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LPR : amendements sur les vacataires, contrats doctoraux, postdocs et CDI de mission à l’AN (art 4-9)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Actualité n°193927 - Publié le 24/09/2020 à 16:30
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Valérie Gomez-Bassac - ©  AN

Les articles 4 à 9 du titre II de la loi de programmation pour la recherche sont adoptés en séance publique par l’Assemblée nationale en première lecture, le 23/09/2020.

Les députés adoptent 18 amendements sur ces articles. Ils portent notamment sur :
• la durée minimale des contrats post-doctoraux de droit public et de droit privé ;
• l’alignement de la durée maximale des contrats post-doctoraux de droit public sur ceux de droit privé ;
• la possibilité pour les Eespig Établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général de recruter des post-doctorants via des contrats de droit privé ;
• la définition préalable de l’objet du CDI Contrat à durée indéterminée de mission scientifique ; 
• un article additionnel visant à assurer une rémunération mensuelle aux chargés d’enseignement vacataires. 

L’article 4 concernant les contrats doctoraux de droit privé est adopté tel quel, sans aucun amendement.

L’article 3 du projet de loi complétant le titre II a été traité à part par News Tank, dans un précédent article. 

Les députés ont finalement adopté le projet de loi dans son ensemble dans la nuit du 23 au 24/09/2020 vers 00h30, par 48 voix pour et 20 contre.


Débat sur la thèse Cifre et le contrat doctoral de droit privé

L'article 4, concernant les contrats doctoraux de droit privé, est adopté tel quel en séance publique.

Pour autant, il suscite le débat quant à sa ressemblance et donc son adéquation avec les thèses Cifre Convention industrielle de formation par la recherche actuellement gérées par l'ANRT Association nationale de la recherche et de la technologie

L’opposition pour une « extension des conventions Cifre » plutôt qu’un nouveau dispositif

Selon Huguette Tiegna, députée LREM La République en marche ! qui présente le dispositif, « les contrats doctoraux privés viennent créer des conditions plus adaptées aux réalités du doctorat et sécurisent davantage le parcours et le recrutement des doctorants dans le privé. (…) Les contrats post-doctoraux actuels sont très divers, privés ou publics, et ceux qui s’appuient sur une bourse Cifre sont généralement mieux payés que la moyenne. Ainsi, nous avons besoin d’une harmonisation des dispositifs pour éviter que certains doctorants soient obligés d’avoir un autre travail à côté sans aucun rapport avec leur sujet de recherche ».

Pour son groupe GDR Gauche démocrate et républicaine , la députée communiste Marie-George Buffet présente un amendement (n° 146 ) pour la suppression du contrat doctoral de droit privé, arguant qu’il « n’offre en l’état pas les mêmes protections, notamment en termes du droit du travail et de la rémunération, que les conventions Cifre, qui sont des outils efficaces » et dont elle demande l'élargissement et la consolidation. 

Le député Michel Larive dépose un amendement identique (n° 408 ) au nom du groupe LFI La France insoumise , déplorant que le projet de loi ne prévoie aucune « durée minimale », ni « rémunération minimale » pour ce dispositif.

« La logique tripartite “doctorant - laboratoire de recherche - entreprise” est rompue pour lui substituer un rapport de subordination juridique entre l’employeur et le salarié. L'ANRT Association nationale de la recherche et de la technologie est également écartée du suivi du doctorant. »

Un dispositif « plus adapté à certains établissements de droit privé » selon le gouvernement

La rapporteure sur cette partie du projet de loi, Valérie Gomez-Bassac Maîtresse de conférence en droit @ Université de Toulon
, rétorque que « les types de CDD aujourd’hui utilisés pour employer des doctorants dans le secteur privé, et notamment dans les Epic Établissement public à caractère industriel et commercial , ne sont que partiellement adaptés à cette fin » pour plusieurs raisons :

  • « Le CDD de complément de formation, notamment utilisé pour les Cifre, présente l’inconvénient que la non réinscription du doctorant en école doctorale n’est pas considérée par le juge comme une cause réelle et sérieuse de rupture de la relation de travail ;
  • le CDD a objet défini n’est pas adapté en termes de durée puisqu’il dure trois ans au plus et qu’il nécessite pour être conclu d’un accord de branche ».

Elle précise que le dispositif a été amendé en commission des affaires culturelles par les rapporteurs, de manière à ce que « l’encadrement de ce contrat soit renforcé ». Les amendements adoptés en commission :

  • « précisent que le doctorant doit disposer de suffisamment de temps pour rédiger sa thèse et prévoient qu’au moins 5/6e du temps de travail soient consacrés à des activités de recherche ;
  • prévoient que les recherches confiées au doctorant doivent être en adéquation avec le sujet de sa thèse ;
  • clarifient les conditions de l’échange et du partage des données issues des recherches du doctorant ».

La ministre de l'Esri Enseignement supérieur, recherche et innovation Frédérique Vidal Conseillère spéciale du président @ European Foundation for Management Development (EFMD)
confirme le constat :

« L’inadéquation des CDD actuels, à la fois pour les Epic Établissement public à caractère industriel et commercial - le CEA Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives , l’Ifremer Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer , le BRGM Bureau de recherches géologiques et minières , pour ne citer que ceux la - mais aussi pour les contrats Cifre eux-mêmes puisqu’ils s’appuient sur des contrats à durée déterminée qui ne sont pas adaptés.

Notre objectif c’est d’avoir le pendant des contrats doctoraux de droit public dans le droit privé, de manière à permettre aux Epic de recruter des doctorants de façon sécurisée et de pouvoir adosser les bourses Cifre sur ces nouveaux contrats. »

Débat sur une rémunération minimale 

La députée Marie-George Buffet défend, pour le groupe GDR, un amendement (n° 321 ) visant à assurer pour le nouveau contrat doctoral de droit privé « les mêmes conditions salariales qu’un contrat doctoral Cifre, y compris toutes les dispositions relatives à la fin de contrat et aux règles de la propriété intellectuelle dans le cadre d’une thèse ».

Valérie Gomez-Bassac défend elle-même un amendement (n° 658 ) au nom de tous les rapporteurs pour assurer au titulaire du nouveau contrat « une rémunération minimale fixée par arrêté des ministres chargés de l’enseignement supérieur, de la recherche et du budget ». 

Mais la ministre Frédérique Vidal émet un avis défavorable envers les deux amendements, déclarant que « c’est un contrat de droit privé donc la rémunération minimale est de fait fixée. D’autre part, elle peut être conclue par des accords de branche, donc elle va être extrêmement variable en fonction des disciplines et des entreprises ». 

Elle ajoute que les nouveaux contrats doctoraux pourront « s’appuyer sur les bourses Cifre donc dans ce cas là évidemment le montant sera fixé par l’ANRT sur le modèle des bourses Cifre ».

La ministre promet des « salaires attractifs » puisque « la volonté des entreprises et des Epic est de pouvoir recruter des doctorants ».

« Lorsqu’ils sont, à la date à laquelle ils atteignent la limite d’âge qui leur est applicable, responsables d’un projet lauréat d’un AAP Appel à projets inscrit sur une liste fixée par décret, les professeurs de l’enseignement supérieur, les DR Directeur/directrice de recherche et les personnels titulaires de l’enseignement supérieur assimilés aux professeurs d’université (…) peuvent être autorisés à rester en fonction au‑delà de cette date jusqu’à l’achèvement du projet de R&D technologique pour lequel ils ont été lauréats et pour une durée de cinq ans au plus », prévoit l’article 9 du projet de LPR.

Pour Marie-George Buffet, députée du PCF Parti communiste français , cette « dérogation d'âge (…) n’apporte rien et constitue une contrainte supplémentaire sur le renouvellement des générations, d’autant que le titre de professeur émérite permet de poursuivre ses activités scientifiques après le départ à la retraite ». En outre, « plusieurs syndicats soulignent qu’il existe déjà des possibilités de prolongation d’activité au-delà de la limite d’âge dans la fonction publique, et le fait que le ministère refuse quasiment systématiquement ces demandes. Il conviendrait donc d’abord de faire le bilan des dispositifs existants », souligne Michel Larrive, député LFI La France insoumise .

Toutefois, pour Valérie Gomez-Bassac, rapporteure, ce report de limite d'âge concerne « un cas très circonscrit, qui doit seulement permettre que la conduite des projets concernés ne soit pas remise en cause ». Elle est donc défavorable à la suppression de cet article, proposée par le PCF, LFI, le groupe Socialistes et apparentés ainsi qu’Écologie démocratie solidarité.

Encadrement de la durée des contrats post-doctoraux

« Donner un statut au post-doctorat »

L’article 5 du projet de loi prévoit la création de deux types de contrat post-doctoraux : un public à destination des établissements de recherche publique et un privé à destination des Epic et des fondations d’utilité publique.

« Il doit être conclu au plus tard trois ans après l’obtention du diplôme de doctorat et consiste à sécuriser cette période de prise d’autonomie pour le post-doctorant », présente le député LREM Gaël Le Bohec

Le député LR Frédéric Reiss rappelle en introduction des débats que « seuls 10 % des 15 000 nouveaux doctorants chaque année trouvent un poste dans la recherche après leur doctorat ». 

Devant deux amendements du groupe LFI (n° 409) et du groupe GDR (n° 323) demandant la suppression de l’article 5 qui participent à « la précarisation sur la durée du chercheur », la ministre Frédérique Vidal défend son dispositif :

« Il y a cette période ou chacun doit faire la preuve qu’il est capable de mener de manière autonome un projet de recherche. C’est ce qu’on appelle le post-doctorat. Elle existe partout dans le monde et c’est l’acquisition de l’autonomie du jeune chercheur avant son recrutement. C’est pourquoi nous avons pensé à créer ces contrats spécifiques qui permettent de donner un statut à cette période. »

Les amendements sont donc rejetés. 

Le député LR Patrick Hetzel défend deux amendements sur l’article 5. 

Le premier (n° 98) demande l’extension du dispositif de contrat post-doctoral de droit public aux Eespig : « Lorsqu’a été décidé d’instaurer cette catégorie spécifique des Eespig, l’idée était de dire “attention, le privé est multiple”. Il peut y avoir de l’enseignement privé à but non lucratif et qui poursuit des missions d’intérêt général. Il faut accompagner ces établissements pour qu’ils puissent pleinement remplir ces missions. »

Il est rejeté puisque, selon Valérie Gomez-Bassac, « il serait surprenant d’autoriser des établissements d’enseignement supérieur privé, fussent-ils d’intérêt général, à conclure des contrats de droit public de la sorte ».

Le deuxième amendement (n° 18) défendu par Patrick Hetzel consiste à demander l’extension du dispositif de contrat post-doctoral de droit privé aux Eespig. Il a cette fois-ci gain de cause.

Son amendement est adopté accompagné d’un sous-amendement déposé par Mme Gomez-Bassac précisant que cette extension aux Eespig ne fonctionne que « dans le cadre de leurs activités de recherche ».

Durée minimale et maximale

Un amendement déposé par le gouvernement (n° 670 ) contraint le dispositif des contrats post-doctoraux à une « durée minimale d’un an », pour le privé et le public. Il est adopté.

Concernant la durée maximale du contrat post-doctoral de droit public, le projet de loi prévoit qu’il dure trois ans, renouvelable une fois. Face à plusieurs amendements demandant la réduction de ces six années maximum à deux ou trois ans, la rapporteure Valérie Gomez-Bassac défend un amendement (n° 657 ) portant cette durée à quatre ans maximum (deux ans renouvelables une fois), « un bon consensus par rapport aux attentes du monde universitaire et des syndicats », selon elle.

L’amendement est adopté.

Gage de « liberté » ou de « précarité » : les débats sur le CDI de mission scientifique 

Des contrats à objet « plus large »

Aucun amendement significatif n’est adopté sur l'article 6 portant sur les CDI de mission scientifique, si ce n’est celui défendu par le député Cédric Villani pour le groupe EDS (n° 206 ) et demandé par le CNRS.

« Le contrat pour lequel un jeune chercheur est embauché n’a pas forcément un objet bien prédéfini en tant que réalisation du travail effectué par ce jeune chercheur. Il peut s’agir de participer en équipe à une réalisation commune », déclare le député pour qui « l’objet du contrat doit être plus large ».

L’amendement reçoit un double avis favorable de la rapporteure et de la ministre et est adopté. 

Précarité versus liberté du chercheur

Si l’article 6 est largement adopté (53 votes pour et 5 contre), il suscite tout de même des débats dans l’hémicycle, notamment à l’initiative du député LR Patrick Hetzel

« Après les chaires juniors, nous sommes sur les CDI de mission scientifique. On est dans une sorte de débat technique comme s’il ne fallait arbitrer que sur des sujets techniques alors que la question de fond est de savoir où le gouvernement veut-il aller avec la science et la recherche dans les années à venir ? »

Pour la députée socialiste Sylvie Tolmont, « sans durée minimale, ni indemnité de fin de contrat, ni délai de prévenance, la caractéristique de ce nouveau contrat est d’organiser l’affaiblissement du statut de fonctionnaire et de banaliser la précarité des chercheurs ».

« Ce signal est d’autant plus alarmant qu’un quart des effectifs de l’ESR Enseignement supérieur et recherche est déjà non permanent et que la grande majorité des partenaires sociaux s’accordent sur la nécessité d’une augmentation des titularisations. (…) Le CDI de mission n’a de CDI que le nom. Il est en fait un CDD sans garantie protectrice qui engendrera de nombreuses situations de vulnérabilité ». 

Quatre amendements portés par les socialistes, LFI, le groupe GDR et le groupe Libertés et Territoires demandent la suppression du CDI de mission. Ils sont tous rejetés. 

Des garanties adoptées en commission

Valérie Gomez-Bassac rappelle « qu’à l’initiative des rapporteurs, la commission a sécurisé les conditions de rupture des CDI de mission scientifique :

  • en prévoyant qu’en cas d’épuisement de leur objet, l’employeur doit justifier de l’arrêt effectif de l’activité de recherche associée au projet et que cette activité ne pourra être poursuivie par le recours à de nouveaux contrats portant sur des missions similaires ;
  • en prévoyant que des modalités d’accompagnement des salariés dont le contrat s’est achevé devraient être prévues par décret en conseil d’État ;
  • en prévoyant qu’un rapport d’évaluation de ce nouveau contrat sera remis au Parlement par le gouvernement dans un délai de 5 ans à compter de la publication de la loi ».

Frédérique Vidal prend un exemple à l’appui de sa démonstration :

« Quelle est la situation aujourd’hui ? Vous obtenez un financement sur un projet européen, vous avez besoin de recruter des techniciens, des ingénieurs pour pouvoir mener à bien ce projet. Ce projet a une durée de 12 ans et vous avez des financements pour pouvoir être accompagné par une équipe pendant ces 12 années.

Vous êtes ravi jusqu’à ce que vous réalisiez qu’en réalité il vous faudra tous les trois ou quatre ans changer d'équipe parce qu’aujourd’hui vous ne disposez d’aucun contrat de droit public qui vous autorise à garder votre équipe plus de cinq ans.

Créer ces CDI de mission scientifique, c’est répondre à cette problématique. » 

Elle ajoute à l’adresse de son auditoire : « Vous vous êtes sûrement souvent interrogés dans cet hémicycle pour savoir pourquoi les laboratoires de recherche français proposaient aussi peu de projets à l’Europe. Car lorsqu’ils obtiennent des financements de l’Europe, ils ne peuvent pas les utiliser comme ils le souhaitent parce qu’ils ne disposent pas des outils. »

Un amendement pour rémunérer mensuellement les enseignants vacataires 

Un amendement (n° 202 ) porté par Cédric Villani au nom du groupe EDS vise à créer un article additionnel après l’article 6 pour « assurer aux chargés d’enseignants vacataires et aux agents temporaires vacataires une rémunération versée mensuellement ». 

« Un décret doit fixer les modalités de leur rémunération mensuelle effective. Ils sont plus de 150 000 en France. Certains sont aujourd’hui payés plus d’un an après avoir assuré leurs cours », déclare Cédric Villani, soutenu par le groupe LREM qui a déposé un amendement identique (n° 582 ).

L’amendement reçoit un avis favorable de la commission qui parle d’une « abberation : le fait que ces vacataires soient payés deux fois dans l’année ».

La ministre de l’Esri donne quant à elle un avis « extrêmement favorable ». Ces deux amendements sont adoptés.

L’amendement n° 17 défendu par Patrick Hetzel porte sur l’extension des mesures de l’article 7 concernant les modalités d’accueil des chercheurs étrangers dans les établissements de recherche, aux Eespig. 

« Il semblerait pertinent d’adjoindre au dispositif les établissements d’enseignement supérieur privé considérés comme étant d’intérêt général, dans la mesure où aujourd’hui, ils n’y ont pas accès et donc ça limite un certain nombre d’échanges avec des chercheurs étrangers », déclare Patrick Hetzel. Le même amendement est porté par le groupe LREM et le groupe UDI et indépendants.

Il est adopté.

Assemblée nationale (AN)

Catégorie : État / Agences d'État


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Fiche n° 4439, créée le 19/10/2016 à 12:01 - MàJ le 09/04/2024 à 15:59

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