La réforme de la formation initiale des enseignants à la recherche de ses fondamentaux (C-L. Martin)
La réforme annoncée de la formation des enseignants « affirme l’autorité de l’État centralisateur dans la formation - la reprise en main du ministère de l’éducation nationale - par rapport au champ d’intervention des universités en matière pédagogique et de gouvernance », écrit Christian-Lucien Martin, dans une nouvelle chronique pour News Tank, le 04/06/204.
Le projet gouvernemental « avance à cette heure dans l’évitement prudent » de plusieurs sujets, énumère-t-il :
• « l’adaptation des cursus de formation des futurs professeurs en licence ou en master (l’intendance suivra),
• pédagogiquement les contenus des parcours de formation,
• juridiquement la structure de formation privilégiée (les Écoles nationales supérieures du professorat),
• et “fondamentalement“ les sujets de controverse portant sur l’école et le système éducatif et la place de l’évaluation ».
Christian-Lucien Martin retrace les nombreuses réformes des 35 dernières années - « après le bon sens, l’école est la chose du monde la mieux partagée » - et note que celle qui est enclenchée par Emmanuel Macron et son gouvernement « active le curseur de la date des concours qui repassent à Bac+3, ce qui a le mérite d’inscrire la formation des professeurs dans un cursus complet de cinq ans ».
Christian-Lucien Martin est administrateur général de l’État. Aujourd’hui conseiller à France Universités, il s’exprime à titre personnel.
Des réformes multiples depuis 35 ans
Chacun a son idée de réforme de la formation des enseignants, des parents d’élèves aux cabinets ministériels, des formateurs de terrain aux inspecteurs et spécialistes des disciplines et des interdisciplinarités.
Après le bon sens, l’école est la chose du monde la mieux partagée. Les ministres de l’éducation nationale, au moins depuis la loi (Jospin) d’orientation sur l’éducation du 10/07/1989 qui crée les corps des professeurs des écoles en lieu et place de celui des instituteurs et qui substitue les IUFM Institut universitaire de formation des maîtres aux écoles normales du XIXe siècle, ont à tour de rôle apporté une contribution pour la rénovation de la formation des maîtres :
- loi (Fillon) du 25/04/2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école,
- loi (Peillon) d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8/07/2013,
- loi (Blanquer) du 26/07/2019 pour une école de la confiance.
Une volonté de retour aux « fondamentaux »
De pierre en pierre posée et d’alternance en alternance depuis 35 ans, il est question désormais des fondations symboliques pour des « écoles normales du 21e siècle ».
Comme un retour à des « fondamentaux » négligés et un plongeon dans la mémoire nostalgique des hussards noirs de la République, cette perspective inspirante a été annoncée par le président de la République en septembre 2024.
Emmanuel Macron s’est exprimé quelques mois après le rapport de la Cour de février 2023 sur la formation initiale et le recrutement des enseignants qui alerte sur le manque d’attractivité du métier et après les émeutes urbaines de juin 2023 pendant lesquelles l’école n’a pas été sanctuarisée par ses murs.
Une formation des enseignants universitarisée
Les différentes lois, depuis trois décennies, ont « universitarisé » la formation des professeurs des premier et second degrés.
- Cette universitarisation a pris la forme d’une part de l’intégration des IUFM au sein des universités en tant que composantes (2005) avec des dénominations successives - École supérieure du professorat et de l’éducation (Espé en 2013), Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (Inspé en 2019).
- Elle s’est traduite d’autre part par la « mastérisation », conforme au cadre européen du LMD Licence Master Doctorat , qui concerne des cursus de formation aux concours et devient à partir de 2010 un préalable à la titularisation des lauréats.
Des ajustements ministériels d’ordre réglementaire ont concerné la place des épreuves du concours (externe) qui sont passés de Bac+3 en fin de la licence à Bac+4 puis à Bac+5 (arrêté du 22/07/2020), avant un retour en arrière.
Les déplacements de curseur s’expliquent par des tentatives de concilier différentes exigences de nature pédagogique ou administrative, les unes portant sur le contenu et le format d’une formation à la fois disciplinaire, didactique et professionnelle avec des formes d’alternance, les autres portant sur la gestion prévisionnelle des ressources enseignantes et les modalités de l’intégration des lauréats dans la fonction publique en tant que fonctionnaires stagiaires.
La formation des professeurs des premier et second degrés alignées
Ces évolutions ont emporté dans un même mouvement la formation des professeurs des premier et second degrés, dans cette « égale dignité » que proclamait la loi Jospin, et elles ont eu le mérite de rapprocher les fondamentaux et les compétences attendues pour l’exercice du métier d’enseignant.
Pour autant, la convergence n’a rien d’automatique entre les attendus de l’employeur, ministère de l’éducation nationale et rectorats d’académie, et les structures de formations, universités et Inspé en leur sein.
Tensions entre les exigences de l’État employeur et les opérateurs de la formation
L’articulation des attentes de l’État employeur et les opérateurs de formation passe par la définition ministérielle d’un référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation (arrêté du 01/07/2013 actualisé) dont la mise en œuvre est soumise à évaluation - en tout cas susceptible des évaluations du Hcéres Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur qui auraient pu servir de point de départ avant chaque nouvelle réforme.
Elle suppose des coordinations complexes, en matière de gouvernance au sein des conseils d’administration des Inspé ou pour la nomination des directeurs, aussi sur le plan organisationnel avec la mise en place par le rectorat de l’accueil des étudiants, des apprentis et des fonctionnaires stagiaires dans les établissements scolaires.
Les différentes logiques institutionnelles peuvent conduire à des tiraillements de responsabilités entre l’État à la fois employeur et prescripteur du cahier des charges pour former aux métiers de l’éducation et les autonomies universitaires, sans par ailleurs que les tensions qui en découlent soient au cœur de la désaffection, très marquée dans quelques académies, pour la profession d’enseignant.
Des équilibres difficiles à trouver sur le contenu de la formation
Force est de constater également les mille nuances d’équilibres à trouver entre les « fondamentaux » du métier qui ne forment pas forcément le socle commun de toutes les parties prenantes :
- entre la compétence disciplinaire voire l’appréciation de son « niveau », et les approches pluridisciplinaires qui peuvent faire appel aux sciences cognitives ou de l’éducation en vue de situer les publics scolaires dans leur environnement, d’appréhender les mécanismes d’apprentissages comprendre les identités des élèves et leurs différences ;
- entre la verticalité de la transmission, la centralité de l’élève ;
- entre l’autorité du maître et l’invisibilité ; entre l’enseignement et l’éducation…
Autant d’approches et autant de débats pédagogiques et scientifiques fondamentaux, et de nature politique, que la réforme annoncée en septembre 2023 pourrait ouvrir.
La réforme à venir affirme l’autorité de l’État
La réforme nouvelle se propose d’agir en profondeur, sur le recrutement à rendre attractif (« un professeur devant chaque classe »), sur les fondamentaux du métier qu’il faut mobiliser sinon redéfinir (les savoirs, la transmission, l’autorité).
Pour cela, elle réfère, en matière de communication, à la mystique des valeurs de la République, celle de la fin du 19e transposée au 21e.
Elle affirme l’autorité de l’État centralisateur dans la formation - la reprise en main du ministère de l’éducation nationale - par rapport au champ d’intervention des universités en matière pédagogique et de gouvernance.
Modification du moment des concours
Pour de telles ambitions, elle active le curseur de la date des concours qui repassent à Bac+3, ce qui a le mérite d’inscrire la formation des professeurs dans un cursus complet de cinq ans : trois années de licence, qui ouvre sur les concours de recrutement, puis deux années professionnalisantes gratifiées et rémunérées en master permettant l’apprentissage du métier puis la titularisation en tant que fonctionnaire de l’État.
Modifier la place du curseur présente le double avantage d’enclencher rapidement sur le plan réglementaire le processus de transformation annoncé, qui s’accompagne de la publication des épreuves de concours définies par les inspecteurs généraux du ministère de l’éducation, et de contourner des obstacles pratiques, doctrinaux ou législatifs.
Des sujets évités
La réforme avance à cette heure dans l’évitement prudent qui concerne concrètement :
- l’adaptation des cursus de formation des futurs professeurs en licence ou en master (l’intendance suivra), pédagogiquement les contenus des parcours de formation,
- juridiquement la structure de formation privilégiée (les Écoles nationales supérieures du professorat),
- et « fondamentalement » les sujets de controverse portant sur l’école et le système éducatif et la place de l’évaluation.
Parcours
Conseiller
Administrateur général de l’État, chargé de mission coordination des évaluations
Chargé de mission direction des sports
Délégué adjoint pour le sport
Sous-directeur des enseignements spécialisé et supérieur et de la recherche
Sous-directeur de l’emploi, de l’enseignement supérieur et de la recherche à la direction générale de la création artistique
Sous-directeur de l’enseignement supérieur et de la recherche en architecture à la direction générale des patrimoines
Secrétaire général du Comité Stratégie nationale de l’enseignement supérieur
Chargé de mission auprès du médiateur de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur
Sous-directeur de la vie fédérale et du sport de haut niveau à la direction des sports
Adjoint au sous-directeur des écoles, collèges, lycées
Directeur général des services
Directeur général des services
Chef du bureau des écoles d’ingénieurs
Fiche n° 6194, créée le 25/09/2014 à 09:40 - MàJ le 27/09/2024 à 17:13