LPR : « Donner un nouveau souffle sur les questions de RH » (Valérie Gomez-Bassac, rapporteure à l’AN)
« Les universités font beaucoup avec peu de moyens, elles manquent de postes. Le contexte est dégradé, c’est une réalité. (…) Avec la LRU
Libertés et Responsabilités des Universités (loi LRU ou loi Pécresse du nom de la ministre Valérie Pécresse), appelée loi d’autonomie des universités, du 10/08/2007 adoptée sous le gouvernement Fillon
, les universités ont obtenu leur autonomie budgétaire, là il s’agit de leur donner un nouveau souffle sur les questions de RH
Ressources humaines
», déclare Valérie Gomez-Bassac
Maîtresse de conférence en droit @ Université de Toulon
, députée LREM
La République en marche !
du Var, à News Tank, le 27/08/2020.
Alors que l’examen du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 débute le 14/09/2020 à l’Assemblée nationale, celle qui est co-rapporteure en charge du titre 2 sur l’attractivité des métiers scientifiques, revient sur les dispositions prévues par le texte, et notamment les chaires de professeur junior.
Un dispositif qui « ne [la] choque pas » : « Si la personne, diplômée d’un doctorat et engagée dans ce type de contrat, est titularisée au bout de trois ou six ans parce qu’elle a fait ses preuves après avoir été évaluée régulièrement, je ne vois pas ce qui est gênant. Surtout qu’on n’enlève rien à la possibilité de passer par la qualification, et qu’il y a des quotas maximums », dit-elle.
Elle explique aussi pourquoi elle s’est positionnée comme rapporteure. « Ces sujets font écho à mon propre parcours. Je suis maîtresse de conférences en droit, et pour y arriver, je suis passée par toutes les étapes » : doctorante non financée, vacataire, Ater
Attaché temporaire d’enseignement et de recherche
, contractuelle, raconte-t-elle.
« Aussi, quand 15 ans plus tard, en tant que députée, un texte qui évoque ces sujets et permet de trouver des solutions, mais aussi de rapprocher le monde socio-économique - et plus largement la société - de l’université qui est un autre de mes souhaits, j’ai voulu apporter mon concours. »
Sur le rythme de la programmation budgétaire, jugée trop timorée par certains acteurs syndicaux ou la CPU
Conférence des présidents d’université
, elle estime « qu’il faut aussi que cette programmation soit réaliste et réalisable. Or, avec la crise que nous venons de traverser, de nombreux secteurs sont en attente de moyens. Il vaut donc mieux sécuriser les sommes prévues ».
Et d’ajouter : « La LPR
Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur
est une loi de programmation budgétaire, mais elle comprend aussi des modifications structurelles, des mesures de simplification, c’est un tout ».
Valérie Gomez Bassac répond à News Tank
Pourquoi avez-vous souhaité être rapporteure de ce texte ?
Des sujets qui m’intéressent de par mon parcours »Ces sujets font écho à mon propre parcours. Je suis maîtresse de conférences en droit, et pour y arriver, je suis passée par toutes les étapes. C’est-à-dire que lorsque j’ai commencé mon doctorat, je n’étais pas financée et j’ai donc dû prendre un emploi de caissière.
Ensuite, j’ai été doctorante vacataire, puis Ater Attaché temporaire d’enseignement et de recherche deux ans, puis contractuelle, mais toujours avec pas mal de précarité, et chaque année cette incertitude de ne pas être renouvelée. J’ai mis sept ou huit ans à faire ma thèse, en partie du fait de cette situation. Puis, j’ai passé la qualification en la ratant une première fois, la seconde fois était la bonne.
Mais, alors que pendant toutes ces années, j’ai acquis cette expérience de l’enseignement et de la recherche nécessaire au métier d’enseignant-chercheur, on aurait pu me refuser la qualification, et je n’aurais pas eu d’autre voie pour devenir enseignante-chercheuse… Il ne s’agit pas de critiquer la qualification ou de la rejeter, mais il me semble dommage qu’il n’y ait pas d’autre possibilité offerte aux doctorants.
Aussi, quand 15 ans plus tard, en tant que députée, un texte qui justement évoque ces sujets et permet de trouver des solutions, mais aussi de rapprocher le monde socio-économique - et plus largement la société - de l’université qui est un autre de mes souhaits, j’ai voulu apporter mon concours.
Comment s’est passée la répartition des thématiquesentre rapporteurs ?
Je pense que mes collègues à la commission culture éducation de l’Assemblée nationale, et la ministre de l'Esri
Enseignement supérieur, recherche et innovation
, Frédérique Vidal
Conseillère spéciale du président @ European Foundation for Management Development (EFMD)
, savaient que je m’intéressais à ces sujets du doctorat et de l’attractivité, de par mon parcours, et que c’est la partie qui me correspondait le mieux. J’apporte aussi le regard d’une spécialiste du droit.
Mais cette répartition s’est aussi faite naturellement entre les quatre rapporteurs. En tout cas, nous nous complétons tous très bien.
Concrètement, comment allez-vous travailler ?
Nous nous sommes vus deux fois avant la fin de la session en juillet pour nous mettre d’accord sur les modalités d’audition (qui se feront toutes en distanciel), le calendrier et la liste des personnes à auditionner. Celles-ci ont démarré le 26/08, et s’étalent sur deux semaines.
Entre rapporteurs, nous avons aussi des réunions pour faire des points d’étape, pour voir dans quel sens nous souhaitons aller, les thématiques à aborder. Puis nous verrons au fur et à mesure pour les amendements à proposer.
Calendrier de l’examen à l’Assemblée nationale en première lecture
• Le 26/08 et jusqu’au 04/09 : début des auditions par les rapporteurs.
• Semaine du 07/09, dépôt des amendements.
• À partir du 14/09, examen du texte en commission.
• 15/09 : début de la session extraordinaire du Parlement
L’examen du texte va arriver rapidement, mi-septembre : ce calendrier vous semble-t-il adapté ?
Le temps de mener les débats »Oui, il me semble approprié, parce qu’il n’y a pas tant d’articles que cela. Bien sûr, il y aura des débats, notamment sur la partie budgétaire, mais nous aurons le temps de les mener. Et puis sur ce texte, il y a eu beaucoup de consultations en amont, par le biais de la plateforme ou par le ministère en direct avec les organisations syndicales.
Vous êtes donc confiante sur le fait qu’il puisse être adopté avant la fin 2020 ?
C’est difficile de s’y engager du fait des élections sénatoriales qui vont ralentir le calendrier global. Mais cette adoption avant la fin de l’année pour qu’il soit aligné sur la programmation budgétaire est une volonté du président de la République, dont les annonces pendant la crise sanitaire ont permis de cranter les choses. Et le PLF Projet de loi de finances 2021 doit intégrer la première échéance sur le plan financier.
On sait que les sujets liés au fonctionnement ou au financement de la recherche intéressent peu le grand public. Pensez-vous qu’après la crise sanitaire, le texte pourra susciter plus d’intérêt ?
L’affaire de tous »Cette ambition du président de la République et du gouvernement de mieux financer la recherche est antérieure à la crise Covid. Mais elle est sûrement devenue plus accessible et plus audible au grand public depuis. Car elle a permis d’illustrer et de mieux comprendre le sous-investissement de l’État dans la recherche depuis l’après-guerre, et la mauvaise allocation des moyens.
Ensuite, comment replacer la science dans le pacte social, et comment en faire un enjeu économique ne sont pas des questions simples. Mais je crois que c’est l’affaire de tous. Et si ce texte répond aux attentes des acteurs, il trouvera l’intérêt du public.
Mais pensez-vous qu’il réponde vraiment à leurs attentes ? La communauté scientifique a exprimé de nombreuses critiques sur le texte depuis un an…
Oui je pense qu’il y répond, déjà parce qu’il couvre de très nombreux sujets : la recherche publique et privée, les doctorants, docteurs, enseignants-chercheurs et chercheurs, la santé, le numérique, l’Europe, etc.
Cette loi est très attendue, surtout si on la met au regard de la politique du précédent quinquennat où le budget consacré à la recherche n’a augmenté que de 50 M€ entre 2012 à 2017. Ne serait-ce que jusqu’à 2022, on porte l’effort à +1,2 Md€, et bien sûr 25 Md€ d’ici dix ans.
Beaucoup, et notamment la CPU Conférence des présidents d’université , regrettent que le rythme de la programmation ne soit pas plus rapide, engageant finalement peu le gouvernement actuel. Ne faut-il pas un effort budgétaire plus fort au départ ?
Une programmation réaliste et réalisable »J’aimerais vous répondre oui, mais il faut aussi que cette programmation soit réaliste et réalisable. Or, avec la crise que nous venons de traverser, de nombreux secteurs sont en attente de moyens. Il vaut donc mieux sécuriser les sommes prévues.
Et puis, la LPR Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur est une loi de programmation budgétaire, mais elle comprend aussi des modifications structurelles, des mesures de simplification, c’est un tout.
Du fait de cette rentrée universitaire compliquée par la Covid, et des effectifs encore en hausse, des présidents d’université appellent à inclure l’enseignement supérieur dans la programmation budgétaire. Comprenez-vous cette demande ?
Ce texte prévoit des mesures budgétaires pour l’enseignement supérieur, notamment sur les carrières pour les jeunes MCF Maître.sse de conférences et les doctorants. Il intègre aussi des dispositions pour maintenir l’avancement de carrière en cas de mise à disposition.
Par ailleurs, le fait de recruter plus d’enseignants-chercheurs permettra de diminuer le recours aux heures complémentaires, et à tous de pouvoir consacrer plus de temps à la recherche. Avoir plus de professeurs évitera qu’on se retrouve en manque de postes pour diriger des thèses.
Cette loi s’intéresse au financement de la recherche, mais cela aura un impact aussi sur l’enseignement supérieur puisque l’université repose sur ces deux missions.
Vous êtes en charge du titre 2 qui comprend les mesures les plus polémiques comme les chaires de professeur junior ou les CDI de mission. Que pensez-vous de ces dispositions ?
Les chaires juniors ne me choquent pas »Cela rejoint ce que je disais tout à l’heure au sujet de mon parcours. Les chaires juniors ne me choquent pas : si la personne, diplômée d’un doctorat et engagée dans ce type de contrat, est titularisée au bout de trois ou six ans, parce qu’elle a fait ses preuves après avoir été évaluée régulièrement, je ne vois pas ce qui est gênant. Surtout qu’on n’enlève rien à la possibilité de passer par la qualification, et qu’il y a des quotas maximums.
Ouvrir plusieurs voies est dans l’intérêt de nos « jeunes », qui d’ailleurs ne sont plus toujours très jeunes parce qu’ils ont dû attendre ou partir à l’étranger pour avoir un poste ! En moyenne, on devient MCF Maître.sse de conférences à 34 ans en France… Et au niveau international, nous sommes parmi les seuls à ne pas avoir cette possibilité.
Quant aux contrats de mission, ils me semblent adaptés au fonctionnement du monde de la recherche. Ce sont des outils supplémentaires pour une recherche plus attractive et efficace, tout en respectant les conditions de transparence et d’évaluation.
Le Conseil d’État a imposé des jalons supplémentaires pour les chaires juniors (pas plus de la moitié des recrutements de l’année en cours) : faut-il aller plus loin pour rassurer davantage, par exemple sur les modalités d’évaluation ?
En effet, il faut rassurer sur la méthode de recrutement, car il ne faut pas que ces dispositifs donnent lieu à des passe-droits ou du favoritisme. Maintenant, rassurer ne doit pas laisser penser qu’il y aurait une concurrence entre les différentes voies de recrutement.
Cette voie supplémentaire n’enlève rien aux E-C enseignant(s)-chercheur(s) ou chercheurs déjà en place. C’est proposer une alternative à ceux qui étaient dans la précarité, sans léser les profils classiques. À ce sujet, c’est une bonne chose que le Mesri Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation se soit engagé sur le principe d’un dispositif de promotion de MCF et de CR Chargé de recherche en lien avec le recrutement de chaires de professeurs juniors.
À l’inverse, certains poussent pour aller plus loin et supprimer la qualification et le CNU Conseil national des universités : en faites-vous partie ?
Non, je ne le porte pas, car je suis passée par la qualification et elle a un certain mérite. Le CNU est un sujet sensible, mais ce ne serait pas judicieux d’aller plus loin. Je crois surtout à la nécessité d’ouvrir des possibilités, pas d’en fermer.
N’y a-t-il pas aussi un sujet plus structurel sur un manque de stratégie RH des universités et organismes ?
Un nouveau souffle sur les questions RH »Les universités font beaucoup avec peu de moyens, elles manquent de postes. Le contexte est dégradé, c’est une réalité. Tous les E-C connaissent ces débuts d’année où il faut essayer de jouer sur des demi-postes. Et donc ce n’est pas un procès à faire aux universités. Mais demain, si le dispositif est mis en place et qu’il ne fonctionne pas, en effet ce sera un problème et il faudra s’interroger. C’est censé donner plus de souplesse et d’adaptabilité aux établissements.
Avec la LRU Libertés et Responsabilités des Universités (loi LRU ou loi Pécresse du nom de la ministre Valérie Pécresse), appelée loi d’autonomie des universités, du 10/08/2007 adoptée sous le gouvernement Fillon , les universités ont obtenu leur autonomie budgétaire, là il s’agit de leur donner un nouveau souffle sur les questions de RH.
Pour ce qui est des contrats doctoraux et postdoctoraux pour le secteur privé, vous semblent-ils en mesure de convaincre davantage les entreprises de miser sur de futurs docteurs ?
Lorsqu’on est doctorant ou docteur, on a tendance en effet à se tourner vers l’ESR, parce que les entreprises ne perçoivent pas encore suffisamment l’intérêt de ces profils. Cela commence à changer en termes de culture, mais il faut aussi que l’entreprise soit gagnante et donc que les contrats soient plus attractifs que ne le sont les Cifre Convention industrielle de formation par la recherche aujourd’hui. C’est à cette condition que le monde socio-économique s’ouvrira davantage à l’université.
Savez-vous quels amendements vous souhaitez porter ? Et sur quels points du texte le Mesri vous semble-t-il prêt à bouger ?
Nous n’avons pas encore discuté des amendements entre rapporteurs, il nous faut avancer sur les auditions. Avec le Mesri aussi, les discussions viendront au moment du dépôt des amendements. Et bien sûr, chacun reste dans son rôle.
J’espère que le dialogue va se poursuivre à tous les niveaux, avec les organisations syndicales, et tous les acteurs pour que nous puissions porter cette ambition tous ensemble.
Bien sûr, il ne peut y avoir unanimité sur tout, mais mon souhait est que chacun se rendre compte qu’il n’y a jamais eu une telle avancée sur le secteur de la recherche.
Valérie Gomez-Bassac
Maîtresse de conférence en droit @ Université de Toulon
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Parcours
Maîtresse de conférence en droit
Représentante de l’Assemblée nationale au sein du conseil d’orientation stratégique
Députée LREM du Var
Vice-doyenne de la faculté de droit
Établissement & diplôme
Titulaire d’un doctorat en droit
Fiche n° 28332, créée le 25/01/2018 à 15:18 - MàJ le 20/06/2022 à 12:19