront préciser leurs attentes, mais aussi le contexte du laboratoire (écosystème local, missions précises, etc.) », ajoute-t-elle.

Parmi ses propositions pour alléger l’évaluation, figure l’idée de s’appuyer sur les travaux des SAB (Scientific advisory boards) dont de plus en plus de laboratoires se dotent.

« Composés de collègues compétents dans leur domaine, ils sont capables de produire des rapports de qualité. Il n’est pas nécessaire de doubler l’évaluation : il faut simplement encadrer les SAB (principes de constitution, chartes de déontologie, etc.) pour que leur expertise soit directement intégrée », indique-t-elle à News Tank.

Pour les laboratoires sans SAB, « une évaluation scientifique de très haut niveau reste nécessaire », précise-t-elle.

Catherine Dagemont entend aussi « évaluer les grands axes scientifiques afin d’éviter une personnalisation excessive et de promouvoir l’élaboration de stratégies scientifiques collectives ».

Catherine Dargemont veut « mettre fin au cauchemar des tableurs Excel du Hcéres », déclare-t-elle à News Tank. « Il est inadmissible que des structures emploient des CDD Contrat à durée déterminée pour remplir des tableaux alors que des plateformes de données modernes existent. Un travail a été initié, mais il faut accélérer : définir quelles données sont réellement nécessaires pour le Hcéres, les tutelles, les établissements, et créer une plateforme permettant de téléverser les données au fil de l’eau. »

Formation : confronter la stratégie et la réalité

« La formation est une mission primordiale des établissements d’enseignement supérieur », indique la chercheuse qui a accompagné des institutions dans l’élaboration de leur stratégie de formation initiale et continue en tant que consultante.

Catherine Dargemont estime prioritaire de « trouver l’équilibre adéquat entre, d’une part l’évaluation des formations menant à des diplômes avec label de qualité en vue de leur accréditation et d’autre part, l’évaluation de la stratégie de formation proposée par l’établissement adossée à sa stratégie recherche ».

Et de préciser à News Tank : « Le Hcéres ne confronte pas suffisamment la stratégie d’un établissement avec la réalité de son offre de formation. Actuellement, les évaluations fonctionnent en silos, ce qui est regrettable, car il s’agit d’un enjeu crucial. »

La stratégie de formation « est un marqueur de l’identité de l’établissement, il s’agit donc d’évaluer la cohérence d’ensemble (vision, offre, moyens, performance), propre à chaque établissement. Ainsi, le Hcéres sera un acteur central et moteur de l’acte 2 de l’autonomie », indique son projet pour la présidence.

Des efforts pour simplifier et alléger

Comme pour les laboratoires, elle estime qu’il y a « de gros efforts à réaliser pour alléger le processus d’évaluation de la formation ». Elle pointe un « processus très lourd » :

  • une évaluation ex post est effectuée,
  • suivie de recommandations sur lesquelles les équipes se basent pour préparer le projet de formation suivant,
  • qui fait l’objet d’un avis du Hcéres en vue de l’accréditation délivrée par le ministère.

À la place, elle propose une évaluation ex post dans le cadre des diplômes nationaux avec label de qualité. « Si elle est positive, cela devrait suffire pour l’accréditation. S’il y a des points de vigilance, il faut donner six mois aux équipes pour revoir la maquette et obtenir l’accréditation. »

Ce temps gagné sur l’évaluation des formations doit permettre de réfléchir à la stratégie d’ensemble, estime Catherine Dargemont. « Le Hcéres doit pouvoir évaluer la stratégie de formation dans toutes les dimensions : gouvernance, stratégie, services, cycles de formation. »

La coordination de la CTI Commission pour la technologie et l’innovation et de la CEFDG Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion

Le Hcéres, depuis la LPR Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur , dispose d’une compétence générale en matière d’évaluation de l’enseignement supérieur. Il est ainsi chargé de la coordination des autres instances nationales d’évaluation, en particulier la CTI et la CEFDG. Une mission qui a avancé avec la CEFDG, comme l’indiquait à News Tank Mathilde Gollety Rectrice @ Académie de Dijon • Professeure des universités @ Université Paris Panthéon-Assas
, alors présidente, en juin 2024 (voir notre article Publié le 27/06/2024 à 12:55
« L’articulation du travail de la CEFDG avec le Hcéres se poursuit, avec la mise en place d’un dispositif expérimental destiné à alléger le travail pour les écoles, dans une optique d’évaluation…
). Avec la CTI, peu d’évolutions sont intervenues, engendrant des doublons pour les écoles.

« Il y a eu assez de discussions, il faut maintenant atterrir et se faire confiance », déclare Catherine Dargemont.

« Il faut tendre vers une évaluation mixte avec un dossier unique pour l’établissement et une intervention de la CTI uniquement sur les formations. Je suis pragmatique, allons-y pas à pas. C’est en travaillant ensemble que l’on apprend, j’en suis convaincue. »

Le rôle du Hcéres en cas de label pour l’enseignement supérieur privé

La mise en place d’un label de qualité pour l’enseignement supérieur privé a été étudiée par le MESR Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et interrompue par le changement de gouvernement. Interrogée sur ce dossier que le nouveau ministre, Patrick Hetzel Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche @ Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) • Professeur en sciences de gestion @ Université Paris 2 - Panthéon-Assas
, pourrait relancer, Catherine Dargemont répond :

« Si le Hcéres doit prendre sa place là-dessus, je m’engage à ce qu’il réponde présent. »

La candidate juge « impératif de trouver une solution pour le bien des étudiants et des familles. La responsabilité de réguler ce secteur incombe au MESR et au ministère du travail, et non au Hcéres. Néanmoins, le Hcéres a déjà contribué à cet effort avec la proposition du label Qualiopi+ faite par Thierry Coulhon Président du directoire @ Institut Polytechnique de Paris (IP Paris)
. Je suis sur la même ligne ».

« Le ministre Hetzel a évoqué la possibilité de n’inclure sur Parcoursup que les formations fiables et sérieuses, qu’elles soient publiques ou privées, lucratives ou non, si toutefois le cadre juridique le permet. Ainsi, les familles n’auraient plus à faire le tri. »

Les ressources et les finances du Hcéres

« Avec une dotation d’État assez stable de l’ordre de 21,5 M€ et des missions d’évaluation croissantes, le modèle économique du Hcéres est sévèrement mis à l’épreuve », écrit Catherine Dargemont dans son projet. Elle rappelle que l’instance a connu un déficit de 2,3 M€ en 2023, compensé par son fonds de roulement.

Interrogée par News Tank sur la recommandation de la Cour des comptes de rendre les évaluations payantes (notre article Publié le 04/06/2021 à 16:52
• Limiter significativement le nombre d’évaluations conduites annuellement, par une refonte et une rationalisation, en particulier pour les unités de recherche, des méthodes et procédures employées…
), elle répond par la négative.

« L’évaluation réglementaire doit être gratuite. Si elle ne l’est pas, les institutions pourraient sélectionner les services en fonction du coût, plutôt que de la qualité. Si l’on souhaite une évaluation transparente et indépendante, garantissant la liberté académique, il est nécessaire d’investir les moyens adéquats. »

Ses pistes reposent sur la mise en œuvre de ses propositions en matière de cycles d’évaluations allongés, d’allègement des évaluations des formations et des laboratoires.

« Il sera indispensable de mettre en place un modèle économique robuste pour les évaluations hors champ réglementaires, en coût complet », ajoute-t-elle.

Enfin, elle entend poursuivre les actions initiées en matière d’immobilier. Le Hcéres prépare en effet un déménagement dans les locaux du Cnes Centre national d’études spatiales au centre de Paris où pourraient aussi s’installer France Universités et l'Amue Agence de mutualisation des universités et des établissements d’enseignement supérieur ou de recherche et de support à l’enseignement supérieur ou à la recherche .

Catherine Dargemont est la première candidate à s’exprimer publiquement sur son projet. Elle expose ses motivations : « J’aimerais un véritable débat sur le fond, au-delà des questions de personnes, et que l’on choisisse un projet ainsi que la personne capable de conduire le changement. »

« Il est crucial de construire sur les acquis. Les acteurs en ont assez d’être constamment bousculés. Une certaine continuité est nécessaire.

J’ai une connaissance intime des processus évaluatifs, en France et à l’étranger et aux différents niveaux (personnels, projets, structures..). J’en ai acquis de très fortes convictions tant sur les principes que sur les processus. Lors de ma première candidature en 2020 [face à Thierry Coulhon], j’ai beaucoup appris, réfléchi et échangé avec les acteurs pour comprendre ce qui était pertinent. J’ai depuis tourné la page et acquis de nouvelles compétences, en élargissant mon champ d’expertise dans l’ESR Enseignement supérieur et recherche . »

Début 2024, Catherine Dargemont n’a pas candidaté, elle revenait alors au CNRS après une période comme consultante chez Headway Advisory. « Avec la reconduction du processus, je veux vraiment défendre mes convictions, mon projet d’ensemble pour le Hcéres et mettre mes compétences au service de tous. »

Son avis sur l’amendement parlementaire supprimant le budget du Hcéres

Le 29/10/2024, les députés de la commission des finances de l’Assemblée nationale ont adopté un amendement défendu par Hendrick Davi (Écologistes) proposant de supprimer l’ensemble des subventions attribuées au Hcéres, soit 24,2 M€, « l’objectif sous-jacent étant de supprimer cet organisme, au profit de financements supplémentaires pour la recherche publique ».

Cette décision est symbolique, puisque le texte discuté en séance publique au Sénat est la version initiale du gouvernement, l’Assemblée nationale n’ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui‑ci est considéré comme rejeté en première lecture en application du troisième alinéa de l’article 119 du Règlement. Catherine Dargemont réagit :

« Je trouve sain de questionner les missions d’une institution et le rapport entre le coût et le service rendu. Cependant, il est essentiel de poser la question complète : quel serait le coût de la suppression du Hcéres ? Si l’évaluation est confiée à d’autres, cela engendrera des coûts et une perte d’indépendance. »

« Si l’on abandonne complètement l’évaluation, jugeant celle-ci bureaucratique et inutile, il faut être conscient des conséquences », prévient-elle. Elle énumère :

  • « Sans évaluation des formations, toutes seraient mises au même niveau, il n’y aurait plus de diplôme national.
  • Sans vérification de la conformité aux standards de Bologne, il n’y aurait pas d’équivalence du diplôme français en Europe et cela mettrait fin aux programmes Erasmus.
  • Je force un peu le trait mais à peine. La décision politique appartient aux autorités, mais il est crucial de mesurer les implications. »

« L’évaluation indépendante est une condition nécessaire à la liberté académique. Les autorités indépendantes, sous le contrôle du Parlement, rendent des comptes. Le Parlement peut donc s’exprimer et critiquer, et je serais ravie de travailler en étroite collaboration avec lui. Les autorités administratives indépendantes sont un outil de l’État de droit, et il est difficile de comprendre pourquoi certains parlementaires défendent leur suppression. »

Catherine Dargemont


• Auteur de 82 publications dans des journaux scientifiques internationaux (dont 6 chapitres d’ouvrages collectifs).
• Depuis 2010 : Récipiendaire de la Prime d’Excellence du CNRS
• 2012 : Lauréate du Grand Prix Lecocq de l’Académie des Sciences
• 2011 : Nommée membre de l’AcademiaNet
• 2011 : Elue Membre de l’EMBO
• 2001 : Lauréate du Prix Springer-Verlag de la société allemande de Biologie Cellulaire
• 1994 : Lauréate du Concours Atipe « Biologie Cellulaire »
• 1991 : Bourse EMBO


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Parcours

Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Chargée de Mission « Impact du CNRS » auprès de la Présidence
Institut de génétique humaine de Montpellier (CNRS/Université de Montpellier)
Chercheuse
Headway Advisory
Directrice de mission
CNRS
Chargée de mission stratégie internationale
Hopital St Louis (IUH, Unité De Thé)
Responsable d’équipe de recherche
Labex WhoAmI
Co-directrice
Agence nationale de la recherche (ANR)
Directrice du département « biologie santé »
Hcéres
Déléguée scientifique Groupe Synthèse
Institut Jacques Monod
Responsable d’équipe de recherche
Aéres
Déléguée scientifique Secteur Biologie Santé
IHEST
Auditeur
Institut Curie
Reponsable d’équipe Atipe
Institut suisse de recherches contre le cancer (Lausanne) puis au Laboratoire européen de biologie moléculaire (Heidelberg, Allemagne)
Post-doctorat

Établissement & diplôme

Université Paris-Sud (Paris 11)
Habilitation à diriger des recherches
Université Paris 6 - Pierre et Marie Curie (UPMC)
Doctorat en sciences de la vie

Fiche n° 19166, créée le 19/09/2016 à 18:07 - MàJ le 18/11/2024 à 14:29

Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres)

Le Hcéres est administré par un collège composé de 30 membres nommés par décret pour une durée de 4 ans. Son président, nommé parmi les membres, le dirige. « Il définit les mesures propres à garantir la qualité, la transparence et la publicité des procédures d’évaluation ».


Catégorie : Établissements publics
Entité(s) affiliée(s) : Office français de l’intégrité scientifique (Ofis)


Adresse du siège

2 rue Albert Einstein
75013 Paris France


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Fiche n° 1935, créée le 05/05/2014 à 12:26 - MàJ le 05/12/2024 à 02:44

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