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[Think 2023] « Chez les jeunes, des attentes croissantes sur l’intégrité scientifique » (S. Ruphy)

Paris - Analyse n°278463 - Publié le 30/01/2023 à 18:21
©  Seb Lascoux
Stéphanie Ruphy à Think 2023 - ©  Seb Lascoux

« À l’Ofis Office français de l’intégrité scientifique , nous sentons de plus en plus, auprès des acteurs de terrain, qu’il y a une sensibilité et des attentes de plus en plus fortes, et en particulier des jeunes générations dans les laboratoires, à ce que quand il y a un problème, il soit pris en charge de manière efficace et juste », déclare Stéphanie Ruphy Directrice @ Office français de l’intégrité scientifique (Ofis) • Professeure de philosophie et sciences contemporaines @ École normale supérieure - PSL
, directrice de l’Office français de l’intégrité scientifique du Hcéres Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur , lors de la table ronde « Personnalités et retours d’expérience » de l’édition 2023 de Think Education & Recherche, le 26/01/2023 à Sorbonne Université.

« La question de la prise en charge de l’intégrité scientifique par les établissements s’inscrit dans des attentes de plus en plus fortes dans les domaines de la discrimination ou bien des violences sexistes ou sexuelles. Cela passe de moins en moins qu’il y ait un décalage entre ce qu’on peut afficher, les chartes, etc. et ce qu’il arrive parfois en pratique.

Avec des échos médiatiques forts, cela peut parfois créer un sentiment d’impunité très contreproductif pour toutes les autres mesures que les établissements essayent de mettre en œuvre. »

Pour Stéphanie Ruphy, « cela passe d’autant moins que beaucoup d’actions en matière d’intégrité scientifique ciblent les jeunes ». Elle cite la formation obligatoire à l’éthique et à l’intégrité scientifique mise en place en 2016, ou encore l’obligation pour les doctorants de prêter un serment en fin de thèse depuis le 01/01/2023.

« C’est une exception au niveau mondial, puisque la France est le seul pays qui demande à ses docteurs de prêter ce type de serment, d’où l’importance d’éviter au maximum le syndrome “Fais ce que je te dis, et pas ce que je fais”. »

Veille à l’intégrité scientifique : en France, « les établissements au centre du jeu »

« En France, les établissements sont vraiment au centre du jeu. En effet, un choix politique a été fait dans notre pays, celui de faire reposer la responsabilité en matière d’intégrité scientifique exclusivement sur les établissements. Dans d’autres pays, c’est différent, et ça peut être plutôt le rôle des agences de financement, qui tiennent les cordons de la bourse », indique Stéphanie Ruphy. 

« Concrètement, les établissements sont chargés par la LPR Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur et son décret d’application publié fin 2021, de mettre en place des dispositifs de prise en charge. Cela va des actions de sensibilisation, jusqu’à la prise en charge des instructions elles-mêmes des problèmes d’intégrité scientifique.

In fine, ce sont bien les chefs d’établissements qui sont totalement décisionnaires, et cela ne doit pas être facile de qualifier une action en manquement, quand ils sont seuls décisionnaires des éventuelles mesures disciplinaires à prendre », note-t-elle.

Les établissements « de plus en plus sensibles aux risques réputationnels » en matière d’intégrité scientifique

Stéphanie Ruphy constate que « dans les interactions qu’a l’Ofis avec les établissements, ils sont de plus en plus sensibles aux risques réputationnels en matière d’intégrité scientifique ».

Pour autant, elle soutient qu’il est « clair qu’aujourd’hui, en 2023, il n’est pas réaliste et raisonnable d’attendre d’une communauté scientifique qu’aucun de ses membres ne pose problème, ou que tout s’y passe tout le temps comme cela doit se passer ».

« Ce que l’on peut vraiment attendre, c’est qu’une communauté professionnelle, scientifique, se donne les moyens de s’autoréguler correctement, de façon efficace et équitable. Et c’est un mouvement de fonds qui avance assez rapidement en France. »

« Des souffrances pour les personnels impliqués »

« Il faut rappeler un aspect important, c’est la dimension humaine ! Les problèmes d’intégrité scientifique peuvent parfois occasionner beaucoup de souffrances pour les personnels impliqués. On sait que dans notre milieu, la réputation du jugement par les pairs est cruciale. »

Vu « l’importance de maintenir du sens pour les nouveaux entrants dans nos communautés, cela se joue aussi sur une bonne prise en charge dans le domaine des questions d’intégrité scientifique », déclare Stéphanie Ruphy.

Former davantage les dirigeants à l’intégrité scientifique 

Si Stéphanie Ruphy rappelle les responsabilités qui pèsent sur le chef d’établissement, elle souligne que les établissements manquent justement « de référentiels en la matière, car il n’y a pas beaucoup de cas répertoriés, peu d’historique sur lequel se reposer ».

« C’est un gros chantier de l’Ofis que nous sommes en train de monter : essayer de mutualiser des retours d’expérience anonymisés, pour développer des référentiels qui puissent être utiles aux chefs d’établissement confrontés à un cas singulier.

En attendant, le partage d’expérience entre chefs d’établissements est très utile, malgré la difficulté des exigences de confidentialité qui peut limiter ces partages. À l’Ofis, nous diffusons quelques supports, comme par exemple un mémo avec des conseils pour bien choisir son référent intégrité scientifique », indique-t-elle.

« Quand on est chef d’établissement, quel que soit l’établissement, on a besoin d’être accompagné là-dessus. On a tous été formés à des valeurs d’intégrité scientifique. On sait qu’il y a des dérapages, mais on ne sait pas où ni comment. On a tous des comités d’éthique de la recherche ou on essaie d’en construire… Mais moi, je suis très preneuse d’aide, d’accompagnement et de guide. Car le jour où on est confrontés à des comportements inacceptables, on n’est pas du tout armés par rapport à ça », indique Delphine Manceau, directrice générale de Neoma Business School, autre personnalité invitée sur la table ronde.

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Stéphanie Ruphy


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Parcours

École normale supérieure - PSL
Professeure de philosophie et sciences contemporaines
Université Lyon 3 - Jean Moulin
Professeure
Université Grenoble Alpes
Référente intégrité scientifique 2016 à 2017
Université Grenoble Alpes (2016-2020) (UGA)
Vice-présidente en charge de l’interdisciplinarité
Université Grenoble Alpes (2016-2020) (UGA)
Directrice du laboratoire Philosophie, pratiques & langages

Établissement & diplôme

Columbia University
Doctorat en philosophie
Observatoire de Paris/Sorbonne Université
Doctorat en astrophysique
École nationale supérieure d’ingénieurs en construction aéronautique
Diplômée

Fiche n° 43062, créée le 02/03/2021 à 08:37 - MàJ le 02/03/2021 à 08:46

©  Seb Lascoux
Stéphanie Ruphy à Think 2023 - ©  Seb Lascoux