Les transformations de l’ESR vues par A. Beretz et O. Faron, grands témoins de Think Education
« Les outils numériques sont extraordinaires mais il faut parler du chantier en lui-même en réinventant la capacité à s’emparer de ces outils pour les missions de l’enseignement et la recherche. C’est là, le vrai défi : passer de l’outil à la mission », déclare Alain Beretz, DGRI
Directeur/rice général(e) de la recherche et de l’innovation
, le 07/02/2017. Il revient avec Olivier Faron, administrateur du Cnam
Conservatoire national des arts et métiers
, sur la question de la transformation numérique des établissements de l’ESR
Enseignement supérieur et recherche
, l’une des thématiques centrales de l’événement Think Education, organisé par News Tank le 07/02/2017 à l’Université Paris-Dauphine.
Le numérique est « un formidable outil pour donner une chance à des étudiants et renforcer notre visibilité à l’international. Cela nous permet de nous ouvrir vers le monde et de renforcer notre attractivité », indique ainsi Olivier Faron.
Ils échangent également sur la question de la recherche sur l’innovation pédagogique. Olivier Faron déclare : « Les collègues sont souvent chargés eux-mêmes de ces questions, sans que l’ingénierie pédagogique soit au niveau. Et il y a une question de base : comment intègre-t-on les attentes du public ? Dans un moment où les établissements passent, globalement, d’une logique disciplinaire à une logique de compétences, les enjeux sont forts mais il faut penser la question des moyens. »
Leur débat aborde encore la question des formations technologiques, autre thème de la journée via le séminaire Think technology qui se déroulait de la matinée sous l’égide d’Ither Consult. « La recherche est un continuum : on ne décrète pas qu’on fait de la recherche. En France, la recherche poussée par la curiosité se porte plutôt bien, même si elle pourrait être mieux financée. Le souci, c’est la transmission et la capacité à porter les résultats de la recherche vers le marché, pour faire des innovations », déclare, à ce sujet, Alain Beretz.
La transformation numérique va t-elle assez vite dans les établissements ?
« Le vrai défi : passer de l’outil à la mission » (Alain Beretz)
« La transformation avance à un rythme raisonnable, mais il n’y a pas assez de ressource financière pour avancer à un meilleur rythme. Il y a une question d’investissement car ces nouvelles solutions coûtent de l’argent. Mais ce qui ce qui est formidable, c’est la qualité et l’inventivité. Nous sommes dans un nouveau paradigme d’innovation, qui n’est plus “top down“. Ce nouveau paradigme infuse au delà du numérique, dans les autres domaines. Les technologies font changer la manière dont on fait des découvertes, de nos jours.
Les outils numériques sont extraordinaires mais il faut parler du chantier en lui-même en réinventant la capacité à s’emparer de ces outils pour les missions de l’enseignement et la recherche. C’est là, le vrai défi : passer de l’outil à la mission. Et la nature de nos missions se transformera avec ces outils. Reste à former les ouvriers, pour filer la métaphore, c’est-à-dire les enseignants et les professeurs car l’important, c’est d’avoir un concept pédagogique. Celui-ci est indépendant de l’outil, mais dépendant de la manière dont l’enseignant conçoit sa relation à l’étudiant. »
« Un formidable outil pour donner une chance à des étudiants et renforcer notre visibilité » (Olivier Faron)
« Le numérique fait partie de la politique des établissements. Nous essayons d’avoir la meilleure politique numérique possible. Je dresse plusieurs constats :
- il faut stimuler l’innovation pédagogique pour utiliser au mieux tous les outils du numérique ;
- avec les Mooc Massive open online courses , les “serious game”, nous constatons que les lignes ont bougé. Mais est-ce que les outils numériques permettent de franchir une nouvelle étape ? Pour moi, oui, le numérique est un moyen d’avoir des ressources nouvelles, pour développer la formation continue, par exemple ;
- ces outils permettent aussi de toucher et de repérer des étudiants sur d’autres continents, grâce aux Mooc. C’est un formidable outil pour donner une chance à des étudiants et renforcer notre visibilité. Cela nous permet de nous ouvrir vers le monde et de renforcer notre attractivité.
Nous sommes très heureux de tout cela. Mais tout de même, il aurait fallu commencer par réfléchir à de l’innovation pédagogique avant l’innovation numérique. »
« Avoir un vrai projet politique » (Alain Beretz)
« Oui, le Mooc est un outil qui peut ouvrir de nouveaux chantiers. Par exemple, l’EPFL Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne a eu un vrai projet politique sur les Mooc et l’Afrique. Patrick Aebischer, président de l’EPFL a décidé d’en faire un outil pour des formations Nord/Sud, allant au delà de la sélection de quelques étudiants brillants. Il a souhaité développer des Mooc s’adressant à un grand nombre d’étudiants, pour créer une vraie dynamique de formation. C’est une très belle illustration de ce que l’on peut faire de ce type de produit, lorsqu’ils sont couplés à une stratégie. »
Doit-on aller plus loin dans la recherche sur l’innovation pédagogique ?
« Il faut accompagner les enseignants » (Olivier Faron)
« Il y a des chercheurs et des institutions très reconnus dans ce domaine, mais, globalement, il faut porter tout cela plus avant, en mesurant en temps réel la répercussion et l’efficacité de ces outils. Et il faut accompagner les enseignants qui portent les Mooc et les initiatives de pédagogie inversée. On peut s’interroger : ont-ils assez de formation continue pour les accompagner dans ces nouvelles missions ? »
« C’est un enjeu important. La formation des formateurs est une problématique centrale : comment transmettre les connaissances ? Comment faire face à des défis démographiques et comment mobiliser la communauté enseignante par rapport à ces enjeux ? »
« Ne pas reproduire de vieux paradigmes » (Alain Beretz)
« Il y a un déficit concernant la recherche en formation. Il faut augmenter le travail sur la recherche en formation. C’est d’ailleurs l’objet d’un groupe de travail, réuni autour de Thierry Mandon
Secrétaire général @ Conseil national du commerce
. Il ne faut pas seulement réfléchir à l’aspect budgétaire, il faut également penser à de nouvelles démarches de formation et ne faut pas reproduire de vieux paradigmes.
Concernant le déploiement d’ingénieurs pédagogiques dans les universités, je constate que cela se développe beaucoup, souvent grâce à des volontés internes, avec des solutions qui peuvent varier. Dans mon établissement, grâce à l'Idex Initiative(s) d’excellence , nous avons développé toute une plateforme d’initiation de formation pédagogique. C’est un travail sur le long terme :
- il faut former les jeunes enseignants ;
- organiser de la formation continue sur les outils, notamment, sur des modalités plus dynamiques ;
- revoir le coût des formations, en pensant au coût complet des formations et pas seulement l’heure en présentiel. »
« Intégrer les attentes du public et penser la question des moyens » (Olivier Faron)
« Je souligne le rôle de tous les personnels - administratifs et enseignants - qui soutiennent ces initiatives. Pour les universités qui n’ont pas bénéficié de financement des Idex, la situation est plus difficile. Les collègues sont souvent chargés eux-mêmes de ces questions, sans que l’ingénierie pédagogique soit au niveau. Et il y a une question de base : comment intègre-t-on les attentes du public ? Dans un moment où les établissements passent, globalement, d’une logique disciplinaire à une logique de compétences, les enjeux sont forts mais il faut penser la question des moyens. »
« Il faut que la recherche soit au cœur de la pédagogie » (Alain Beretz)
« Il faut que la recherche soit au cœur de la pédagogie. Et nos outils pédagogiques doivent être adaptés à la formation par la recherche, y compris au niveau licence : l’essentiel de nos étudiants doit avoir été en contact avec le mode de pensée “recherche” , même s’ils ne sont pas destinés à être chercheurs. Par ailleurs, nous devons réfléchir au contenu pédagogique, pour favoriser une conscience : d’où vient la notion enseignée ? comment a-t-elle été élaborée, contestée, prouvée… ? Ce type de pensée »recherche« est adapté au mouvement que connaissent les disciplines aujourd’hui. »
Concernant les formations technologiques, quelles perspectives peut-on dresser ?
« Il faudrait de meilleurs modes de valorisation » (Olivier Faron)
« Je pense qu’il ne faut pas s’autoflageller : il y a beaucoup de bonnes choses en recherche technologique - même si le terme est daté, on parle plutôt de sciences de l’ingénieur ou de recherche appliquée… En revanche, peut-être qu’il faudrait de meilleurs modes de valorisation. Il faut aussi renforcer les liens université/école et entreprises, c’est un enjeu important. Et nous devons pousser un certain nombre de docteurs vers ces questions-là; alors qu’aujourd’hui, le doctorat est plutôt envisagé comme une reconnaissance académique. »
« L’état d’esprit recherche doit se diffuser » (Alain Beretz)
« La recherche est un continuum : on ne décrète pas qu’on fait de la recherche. En France, la recherche poussée par la curiosité se porte plutôt bien, même si elle pourrait être mieux financée.
Le souci, c’est la transmission et la capacité à porter les résultats de la recherche vers le marché, pour faire des innovations. Il faut une meilleure capacité d’entrepreneuriat à tous les niveaux - même avec des innovations modestes, qui peuvent représenter des marchés énormes. La recherche publique doit, certes, prendre ses responsabilités dans la bonne transmission de ses résultats mais le tissu industriel doit également faire son auto-critique. Et l’état d’esprit recherche doit se diffuser : quand les groupes technologiques intègreront plus de docteurs injectant leur pensée recherche, les liens entre les deux mondes seront plus forts. »
« C’est une effervescence très joyeuse » (Olivier Faron)
« Il y a plein de lieux nouveaux : fab lab, learning lab… autant de lieux d’innovation, de création et de rencontre qui ont émergé il y a peu de temps et dont on mesure mal les effets. A un niveau plus structurant, les établissements ont presque tous des incubateurs, des étudiants entrepreneurs… »
« Alors oui, les lignes ont beaucoup bougé et il faut qu’on trouve notre place, sans oublier les apprentissages incontournables. Mais ces évolutions sont plutôt rassurantes : c’est une effervescence très joyeuse. »
Alain Beretz
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Fiche n° 3632, créée le 05/05/2014 à 09:00 - MàJ le 17/06/2021 à 17:59
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Doctorat Histoire
Fiche n° 4739, créée le 18/06/2014 à 11:34 - MàJ le 30/09/2024 à 09:38