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ExclusifCertification de l’anglais dans l’enseignement supérieur : « Halte au risque d’oligopole ! » (B. Levy)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Tribune n°191330 - Publié le 26/08/2020 à 18:29
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Benjamin Levy -

« Si le besoin d’une certification internationalement reconnue, qui vient sanctionner une formation, se comprend parfaitement, il est regrettable que cette certification soit dorénavant l’apanage d’une poignée de grands organismes privés et/ou étrangers - Toeic Test of English for International Communication , Toefl Test of English as a Foreign Language , Linguaskill, IELTS International English Language Testing System - dont la présentation au test conditionne la délivrance même du diplôme », écrit Benjamin Levy, cofondateur de Gymglish, dans une tribune transmise à News Tank, le 26/08/2020.

Il revient sur la publication d’un arrêté et d’un décret du Mesri Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation le 03/04/2020, rendant obligatoire à partir de 2021 le passage d’une certification en langue anglaise pour obtenir les diplômes de licence, licence professionnelle, DUT Diplôme universitaire de technologie et BTS Brevet de technicien supérieur . Une certification payée par l’État passant par un appel d’offres national.

Pour le cofondateur de cette société de cours de langues en ligne, « d’un point de vue éducatif (standardisation de l’évaluation) et économique (atteinte à la libre concurrence), l’État offre un pont d’or à quelques acteurs, au détriment d’une diversité d’autres acteurs légitimes et qualifiés pour fournir une certification pertinente ».

Au-delà du risque « d’oligopole », il voit aussi deux autres dangers : « la promotion du bachotage sur l’évaluation continue » et « l’atteinte au plurilinguisme ».

Aussi plaide-t-il pour un transfert de compétence au niveau européen : « Depuis 2001, dans le cadre du CECRL Cadre européen commun de référence pour les langues (Cadre européen commun de référence pour les langues), l’Europe s’est efforcée de concevoir et fournir une base commune pour la conception de programmes, l’évaluation de niveaux et la remise de diplômes. Voilà bien un organisme public a priori sans intérêts privés (ni même nationaux). Pourquoi ne lui donne-t-on pas davantage de crédit et d’autorité sur un sujet aussi déterminant que la certification ? », interroge-t-il.


L’apanage d’une poignée de grands organismes privés

Un arrêté  du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a été publié au JO le 03/04/2020, en plein confinement. Celui-ci impose aux candidats inscrits aux diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et au diplôme universitaire de technologie, de se présenter à une certification en langue anglaise, organisée par un organisme externe.

Si le besoin d’une certification internationalement reconnue, qui vient sanctionner une formation, se comprend parfaitement, il est regrettable que cette certification soit dorénavant l’apanage d’une poignée de grands organismes privés et/ou étrangers - Toeic Test of English for International Communication , Toefl Test of English as a Foreign Language , Linguaskill, IELTS International English Language Testing System - dont la présentation au test conditionne la délivrance même du diplôme.

Acteur de l’éducation depuis 2004, partenaire des universités et certification d’anglais reconnue par l’État dans le cadre du Compte Personnel Formation, Gymglish pointe trois dangers qui découlent directement de cet arrêté :

Le risque d’oligopole

En dessaisissant les universités de la politique linguistique, l’État remet l’évaluation et la certification des étudiants à un petit nombre d’organismes privés et/ou étrangers. D’un point de vue éducatif (standardisation de l’évaluation) et économique (atteinte à la libre concurrence), l’État offre un pont d’or à quelques acteurs, au détriment d’une diversité d’autres acteurs légitimes et qualifiés pour fournir une certification pertinente.

La promotion du bachotage sur l’évaluation continue

Chez Gymglish, nous travaillons sur un apprentissage qui s’inscrit dans la durée et une évaluation continue tout au long de cet apprentissage. Ce processus d'évaluation continue analyse non seulement les acquis, mais aussi la consolidation de ces acquis dans le temps, la mémorisation, les besoins en révisions…

À l’inverse, l’arrêté du 03/04/2020 plébiscite un test instantané qui, certes, est très pratique pour industrialiser l’évaluation et la sélection, mais que l’on bachotte et qui renseigne peu sur les efforts d’apprentissage en amont et la capacité de mobilisation des connaissances en aval.

Cette disposition législative vient saper tous les efforts de valorisation de l’évaluation continue conduits depuis 30 ans, qui s’impose pourtant à toutes les strates de la scolarité (du brevet des collèges aux diplômes universitaires en passant par le nouveau baccalauréat)

L’atteinte au plurilinguisme

Un coup porté à la diversité culturelle  »

La certification obligatoire de l’anglais porte un coup à la diversité culturelle qui guide les départements des langues au sein des universités. Dans notre économie mondialisée, l’anglais s’est certes imposé comme la langue globale.

Pour autant, l’État devrait participer à l’effort collectif des écoles, universités, entreprises, associations et familles de valoriser toutes les langues et toutes les cultures : les LV2 sont en excellente santé, elles recueillent l’intérêt de nombreux étudiants, surtout en Europe avec le programme Erasmus et au-delà même des langues européennes. Elles méritent, autant que l’anglais, une certification reconnue à l’international.

Pour un transfert de compétence au niveau européen

Il existe de nombreuses autres certifications »

Cette certification semble bien trop stratégique pour être exclusivement orchestrée par une poignée d’acteurs internationaux.

Il existe de nombreuses autres certifications, peut-être moins connues pour certaines, mais à forte valeur ajoutée qui exploitent des technologies innovantes pour évaluer quantitativement et qualitativement le niveau de l’étudiant. A contrario, mettre un score à trois chiffres en face d’une capacité à communiquer dans une langue relève d’un exercice limité.

Si l’on peut comprendre le besoin d’industrialiser l’évaluation, industrialisons peut-être plutôt la personnalisation de l’éducation. Replaçons la certification là où elle devrait être : à l’issue d’un apprentissage personnalisé, contextualisé et inscrit dans la durée. Les technologies, contenus et méthodologies sont mûrs pour cela !

Dès lors, si le système s’ouvre à une pluralité de certifications, comment parvenir à une reconnaissance internationale, vers laquelle tend - et à juste titre - cet arrêté ? Chez Gymglish, nous plaidons pour un transfert de compétence au niveau européen.

Depuis 2001, dans le cadre du CECRL Cadre européen commun de référence pour les langues (Cadre européen commun de référence pour les langues), l’Europe s’est efforcée de concevoir et fournir une base commune pour la conception de programmes, l’évaluation de niveaux et la remise de diplômes. Voilà bien un organisme public a priori sans intérêts privés (ni même nationaux).

  • Pourquoi ne lui donne-t-on pas davantage de crédit et d’autorité sur un sujet aussi déterminant que la certification ?
  • Pourquoi ne pas s’adosser au cadre et à l’échelle de notation du CECRL pour asseoir cette évaluation de niveaux internationalement reconnue ? Et ouverte à des organismes légitimes pluriels et en libre concurrence, publics comme le Cles Certificat de compétences en langues de l’enseignement supérieur ou privés, agréés par l’Union européenne ?

L’Europe a tout autant les atouts d’une renommée internationale et devrait prétendre à la même légitimité et reconnaissance que les scores Toeic ou Toefl.

« Si l’un ou l’autre de ces tests privés [Toeic ou Toefl] devait être choisi en France, ce serait un coup publicitaire magistral pour cette société, auquel s’ouvre un énorme marché, sans parler de la manne financière qu’elle va recevoir de l’État français. A contrario, ce sera un coup de massue pour le Cles qui est évincé de ce marché », indiquait Laurent Rouveyrol, vice-président de la coordination nationale Cles, à News Tank, le 11/05/2020.

Issu d’une convention tripartite avec l'État et les universités, le Cles (certificat de compétences en langues de l’enseignement supérieur) pourrait aussi être le grand perdant de ces nouvelles dispositions craignent ses responsables.

« Au moment où nous cherchons justement à nous développer, avec un processus d’inscription au RNCP Répertoire national des certifications professionnelles  », et l’obtention d’un poste supplémentaire « qui sera en charge de faire la promotion du Cles aux entreprises », ajoutait son président, Yves Bardière.

Eux aussi regrettent que cette obligation ne concerne que l’anglais. « L’arrêté de 2016 relatif au certificat en langues ancre clairement le Cles dans le cadre européen commun de référence pour les langues, qui prône le plurilinguisme par opposition au “tout anglais“. En subordonnant l’obtention de la licence à la seule obtention d’une certification en anglais, l’État porte un coup d’arrêt à cette longue tradition européenne », jugeait son président.

Benjamin Levy


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Fiche n° 40242, créée le 26/08/2020 à 16:35 - MàJ le 26/08/2020 à 16:41

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