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ExclusifDe la construction aux 1ers chantiers, cinq lauréats de l’AAP Universités européennes racontent

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Actualité n°152489 - Publié le 18/07/2019 à 12:55
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©  Frederick Florin
©  Frederick Florin

« Pour la construction du projet, nous avons choisi avec nos partenaires européens d’opter pour un pilotage par consensus. Les équipes d’ingénierie de projet et de pilotage politique se sont rendues successivement dans chacune des universités partenaires. Et, entre ces points de rendez-vous, nous avons échangé par téléconférence et par sous-projets », déclare Hélène Courtois, VP Vice-président(e) relations internationales de l’Université Lyon 1 et chargée de mission par l’Université de Lyon pour le projet d’université européenne Arqus European University Alliance, lauréat de l’AAP Appel à projets pilote de la Commission européenne.

Ce fonctionnement a selon elle, « permis de comprendre les atouts et les points plus difficiles liés aux particularités du pays de chacun des partenaires, et ainsi d’accorder le projet ».

Elle s’exprime dans le cadre d’une interview croisée de cinq lauréats, réalisée par News Tank : les projets CIVIS avec Aix-Marseille Université, European Digital UniverCity avec Rennes 1 et Paris Nanterre, The European University of the Seas avec l’Université de Bretagne occidentale, et Charm European Université avec l’Université de Montpellier.

Chacun revient sur les différentes étapes de construction du projet, les points forts, les difficultés à surmonter, ou encore les grands axes et projets prévus.

Ainsi, les partenaires du projet EDUC (European Digital UniverCity) ont décidé, « au-delà de l’exercice imposé par les critères de sélection, d’en faire un levier d’internationalisation », indiquent Sonia Lehman-Frisch, VP relations internationales de Paris Nanterre et Pierre Van de Weghe Inspecteur général de l'éducation, du sport et de la recherche @ Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (Igésr)
, VP relations internationales de Rennes 1, pour qui « EDUC ne doit pas être un espace fermé de mobilités, mais plutôt un espace d’attractivité pour permettre à des étudiants internationaux (hors UE Union européenne ) de connaitre aussi une expérience différente de la mobilité ». Ils ajoutent que « les collaborations vers l’Afrique subsaharienne seront parmi nos priorités ».

Parmi les principaux défis à relever : le pilotage d’un projet multipartite. « C’est plus complexe qu’un projet européen classique », note Capucine Edou, directrice des relations internationales d’AMU Aix-Marseille Université . « En plus du management de projet classique, qui relève d’AMU en sa qualité de coordonnateur, il faut mettre en place un pilotage pérenne pour CIVIS qui continuera d’exister au-delà des trois ans du programme ».

Elle ajoute que les huit universités du projet « seront impliquées à différents degrés dans toutes les actions, en vue de créer de nouvelles synergies entre les équipes administratives ou académiques, et avec les étudiants, afin de développer une université européenne cohérente avec toutes les parties prenantes, y compris au sein de chacun de nos territoires. »


De la préfiguration du projet…

Aller plus loin dans l’approche intégrée »

AMU : « Nous avions déjà préfiguré le besoin d’une approche intégrée entre plusieurs établissements, et commencé en 2016 à expérimenter ce que nous avons appelé le “Campus Transnational Nord-Méditerranéen” avec les universités Autonome de Madrid et La Sapienza notamment. L’appel à projets Universités européennes est tombé à point nommé  : il nous a offert un instrument puissant pour aller plus loin dans cette vision intégrée que sont les universités européennes. »

Un petit nombre de partenaires privilégiés »

Rennes 1 et Paris Nanterre : « Les outils Erasmus+ nous ont permis de faire la connaissance d’une multitude de partenaires sur le temps long, c’était une première étape indispensable. Mais nous étions convaincus que plutôt qu’un grand nombre de partenaires, il serait bien plus intéressant et structurant d’avoir un petit nombre de partenaires privilégiés, pour une coopération plus intense et variée. C’est ce que l’appel à projets Universités européennes a permis de faire. Pour nous, c’est une sorte de programme-cadre au sein duquel nous pourrons intégrer d’autres outils Erasmus+. Et c’est ce qui constitue son originalité et sa force. »

Un binôme moteur »

UBO : « Notre projet d’université européenne vient avant tout d’une collaboration forte avec l’Université de Cadiz, aussi bien sur les aspects de mobilité que de projet, Cadiz étant une ville jumelle de Brest. C’est ce binôme — deux universités de taille similaire (23 000 étudiants), pluridisciplinaire, bénéficiant d’un axe fort sur les sciences de la mer, et qui ambitionne d’embarquer l’ensemble de l’université derrière cette dynamique pro-européenne — qui a servi de moteur à la dynamique de l’alliance. »

Tous les établissements indiquent participer activement aux différentes actions du programme Erasmus+ : bourses de mobilités, mais aussi joint master Erasmus mundus, mobilités internationales de crédits, partenariats stratégiques, chaire Jean Monnet, renforcement des capacités, etc.

« Chacune de ces actions nous permet de décliner notre stratégie européenne et internationale, et c’est un instrument essentiel pour structurer nos coopérations », indique Capucine Edou d’AMU. Actions auxquelles s’ajoutent désormais les universités européennes, qui pourront aussi constituer un cadre pour participer à d’autres actions.

Ainsi, Rennes 1 et Nanterre ont profité de la création d’EDUC pour répondre à l’appel « partenariats stratégiques » du programme Erasmus+ « afin de développer au sein de notre alliance la carte d'étudiant européenne. Le financement complémentaire obtenu va nous permettre de rapidement faire avancer ce dossier qui donne encore plus de sens à EDUC », indique Pierre Van de Weghe. 

… à la construction, dans un temps contraint

Des échanges par téléconférence et par sous-projets »

Université de Lyon : « Pendant un long temps de travail de presque un an, nous avons expérimenté la mobilité de facto et la mobilité virtuelle. Nous nous sommes prouvé que nous pouvions avoir une attitude d’accueil du multilinguisme et de l’interculturel dans les projets collaboratifs. Et il faut être convaincus pour répondre à un tel appel d’offres aux contours peu ciselés du fait de sa jeunesse ! »

UBO : « Chacune des universités a assumé le pilotage d’une des rubriques de l’appel à projets, avec Cadiz comme coordonnateur général : pour chaque rubrique l’idée maîtresse était d’articuler la thématique (changements climatiques) et les questions de mobilité intensive des étudiantes et des personnels, afin de constituer un véritable réseau universitaire intensif. »

Rennes 1 et Paris Nanterre : « En juillet 2018, une séance de travail entre Nanterre, Potsdam et Rennes 1 a permis de poser les bases de l’alliance, rapidement renforcée par deux autres partenaires : Masaryk à Brno (République tchèque) et Poznan (Pologne). Cela a permis d’engager rapidement le travail, et de ne pas se retrouver avec un projet autour d’une université, mais plutôt une construction d’alliance où les uns et autres ont déjà des liens.

Une rencontre tous les deux mois »

Pour pouvoir travailler, le rythme imposé fut soutenu et, au-delà des nombreux échanges en visio et par e-mails, tous les deux mois nous nous retrouvions dans l’une des universités partenaires. Une fois le projet déposé nous avons d’ailleurs tous ressenti une sorte de manque… rapidement comblé en poursuivant le travail et en nous retrouvant en mai à Cagliari (Italie), et le 10/07 à Nanterre ! »

AMU : « Notre alliance a été bâtie autour de deux idées fortes  : la prise en compte de la dimension civique (d’où son nom) et l’importance des relations avec la Méditerranée et l’Afrique pour l’avenir de l’Europe.

Un portage politique très fort »

Politiquement, nous avons été très soutenus par nos présidents et recteurs d’université, qui se sont réunis une fois par mois depuis septembre et jusqu’au dépôt (et même au-delà  !), pour prendre les décisions stratégiques. Nos vice-présidents se sont aussi réunis régulièrement et ont constitué une équipe maintenant soudée et cohérente.

Enfin, l’équipe de coordination des huit universités nous a permis de faire remonter toutes les informations nécessaires à la construction du projet sur tous ses aspects. »

Axes prioritaires et premiers chantiers

Un espace de mobilités physiques, mixtes ou virtuelles »

Rennes 1 et Paris Nanterre : « Il faut considérer EDUC comme un espace des mobilités, qu’elles soient physiques (courtes ou longues), mixtes, ou purement virtuelles. Nous comptons offrir à nos communautés les moyens de s’engager dans des collaborations multilatérales et construire de nouveaux cursus de formation à nos étudiants. La sensibilisation à la question européenne est aussi au cœur du projet. »

Université de Lyon : « Le projet est structuré sur plusieurs actions prioritaires (work packages) identifiées conjointement par les sept universités partenaires et qui portent sur l’inclusion, l’entrepreneuriat, la recherche, la formation, le multilinguisme, l’engagement régional et européen.

Accompagner les étudiants entrepreneurs  »

Nous avons une approche globale afin d’intégrer tous les acteurs de l’enseignement supérieur, mais aussi le public non universitaire et la région dans son ensemble. Nous proposons de nombreuses mesures concrètes, par exemple un accompagnement très développé aux étudiants entrepreneurs, car Lyon est pilote en la matière sur la base de l’expérience clef de l’université Lyon 3. »

UBO : « Une université européenne a pour but de faire se rencontrer et travailler ensemble les étudiants et les personnels des établissements : cette rencontre peut s’appuyer sur une mobilité géographique ou une mobilité virtuelle. SEA-EU aura pour but d’intégrer complètement cette rencontre et cette mobilité dans les cursus comme dans la vie des composantes et des services, afin de mutualiser les points de vue, les expériences et les projets. »

AMU : « Nous allons proposer une vision commune articulant formation, recherche, et innovation, autour de cinq grandes thématiques, et déployer des forces opérationnelles réunissant des membres de tous les établissements pour qu’ils travaillent ensemble sur les priorités transversales qui sous-tendent le projet.

Un label CIVIS pour reconnaître et valoriser les projets »

Nous travaillons actuellement sur la méthodologie, basée sur la candidature sélectionnée, pour mettre en œuvre les actions concrètes dans un futur proche. Nous fonctionnerons notamment avec un label CIVIS pour reconnaître et valoriser les projets entre et au sein de nos universités, et également des appels à projets au sein de l’université européenne pour faire émerger des équipes transnationales. »

Université de Montpellier : « CHARM EU vise à créer un campus interuniversitaire au sein desquels étudiants, doctorants, personnel universitaire et chercheurs pourront évoluer sans heurts. Les partenaires s’engagent ici à mettre en commun leurs expertises, leurs plateformes et leurs ressources pour proposer des programmes d'étude ou des modules communs englobant diverses disciplines. »

Points forts du projet… et difficultés à surmonter

Nous avons demandé à chacun de nous dire quel était le point fort du projet, mais aussi les difficultés auxquelles ils avaient dû faire face.

Lancement des premiers chantiers

AMU : « Nos VP formation et nos responsables de mobilité Erasmus+ se sont rencontrés à Madrid pour un séminaire de deux jours afin de poser les bases des parcours de mobilité entre nos établissements. Nous espérons mettre en place un accord interétablissements ouvert à toutes les composantes, ce qui serait innovant par rapport aux accords disciplinaires.  

Un accord inter-établissements ouvert à toutes les composantes »

L’appel pilote Universités européennes va également servir à cela  : proposer des mécanismes nouveaux et lever les barrières qui restreignent les mobilités et les coopérations entre les universités en Europe. Être à la hauteur de l’ambition de ce projet va demander de développer tous ces instruments pour faire de l’espace européen de l’enseignement supérieur un véritable espace de circulation et de reconnaissance réciproque, à tous les niveaux. »

UBO : « Il faut d’abord intégrer SEA-EU à notre offre de formation et préparer les modules communs. Les premières mobilités effectives pourront être organisées en 2020, mais d’ici là un gros travail d’ingénierie nous attend pour que chaque licence, notamment, propose rapidement un “parcours SEA-EU” à ses étudiants. La mise en place des conditions matérielles pour une mobilité virtuelle opérationnelle dès 2020 fait partie de ces actions prioritaires. »

Les premières actions en 2020 »

Paris Nanterre et Rennes 1 : « Nous avons plusieurs chantiers à lancer simultanément, et donc nous allons mettre en place des groupes de travail, afin d’embarquer au plus vite nos communautés et lancer les premières actions en 2020. Ce programme pilote nous donne trois années pour mettre en œuvre le projet, c’est court et nous devons réussir de suite à faire la preuve de notre modèle. »

Notre souhait est de profiter de cette période pour répondre à ce que sera l’appel à projets du prochain programme Erasmus+ qui démarre en 2021. Nous travaillons à la gouvernance par anticipation de notre calendrier afin d’installer les groupes.»

Université de Lyon :

  • « Nous allons travailler à des propositions pour accorder les grilles de notations et rendre multilingues les relevés de notes, car c’est un des obstacles à la mobilité des étudiants.
  • Nous allons promouvoir la mobilité auprès des personnels administratifs qui sont touchés par les programmes européens : finance, bibliothèque, CFVU Commission de la formation et de la vie universitaire … car rien ne vaut le partage des meilleures pratiques.
  • Et enfin nous allons dès la rentrée à la rencontre des étudiants et des collègues enseignants-chercheurs, sur tous les campus de la future université cible afin de leur présenter les opportunités d’une université européenne, recueillir les volontés de ceux qui veulent y participer et ainsi coller au plus près à la réalité de terrain. »

Université de Montpellier : « Un premier chantier a été lancé sur la production de lignes directrices pour la conception de cursus innovants et accessibles, basés sur la recherche avec un focus sur les grands défis contemporains (identifiés dans le cadre des 17 ODD objectifs de développement durable de l’Agenda ONU 2030). »

Alors que le projet d’université européenne s’inscrit dans le programme Erasmus+ et ne comporte pas de volet recherche, les établissements souhaitent intégrer cette dimension à leur projet. « Constituer un projet d’université européenne sans recherche n’aurait pas eu de sens », estime Capucine Edou.

Elle ajoute que les cinq grands thèmes constituant CIVIS et liés aux objectifs de développement durable vont déterminer les parcours de formation et les collaborations scientifiques, « sachant que la recherche nourrira la formation, tout comme elle sera nourrie de toutes nos actions civiques et citoyennes engagées sur nos territoires et à l’international ». Par ailleurs, CIVIS constituera un nouveau cadre pour répondre aux appels à projets de recherche, « ce que nous sommes en train de faire pour un COFUND ». 

À Lyon aussi, cette dimension recherche a été intégrée : « Notre alliance Arqus est multi-disciplinaire, transdisciplinaire. Le volet sur la recherche est un volet d’actions d’accompagnement à la collaboration intra-européenne en recherche », indique Hélène Courtois. 

Du côté de Rennes 1 - Nanterre, la recherche a été intégrée sur deux aspects : « la sensibilisation des étudiants de premier cycle à la recherche, et la réunion de nos chercheurs (et doctorants) de deux ou trois secteurs afin de convertir des activités denses bilatérales en multi-latérales », indique Pierre Van de Weghe. « L’idée est de les amener à construire des projets au sein d’EDUC et de répondre au programme en commun à H2020. Nous pousserons très vite nos collègues dans cette direction. »

UBO indique que « c’est d’abord par l’excellence en sciences marines que s’est constitué le consortium » et donc « sur la base de cet acquis, il s’agit de profiter de l’opportunité SEA-UE pour travailler aux interfaces : sciences marines et santé, sciences marines et environnement, sciences marines et observation spatiale, sciences marines et sociétés humaines, etc. ».

Le pilotage d’un projet partagé, un défi à relever

UBO : « Cadiz assurera la coordination du projet, dont la gouvernance comprend les six chefs d’établissements : dans chaque université, un porteur sera à la fois responsable de la mise en œuvre locale et responsable d’un des volets communs du projet. L’important est à la fois la cohésion de SEA-EU et aussi l’irrigation dans chacune des universités : à l’UBO comme à Kiel, Gdansk, Split ou Malte, tout le monde doit se sentir partie prenante dans SEA-EU. »

Une gouvernance collégiale »

Rennes 1 et Paris Nanterre : « Nous avons inscrit dans notre projet une gouvernance collégiale qui prend appui sur les outils que nous offre l’UE. Bien que Potsdam soit le déposant du projet et donc en charge de sa gestion, son pilotage reposera sur la gouvernance qui sera très vite installée. Ce point a été apprécié par les experts. Il est nécessaire que notre alliance soit également incarnée pour pouvoir se développer. »

Université de Montpellier : « Le projet est coordonné par l’Université de Barcelone, les activités sont ensuite réparties par lot d’activité. L’Université de Montpellier est responsable de mener une réflexion sur la gouvernance de ce nouveau modèle. Cet axe inclut une revue des meilleures pratiques, la création du modèle proprement dit, sa diffusion auprès des partenaires et la mise en place d’une expérimentation pilote. »

AMU : « Aix-Marseille Université étant le coordinateur du projet, nous sommes en train de mettre en place une équipe qui va s’occuper de superviser l’ensemble de ce que nous allons mettre en œuvre pour CIVIS, y compris hors projet européen, puisque nous allons avoir des financements de l’État français qui vont nous permettre d’aller au-delà de ce qui est prévu stricto sensu dans notre réponse à l’appel à projets de la Commission.

Sur le plan politique, les présidents et recteurs vont continuer à se réunir régulièrement, ainsi qu’un comité de pilotage constitué des vice-présidents et de personnels clés des huit établissements

Chez les partenaires, nous aurons également un interlocuteur principal, et chaque établissement sera responsable d’une partie du projet (work package), comme c’est le cas de manière classique dans les projets européens. »

Université de Lyon : « Le projet est très bien organisé avec un conseil des recteurs, des représentants étudiants, un comité de pilotage, un comité chargé de l’assurance de la qualité du projet, etc.

Se baser sur des personnels permanents des établissements »

Nous allons aussi beaucoup nous baser sur des personnels permanents des établissements qui sont déjà opérationnels et compétents dans le domaine Erasmus, car notre volonté n’est pas de développer une exécution de programme sur trois ans, mais plutôt de construire un réseau pérenne sur le très long terme, afin que soient bien identifiés ces six partenaires privilégiés dans l’esprit et la carrière de nos personnels, de nos étudiants et de nos enseignants-chercheurs et chercheurs. »

La liste des projets d’universités européennes comportant des établissements français

Source(s) : News Tank

©  Frederick Florin
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