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ExclusifEPE et écoles d’ingénieurs : entre autonomie « préservée » et complexité (étude M. Mudry)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Analyse n°181224 - Publié le 23/04/2020 à 10:52
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L’examen des statuts des 11 premiers EPE Etablissement public expérimental (établissements publics expérimentaux) montre que l’autonomie des écoles qui ont pris la forme d’établissements composantes « est bien préservée ». « C’est le cas aussi bien dans l’affectation des moyens de l’État (crédits, plafonds d’emplois) et de gestion des ressources humaines. Et concernant les écoles d’ingénieurs, les établissements composantes conservent une bonne maîtrise de leur titre d’ingénieur diplômé. »

C’est ce qu’indique une note réalisée pour la Cdefi Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs , qui circule au sein de la commission « structuration de l’enseignement supérieur » présidée par Pierre Koch
, et dont News Tank a obtenu copie. Elle a été rédigée par Michel Mudry Associé Fondateur - DG @ ITHER Consult • Associé fondateur @ ITHER Consult
, universitaire - ancien président de l’Université d’Orléans et ancien délégué général de la Cdefi - aujourd’hui associé au sein d’Ither Consult.

Michel Mudry examine la manière dont l’ordonnance du 12/12/2018 a été appliquée aux premiers EPE et aux écoles d’ingénieurs impliquées dans ces ensembles. Pour cela, il étudie leurs décrets de créations et leurs statuts.

« Un tel constat peut conduire à une conclusion lourde de conséquences tout comme paradoxale, concernant l’utilité réelle de cette innovation qu’est l’établissement composante. Très simplement, on est conduit à se demander si le régime d’association disponible dans le droit positif à travers l’article L718-16.3e alinéa 22 ne permet pas, au moyen d’une convention rédigée en conséquence, d’aboutir au même résultat que l’emploi de cette apparente innovation », poursuit-il.

« En d’autres termes, sur cet aspect des choses, les différents statuts expérimentaux ne font-ils pas qu’incorporer de telles conventions d’association, sans autre valeur ajoutée que d’apparaître fusionné ? », interroge-t-il notamment.

Il pointe aussi « certains effets de complexité de structure » :
• « d’une part, ce que l’on peut appeler “l’effet Collegium“ sur la situation des composantes proprement dites au sens du code de l’éducation - c’est-à-dire les UFR Unité de formation et de recherche , écoles et instituts ;
• d’autre part aussi parfois le foisonnement de nombreuses créations de composantes sui generis, au sens où elles sont spécialement créées par tel ou tel statut expérimental ».

S’agissant des regroupements de composantes permises par la loi de 2013, « on en trouve l’exemple dans les deux fusions parisiennes (Sorbonne Université et Université de Paris) où ces regroupements introduisent un étage supplémentaire dans l’organisation, lequel étage se trouve doté d’un conseil et d’une direction ».

Pour Michel Mudry, « cet écran peut être préoccupant pour une école d’ingénieurs L. 713-9, laquelle a besoin d’agilité, dans la mesure où elle l’éloigne de la présidence, ou bien plus gravement lorsqu’elle est incorporée dans un regroupement trop hétérogène ».


Rappel des fusions antérieures

« Une vague de fusions a été inaugurée par celle des trois universités de Strasbourg en 2009, avec une Idex Initiative(s) d’excellence à la clé en 2012 », rappelle la note, qui pointe la place des écoles d’ingénieurs dans ces ensembles.

  • « Huit des 11 cas sont des fusions de deux ou trois universités. Les deux autres sont des regroupements d’écoles d’ingénieurs.
  • Le onzième est mixte dans une certaine mesure. Il s’agit du « cas lorrain » lequel a en effet regroupé quatre établissements, dont l’INP Institut national polytechnique de Lorraine.

« Il s’agit du seul cas de fusion ayant absorbé un établissement public de formation d’ingénieurs, lequel a perdu sa personnalité morale à cette occasion.

Il est probable que cette expérience [de création de l’Université de Lorraine], vite jugée assez malheureuse par les directeurs des écoles concernées, ait contribué à dissuader des écoles d’ingénieurs autonomes d’intégrer ce type de conglomérat.

Et finalement l’idée de créer un statut de “vraie fausse composante“, en l’espèce celui d’établissement composante doit sans doute beaucoup - en creux - à cette expérimentation avant la lettre. »

Établissements créés entre 2009 et 2013 (avant la loi Fioraso)
  • Université de Strasbourg (01/2009) : trois universités et quatre écoles internes (Idex).
  • Institut Polytechnique de Bordeaux (03/2009) : six écoles internes et externes (participe à l’Idex Bordeaux).
  • Université de Lorraine (01/2012) : trois universités de Nancy et Metz et INPL, le collégium INP Lorraine regroupe désormais 11 écoles (I-site).
  • Aix-Marseille Université (01/2012) :quatre universités et Polytech Marseille (Idex).
  • Institut Mines Télécom (01/2012) : écoles d’ingénieurs sous tutelle des ministères techniques.
Établissements créés entre 2014 et 2018 (après la loi Fioraso)
  • Université de Bordeaux (01/2014) : Bordeaux 1, 2 et 4 (Idex).
  • Université de Montpellier (01/2015) : université de Montpellier et Polytech (I-site).
  • Université de Grenoble-Alpes (01/2016) : Grenoble 1, 2 et 3, et Polytech (Idex).
  • Université de Clermont-Auvergne (01/2017) : Clermont 1 et 2, deux écoles internes dont Polytech Clermont (I-site).
  • Université de Lille (01/2018) : Lille 1, 2 et 3, Polytech Lille (I-site).
  • Sorbonne Université (01/2019) : Paris 4 et UPMC, Polytech UPMC (Idex).

L’ordonnance de décembre 2018

Dans sa note, Michel Mudry étudie 11 établissements nés (ou sur le point de l’être) grâce à l’ordonnance de décembre 2018. Il en propose une typologie :

  • Au moins deux universités concernées, ce qui représente quatre cas : Université de Paris, Université Grenoble Alpes, Université Clermont-Auvergne et Université Paris-Saclay.
  • Une seule université concernée : quatre cas également. Il s’agit d’Université Côte d’Azur, d’Université Polytechnique Hauts de France, de CY Cergy Paris Université, et de Gustave Eiffel qui inclut aussi un EPST Établissement public à caractère scientifique et technologique et invente une situation statutaire spéciale « d’école membre » pour deux écoles d’ingénieurs (Esiee École supérieure d’ingénieurs en électrotechnique et électronique , ENSG École nationale des sciences géographiques Géomatique).
  • Pas d’université impliquée, mais des écoles et d’autres établissements : trois cas (IP Paris Institut polytechnique de Paris , Institut national d’agronomie et PSL Paris Sciences & Lettres ). PSL est un « cas emblématique, dont on a dit qu’il a beaucoup inspiré l’ordonnance en tant que point d’application. Cette construction a toutes les apparences d’une confédération étroite d’institutions, puisqu’elle va être la seule à n’être constituée que d’établissements composantes », souligne l’auteur.

La place des écoles d’ingénieurs

« Du point de vue des écoles d’ingénieurs, on remarque d’abord que chacune de ces fusions en implique au moins une, qu’elle soit interne ou établissement composante. Du point de vue de ces écoles donc, une classification des EPE Etablissement public expérimental peut se faire en quatre classes :

  • Aucune école d’ingénieurs parmi les établissements composantes, mais au moins une composante ordinaire : trois cas [Université de Paris, Université Côte d’Azur et CY Cergy Paris).
  • Une ou plusieurs écoles d’ingénieurs parmi les établissements composantes : deux cas [Université Paris-Saclay et Université Gustave Eiffel].
  • L’EPE est exclusivement un assemblage d’écoles d’ingénieurs ou bien un des établissements composantes est une école, qui est par ailleurs le produit d’une restructuration partielle à l’occasion de la fusion : 2 [IP Paris et Institut national d’agronomie] et 3 cas [Université Grenoble Alpes, Université Clermont Auvergne et Insa HDF].
  • L’EPE n’est fait que d’établissements composantes, dont certains ne sont pas des écoles d’ingénieurs : un cas [PSL]. »

La gouvernance des EPE

Les articles 9 et 10 de l’ordonnance « sur la gouvernance sommitale de l’EPE » permettent « toutes les hybridations possibles des règles » entre le fonctionnement des instances des universités et des écoles. « La seule contrainte est un seuil minimal d’élus des personnels et des étudiants, soit 30 % ou 40 % selon la nature du conglomérat. »

Deux cas (IP Paris et Institut national d’agronomie), « n’appellent pas de commentaire particulier, puisqu’il s’agit d’une gouvernance d’école d’ingénieurs de même nature que les établissements rassemblés. De surcroît, il s’agit en l’espèce d’écoles sous tutelle de ministères techniques ».

Sept cas ont « un mode de gouvernance sommitale, qui sont à apprécier en partant de celui d’une université ».

  • Pour Université de Paris, Université polytechnique des Hauts de France et Université Grenoble Alpes, « la gouvernance d’université n’est guère modifiée ». Le président « est élu de facto parmi les enseignants-chercheurs de l’établissement par un CA Conseil d’administration où les élus sont largement majoritaires, avec des modalités de scrutin de listes conformes au code de l’éducation. »

  • Pour quatre autres EPE, « la gouvernance est plus ou moins évoluée, à divers degrés ». « C’est un peu vrai de Université Côte d’Azur et de CY, où la part d’élus dans le CA descend vers 50 %. Et si ce n’est pas le cas à Université Clermont Auvergne, la présence et le rôle d’un directoire structuré autour du président donne une dimension managériale à la gouvernance. Mais des quatre cas ainsi regroupés, il semble que ce soit celui de l’Université Paris Saclay le plus significatif, avec un “rapprochement“ des gouvernances entre une grande université et quelques grandes écoles de tout premier plan. »

Les cas de PSL et de l’Université Gustave Eiffel 

  • « Comme on pouvait s’y attendre, la gouvernance de PSL utilise à plein les possibilités de l’ordonnance ».

« Avec une part d’élus limitée à 40 % on est de ce point de vue en face d’un CA d’école assez typique. Ce CA contient un collège représentant les établissements composantes de PSL, caractéristique originale qui marque un peu plus le caractère confédéral de l’institution.

Ce directoire est d’ailleurs une instance clé de la gouvernance. Quant à la désignation du président, cela demeure une élection par le CA, mais moyennant une solide majorité qualifiée. Et le directoire agit à nouveau en amont en tant qu’instance de proposition, sur la base d’un travail réalisé encore plus en amont par un search commitee ad hoc.

C’est sans doute un peu sophistiqué, mais nul doute que l’on est là assez près d’une gouvernance telle que celles d’universités publiques Flag Ships telles qu’on en rencontre couramment dans des états fédérés aux USA. »

  • « Le dispositif choisi à Université Gustave Eiffel est assez inattendu et beaucoup plus simple ».

En effet, et pour faire court, on est face au seul cas de gouvernance de type école parmi les EPE qui ont été construits autour d’une ou plusieurs universités. En effet, un conseil d’administration où les élus pèsent moins de 50 % propose un président à la nomination au niveau du Mesri Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation , pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois.

« Pour conclure sommairement, on voit que la palette de réalisations est assez vaste et que plusieurs formules trouvées sont intéressantes. En n’oubliant pas cependant que même les moins “audacieuses“ resteront l’objet de toutes les critiques des défenseurs de ce que l’on appelle la “démocratie universitaire“. »

Organisation de la gouvernance dans les EPE : directeurs d'établissements et CA -

Quel impact sur les classements ?

Michel Mudry conclut sa note en s’appuyant sur les travaux de simulation de Daniel Egret Chargé de mission @ Université PSL
et Domingo Docampo, qui ont estimé la place des regroupements dans le futur classement de Shanghai. 

« Trois EPE (Paris-Saclay, PSL et Université de Paris) améliorent leur position par rapport à celle de l’établissement le mieux classé constitutif de chacun, l’un d’eux [Université de Paris] entrant au Top 100. »

Mais, « à côté de ce constat plutôt satisfaisant, quoique sans grande surprise s’agissant des institutions concernées, un examen plus profond jusqu’en bas de classement montre cependant qu’il ne reste guère plus de deux ou trois possibilités (dont Lyon et Montpellier) de faire arriver des établissements français dans le Top 150, et que dans l’ensemble les autres perspectives de progressions sont minimes. Si bien que l’on peut craindre que l’amélioration reste peu visible au milieu de l’océan des établissements anglo-saxons ».

« Effet pervers »

« Mais par ailleurs il faut mentionner aussi un certain effet pervers, lequel peut se révéler dommageable pour la reconnaissance internationale des écoles françaises d’ingénieurs.

Tout d’abord il est inévitable que le lego dont nous parlons ait pour effet de faire baisser le nombre d’établissements français apparaissant, puisqu’il utilise des “pièces“ déjà exposées.

On a ainsi troqué du quantitatif contre du qualitatif : quelques meilleures places. Mais qualitativement toujours, plus préoccupant pour la visibilité de la « technologie française », est qu’il ne reste que… deux écoles d’ingénieurs parmi eux (l’IP Paris grâce à un réel volontarisme, et l’INP de Toulouse, un peu par défaut) à côté de 24 universités et une ENS École normale supérieure - PSL .

En face de cela, des pays comme les USA, l’Allemagne ou… la Suisse, placent dans le Top 100 quelques grandes institutions porteuses du mot Technology, des pays qui justement fondent une bonne part de leur attractivité pour les étudiants internationaux sur l’engineering, ou plus largement les Stem Science, technology, engineering and mathematics ."

Michel Mudry



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Parcours

ITHER Consult
Associé Fondateur - DG
ITHER Consult
Associé fondateur
Université d’Orléans
Directeur de l’Ecole d’ingénieurs

Établissement & diplôme

Université Paris 6 - Pierre et Marie Curie (UPMC)
Docteur ès -sciences aérodynamique

Fiche n° 3080, créée le 15/03/2014 à 19:16 - MàJ le 03/01/2019 à 17:21


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