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Institut Curie : « Il va falloir redémarrer la machine, et ce ne sera pas si facile » (T. Philip)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Actualité n°180228 - Publié le 09/04/2020 à 17:09
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©  Thierry Philip / Institut Curie
Thierry Philip - ©  Thierry Philip / Institut Curie

« Il va falloir redémarrer la machine, et ce ne sera pas si facile : nous aurons des personnels épuisés, et côté recherche, nous devrons recommencer beaucoup de choses perdues », déclare Thierry Philip, président de l’Institut Curie, à News Tank, le 31/03/2020. Il s’exprime dans le cadre d’une interview sur l’impact de l’épidémie de Covid-19 sur les activités de l’organisme.

« Le centre de recherche a mis au point un PCA Plan de continuité d’activité , centré sur les appareils qu’il faut impérativement sauvegarder. Il y a aussi tout l’enjeu des animaleries, dans lesquelles nous avons des modèles animaux qui ont mis trois ans à être fabriqués par des personnes dont c’est le sujet de thèse, donc nous essayons au maximum de les protéger. Mais tout ce qui n’est pas absolument indispensable, nous avons décidé de ne pas le garder. »

Concernant les rémunérations du personnel, « la fondation a très nettement affiché que personne n’aurait une diminution de salaire : nous prendrons en charge les 20 % de complément pour ceux qui sont en chômage technique », affirme le président.

Par ailleurs, « nous ne savons pas quel va être le retentissement sur nos dons. Concernant les legs, il ne devrait pas y avoir d’impact immédiat. Mais nous recueillons 25 M€ de dons par an, et nous nous doutons bien que cela va diminuer. (…) Or, c’est important, car ces dons constituent notre marge de manœuvre. »

Toutefois, Thierry Philip souligne que « pour l’instant, nous avons le nez dans le guidon » : « Notre priorité, c’est la santé de nos patients et celle de nos personnels. On ne veut pas que certains patients perdent des chances dans leur cancer à cause de la crise. Nous sommes donc prêts à recevoir des malades d’autres hôpitaux, en cas d’urgence. »

L’organisme compte « des cas de chercheurs infectés », et « 48 personnels soignants Covid+, dont aucun n’est hospitalisé en réanimation », au 31/03. De plus, « 18 personnes sont en cours de test parmi le personnel hospitalier » à cette date.

S’il n’y a « pas de cas grave » parmi les membres du personnel de l’organisme au 31/03, Thierry Philip souligne le cas d’un « premier mort parmi les gens en contact direct avec nos activités : un administratif de l’ARS Agence régionale de santé de Paris est mort du Covid-19. Cela nous a beaucoup touchés, parce que nous travaillons quotidiennement avec eux. Et ce sont des personnes dont on parle peu, alors qu’ils sont mobilisés au premier plan dans cette crise. »


« Le directoire réfléchit à la sortie de crise »

Des conséquences économiques

« Pour l’instant, la direction de l’hôpital et les médecins ont le nez dans le guidon. Par contre, le directoire réfléchit à la sortie de crise », indique Thierry Philip à News Tank.

« Nous commençons surtout à réfléchir, au niveau de la fondation, aux conséquences de cette crise :

  • D’abord l’épuisement des personnels, en particulier à l’hôpital. Se pose donc la question de la manière de les valoriser, par exemple via la “super prime Macron” qui peut s’élever jusqu’à 2000 € non taxés. Nous y penserons sûrement pour ceux qui ont travaillé.
  • Et à l’hôpital, comme nous sommes financés
  • Aussi, une partie de nos recettes viennent de nos patients internationaux qui ne sont pas affiliés à la Sécurité sociale. Cela représente environ 8 M€ par an. Mais en ce moment, si nous gardons les patients que nous avons, nous n’en prenons plus de nouveau. Nous perdons donc environ 700 k€ par mois. Sur l’année, cela pourrait représenter une perte de 2,5 M€ à 5 M€. »
Patients internationaux : une perte de 2,5 M€ à 5 M€ sur 2020 »

« Ce sera notre problème, mais ce sera une seule fois », ajoute-t-il. Et « nous espérons que nous aurons de l’aide : nous travaillons avec French Healthcare [réseau des acteurs français de la santé], pour essayer de voir si nous pourrions avoir une certaine forme de compensation, d’emprunt à taux zéro, ou autre. »

Par ailleurs, pour les personnels, « un médecin du travail et un psychologue sont à disposition pour ceux qui auraient des difficultés liées au confinement, au stress ou à leur métier ».

Interrogé sur l’impact de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 sur les dons faits à l’Institut Curie, le président répond :

« Nous avions déjà lancé l’opération Jonquille. Notre objectif était de récolter 700 k€, et nous n’avons aucune chance de les avoir. Mais heureusement, la plus grosse période de dons, qui représente 30 à 40 % du montant total en général, c’est décembre, c’est-à-dire avant le début de la crise en France. »

Toutefois, « nous avions des donations d’entreprises, qui vont être en difficulté », ajoute Thierry Philip. « Nous verrons le bilan en juillet. »

Quant à l’idée de lancer une campagne de collecte de dons portant sur le Covid-19, il indique que le sujet a été évoqué, « mais pour l’instant nous avons décidé de ne pas le faire. Ce n’est pas le moment. Il est normal que l’Institut Pasteur et les infectiologues soient en première ligne sur ce sujet. »

L’hôpital, « premier impacté »

Dans le cadre de la crise sanitaire, à l’Institut Curie, « le premier impacté, c’est l’hôpital », déclare Thierry Philip. « Une cellule de crise se réunit quotidiennement autour du professeur Pierre Fumoleau [directeur de l’ensemble hospitalier de l’institut], afin de s’organiser au maximum pour différencier les circuits des patients et des personnels, essayer que les patients aient des chambres individuelles, avoir des masques, avoir la possibilité de continuer la chimiothérapie, etc. »

En outre, depuis le 01/04/2020, l’Institut Curie ouvre son unité de soins intensifs de Paris à des patients testés positifs pour le Covid-19, qu’ils soient atteints de cancer ou non, à la demande de l'ARS Agence régionale de santé .

Réorganisation des activités depuis le confinement

Poursuite d’activités en présentiel, de la recherche à l’hôpital

Sur les activités de recherche de l’institut, « une trentaine de personnes par jour travaillent en présentiel, sur les 1200 » membres du personnel concernés. « Et ils se relaient. En outre, il n’y a jamais plus de trois personnes dans un étage, et elles respectent les distances sanitaires. »

« À l’hôpital, 80 % des soignants en général, et des médecins en particulier, sont présents », ajoute le président de l’Institut Curie. « Et nous avons l’expérience des grèves : nous payons des chambres d’hôtel à ceux qui habitent loin, les taxis le soir quand les gens rentrent tard, et nous faisons tout ce que nous pouvons pour aider le personnel. »

Concernant les activités de soin :

  • « Nous avons diminué les capacités de chirurgie d’environ 60 %, car nous ne faisons que les opérations urgentes.

  • Chimiothérapie : nous sommes à -40 %.

  • Radiothérapie : jusqu’à cette semaine [du 30/03 au 05/04], nous avons tourné à 100 % sur les trois sites, mais nous commençons à avoir des personnels malades, et d’autres commencent à avoir peur ou ont des enfants dont ils doivent s’occuper, donc cela ne durera peut-être pas. »

Thierry Philip souligne par ailleurs le « lien très fort entre hôpital et la recherche : tous les matériels de la recherche qui pouvaient être utiles (masques, etc.) ont été donnés à l’hôpital et beaucoup de nos chercheur sont aussi des médecins et se sont inscrits à la réserve sanitaire ».

De plus, « nous participons, avec l’Institut Pasteur, à sept ou huit projets de recherche sur le Covid-19 ».

« Beaucoup » de chercheurs en télétravail

Dans la partie recherche de l’organisme, « beaucoup sont en télétravail et conférences téléphoniques ».

Quant aux activités administratives du siège de l’Institut Curie, elles se poursuivent en ce qui concerne notamment les finances, les ressources humaines et l’informatique. « Nous faisons très attention aux questions de sécurité informatique », souligne le président.

Du chômage partiel pour certaines activités de recherche et administratives

Concernant le chômage partiel, « il n’y aura presque aucun cas à l’hôpital, mais il y en aura sur toutes les fonctions administratives qui ne sont pas une urgence, et en recherche, car certains ne peuvent pas travailler sans venir à Curie ».

Selon le président de l’Institut Curie, la manière dont les activités vont redémarrer dépendra de plusieurs facteurs. « Il est temps de se rendre compte que le système de santé est important, que nous ne pouvons pas avoir toutes les choses importantes (médicaments, masques, etc.) fabriquées en Chine », met en relief Thierry Philip, qui est également président du réseau des instituts européens du cancer.

« Il y a une discussion actuellement sur un plan cancer européen. J’aimerais que ce soit un plan santé européen ! Nous ne pouvons pas être dépendants d’un seul pays, et nous avons intérêt à relocaliser des choses, si nous voulons financer la sécurité sociale. La santé a un coût, mais c’est aussi un investissement. »

À l’échelle française, il estime par ailleurs qu’il « faudrait remettre ce système [de santé] à l’endroit, et il commence dans les territoires, par les médecins généralistes, les kinés, les infirmières du privé… (…) On ne doit pas avoir un système complètement hospitalo-centré. Il faut une bien meilleure intégration entre les différents systèmes. »

La question à se poser selon lui est aussi : « pourquoi la sécurité sociale paye un radiologue quatre ou cinq fois plus cher dans le privé que dans le public ? Les gens qui se sont enfermés dans les Ephad pour ne pas contaminer leurs patients, eux, sont au Smic. » Pour Thierry Philip, il faudra poser « la question du salaire des médecins, au-delà des primes spéciales » et celle de « l’harmonisation des salaires ».

Thierry Philip


• Chevalier (2001) puis officier (2014) de la Légion d’honneur


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Parcours

Institut Curie
Président du directoire
Cancéropôle Lyon Auvergne Rhône-Alpes (Clara)
Président du comité exécutif
Université Claude Bernard - Lyon 1
Professeur des universités en oncologie médicale
OECI (Organisation of european cancer institutes)
Président
Métropole de Lyon
Vice-président en charge de l’Environnement, Santé et bien-être dans la ville
Institut Curie
Président du conseil d’administration
Ville de Lyon
Maire du 3e arrondissement
Région Auvergne-Rhône-Alpes (AURA)
Président du groupe PS
Centre Léon Berard
Coordonnateur du département « cancer-environnement-économie de la santé »
Agence pour l’éducation par le sport (APELS)
Président
Région Auvergne-Rhône-Alpes (AURA)
Premier conseiller spécial en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche
Région Auvergne-Rhône-Alpes (AURA)
Conseiller régional, vice-président en charge de la santé et du sport (2004-2010)
Centre Léon Berard
Directeur général
Comité national du cancer
Président
Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le Cancer (FNCLCC)
Président
Centre Léon Berard
Coordinateur du département de pédiatrie
Centre Léon Berard
Chef de service de l’unité fonctionnelle de greffe de moelle
Centre Léon Berard
Chef de service de l’unité de médecine-hôpital de jour
Université Claude Bernard - Lyon 1
Assistant - chef de clinique

Établissement & diplôme

Université Claude Bernard - Lyon 1
Habilitation à diriger des recherches
Hospices Civils de Lyon
Internat

Fiche n° 26424, créée le 13/10/2017 à 17:32 - MàJ le 17/08/2023 à 18:17

Institut Curie

L’Institut Curie, fondée par Marie Curie en 1909, est une fondation reconnue d’utilité publique depuis 1921 luttant contre le cancer autour de trois missions : la recherche, les soins, ainsi que la conservation et la transmission des savoirs.

Catégorie : Organismes publics de recherche
Maison mère : Université PSL


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Fiche n° 4636, créée le 25/01/2017 à 04:42 - MàJ le 14/11/2024 à 16:15

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