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Exclusif« Je veux que le Technion s’implante dès 2019-2020 sur le plateau du campus Paris Saclay » (M. Touaty)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Interview n°119363 - Publié le 04/05/2018 à 14:16
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Muriel Touaty - ©  D.R.

« En Europe, je veux que le Technion s’implante dès 2019-2020 sur le plateau du campus Paris Saclay, ce serait sa première implantation sur le Vieux Continent. On critique aujourd’hui ce campus car il est marqué par de fortes tensions entre ses membres, qu’il est très loin et que la ligne 18 n’est pas faite. Mais il faut avoir une vision sur 30 ans : Paris Saclay peut devenir un phare européen de la recherche et de l’innovation », déclare Muriel Touaty, directrice générale de Technion France, antenne française de l’université israélienne du Technion, à News Tank, le 25/04/2018.

Interrogée sur les collaborations actuelles du Technion avec des acteurs français, Muriel Touaty indique que le Technion s’achemine « vers un double diplôme CentraleSupélec/Technion qui sera une première », et qu’elle espère voir signé en présence d’Emmanuel Macron en Israël en novembre 2018. Quant à l’acteur français qu’elle juge le plus proche de l’esprit très entrepreneurial du Technion, elle cite spontanément l’ESPCI Ecole supérieure de physique et de chimie de la ville de Paris qui est selon elle la « seule école, même si elle n’a pas la taille du Technion, à avoir la capacité de faire du transfert de technologie et à convertir la recherche fondamentale en pépites ».

Muriel Touaty aborde aussi les collaborations en cours et à venir avec des acteurs de la recherche française, la stratégie de Technion France avec les groupes du CAC 40, le dynamisme entrepreneurial du Technion, ou encore sa vision de la recherche française.


Muriel Touaty répond à News Tank

Le Technion possède une implantation aux États-Unis et une autre en Chine. A quand une implantation en Europe, voire en France ?

Muriel Touaty : Le Technion est effectivement aujourd’hui implanté à New York, à la suite d’un appel d’offres lancé en 2011 par son maire, Michael Bloomberg, que nous avons remporté avec la Cornell University. Le Technion est aussi présent en Chine, où nous avons dupliqué notre modèle en association avec l’université du Shantou, dans la province du Guangdong.

En Europe, je veux que le Technion s’implante dès 2019-2020 sur le plateau du campus Paris Saclay, ce serait sa première implantation sur le Vieux Continent. On critique aujourd’hui ce campus, car il est marqué par de fortes tensions entre ses membres, qu’il est très loin et que la ligne 18 n’est pas faite. Mais il faut avoir une vision sur 30 ans : Paris Saclay peut devenir un phare européen de la recherche et de l’innovation.

Je veux que le Technion s’implante dès 2019-2020 sur le plateau du campus Paris Saclay »

Cette implantation du Technion en France serait un lieu de vie, pas à l’échelle américaine ou chinoise mais française, avec trois volets :

  • un volet étudiants mixant étudiants français et israéliens ;
  • un volet recherche fondamentale et appliquée ;
  • et un volet innovation/start-up avec un incubateur.

Tous les membres de Paris Saclay seraient impliqués et le financement pourrait impliquer la région Île-de-France, un à trois grands groupes industriels et une fondation.

« L’Europe représente un acteur majeur pour Israël et ses universités comme le Technion qui bénéficie des programme-cadre européens dont l’actuel Horizon 2020 », indique Muriel Touaty.

« Depuis l’entrée en vigueur de ce dernier, le Technion a reçu près de 65 M€ sur 2014-2017 répartis sur environ 90 projets sur quelques 700 déposés.

Enfin, le Technion a un bureau de liaison dédié avec l’Europe, et notre fondation privée en R&D constitue un couloir de transmission pour l’allocation de grants et de bourses ERC (Conseil européen de la recherche) ».

Avec quels établissements d’enseignement supérieur et de recherche français le Technion collabore-t-il déjà  ?

Nous avons déjà des partenariats avec l’université Paris Saclay, PSL Paris Sciences & Lettres , les universités de Strasbourg, Côte d’Azur, Grenoble Alpes, Lyon 1 et 2 et Toulouse… et bientôt avec Sorbonne Université. Ces partenariats se concrétisent par des échanges d’étudiants, des cotutelles et des post docs. Et nous nous acheminons même vers un double diplôme CentraleSupélec/Technion qui sera une première, et que nous espérons voir signé en présence d’Emmanuel Macron en Israël en novembre 2018.

Un double diplôme Centrale Supelec/Technion espéré pour novembre 2018 »

Technion a aussi des partenariats avec des accélérateurs comme X’up de Polytechnique, ou bien encore avec Creative Valley de Station F depuis le 24/04/2018. Certains projets sont financés par des groupes industriels ; le Technion a par exemple une collaboration avec Telecom ParisTech financée par Google.

Et avec les organismes de recherche français ?

Côté instituts de recherche, le Technion a déjà deux laboratoires internationaux associés avec l'Inserm Institut national de la santé et de la recherche médicale (un sur les cellules souches embryonnaires, l’autre sur le diagnostic précoce du cancer et des maladies respiratoires) et de nombreux projets collaboratifs avec le CEA Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives , le CNRS Centre national de la recherche scientifique , Inria Institut national de recherche en informatique et en automatique , l'Inra Institut national de la recherche agronomique , etc.

Le modèle le plus proche de celui du Technion : je dirais l’ESPCI  »

Les domaines de collaborations avec les acteurs français de la recherche couvrent divers domaines tels que la cybersécurité, l'IA Intelligence artificielle (machine learning, deep learning), la santé prédictive, l’énergie, etc. Aujourd’hui, nos partenariats les plus poussés se trouvent avec PSL Paris Sciences & Lettres , l’Université Paris Saclay et Polytechnique sur le big data, la santé et l’intelligence artificielle.

Quand à l’acteur d’enseignement, recherche et innovation français qui présente le modèle le plus proche de celui du Technion, je dirais l'ESPCI Ecole supérieure de physique et de chimie de la ville de Paris de PSL, seule école - même si elle n’a pas la taille du Technion -, à avoir le capacité de faire du transfert de technologie et à convertir la recherche fondamentale en pépites.

« On compte en moyenne au moins deux visites de délégations françaises au Technion par semaine », indique Muriel Touaty. « Et chaque année, j’organise la “Mission annuelle du Technion France” qui consiste à emmener au Technion une délégation de haut niveau constituée de plus de 75 personnes dans l’optique de nouer des partenariats : représentants de grands groupes, créateurs de start-up et entrepreneurs, investisseurs, étudiants, chercheurs, etc. »

En France, avec quelles sociétés collabore le Technion ?

En 2002, quand j’ai pris mon poste d’ambassadrice du Technion en France, je suis tout de suite allée voir les grands groupes français pour identifier leurs problématiques de R&D Recherche et développement  : L’Oréal, Airbus, Servier, Sanofi, Orange, Havas, Schneider-Electric, Arkema, Veolia, Total, etc. A l’époque, ces grands groupes étaient assez frileux vis-à-vis des chercheurs académiques français qui se contentaient souvent de la recherche fondamentale et voyaient comme un tabou le fait de collaborer avec ces grands groupes pour répondre aux besoins de marchés industriels.

Depuis 2002, plus de 70 M$ investis au Technion par des acteurs de recherche français »

Dès 2007, alors que ces grands groupes se lançaient dans l’open innovation, j’ai organisé de nombreuses rencontres entre les CTO Chief technical officer et CSO Chief strategy officer de ces grandes sociétés avec les meilleurs experts du Technion sur leurs problématiques de R&D et des entrepreneurs israéliens. Aujourd’hui, nous avons de nombreux partenariats R&D avec ces grands groupes ; certains ont également investi plusieurs millions d’euros dans des start-up du Technion, tels Arkema et Seb Alliance.

Enfin plusieurs sociétés françaises sont partenaires de l’accélérateur du Technion qui accélère des sociétés entre six et neuf mois, tels L’Oréal, Servier, Orange, Airbus ou encore Voisin Consulting. Au total, depuis 2002, plus de 70 M$ (58,5 M€) ont été investis au Technion par des acteurs de recherche, des fondations et des donateurs français.

Le Technion est connu pour son dynamisme entrepreneurial : comment l’expliquer ?

Cette performance est avant tout liée au facteur humain. L’absence de ressources naturelles et le contexte géopolitique font que les Israéliens évoluent en permanence dans une zone d’inconfort où rien n’est acquis. Dans ces conditions, il faut donc se dépasser en permanence, prendre des risques  et l’on apprend vite être disruptif. En Israël on ne parle pas d’échecs, mais d’essais.

42 des 72 sociétés israéliennes cotées au Nasdaq sont fondées ou dirigées par d’anciens étudiants du Technion »

Par ailleurs, Israël est une société assez horizontale et collaborative, avec la culture du challenge, loin des schémas hiérarchiques conservateurs. La pluriculturalité d’Israël a aussi fortement contribué à en faire aujourd’hui le « pays de la tech » : dans les années 1980, l’immigration massive russe a par exemple apporté nombre de technologies en Israël. Enfin le passage obligatoire des hommes et des femmes par l’armée - qui est très technologique en Israël - joue aussi.

• 1re université israélienne ;

• 18 facultés ;

• 15 000 étudiants ;

• plus de 100 programmes d’enseignement supérieur ;

• 60 centres de recherche ;

• trois prix Nobel de chimie ;

• 42 des 72 sociétés israéliennes cotées au Nasdaq fondées ou dirigées par d’anciens étudiants du Technion ;

• deux implantations à l’étranger : aux USA et en Chine ;

• dans le top 100 du classement de Shanghai depuis plusieurs années.

Mais au-delà de ces facteurs géopolitiques ?

Au-delà de ces facteurs généraux, la recherche n’est financée qu'a minima par la puissance publique en Israël. Il n’y a donc pas d’autres choix que l’excellence et la valorisation : en Israël, le leitmotiv chez les scientifiques n’est d’ailleurs pas le célèbre « publier ou mourir » (publish or die) mais plutôt « breveter ou mourir ». Car avec les brevets, les chercheurs s’autosuffisent et les royalties permettent aux universités - très peu financées par le public -  de se financer. En Israël, le chercheur est un entrepreneur malgré lui.

Enfin, au niveau macroéconomique, Israël alloue 4 % de son PIB à la R&D et 8 % à la technologie. Aujourd’hui, 42 des 72 sociétés israéliennes cotées au Nasdaq ont été fondées ou sont dirigées par d’anciens étudiants du Technion.

Quelle vision avez-vous de la recherche française ?

Plusieurs avancées récentes vont à mon avis dans le bon sens : la réforme des universités de 2009 portée par Valérie Pécresse, la création de clusters et la mise en place de regroupements universitaires comme Paris Saclay, PSL, Sorbonne Université qui décident de simplifier leur structure en regroupant plusieurs acteurs sous une même ombrelle avec une même gouvernance.

Mais il faut créer les fondations de ces regroupements en allant chercher l’argent là où il est, car force est de constater que la France a bien moins d’argent qu’avant. Avant les années 2010, les chercheurs académiques français pouvaient encore se payer le luxe de rester cloisonnés dans leur laboratoire et de ne rêver qu’à des publications dans des revues prestigieuses, voire à un Prix Nobel. Voilà pourquoi la France a une recherche fondamentale de très haut niveau.

Mais ensuite, avec les crises des années 2010, la France a compris que ce temps là était révolu et les acteurs de la recherche ont commencé à chiner d’autres types d’écosystèmes aux USA, en Chine, à Singapour… ou bien encore en Israël. Et ils en sont revenus avec de nouveaux ingrédients, comme par exemple nos formations des étudiants du Technion à l’entrepreneuriat.

Et aujourd’hui ?

Pour monter en scale-up, les français sont très mauvais »

La France a pris un coup de fouet. J’ai amené Emmanuel Macron en 2015 au Technion. Et quand il parle d’innovation aujourd’hui, je peux identifier dans ses mots beaucoup de choses qu’il a apprises au Technion à notre contact. Mais il y a encore en France une couche administrative qui étouffe les entrepreneurs et les innovateurs. Résultat : la France parvient à créer des start-up capables de lever 5 à 10 M€, mais ensuite, pour monter en scale-up, les Français sont très mauvais.

Je pense enfin que les universités et les écoles d’ingénieurs françaises gagneraient à faire appel à des non-académiques, des profils plus disruptifs de nationalités et d’horizons différents (ex : SHS Sciences humaines et sociales , communication, marketing, événementiel…) pour assurer des fonctions qu’on ne donnait jusqu’ici qu’à des académiques tels vice-président(e) des relations internationales ou vice-président(e) technologie et recherche.

Muriel Touaty

Email : m.touaty@groupeonepoint.com

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Parcours

Onepoint
Partner éducation, recherche et innovation
Technion France
Directrice générale
CEPS (Centre d’études et de prospective stratégique)
Membre d’honneur
Connected Lab
Fondatrice
Business Layers
Directrice marketing et des relations publiques pour l’Europe

Établissement & diplôme

Université de Tel Aviv
Maîtrise en sciences politiques

Fiche n° 30363, créée le 03/05/2018 à 16:31 - MàJ le 29/09/2022 à 14:19


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