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Science toute déconfinée (Joël Bertrand)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Tribune n°181326 - Publié le 23/04/2020 à 11:18
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©  D.R.
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« La science est à l’honneur, et l’absence de connaissances, donc la recherche, aussi. Oui, la recherche scientifique doit être au cœur de nos espérances. C’est vrai que les plus rétifs parmi nous ne l’entendent pas ainsi, et sont comme Ugolin dans Manon des Sources, je ne veux pas connaître le rapport de Monsieur l’ingénieur en chef, je veux que l’eau revienne, c’est tout », écrit Joël Bertrand, dans une nouvelle chronique pour News Tank, le 22/04/2020.

Il revient sur la place de la science en période de confinement.

« Les scientifiques les plus allants dissertent sur les propositions de Didier Raoult (multiple lauréat aux appels d’offres du PIA Programme d’investissements d’avenir , Idex Initiative(s) d’excellence de Marseille, IHU Institut hospitalo-universitaire , 2000 publications, facteur h voisin de 175, donc de là à en faire un gilet jaune de la science il y aurait un pas des plus hardis). »

« Dans ce débat qui serait bien plaisant si le drame n’était pas au milieu de nous, le président de la CPU Conférence des présidents d’université , Gilles Roussel Président @ Comité éthique et scientifique de Parcoursup (CESP) • Membre du CA @ France Universités • Président @ Université Gustave Eiffel
, a les mots les plus sages, rappelant que la controverse appartient à la science, que le débat contradictoire nous enrichit, et qu’au bout du compte la science en sortira enrichie. »

« Toutes les sciences pourraient être à la manœuvre dans notre malheur, et ce serait pain bénit pour la mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires du CNRS Centre national de la recherche scientifique et sa nouvelle directrice, Martina Knoop Directrice de la mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires @ Centre national de la recherche scientifique (CNRS) • Coprésidente du comité parité-égalité @ Centre national de la…  », indique-t-il par ailleurs.

Il pointe aussi les « escarmouches » entre universités et organismes, mais « c’est que nous sommes là, blessés, mais pas morts », positive l’ancien directeur délégué à la science du CNRS et actuel président du conseil scientifique de Naval Group.


« La science brille de mille feux » 

Cinquième samedi confiné. Cinquième week-end obéissant pour les poilus de l’arrière que nous sommes, des embusqués nous aurait-on qualifiés en 1916 à Verdun ou 1917 dans l’horreur absolue du Chemin des Dames. Et embusqués que nous sommes, nous sommes quasiment des héros en train de casser cette épidémie assassine qui avance sous un nom de code pour mieux nous détruire. Mais blessés, blessés grièvement sans doute, mais jamais morts.

Et la science dans tout ça ? La science brille de mille feux, totalement universitaire tant de multiples disciplines sont convoquées à notre compréhension, pointues parfois, banales souvent, mais c’est un florilège de scientifiques, de publications, d’espoirs entrevus, d’espoirs déçus, bref la science faite d’humilité, d’interrogations, de cent fois sur le métier remettez votre ouvrage, la science en équipe, la science aussi des stars du métier, la science faite de fulgurances de temps en temps…

Le paradoxe

Notre pays high-tech, 4.0 souvent, notre pays aux portes de la 5 G, notre pays et ses fleurons, Airbus, les bateaux de guerre les plus performants du monde, les supply chains les plus abouties, les services digitalisés les plus avancés, les réseaux routiers les plus denses, notre pays champion du monde de football, mais aussi notre pays à la littérature la plus riche (comptons nos prix Nobel), aux philosophes les plus remarquables, à l’Histoire plus que millénaire, et de la grande Histoire disent nos thuriféraires habituels.

Le monde universitaire français en train d’en découdre dans la compétition internationale, car pour faire simple ici, tout est compétition avec gagnants, podiums, remises de médaille, et rendez-vous la fois suivante.

Une défense identique à celle du Moyen-Age »

Bref, rien ne peut nous arriver, et cette pensée mainstream est courante en janvier ou février 2020. Rien. Sauf que. Sauf que l’ennemi sournois, madré comme un combattant à domicile, nous tombe dessus, et c’est notre Diên Biên Phu, des malheurs inimaginables, une défense identique à celle du Moyen-âge, mais il n’y en a pas d’autres, et c’est la désolation qui s’abat sur nous.

Réactions

Réactions en chaîne, désordonnées, paradoxales de nos dirigeants, mais c’est normal, bien malin qui peut prédire l’avenir, avec des données fausses, et sans connaître le passé des autres, autant lire des horoscopes chinois, en langage des signes en plus.

Mais un conseil scientifique est nommé qui guide nos dirigeants, puis un deuxième appelé Care Comité analyse recherche et expertise avec des conseillers dont la somme des facteurs h doit sans doute avoisiner 1000, puis quasiment un petit troisième sous l’autorité de Jean Castex.

Le ministre Olivier Véran vient nous montrer deux courbes, en ordonnées le nombre de décès, en abscisses les jours, la première courbe sans confinement, la deuxième avec le freinage du confinement, et nos capacités hospitalières ne seront pas submergées. Démonstration brillante.

Les scientifiques se succèdent pour nous expliquer, qui l’ampleur du désastre, qui le chemin pour s’en sortir, d’autres décrivent avec une précision glaciale le martyre des hôpitaux de guerre, Fabrice à Waterloo à côté ce n’est rien.

Gloire aux soignants c’est le minimum. Notre pays découvre des virologues, des épidémiologistes, des infectiologues, des endocrinologues, des urgentistes, j’en oublie… À force de les écouter, nous apprenons quelque chose, pouvons disserter au moins deux minutes sur ces sujets.

Oui, la recherche scientifique doit être au cœur de nos espérances »

La science est à l’honneur, et l’absence de connaissances, donc la recherche, aussi. Oui, la recherche scientifique doit être au cœur de nos espérances. C’est vrai que les plus rétifs parmi nous ne l’entendent pas ainsi, et sont comme Ugolin dans Manon des Sources, je ne veux pas connaître le rapport de Monsieur l’ingénieur en chef, je veux que l’eau revienne, c’est tout.

Les scientifiques les plus allants dissertent sur les propositions de Didier Raoult (multiple lauréat aux appels d’offres du PIA Programme d’investissements d’avenir , Idex Initiative(s) d’excellence de Marseille, IHU Institut hospitalo-universitaire , 2000 publications, facteur h voisin de 175, donc de là à en faire un gilet jaune de la science il y aurait un pas des plus hardis), sur ses détracteurs, sur les prudences toutes orthodoxes d’autres, sur le discours de la méthode sans cesse rappelé par les PU-PH Professeur des universités - praticien hospitalier terrorisés par des comportements déviants.

Le New England Journal of Medicine devient notre bréviaire, il serait étonnant que son impact factor n’approche pas 100 à la fin de la période.

Dans ce débat qui serait bien plaisant si le drame n’était pas au milieu de nous, le président de la CPU, Gilles Roussel, a les mots les plus sages, rappelant que la controverse appartient à la science, que le débat contradictoire nous enrichit, et qu’au bout du compte la science en sortira enrichie.

Multidisciplinarité

Des épidémiologistes montrent des courbes de développement d’une épidémie, avec ce mot fameux, une exponentielle s’arrête un jour. Et à ce moment-là ils s’attachent les services de mathématiciens et de modélisateurs, ainsi que l’a montré en mars Étienne Ghys dans le journal Le Monde.

Beaucoup parmi nous deviennent modélisateurs en résolvant (il n’y a pas de solution analytique) l’équation différentielle y’=ay(1-y/b). a est notre bourreau, il faut qu’il baisse et devienne égal à zéro, c’est tout, comme disait jadis Ugolin.

L’Imperial College est cité qui a construit un modèle du pire, celui sans confinement, l’Université John Hopkins aussi dont la rigueur mathématique devrait nous servir de viatique. Nous en viendrons à bout. Quand ? Bientôt, plus tard, un jour, qui sait.

Sur une deuxième ligne, d’autres scientifiques s’escriment, des démographes, des économistes, de Toulouse School of Economics par exemple, qui construisent d’autres modèles, terrifiants à plus long terme, avec des mots bien peu amènes, récession, inflation, chômage, pauvreté, passant là le relais à des sociologues, théorisant sur deux chocs en même temps, le choc de l’offre, le choc de la demande, et cette fois-ci, le en même temps trouve peu de militants.

Encore d’autres chercheurs en médecine, en psychiatrie, viennent nous alerter sur le syndrome de glissement des personnes trop longtemps isolées, et l’Académie de Médecine en parle depuis longtemps (communication personnelle de Patrick Netter).

On a demandé à ces chercheurs de découvrir une nouvelle voie pour les Indes. Imaginez qu’ils découvrent l’Amérique. »

Et puis les médicaments. Une étude au nom de navette spatiale, Discovery, est partie. Mais c’est de la recherche, de nombreux essais. La recherche est par essence spéculative. On a demandé à ces chercheurs de découvrir une nouvelle voie pour les Indes. Imaginez qu’ils découvrent l’Amérique. Que ferions-nous ? Nous les blâmerions. J’espère que parmi eux ne sommeille pas un Christophe Colomb.

Et puis, mais c’est sans fin, d’autres chercheurs, juristes, constitutionnalistes préviennent qu’en cas de déconfinement différencié, les foudres de l’illégalité s’abattraient sur nos dirigeants.

Il faut dire que le président du conseil scientifique, devant la commission des lois du Sénat a prévenu que 18 millions de personnes resteraient à la maison, malgré le 11/05, le tout avec des accents de président de la République (Le Figaro, 18/04/2020), c’est-à-dire avec l’autorité qui sied à la fonction. Mais sans légitimité aussi, puisque le vrai président de la République a justement rectifié l’expert.

Toutes les sciences pourraient être à la manœuvre dans notre malheur, et ce serait pain bénit pour la mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires du CNRS et sa nouvelle directrice, Martina Knoop.

La vraie vie

La science est toute déconfinée, la recherche est presque en surrégime. Elle va recevoir des crédits, et des crédits récurrents en plus. Acceptons-en l’augure, cela n’est pas l’objet de cette chronique.

La CPU Conférence des présidents d’université a dressé un bilan des activités universitaires de la période lors d’une conférence de presse le 16/04.

Tous les acteurs sont au front, plus de 200 projets universitaires sur le Covid-19 sont lancés, les CAC Conseil académique des universités se tiennent, les dossiers sont évalués et d’autres activités, RH, budget, reprise des activités administratives et de recherche. Merci la CPU. Et comme rappelé par Manuel Tunon de Lara Professeur des universités - praticien hospitalier @ Université de Bordeaux
[président de l’Université de Bordeaux] ce 16/04, dans la vraie vie, on s’adresse aux universités, pas aux organismes, et puisque ces petites escarmouches existent, c’est que nous sommes là, blessés, mais pas morts, c’est très bon signe. Alors nous pouvons abuser du confinement. Abusons-en sans réserve.

Joël Bertrand

Email : joel.bertrand@ensiacet.fr

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Parcours

IRT Saint Exupéry
Vice-président
Naval Group
Président du conseil scientifique
Muframex
Membre permanent du Comité d’évaluation et orientation
Fondation de Recherche pour l’Aéronautique et l’Espace (Airbus, Liebherr Aerospace, Safran, Thalès)
Président du conseil scientifique
Centre d’études mexicaines en France
Président du conseil scientifique
Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Conseiller spécial du président
Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Directeur général délégué à la science
Fondation de coopération scientifique Science et Technologie pour l’aéronautique et l’espace
Directeur
Laboratoire de génie chimique (UMR CNRS, UPS, INP Toulouse)
Directeur
Comité national de la recherche scientifique (CoNRS)
Président de la section 10 Milieux fluides et réactifs : transports, transferts, procédés de transformation

Établissement & diplôme

Université Toulouse 1 Capitole
Maîtrise de sciences économiques
ENSIGC
Ingénieur de génie chimique

Fiche n° 27835, créée le 22/12/2017 à 11:54 - MàJ le 15/11/2024 à 17:04

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