Université de Montpellier Paul Valéry : pourquoi Anne Fraïsse est candidate à la présidence
« Je veux montrer qu’on peut être à la tête d’une université, tout en s’engageant dans le débat national sur l’avenir de l’enseignement supérieur et la recherche, notamment dans le contexte de la LPPR
Loi de programmation pluriannuelle de la recherche
. Un engagement qu’avait pris, en 2016, Patrick Gilli
Inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche de première classe @ Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (Igésr) • Professeur en histoire de l’Occident…
, qui était mon vice-président du conseil scientifique et qui a été élu président à la suite de notre mandat, mais qu’il n’a pas respecté », déclare Anne Fraïsse, professeure de latin à l’Université Montpellier 3 Paul Valéry, à News Tank, le 12/02/2020.
Celle qui fut présidente de l’université d’avril 2008 à mai 2016 confirme ainsi être de nouveau candidate à la présidence, avec la liste Stratégie UPVM
Université Paul Valéry - Montpellier 3
. Les élections pour les conseils centraux auront lieu le 24/03/2020. Elle trouvera donc face à elle, son ancien vice-président et actuel président de Montpellier 3, Patrick Gilli, qui figure sur la liste « Fédérons les énergies pour l’Université Paul Valéry ».
Au risque d’une division de l’université ? « En effet, je pense que l’université est aujourd’hui divisée et il n’est jamais facile de partir contre quelqu’un alors que nous étions dans la même équipe. Mais nous voulons montrer qu’un autre mode de gestion universitaire est possible », répond-elle.
Elle met en avant aussi le contexte national, avec les réformes en cours et à venir, qu’elle voit comme « le prolongement des lois précédentes, mais avec une accélération. La LPPR est presque un aboutissement de tout ce qui a été déclenché par la LRU
Libertés et Responsabilités des Universités (loi LRU ou loi Pécresse du nom de la ministre Valérie Pécresse), appelée loi d’autonomie des universités, du 10/08/2007 adoptée sous le gouvernement Fillon
: une gestion par l’argent - et d’ailleurs plus par la pénurie d’argent - et une généralisation des financements par projets. Et derrière, ce qui est attaqué, c’est le statut des enseignants-chercheurs et leur liberté de parole. »
Anne Fraïsse fut aussi vice-présidente de la CPU
Conférence des présidents d’université
de décembre 2010 à décembre 2012 avant d’en présider la commission « vie étudiante et questions sociales » de 2012 à 2014. Souhaite-t-elle y occuper de nouveau des responsabilités ? « Viser un poste à la CPU non, mais donner mon avis oui ! Quand j’y étais, j’ai su dire non face à des votes assez unanimes. Et j’espère pouvoir jouer ce rôle de nouveau », ajoute-t-elle.
« Le risque à terme est de stériliser la recherche »
« J’ai toujours dit que l’autonomie est à l’opposé de la liberté », déclare Anne Fraïsse à News Tank. Selon elle, les réformes en cours, dans la continuité de la LRU Libertés et Responsabilités des Universités (loi LRU ou loi Pécresse du nom de la ministre Valérie Pécresse), appelée loi d’autonomie des universités, du 10/08/2007 adoptée sous le gouvernement Fillon - dont elle était une opposante -, ont « un effet pervers sur la liberté de la recherche. »
« Quand on entre dans un système guidé par les appels à projets, cela conduit à se conformer aux attentes. Les jeunes vont s’inscrire dans cette démarche, en s’orientant vers des thématiques portées nationalement et qui obtiennent plus de moyens, ce qui risque à terme de stériliser la recherche.
Je ne condamne pas l’ensemble du système, car en tant que chercheur, on peut souhaiter obtenir des fonds supplémentaires, et si on remporte un AAP Appel à projets , tant mieux. Mais au final, c’est artificiel, et pour les chercheurs c’est épuisant, notamment dans les disciplines ALLSHS Arts, Lettres, Langues, Science humaines et sociales », dit-elle.
Autre inquiétude : l’avènement « d’une sorte d’université à deux vitesses ». « Sur les quatre dernières années, on a vu se creuser le fossé, y compris au sein de la CPU Conférence des présidents d’université , entre celles qui s’autoproclament grandes universités de recherche, et les autres, notamment celles de SHS Sciences humaines et sociales , ce qui n’est jamais bon. »
Même si elle pense que le malaise dépasse ces différences.
« Cela touche à la structure de nos postes, c’est un sujet national, et même plus large. Car lorsqu’on défend notre statut, ce n’est pas pour défendre notre poste de fonctionnaire, mais bien le droit à faire notre recherche comme on l’entend. Et les études nous donnent raison : pour faire en sorte d’augmenter la réussite scientifique, seul un investissement massif de l’État peut avoir un effet. C’est un choix politique qu’on ne voit pas encore venir. »
Emploi scientifique, gouvernance et politique de site
« Maintenir les postes, et se priver d’autres choses »
Pour ce qui est de l’Université de Montpellier 3, Anne Fraïsse met en avant la volonté d’une gestion différente de son prédécesseur, notamment sur le maintien des postes d’enseignants-chercheurs.
« Je reconnais que ce n’est pas une voie facile. Dans une université comme la nôtre, avec une masse salariale équivalente à 86 % du budget, on a très peu de marges, et donc maintenir les postes, cela veut dire se priver d’autres choses.
C’est peut-être moins de visibilité, mais plus de qualité, moins d’équipements - et de “bling-bling” -, mais plus d’humain. Et décider que la priorité ce sont les cerveaux, ceux des enseignants-chercheurs, des étudiants et des personnels Biatss Bibliothèques, Ingénieurs, Administratifs, Techniciens, Social, Santé », dit-elle.
Une voie « difficile », mais « faisable » selon elle : « Nous l’avons fait pendant huit ans quand j’étais à la tête de l’université, d’ailleurs quand j’ai quitté la présidence, l’université comptait plus de postes que lorsque j’y suis arrivée », déclare-t-elle.
Rétablir le poids des conseils
Pour ce qui est de la gouvernance, elle indique qu’elle n’utilisera « pas tous les pouvoirs de présidente, afin de rétablir la démocratie et le poids des conseils ».
Quant à l’équilibre entre central et composantes, elle indique que Paul Valéry « fonctionne depuis longtemps en université et pas en regroupement de facultés. La complexité, c’est qu’elle compte beaucoup de disciplines, très différentes, et donc on ne peut pas tout faire fonctionner du centre. »
« On a essayé de faire de l’interdisciplinarité, mais on se heurte à un système complexe du fait de la semestrialisation qui a raccourci le temps. On souhaite simplifier les choses. »
Politique de site : la Comue Communautés d’universités et d’établissements « était un outil interuniversitaire positif »
En matière de politique de site, elle estime que Patrick Gilli « a cédé, notamment sur la Comue Communautés d’universités et d’établissements qui était un outil interuniversitaire positif. Même si l’État n’a pas réussi à en faire des établissements de plein exercice, les Comue étaient des lieux de travail commun très intéressants où tout le monde parlait à égalité, les universités plus petites avec une université plus grande ».
La Comue Languedoc Roussillon Université dont faisait partie Montpellier 3 a en effet été supprimée au 01/01/2020. À la place, une convention de coordination territoriale a été signée entre les quatre universités et l'ENSCM Ecole nationale supérieure de chimie de Montpellier .
« De fait, nous avons perdu le contrôle sur nos masters enseignants, ou sur le collège doctoral. Et la BU Bibliothèque universitaire interuniversitaire risque d’être scindée », dit-elle, voyant dans cette évolution « une autre raison de [se] présenter à la présidence ».
La lettre de campagne de la liste Stratégie UPVM
Dans le cadre de la campagne pour les élections universitaires de mars 2020, la liste Stratégie UPVM portée par Anne Fraïsse a publié un communiqué donnant les grandes lignes de son programme, dans un contexte où « les annonces se multiplient, le rythme s’accélère pour achever au plus vite la “transformation” des universités et mettre un terme au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche ».
Une transformation qui selon la liste, se résume en trois mots : « précarisation, caporalisation, régionalisation ».
Extraits
« Enseignants-chercheurs, nous sommes pris en tenaille entre le projet de loi sur la recherche et le projet de loi sur les retraites, ce qui revient à nous précariser à l’entrée et à la sortie de nos carrières. (…) Le modèle qui se dessine pour nos doctorants est donc celui d’une entrée plus tardive dans la carrière, avec des MCF Maître.sse de conférences “enseignants” - plus que chercheurs - pour qui la perspective de devenir professeurs serait un horizon très lointain, et des enseignants-chercheurs précaires, recrutés par les “universités expérimentales d’excellence” sur fonds privés. »
« Parallèlement à cette précarisation, le système devient de plus en plus autoritaire. Il vise à créer une classe de “managers” qui ordonnent aux exécutants. Les pouvoirs du président d’université sont renforcés, le clientélisme sera facilité et les espaces de débat démocratique réduits. Ainsi, le rôle du CNU Conseil national des universités , instance élue, est progressivement amoindri tandis que celui du Hcéres Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur , instance nommée, s’accroît. L’injonction remplace le dialogue, les liens d’intérêts le débat collectif. »
« Face à ces transformations mortifères pour notre établissement, nous entendons réagir, notre programme le démontrera.
- Il faut préserver les postes de titulaires et exiger des créations de postes pleinement financés ; nous avons des propositions pour y parvenir.
- Il faut adapter l’offre de formation pour préserver la qualité disciplinaire des enseignements ; nous avons des propositions pour y parvenir.
- Il faut préserver et renforcer les équipes (EA Equipe d’accueil et UMR Unité mixte de recherche ) ; nous avons des propositions pour y parvenir.
- Il faut dialoguer avec les autres acteurs du site et ne pas céder à leurs exigences en pesant sur les arbitrages locaux ; nous avons des propositions pour y parvenir.
- Il faut encourager tous les acteurs de l’université à se réapproprier les instances décisionnelles pour répondre, par le débat démocratique, aux tentatives de division de notre communauté.
- Dans un contexte très difficile, il faut porter dans le débat national la voix d’une université résolument orientée vers le service public de l’enseignement supérieur et la recherche. Et, sur cela aussi, nous nous engageons. »
Anne Fraïsse
Membre du CA @ France Universités
Présidente @ Université Paul Valéry - Montpellier 3
Professeure d’université en latin @ Université Paul Valéry - Montpellier 3
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Parcours
Membre du CA
Présidente
Professeure d’université en latin
Présidente de la commission vie étudiante et questions sociales
Présidente
Vice-présidente
Membre du conseil des études et de la vie universitaire
Maîtresse de conférences de latin
Membre du conseil d’administration
Établissement & diplôme
Doctorat en lettres
Doctorat en langues et littératures anciennes, latin
Fiche n° 4716, créée le 18/06/2014 à 10:06 - MàJ le 15/07/2024 à 18:16
Université Paul Valéry - Montpellier 3
L’université Paul-Valéry Montpellier 3 est l’héritière de l’ancienne université de Montpellier fondée en 1289.
Note concernant les données provenant de l’open data du MESR, Montpellier 3 précise à News Tank que le fonds de roulement retenu par le MESR résulte d’une « erreur de lecture : lors de la dissolution de la Comue Languedoc Roussillon Université, l’opération Campus, porteuse de nombreux travaux, a été rattachée à Montpellier 3. Ainsi, dans une lecture globale, son fonds de roulement est imputé à l’université alors qu’elle ne peut pas en disposer » (janvier 2023).
Catégorie : Universités
Adresse du siège
Route de Mende34199 Montpellier Cedex 5 France
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Fiche n° 2167, créée le 12/06/2014 à 11:12 - MàJ le 08/11/2024 à 12:34