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L’activité législative et réglementaire 2018 marquée par les enjeux de politique de site (A.Legrand)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Analyse n°139483 - Publié le
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©  MGu
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Parmi les textes de loi importants pour le secteur de l’ESR adoptés en 2018 figure la loi n° 2018-727 du 10/08/2018 pour un État au service d’une société de confiance. « Elle apporte une importante nouveauté, en autorisant le gouvernement à prendre par ordonnances les mesures destinées à expérimenter de nouvelles formes de regroupement ou de fusion d’établissements d’enseignement supérieur », écrit André Legrand, professeur émérite agrégé de droit public, chargé de la veille et de l’analyse de l’actualité juridique pour News Tank, le 07/02/2019.

Comme chaque début d’année, il revient dans une analyse sur l’activité législative et réglementaire dans l’enseignement supérieur de l’année écoulée. Après un premier volet consacré aux changements introduits par la loi Orientation et réussite des étudiants, News Tank en publie la seconde partie.

André Legrand détaille ici les grands principes prévus par la loi pour un État au service d’une société de confiance et l’ordonnance qui en découle. Objectif de ces textes : « laisser le champ libre aux sites pour définir leur organisation, quitte à multiplier les dérogations au code de l’éducation ».

Parmi les autres textes réglementaires parus en 2018 relatifs aux établissements :
• un décret fixant de nouvelles règles d’organisation pour les universités de technologie ;
• un décret précisant les missions des services communs universitaires ;
• plusieurs décrets et arrêtés faisant évoluer l’organisation du Mesri Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation , que ce soit pour la mission internationale, la création de l’institut des hautes études de l’éducation et de la formation, ou la mise en place des systèmes d’information Orisup Système d’information sur l’orientation dans le supérieur et Sise Système d’information sur le suivi de l’étudiant .


Du mouvement dans les regroupements

La politique de réorganisation de l’espace universitaire initiée par la loi Fioraso n° 2013-660 du 22/07/2013 se poursuit. De 2008 à 2018, neuf fusions d’établissements avaient été réalisées, à Strasbourg, Aix-Marseille, en Lorraine, à Bordeaux, Montpellier, Grenoble-Alpes, Clermont-Auvergne, Sorbonne-Université et Lille. En outre, 19 communautés d’université avaient été mises en place.

  • En 2018, la Comue « Institut polytechnique du Grand Paris » a été dissoute par le décret du 15/02/2018, à la suite d’une fusion de deux de ses trois membres.
  • Le décret du 14/02/2018 a recréé la Comue « Université Bourgogne - Franche-Comté » et réécrit ses statuts pour tenir compte de l’adhésion de l’Ensam de Cluny.
  • Plusieurs décrets ont prononcé l’association d’établissements à des Comue. Ils ont concerné :
    • Normandie université (décret du 28/08/2018 ajoutant huit établissements dont le CHU de Caen-Normandie) ;
    • Lille Nord de France (décret du 21/12/2018 ajoutant cinq établissements, dont l’Institut Pasteur).
  • Le décret du 19/11/2018 porte association de l’École centrale de Nantes à l’Université de Nantes.
  • Le décret du 07/12/2018 modifie les statuts de la Comue Université de Lyon.
  • Le décret du 11/04/2018 associe cinq établissements à Sorbonne université, dont l’UTC de Compiègne, le Muséum d’Histoire naturelle ou le CIEP Centre international d’études pédagogiques .

La loi ouvre la voie à des expérimentations d’un type nouveau

La loi n° 2018-727 du 10/08/2018 pour un État au service d’une société de confiance apporte une importante nouveauté. Elle autorise le gouvernement à prendre par ordonnances les mesures destinées à expérimenter de nouvelles formes de regroupement ou de fusion d’établissements d’enseignement supérieur.

Une durée maximale de 10 ans »

Sur cette base, le gouvernement a publié l’ordonnance n° 2018-1131 du 12/12/2018 relative à l’expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion des établissements.

Elle prévoit une durée maximale de 10 ans pour cette expérimentation et une évaluation par le Haut comité d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur au plus tard un an avant l’expiration du terme.

Visant à répondre aux conditions posées par le jury international sur les investissements d’avenir, l’ordonnance précise les conditions de création de l’établissement expérimental, qui constitue un EPSCP Établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel et peut fusionner ou regrouper des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, publics et privés.

Il est mis en place par décret après adoption des statuts par chacun des établissements concernés, approbation par le CA et avis du Cneser Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche .

Une plus grande liberté pour définir l’organisation souhaitée

Ceux-ci peuvent, s’ils le souhaitent, conserver leur personnalité morale pendant tout ou partie de l’expérimentation : ils deviennent alors des « établissements composantes », qui ne peuvent faire partie que d’un seul établissement expérimental et bénéficient de prérogatives supérieures à celles des composantes dépourvues de personnalité morale.

La loi entend laisser le champ libre aux sites pour définir leur organisation, quitte à multiplier les dérogations au code de l’éducation. Par exemple, le président de l’établissement peut ne pas être enseignant-chercheur, il peut ne pas être élu et exercer un nombre de mandats illimités d’une durée de cinq ans.

  • Les statuts de l’établissement expérimental fixent la liste des établissements composantes et définissent les compétences propres dont il bénéficie et celles qu’il coordonne ou qu’il partage avec les établissements composantes.
  • En particulier, ils précisent les conditions dans lesquelles il peut demander à bénéficier de l’accréditation à délivrer des diplômes et détaillent celles dans lesquelles ses composantes, dotées ou non de la personnalité morale, peuvent aussi en bénéficier.
  • Ils doivent prévoir les modalités selon lesquelles il peut être mis fin, en cours d’expérimentation, à la participation d’un établissement composante et les conditions dans lesquelles un établissement nouveau pourra l’intégrer.

Les conditions de la sortie de l’expérimentation

Un accès à la qualification de grand établissement »

Les expérimentations font l’objet d’un avis du Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur qui le donnera au plus tard un an avant l’expiration de la période de dix ans. Le Hcéres pourra conclure à la pérennisation des statuts des établissements expérimentaux.

Mais l’établissement expérimental pourra, deux ans après sa création, demander au ministre chargé de l’enseignement supérieur qu’il soit procédé à son évaluation afin de sortir du régime expérimental avant ce délai. Cette demande devra préciser si l’établissement entend accéder à la qualification de grand établissement.

Il peut obtenir cette qualification, y compris lorsqu’il comprend des établissements composantes. Les statuts conférant à l’établissement la qualification de grand établissement seront alors approuvés par décret et les établissements composantes pourront conserver leur personnalité morale.

Nouvelles règles d’organisation pour les universités de technologie

Un décret n° 2018-1189 du 19/12/2018 relatif aux universités de technologie abroge les décrets spécifiques relatifs à chacune des trois universités concernées et fixe de nouvelles règles d’organisation et de gouvernance applicables à l’ensemble d’entre elles, codifié aux art. R. 715-9 à R. 715-9-5 du code de l’éducation.

Il rappelle qu’elles constituent des EPCSCP Établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel auxquels s’applique le statut d’école extérieure aux universités (art. L. 715-1 à L. 715-3). Il définit leurs missions (formation initiale et continue d’ingénieurs et de cadres dans les domaines scientifiques et technologiques, des sciences humaines et sociales), définit les principes sur lesquels reposent les conditions d’admission des élèves et les modalités générales de la scolarité et du contrôle des connaissances en vue de la délivrance du titre d’ingénieur diplômé, et fixe la composition des collèges électoraux pour les élections au conseil d’administration et au conseil des études.

Les missions des services communs universitaires précisées

L’organisation interne des universités est réformée partiellement par un décret n° 2018-792 du 13/09/2018 pris en application de l’article 36 de la loi n° 2017-86 du 27/01/2017 relative à l’égalité et la citoyenneté. Il précise les missions des services communs universitaires chargés, au sein d’une université, des activités physiques et sportives, de l’action culturelle et artistique et de la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle.

Le service chargé des activités physiques et sportives peut également être institué entre plusieurs établissements partenaires. Le décret détermine les attributions respectives du directeur et du conseil qui l’assiste, encadre la composition de ce conseil et prévoit son régime budgétaire.

S’agissant de l’évolution des établissements particuliers, le décret n° 2018-285 du 18/04/2018 transforme l’EPCA Ecole nationale supérieure de mécanique et des microtechniques, en EPSCP.

Par ailleurs, deux arrêtés du 10/01 et du 05/12/2018 attribuent la qualification d’établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général à de nouveaux établissements privés d’enseignement supérieur, ce qui porte leur nombre à 60 à la fin de l’année 2018.

Des évolutions dans l’organisation du Mesri

Création du service Parcoursup

L’organisation du ministère a été modifiée par plusieurs textes. Le plus significatif est l’arrêté du 21/06/2018, qui crée un service à compétence nationale dénommé Parcoursup et rattaché au sous-directeur de la vie étudiante, relève du service de la stratégie des formations et de la vie étudiante de la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle.

  • Il est chargé de la maîtrise d’œuvre de la procédure nationale Parcoursup prévue à l’article D. 612-1 du Code de l’éducation.
  • Il définit et applique les solutions techniques pour réaliser, exploiter et maintenir la plateforme en conformité avec les besoins exprimés par le maître d’ouvrage et est garant de la pérennité des solutions mises en œuvre.

Cette décision constitue une réaction à des remarques de la Cour des comptes, qui avait froncé les sourcils devant le fait qu’APB était géré par un établissement et en dehors du ministère.

La fonction internationale

Un décret n° 2018-496 du 19/06/2018 modifie l’organisation des missions relatives à la fonction internationale au sein des ministères chargés de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation : il clarifie les missions confiées en la matière, d’une part à l’ancienne mission Europe et international pour la recherche, l’innovation et l’enseignement supérieur (Meiries) qui devient la délégation aux affaires européennes et internationales (DAEI) et de l’autre à la délégation aux relations européennes et internationales et à la coopération (Dreic).

L’Institut des hautes études de l’éducation et de la formation remplace l’ESENESR

Enfin, un arrêté du 24/12/2018 crée à l’administration des ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, un Institut des hautes études de l’éducation et de la formation, qui se substitue à l’École supérieure de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et der la recherche.

Ce service, à compétence nationale, est rattaché au directeur général des ressources humaines et a pour mission de sensibiliser et de former aux questions d’éducation et d’enseignement supérieur. L’arrêté fixe ses missions précises et dresse la liste des catégories de personnes admises à suivre les formations. L’institut est doté d’un conseil d’orientation présidé par le SG des ministères et d’un conseil scientifique.

Deux systèmes d’information liés à l’orientation

Une finalité statistique et de recherche  »

Dans le cadre des préoccupations liées à la mise en place de Parcoursup, un arrêté du 23/11/2018 met en place un système d’information sur l’orientation dans le supérieur (Orisup). Ce traitement de données a une finalité statistique et de recherche scientifique permettant de disposer d’informations de base fiables et cohérentes sur l’ensemble du dispositif national d’orientation dans l’enseignement supérieur, ainsi que sur le parcours des candidats à une inscription dans une formation du premier cycle de l’enseignement supérieur et des étudiants de l’enseignement supérieur et de réaliser des études sur l’efficacité de l’enseignement supérieur selon les populations d’étudiants, les filières et les types d’établissements.

Dans le même esprit, un arrêté du 30/07/2018 met en place un système d’information sur le suivi des étudiants (SISE). Outre sa vocation d’études et de recherche, ce traitement de données a une finalité de fiabilisation de l’immatriculation nationale des étudiants permettant d’assurer l’interface entre les systèmes de gestion des établissements d’enseignement supérieur, le traitement dénommé « identifiant national dans l’enseignement supérieur » (INES) et le « répertoire national des identifiants élèves » (RNIE) afin d’améliorer les modalités de recherche de l’identifiant national d’un étudiant (INE) à partir de son état civil.

La gestion des personnels évolue peu

Enfin, peu de mesures concernant la gestion des personnels méritent mention. Outre deux circulaires du 19/02/2018 qui éclairent les modalités de la transposition du protocole Parcours professionnel, carrières et rémunérations (PPCR) à divers corps du supérieur, on citera simplement une circulaire n° 2018-081 du 07/05/2018 rappelant les dispositions applicables aux enseignants-chercheurs en cas de grève et d’absence de service fait.

Elle répond à plusieurs demandes relatives aux conditions de recensement des personnels enseignants-chercheurs qui exerceraient leur droit de grève et entend réagir face à certains comportements ou déclarations abusifs d’enseignants chercheurs.

André Legrand


André Legrand est décédé le 01/07/2024.

Publications
Il est l’auteur de plusieurs livres et de nombreux articles concernant le droit public en général et le droit de l’éducation en particulier.

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Parcours

News Tank éducation et recherche
Expert en charge de la veille juridique
Universités de Lille, de Sarrebrück et de Paris X Nanterre
Professeur agrégé de droit public, émérite
Ecole supérieure de l’éducation et du professorat de Bretagne
Président du Conseil
Observatoire national de l’enseignement agricole
Vice-Président
Institut national de recherche pédagogique
Président du conseil d’administration et du conseil scientifique
Université Paris 10 Nanterre
Président
Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
Directeur des Ecoles
Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
Directeur des lycées et collèges
Académie de Rennes
Recteur
Académie de Limoges
Recteur
Université de Lille
Doyen de la Faculté de droit

Fiche n° 3147, créée le 22/03/2014 à 09:33 - MàJ le 02/07/2024 à 14:10

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