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Learning Planet Festival : « L’innovation dans l’éducation doit s’appuyer sur l’audace et la rigueur »

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Actualité n°278401 - Publié le 30/01/2023 à 18:39
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©  Unsplash
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« L’innovation dans l’éducation doit s’appuyer sur deux grands axes un peu orthogonaux : l’audace et la rigueur », déclare Elie Rotenberg, fondateur de l’Iféa (Institut français d’éducation pour l’avenir à Clichy) lors d’une table ronde sur l’innovation dans l’éducation organisée à l’occasion du Learning Planet Festival, à Paris le 24/01/2023.

Intervenant également, Charline Avenel
, rectrice de l’Académie de Versailles, évoque la démarche du CNR Conseil national de la refondation et les trois sujets dont il permet de s’emparer pour transformer l’école :
• « La forme scolaire : en réfléchissant à comment transformer notre temporalité, notre politique RH Ressources humaines en évitant la classique refonte des programmes.
• Le financement de l’école : il s’agit de sujets d’attractivité des métiers, mais également la possibilité d’avoir le type de financement du FIP (fonds d’intervention pédagogique) qui donne une forme de liberté dès lors qu’on en vérifie l’efficience.
• La capacité de l’institution à entrer dans un processus d’amélioration constant. Cela suppose de se mettre en mouvement, d’incuber les projets, de les accompagner et de réfléchir au passage à l’échelle. »

Selon elle, « la démarche du CNR est appelée à prospérer sur les cinq prochaines années. Mais elle nous projette plus loin si on sait s’en emparer, si on inverse le logiciel souvent très directif de la rue de Grenelle jusqu’à la classe ».

À ses côtés, Frédérique Alexandre-Bailly Directrice générale @ Onisep
, directrice de l’Onisep Office national d’information sur les enseignements et les professions et ancienne rectrice de Dijon, aborde également la question du pilotage et de son échelle. « Deux dimensions sont très importantes : la géographie et la temporalité. C’est-à-dire comment construire les structures de coordination qui n’empêchent pas la coopération sur le terrain et comment changer l’école si, tous les cinq ans, on modifie la façon de faire et la direction ? »


Le CNR : « une démarche fondée sur la confiance que l’on doit aux acteurs de terrain »

Afin d’aborder le sujet des transformations du système éducatif, la rectrice de Versailles revient sur le CNR école, qui « depuis septembre 2022 et pour les cinq années à venir, permet aux communautés éducatives volontaires d’échanger, non pas sur l’école en soi, mais sur ce qui peut changer au sein de leur école, et d’imaginer des projets que nous finançons ensuite. »

« Dans l’académie de Versailles, près d’un millier d’écoles sont engagées dans la démarche. C’est beaucoup, mais nous pouvons encore faire mieux », déclare Charline Avenel.

Et d’évoquer les deux intérêts majeurs de la démarche :

  • « Le premier est sans doute le fait d’avoir une démarche fondée sur la confiance que l’on doit aux acteurs de terrain, à celles et ceux qui font le quotidien et sont aussi capables de le penser. C’est le gage d’un système qui se met en mouvement au service des élèves. Pour la communauté enseignante, il est important de sentir qu’il est possible de posséder des leviers d’action.
  • Deuxièmement, c’est un puissant inducteur de changement. Ce sont de petits projets, c’est vrai, mais si on les accompagne, ils peuvent devenir transformants. Cela nous invite à transformer puissamment nos logiciels d’accompagnement et à être dans une logique à la fois déconcentrée et transversale. »

Elle indique ainsi que l’académie de Versailles a mis en place des cellules départementales qui accompagnent les projets en amont et en aval.

« L’école peut beaucoup, mais seule, elle ne peut pas tout »

Selon Charline Avenel, « l’esprit de ce CNR met en évidence que ces projets vont être éminemment territoriaux. En effet, parfois, les projets dépassent le cadre de ce qu’on peut financer avec le fonds d’innovation pédagogique. Il faut donc aller discuter avec les collectivités territoriales. On peut dire cela sur le sujet particulier du bâti scolaire, mais aussi du numérique, par exemple ».

« Ce CNR est aussi la possibilité de mettre sur étagère des partenariats avec de acteurs associatifs, car l’école peut beaucoup, mais, seule, elle ne peut pas tout. »

La rectrice évoque également la relation avec les entreprises qui « doit encore musclée », mais surtout l’importance de s’adosser à la recherche. Un point de vue partagé par tous les intervenants.

L’importance de la recherche pour transformer le système éducatif

Pour Charline Avenel, « nous avons besoin de la recherche de haut niveau sur l’éducation puisqu’elle nous dit ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Il ne s’agit pas de brider l’innovation, mais de croiser les initiatives du terrain avec le vas-et-viens permanent avec l’expertise de la recherche. »

« Nous savons que la formation est le levier le plus important pour la transformation de l’école. Les plans de formation de l’académie ont l’habitude de faire intervenir des chercheurs, mais il nous faut dépasser les partenariats ponctuels pour aller faire des choses pérennes », indique la rectrice de Versailles.

Pour illustrer l’importance de la recherche dans l’innovation scolaire, Frédérique Alexandre-Bailly revient sur son expérience de rectrice et son projet « d’académie apprenante » à Dijon.

« Nous avions une exigence pour l’ensemble des projets : que ce soit adossé à la recherche, au moins dans sa rigueur et sa pertinence.

Évidemment, on ne pouvait pas mettre une équipe de recherche derrière chaque établissement, mais il fallait énoncer ce qu’on cherchait à travers l’innovation et mesurer ce qu’on trouvait, avec des résultats souvent très différents de ce qu’on pensait et donc on apprenait des choses très intéressantes. »

« Pour innover, il faut avoir l’audace de faire confiance aux enseignants et aux familles, d’expérimenter des projets issus du terrain, de les appuyer également sur la rigueur de la validation par la science et d’avoir ce nécessaire aller-retour entre la liberté et la formalisation », indique Élie Rotenberg.

« On ne parle pas assez des jeunes, et dans le cadre scolaire, des élèves. Il faut les considérer comme des partenaires à part entière. Ne pas seulement les considérer comme des bénéficiaires, mais bien comme des parties prenantes », déclare Dylan Mavoungou, président de l’association Camplus qui organise des séjours éducatifs en immersion pour les jeunes, pendant les vacances scolaires.

« Notre mission est de permettre aux jeunes de révéler et renforcer leur pouvoir d’agir sur leur parcours. Mais cela nous paraissait inconcevable de se dire que nous, nous savions tout et que nous allions leur proposer un projet dont nous pensions forcément connaître forcément. Lors de nos séjours, les deux ou trois premiers jours servent à définir ensemble, sur la base de leurs besoins, de leurs attentes, ce que l’on va faire. En fonction de la période de l’année scolaire, ou même de la météo, on peut avoir des contenus complètement différents. » 

Il ajoute : « Nous avons besoin des partenaires privés et publics. Le dispositif des cités éducatives est vraiment précieux pour nous parce que c’est une logique de co-construction de projets innovants avec plusieurs parties prenantes sur les territoires.

À terme, nous aimerions pouvoir être éligibles à des appels à projets comme l’AMI innovation dans la forme scolaire, qui implique aussi des logiques de consortium entre partenaires associatifs. »

Mettre l’orientation au cœur de l’éducation

« Aujourd’hui, j’ai du mal à convaincre suffisamment du fait que les questions d’orientation et projections dans l’avenir sont au cœur des questions d’éducation. C’est toujours mis à côté. Mais on ne peut pas dissocier la question du  »qui je veux être«  de celle “sur quelle planète et dans quelles conditions je veux vivre“ et donc de la question des apprentissages et du monde du travail », déclare Frédérique Alexandre-Bailly. 

« Nous devons changer l’éducation pour faire face aux transitions et parce que les jeunes. Les ados, les collégiens ne peuvent pas se projeter dans le monde du travail parce qu’ils le voient comme étant ce qui pollue la planète. »

« Nous avons la nécessité de travailler, en même temps, la question de la construction des projets d’avenir des enfants et la question des apprentissages et de l’univers dans lequel ils acceptent d’apprendre pour changer le monde. »

Iféa, une école consacrée à l’expérimentation

Elie Rotenberg, fondateur de l’Iféa, une école primaire et un collège à Clichy, raconte comment son expérience dans le milieu des jeux vidéo l’a poussé à travailler sur l’école. « Pendant quelques années, j’ai animé un site et une communauté spécialisés dans les ressources pédagogiques pour être meilleur en jeux vidéo.

Au contact de ces gamers, je me suis rendu compte que c’était un constat d’échec pour l’école de ne pas avoir su intéresser ces jeunes qui, par ailleurs, ont fait des choses intéressantes, mais qu’on aurait pu mobiliser également sur d’autres thématiques. »

« Ma scolarité était très heureuse, et donc ce qui m’intéressait c’est que beaucoup d’élèves ne semblaient pas être heureux d’aller à l’école. »

« J’ai décidé d’ouvrir une sorte de laboratoire d’expérimentation, une école qui serait consacrée à appliquer ce que beaucoup de gens disent qu’il faudrait faire, mais qui ont parfois des difficultés à l’expérimenter. Notamment parce que c’est complexe quand on a déjà énormément de choses à gérer au quotidien, d’avoir à la fois le temps et la liberté de faire de nouvelles choses et la rigueur absolument nécessaire pour étayer et valider ces différentes approches », indique-t-il à propos de la création de l’Iféa.

Selon lui, l’école doit être un environnement :

  • « Bienveillant, c’est un paramètre fondamental pour les performances scolaires.
  • Exigeant, car notre environnement est complexe et une masse de connaissances doit être acquise pour l’appréhender.
  • Solidaire, parce que les problèmes auxquels devront faire face les élèves feront appel à la collaboration. »

Il s’agit également de transférer et partager les acquis des expérimentations. « Un établissement ne peut pas être fermé sur lui-même. Il doit s’enrichir des expériences d’autres environnements et partager ce qu’il a eu la liberté d’expérimenter. »

Ainsi pour innover, « de nombreux acteurs de différents univers et horizons ont intérêt à se parler et collaborer parce que la société doit savoir traverser les frontières, faire tomber les barrières pour aborder ces questions complexes, difficiles et éminemment nécessaires pour faire face aux défis de la génération qui est actuellement à l’école ».

Learning Planet Institute (LPI)

Catégorie : Organismes publics de recherche


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Fiche n° 7995, créée le 12/12/2018 à 03:52 - MàJ le 08/10/2024 à 17:46