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Ensiacet : un « double numérique » comportant un environnement virtuel et un pilote semi-industriel

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Interview n°179706 - Publié le 06/04/2020 à 16:32
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© Gelbart
Laurent Prat - © Gelbart

« Il y a un certain nombre de problèmes rencontrés par d’autres écoles qui ne se sont pas posés, car nous avons élaboré des outils depuis quatre ans », déclare Laurent Prat, directeur de Toulouse INP Institut national polytechnique Ensiacet École nationale supérieure des ingénieurs en arts chimiques et technologiques , le 03/04/2020, au sujet de l’adaptation de l’établissement au tout distanciel, depuis le 16/03.

Depuis quatre ans, l’école met en place un « double numérique », totalement déployé en janvier 2020. « C’est un assemblage de briques élémentaires. Nous proposons deux briques “classiques” » tels que des Moodle et une médiathèque dématérialisée mais également « deux briques plus spécifiques à notre école existent :
• les élèves, connectés depuis n’importe quel appareil, peuvent avoir accès à l’environnement virtuel de nos salles informatiques. En ouvrant l’application, l’interface de leur ordinateur change et ils se retrouvent face aux logiciels et ressources de l’école.
• le WebLab : depuis cinq ans, il s’agit d’un pilote semi-industriel, commandable et accessible à distance, qui permet de visualiser des phénomènes physiques à l’aide de caméras ».

Parmi les défis du moment, Laurent Prat note le risque de surcharge de travail et de sursollicitation des élèves. « Nous ne voulons pas qu’ils sortent épuisés du confinement ».

L’Ensiacet travaille sur des pistes d’amélioration avec la DyP, équipe pluridisciplinaire de l’INP, dédiée à l’appui et à la transformation pédagogique, comme le fait de retrouver « des temps de respiration » et « trouver la bonne répartition entre le synchrone et l’asynchrone ».

Du côté des personnels, il note que « passées les premières semaines, la découverte des outils et le constat que l’on peut travailler à distance, il y a un besoin fort des communautés de se retrouver, de se voir ».

Selon lui, cette situation apporte, parmi les points forts une nouvelle « hygiène de communication (respect de la prise de parole et du temps de parole de chacun, meilleur partage de l’information) ».

Et suggère également qu’il s’agit « peut-être [d']une répétition générale à d’autres épisodes d’arrivée de virus dans nos pays, donc cela nous sert à nous améliorer ».


Laurent Prat répond à News Tank

Qu’est-ce que le double numérique de l'Ensiacet École nationale supérieure des ingénieurs en arts chimiques et technologiques et pourquoi l’avoir créé ?

Nous avons lancé et communiqué sur ce « double numérique » avant la crise. Notre école, née en 2001, est issue d’une fusion, ce qui lui apporte une triple culture :

  • chimie et matériaux ;
  • génie des procédés (physique et maths) ;
  • génie industriel (organisation de l’industrie, processus interne logistique, gestion de projets).

Dès sa création (1906 et 1949), l’établissement a été conçu comme une usine-école, avec une couche de théorie, via la modélisation et la simulation.

Nous enseignons à nos élèves la façon dont une entreprise organise les liens entre les différents métiers et les phases d’un projet industriel. Classiquement, ce fonctionnement est tubulaire. Dans l’industrie 4.0 sur laquelle nous travaillons beaucoup, les professionnels font des aller-retour, par exemple, entre la maintenance et la R&D pour optimiser les processus.

Depuis quelques années, nous avons lancé ce projet de double numérique »

Cela nécessite un environnement de travail unique : les données et les outils de tous sont accessibles à tous. Nous avons voulu avoir cette troisième couche supplémentaire d’organisation : depuis quelques années, nous avons lancé ce projet de double numérique pour que notre école soit en phase avec ce qu’elle enseigne, l’industrie 4.0. Avec ce « double numérique », nous sommes capables de partager l’information, nous la capitalisons.

Avez-vous déployé des outils digitaux et lesquels ? 

C’est un assemblage de briques élémentaires. Depuis quatre ans, nous proposons deux briques « classiques » :

  • des Moodle pour l’apprentissage à distance ;
  • un projet de médiathèque pour dématérialiser nos ressources et faire le lien avec la plateforme Moodle.

Et deux briques plus spécifiques à notre école existent :

  • les élèves, connectés depuis n’importe quel appareil, peuvent avoir accès à l’environnement virtuel de nos salles informatiques. En ouvrant l’application, l’interface de leur ordinateur change et ils se retrouvent face aux logiciels et ressources de l’école.

Cela représente un budget initial de 500 k€, lié au fonctionnement des serveurs et solutions logicielles associées. Nous l’avons d’abord mis en place pour nos alternants, puis, depuis la rentrée 2019, pour tous nos élèves.

  • le WebLab : depuis cinq ans, il s’agit d’un pilote semi-industriel, commandable et accessible à distance, qui permet de visualiser des phénomènes physiques à l’aide de caméras. Par exemple, des étudiants brésiliens et belges font des manipulations sur nos installations, via cette plateforme technologique.

L’ensemble nous permet de faire le lien entre les élèves. Ils sont spécialistes en matériaux ou dans les procédés et travaillent chacun sur un projet. Avec la plateforme, nous pouvons interconnecter les projets. Toutes les données, tous les enseignements et tous les projets sont accessibles 24/7 à tous et le travail s’effectue en mode collaboratif.

Avez-vous apporté des adaptations vu le nouveau contexte ?

Nous étions prêts, avec nos outils, à passer à l’échelle sur cet apprentissage à distance, dès la première semaine, même si tous nos enseignants ne connaissaient pas tous nos outils. Le passage au tout distanciel a accéléré le processus.

Côté technique, les serveurs et réseaux ont tenu. Et nous avons effectué quelques modifications des emplois du temps.

Avez-vous rencontré des difficultés particulières ?

Oui, en lien avec l’accès des élèves au réseau. Un budget de 50 k€ a été fléché pour l’amélioration de nos serveurs et une enveloppe supplémentaire de 20 k€ a été réorientée pour améliorer leur forfait.

Les dispositifs du Mesri Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et des opérateurs télécom prendront le relais de cette enveloppe d’urgence, qu’il fallait mobiliser immédiatement. Cette fracture numérique représente entre 5 à 10 % de nos élèves, que nous avons donc accompagnés.

Il y a une fracture des élèves : entre ceux qui ont accès à un bon réseau et ceux qui ne l’ont pas et ceux qui savent apprendre à distance et ceux pour qui c’est plus difficile.

Nous ne voulons pas que les élèves sortent épuisés du confinement »

Il y a donc également une attention portée au temps passé devant les écrans, à la surconnexion et au problème de la sur-sollicitation des élèves. Nous ne voulons pas qu’ils sortent épuisés du confinement. Nous faisons donc des sondages réguliers, pour rectifier nos dispositifs et la charge du travail.

Sur le distanciel, 99 % des étudiants disent être satisfaits, mais je méfie de l’aspect nouveauté. Ce sont les premières semaines.

Nous avons sollicité la DyP (la “Dynamique pédagogique”, une équipe pluridisciplinaire de 15 personnes, dédiée à l’appui et à la transformation pédagogique, à Toulouse INP) pour organiser la suite.

Nous avons des pistes. Par exemple, en présentiel, l’élève change de salle, discute et dispose de temps de respiration. Il faut retrouver cela. Il faut également trouver la bonne répartition entre le synchrone et l’asynchrone, pour améliorer l’apprentissage et ne pas leur faire subir un rythme trop intense.

Avez-vous dû effectuer d’autres adaptations dans votre dispositif d’outils à distance ?

L’INP travaillait déjà depuis quelques temps sur le télétravail. La première semaine a été le moment de tester nos outils et ceux de la Dgesip Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle . Nous devons aussi accompagner nos salariés. Mais la mobilisation des communautés a été remarquable sur l’inventivité et le déploiement des outils. 

Des cafés virtuels de laboratoires »

Néanmoins, passées les premières semaines, la découverte des outils et le constat que l’on peut travailler à distance, il y a un besoin fort des communautés de se retrouver, de se voir.

Après une première semaine d’installation du fonctionnement et une deuxième semaine de stabilisation, nous avons reformé des groupes, y compris hors cadre de travail. En organisant, par exemple, des cafés virtuels de laboratoires, pour retrouver ce fonctionnement normal, de travail en en équipe.

Donc oui, un nouveau besoin est né, lié au confinement : c’est le besoin de se voir les uns les autres.

Comment avez-vous accueilli les nouveaux recrutés, le cas échéant ?

Nous avons le cas d’une nouvelle recrue dans un service support. Nous avons des rendez-vous réguliers avec cette personne pour :

  • d’une part, fixer un cadre de travail ;
  • d’autre part, apprivoiser l’environnement. Nous avons donc des moments spécifiques où l’on regarde l’organigramme, où l’on étudie une présentation faite à la CTI Commission des titres d’ingénieur pour voir notre fonctionnement général ou pour découvrir ensemble l’intranet.

Quels sont les défis à venir ?

Le défi est de donner à tout cela une normalité pour les élèves et les enseignants, en trouvant un fonctionnement qui convienne à tous.

Autre défi : l’évaluation des compétences, pour l’obtention des crédits, avec l’enjeu clef de ne pas rompre l’égalité de traitement des élèves.

Sur les TP Travaux pratiques , une école comme l’Ensiacet ne peut pas imaginer faire du 100 % à distance. Les compétences mises en œuvre nécessitent d’expérimenter personnellement la transformation de la matière. Mais les élèves ont eu des TP toute l’année, et nous pourrons en programmer à d’autres moments de la formation, si le confinement ne dure pas six mois.

Quelles différences avec les autres écoles : l’Ensiacet était-elle en avance ?

Il y a un certain nombre de problèmes rencontrés par d’autres écoles qui ne se sont pas posés, car nous avons élaboré des outils depuis quatre ans.

Côté métier, nous avions déjà des accès à distance sur des outils spécifiques pour nos services : gestion de la paie, outils RH, gestion des budgets.

Pour l’enseignement, nous avions déjà des outils de simulation et de modélisation, complètement virtualisés.

Quelles sont les opportunités que, selon vous, cette crise peut apporter ?

C’est un accélérateur pour la prise en main des outils que l’on a déployés par les enseignants-chercheurs, les élèves et ainsi que par les ingénieurs et conseillers pédagogiques.

Nous apprenons aussi beaucoup sur nos modes de fonctionnement. Par exemple, une hygiène de communication se met en place : respect de la prise de parole et du temps de parole de chacun. Nous faisons aussi attention aussi à bien partager l’information, à toutes nos communautés.

Par ailleurs, c’est peut-être une répétition générale à d’autres épisodes d’arrivée de virus dans nos pays, donc cela nous sert à nous améliorer.

Ensiacet - Toulouse INP (École nationale supérieure des ingénieurs en arts chimiques et technologiques)

Ecole d’ingénieurs publique

Catégorie : Écoles d'ingénieurs


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Fiche n° 5799, créée le 18/09/2017 à 05:08 - MàJ le 02/04/2020 à 18:52

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