Demandez votre abonnement gratuit d'un mois !

L’abonnement à News Tank Éducation & Recherche est payant, merci de respecter la propriété intellectuelle et de ne pas transférer cet article sans autorisation préalable de News Tank Éducation & Recherche.

« Cette crise est une opportunité de reconnaître la responsabilité sociétale des chercheurs » (N. Ngo)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Actualité n°181362 - Publié le 23/04/2020 à 15:31
- +
©  LinkedIn
Nicolas Ngo - ©  LinkedIn

« Cette crise est une opportunité de reconnaître la responsabilité sociétale des chercheurs : certains s’engagent et prennent la parole pour expliciter la démarche scientifique et ses enjeux. Cela permet de réaffirmer l’importance de la parole des chercheurs dans la société », déclare Nicolas Ngo, chef du département des relations entre science et société au Mesri Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation , à News Tank, le 20/04/2020. 

« Mais s’il s’agit d’encourager les scientifiques à prendre la parole, pour partager les avancées de leurs travaux, il faut surtout que les citoyens aient accès à une information fiable et de qualité pour exercer leur esprit critique », ajoute-t-il.

Une mission qui incombe notamment aux acteurs de la CSTI Culture scientifique technique et industrielle et de l’Esri Enseignement supérieur, recherche et innovation (associations de chercheurs et de médiateurs, musées, organismes de recherche, universités, journalistes scientifiques, etc.). Nicolas Ngo se dit « vraiment ébloui, alors que le confinement a été annoncé rapidement, par la mobilisation immédiate, spontanée et collective de ces acteurs. »

Une réaction très rapide qui « a permis la mise à disposition de ressources scientifiques et culturelles de qualité pour faire face à la crise », notamment autour de deux volontés :

• « Informer et décrypter l’actualité grâce à des informations fiables et accessibles. Une double dimension qui fait pleinement partie du savoir-faire des acteurs de la CSTI, car tout le monde n’a pas les clés pour déchiffrer les publications scientifiques. Ce travail de “traduction” s’est donc organisé très rapidement et, dès les premiers jours du confinement, ces ressources numériques étaient accessibles aux citoyens. »

• « Lutter contre le désordre informationnel, qui est au cœur des préoccupations des acteurs CSTI depuis plusieurs années, puisque c’était déjà le thème de la Fête de la science 2018. Si la dérégulation de l’offre de l’information disponible, avec la multiplication intempestive des fake news n’est pas nouvelle, dans ce contexte de crise, la circulation d’infox sur le virus a été flagrante et particulièrement importante. Les acteurs de la CSTI ont répondu en produisant des ressources permettant d’éclairer le débat public et de lutter contre les fake news. »


La CSTI en temps de crise, et après ?

Au-delà des missions d’information, décryptage de l’info, et de lutte contre le désordre informationnel, les acteurs de la CSTI Culture scientifique technique et industrielle se sont mobilisés « pour proposer des ressources éducatives de qualité, notamment pour le public familial », ajoute Nicolas Ngo.

« Il y a une réelle expertise à ce niveau. Et de nombreuses activités ludiques et pédagogiques ont ainsi été publiées gratuitement sur Internet pour les familles confinées : expositions, expériences scientifiques réalisables à la maison, plans de maquettes de satellites, podcasts, vidéos, science participative, etc. »

Élaborer une « nouvelle donne de la CSTI »

Y aura-t-il un « avant et un après » Covid-19, pour la CSTI ? « Nous sommes encore très proches du cœur de la crise et il faudra se donner du temps pour prendre de la hauteur et tirer des enseignements pertinents », répond Nicolas Ngo.

« Cependant, le premier constat que nous pouvons faire, c’est que des initiatives nouvelles ont émergé de la contrainte : elles vont certainement permettre d’élaborer une “nouvelle donne de la CSTI”. »

Et de citer plusieurs exemples :

  • « Le confinement a incité plusieurs chercheurs de talent à s’adresser directement aux citoyens par le biais de conférences confinées via YouTube, comme l’astrophysicien Hervé Dole  ou le physicien Julien Bobroff .
  • Des initiatives nouvelles portées par des médiateurs scientifiques ont également vu le jour, contribuant ainsi à faire le lien entre les citoyens et le monde de la recherche, comme la plateforme Scienceenlive.org par exemple. Je crois qu’il faut retenir la grande diversité de ressources mises à disposition : podcasts, vidéos de youtubers, Mooc Massive open online courses , etc.
  • Les musées ont tous une forte présence en ligne, à l’instar d’Universcience, cela ne remplace évidemment pas une visite physique, mais cette présence numérique est très complémentaire, et très appréciée en cette période de confinement. Le Museum national d’Histoire naturelle propose par exemple des programmes de science participative qui permettent aux citoyens de contribuer à la recherche. »

Des liens entre citoyens, décideurs et scientifiques à reconstruire

« Même avant la crise, il était facile de constater que les liens entre citoyens, décideurs et scientifiques pouvaient déjà souffrir d’une forme de défiance, qui s’exprimait notamment via les réseaux sociaux », indique Nicolas Ngo, qui y voit deux raisons principales :

  • « Les réseaux sociaux favorisent en effet une certaine horizontalité entre les différentes prises de paroles, et leurs algorithmes autorisent la circulation rapide de fake news puisque la visibilité d’une publication dépend davantage de sa viralité que de sa véracité.
  • Les infox s’adressent la plupart du temps à nos émotions, ce qui les rend plus faciles à comprendre et à relayer, alors qu’une information scientifique nécessite souvent un effort intellectuel moins compatible avec l’immédiateté des réseaux sociaux. »

Mais en temps de crise, ce contexte est d’autant plus dommageable, selon lui, citant alors la déclaration du directeur de l’OMS en février dernier : « Nous ne combattons pas seulement une épidémie, mais aussi une infodémie. Les fausses nouvelles se propagent rapidement et plus facilement que le coronavirus et sont tout aussi dangereuses. »

Et cette crise comporte selon lui plusieurs risques : « Celui de tomber dans le piège du désordre informationnel, qui consiste à mettre sur un pied d’égalité des croyances et des faits scientifiques. Et celui d’amalgamer le processus de création scientifique avec celui du traitement médiatique, alors qu’ils ne reposent pas sur les mêmes règles ni sur les mêmes temporalités. »

Mais il y voit aussi l’opportunité qui consiste à « préciser les liens entre l’expertise scientifique et le politique : les comités scientifiques permettent d’éclairer la décision publique, mais la responsabilité de la décision incombe in fine au politique. »

Selon Nicolas Ngo, pour se prémunir des fake news, il existe aussi des « gestes barrières » qui doivent entrer dans la culture commune de tout un chacun :

• « Une éducation à la méthode scientifique et à la façon dont la science est élaborée.
• Une éducation aux médias, dès le plus jeune âge, afin de comprendre comment l’information est produite, l’importance de recouper ses sources, mais aussi de comprendre comment fonctionnent les algorithmes des réseaux sociaux ou des moteurs de recherche.
• Et une éducation au discernement  : la construction de l’esprit critique passe nécessairement par l’expression argumentée et nuancée de sa perception de problématiques scientifiques, dont les enjeux sociétaux sont forcément complexes. Je pense notamment à une initiative d’une association de chercheurs, l’Arbre des connaissances, qui a développé des ressources pour jouer à débattre et ainsi apprendre à exprimer sa pensée, écouter celle d’autrui et sortir du jugement hâtif. »

« C’est pour toutes ces raisons qu’il est crucial que la culture scientifique infuse au sein de la société, en s’adressant aux jeunes mais également à tous les citoyens, dans une logique de formation tout au long de la vie », ajoute-t-il.

Le rôle du Mesri pour coordonner les actions de CSTI

Si les acteurs de la Culture scientifique, technique et industrielle se comptent par milliers en France, la loi ESR Enseignement supérieur et recherche de 2013 a clarifié les rôles entre l'État et les régions, auxquelles elle a transféré la responsabilité de la coordination des actions de CSTI.

« L’article 19 de la loi de 2013 dispose que la responsabilité de la coordination des actions de CSTI est transférée aux régions, sous réserve des missions de l’État. La dernière partie de cette phrase sous-tend une coordination au niveau national, qui relève de l’État. Il existe en effet une grande diversité d’acteurs, qui ne sont pas tous sous la tutelle du Mesri Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation - certains dépendent de collectivités territoriales ou d’autres ministères par exemple », rappelle Nicolas Ngo.

Une stratégie nationale

Aussi, dans ce contexte, comment créer une dynamique collective au niveau national ? « La réponse repose dans l’élaboration de la première stratégie nationale de CSTI. Cette stratégie nationale est structurée autour de cinq orientations et quatre thématiques transversales, qui impliquent l’ensemble des acteurs autour de priorités partagées.

Par cette démarche, le ministère est pleinement dans son rôle de coordination, sans toutefois être prescriptif, afin de respecter le principe de subsidiarité placé au cœur de la stratégie. Grâce à l’élaboration collaborative du texte, les acteurs s’en sont emparés rapidement et les régions l’adaptent désormais aux spécificités de leur territoire. »

Il ajoute que le rôle de coordination du Mesri passe aussi :

  • « par l’animation de plusieurs groupes de travail composés de correspondants régionaux,
  • par la tutelle des principaux musées scientifiques nationaux (Universcience, MNHN Muséum national d’histoire naturelle , Musée du quai Branly, Musée des arts et métiers, Établissement public du palais de la Porte dorée),
  • par l’organisation d’appels à projets destinés aux associations de culture scientifique,
  • et par l’organisation du Forum national de la CSTI. Ce dernier, qui devait avoir lieu ce printemps est reporté à cet automne du fait de la crise sanitaire. »

« Depuis 29 ans, nous organisons la Fête de la science et nous comptons bien le faire cette année aussi ! », déclare Nicolas Ngo. 

L'événement est prévu du 02 au 12/10 en métropole, puis avec un second temps à l’international notamment par le biais des postes diplomatiques. « Mais tout cela s’organise un an à l’avance, et cela fait plusieurs mois que les acteurs de la Fête de la science préparent les animations qu’ils vont proposer. Nous souhaiterions tenir le cap de l’automne, mais nous nous adapterons en fonction de l’évolution de la situation sanitaire », ajoute-t-il.

Il estime aussi que le contexte actuel pourrait influer sur le contenu de l'événement. « Il sera sûrement nécessaire de prendre de la hauteur sur la nouvelle façon de faire de la CSTI, et la Fête de la science sera une opportunité pour percevoir cette activité renouvelée. La CSTI est là pour donner aux citoyens des clés pour participer au débat démocratique afin de construire notre projet de société. Voir cela sous cet angle est sans doute l’un des nouveaux paradigmes à considérer. »

Nicolas Ngo


Consulter la fiche dans l‘annuaire

Parcours

Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et l’innovation
Chef du département des relations entre science et société
Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et l’innovation
Adjoint au Chef du département de la culture scientifique et des relations avec la société
Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse (MENJ)
Chargé d'études cultures scientifiques éducations artistique et culturelle
Établissement public du Palais de la Découverte et de la Cité des sciences et de l’industrie
Médiateur scientifique

Établissement & diplôme

Université Claude Bernard - Lyon 1
Capes de mathématiques
Insa Lyon (Institut national des sciences appliquées de Lyon)
Elève ingénieur classe « musiques études »

Fiche n° 39294, créée le 23/04/2020 à 11:10 - MàJ le 23/04/2020 à 11:15

Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et l’innovation

L’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation étaient rassemblés au sein d’un même ministère durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, avec Frédérique Vidal pour ministre.


Catégorie : État / Agences d'État



Fiche n° 2286, créée le 11/07/2014 à 04:20 - MàJ le 24/04/2023 à 18:05


© News Tank Éducation & Recherche - 2024 - Code de la propriété intellectuelle : « La contrefaçon (...) est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Est (...) un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur. »

©  LinkedIn
Nicolas Ngo - ©  LinkedIn