Les phrases à retenir de la sixième édition de Think 2021

Intitulé « Le “monde d’après”, année 1 », cette sixième édition de l’événement organisé par News Tank et Campus Matin visait à interroger les acteurs de l’Esri, pour savoir s’il fallait, à l’aune de la crise Covid, « tout repenser, “du sol au plafond” ? ». 

« La crise a montré une diversité de situations et de solutions à inventer, elle met sur la table de nouveaux modes de vie, de nouvelles relations sociales à inventer, de nouveaux modes d’enseignements. Il me semble qu’on doit déjà tester tout cela, et ensuite après la pandémie, on pourra choisir ce qui nous convient ou pas », déclare Anne-Sophie Barthez, Dgesip, lors de la séquence d’ouverture de Think Éducation et Recherche, le 02/02/2021.

À travers une série de webinaires, ces acteurs se sont penchés sur les enjeux et transformations à l’œuvre en matière de pédagogie, d’international, de financement de la recherche, de communication scientifique, ou encore de territorialisation de l’enseignement supérieur.

Que faut-il en retenir ? Nous vous proposons de retrouver quelques citations fortes issues de ces webinaires, qui se sont déroulés du 02 au 05/02, dont nous avons déjà publié les synthèses sur News Tank ou Campus Matin. Vous pouvez aussi les revoir en replay.

Pas d’uniformisation des solutions

« Le “monde d’après” est une expression que je n’aime pas vraiment, car il y a un singulier, et que j’ai toujours le sentiment qu’on veut nous imposer un même mode de vie à tous. Pour une adepte de la liberté, cela ne me convient pas », déclare Anne-Sophie Barthez Directrice du département éducation @ Cité de la Musique - Philharmonie de Paris
, Dgesip Directeur/rice général(e) de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle .

Selon elle, si des changements sont à attendre de cette crise, ils ne seront donc pas uniformes : « À propos de l’enseignement par exemple, je suis sure qu’il y aura des enseignants qui voudront enseigner un peu à distance avec un nouveau mode de dialogue avec les étudiants, et d’autres qui souhaiteront revenir au monde d’avant et enseigner uniquement en présentiel, et c’est tout à fait bien. »

« Il ne faut surtout pas uniformiser ce monde d’après, et la chance de cette pandémie c’est qu’elle nous contraint à diversifier plein de choses qu’on faisait un peu mécaniquement jusque-là. Demain, on enseignera peut-être comme avant, mais parce qu’on l’aura choisi après avoir testé plein de choses. »

Constat partagé par Delphine Manceau Membre du bureau @ Conférence des directeurs d’écoles françaises de management (CDEFM) • Secrétaire et vice-présidente de l’Accès aux Grandes écoles @ Conférence des grandes écoles (CGE… , directrice générale de Neoma : « Cette crise a permis une liberté d’expérimentation très importante. Les établissements se sont jetés à l’eau sans risque, puisque de toute façon tout le monde a fait de son mieux. Le monde d’après sera construit à partir des vertus du monde d’hier. »

Pour Marc Renner Conseiller de site et d’établissements, en charge de la Nouvelle Aquitaine, du Centre Val de Loire et de PSL @ Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle… , conseiller d’établissements et de sites à la Dgesip : « Le monde d’avant n’était pas le même pour tout le monde. Cette crise a permis aux établissements de partager, d’avancer plus vite ensemble et capitaliser pour la suite. Outre des pacificateurs, il faut aussi des démineurs : nous devons faire en sorte que les objets précieux n’explosent pas et que personne ne soit perdu en route ».

Le « fantasme » dépassé de l’université à distance

« Une chose que l’on aura apprise, c’est que le fantasme de l’université à distance, où tout le monde reste chez soi, est finalement certes très économique parce qu’on n’a plus besoin de locaux universitaires, mais que c’est de la “blague“ », dit Alain Fuchs
, président de l’Université PSL Paris Sciences & Lettres .

« Le sujet c’est celui de l’expérience étudiante globale. Quand un étudiant entre à l’université, il attend et il attendra de plus en plus qu’on lui propose une vie de campus, avec du sport, de la santé, des activités et des engagements dans des actions qui ont du sens.  »

Une génération sacrifiée… ou pas

« Les étudiants passent une période extraordinairement difficile. C’est une génération sacrifiée par le virus. Ce qui a été fait sur les limitations d’aller et venir à l’université devait être fait. Ce n’est pas un choix politique. Cela dit, il faudra s’en souvenir », déclare Esther Duflo Présidente @ Paris School of Economics (PSE) • Titulaire de la chaire « Pauvreté et politique publique » @ Collège de France
Esther Duflo a notamment reçu : • le prix du meilleur jeune économiste…
, Nobel d’économie.

« Quand les étudiants pourront revenir de manière correcte à l’université, je l’espère l’année prochaine, il faudra leur donner la possibilité de revenir sur des apprentissages qu’ils auraient pu rater, financer beaucoup mieux en particulier l’université, aux dépens des classes préparatoires et des grandes écoles qui auront quand même beaucoup moins souffert.  »

À l’inverse, pour Jacques Fayolle Directeur @ Mines Saint-Étienne (École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne) • Président @ LearningLab Network • Enseignant-chercheur @ Télécom Saint-Étienne (Télécom Saint-Étienne)
, président de la Cdefi Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs  : « Il ne s’agit pas d’une génération sacrifiée, mais de la génération zéro d’un monde Covid et post-Covid ».   

Un avis partagé par François Bouchet
Officier de l’Ordre national du mérite et chevalier de la Légion d’honneur.
, directeur de Polytechnique et président de la commission vie étudiante de la CGE Conférence des grandes écoles  : « Certes, la jeunesse est fortement impactée par les confinements et par la crise qui contrarient à la fois les projets de formation et la vie étudiante. Mais cela lui permet de développer des qualités d’adaptation et de résilience, qui resteront bien après la crise sanitaire et qui lui seront indispensables dans le monde de demain. » 

Des modèles économiques à réinterroger

« La crise a modifié la donne, mais pas changé de monde. Il y a un certain nombre de tendances déjà initiées précédemment qui accélèrent, mais ce n’est pas une rupture. Et ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui avaient anticipé, notamment en termes de pilotage, de transformation numérique, de diversification des ressources », déclare Jérôme Mourroux Associé @ Ernst & Young (EY) • Membre honoraire de la Commission Armées Jeunesse @ Ministère de la Défense
, directeur associé d’EY.

Selon Isabelle Barth Professeure des Universités @ Université de Strasbourg (Unistra)
, professeure des universités à l’Université de Strasbourg, depuis un an, avec la crise sanitaire et le confinement, « deux grands modèles sont interpellés :   

  • celui de la gratuité de l’université : il y a eu un effet loupe sur la paupérisation et la raréfaction des moyens, mais aussi sur la difficulté de l’université à réagir et à se reconfigurer dans l’urgence et dans la continuité ; 
  • et celui du privé, et notamment sur le consentement des familles et des entreprises à payer avec la question des ressources : ce n’est pas un phénomène récent, mais celui-ci s’accélère. Les promesses ne sont plus tout à fait au rendez-vous et cela pose des questions sur la façon de renouveler ces ressources. » 

Elle s’interroge de fait sur une évolution des comportements à la rentrée 2021. « Je parie sur un allongement des études, et je me demande s’il va bénéficier à l’université, gratuite et par définition proposant de la connaissance universelle et une connexion à la recherche, ou des formations très professionnalisantes, très courtes et qui donnent de nouveaux moyens à l’apprenant. » 

Une prise en compte du changement climatique

« Cette crise nous fait aussi réfléchir sur le changement climatique », souligne Esther Duflo.

« C’est la première fois dans la vie de beaucoup de gens vivant aujourd’hui qu’une catastrophe annoncée se réalise effectivement. On savait qu’on était à la merci d’une pandémie, à un moment ou à un autre, la science était très claire sur ce sujet. Cependant on n’y croyait pas. Et on sait que si les choses ne changent pas, un ensemble de catastrophes climatiques vont se succéder à un rythme de plus en plus effréné. La science nous le dit aussi, mais on a énormément de mal à se projeter dans l’avenir. C’est un peu la nature humaine d’avoir un biais de projection. »

Même constat pour Patrick Lévy Professeur des universités, praticien hospitalier (spécialité physiologie) @ Université Grenoble Alpes (2016-2020) (UGA)
Lauréat du prix Jean-Claude Yernault Lecture (2015) pour ses travaux de…
, membre du board de l'EUA European University Association , pour qui la dimension développement durable est fondamentale. « Ce qui se passe depuis plusieurs années, et qui est accentué par la crise, est que l’on se rend compte qu’il faut absolument que dans les différentes dimensions de nos activités, ces objectifs soient concrètement inscrits.

Pour certains organismes, c’est presque évident, mais pour les universités ou les autres organismes de recherche, c’est devenu absolument fondamental. »

La science et la parole scientifique bousculées

« Nous avons vécu une grande année, qui n’est pas tout à fait terminée, de TD en direct d’épistémologie épidémiologique. Il faut que nous continuions cela et qu’on parle plus de méthode scientifique, ce qu’est cette méthode, ce qu’elle implique, ce qu’elle permet ou pas de faire, et quelles sont ses faiblesses et ses forces. Il faut que nous en parlions avec tous, y compris dans les écoles avec les futurs citoyens, mais aussi avec les citoyens actuels », déclare Olivier Le Gall, Président du Conseil français de l’intégrité scientifique @ Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) • Chercheur @ Institut national de la recherche… président du Conseil français de l’intégrité scientifique.

Pascale Cossart Membre étranger @ Royal Society • Membre associé étranger @ National Academy of Sciences des États-Unis • Professeur de classe exceptionnelle @ Institut Pasteur (Institut Pasteur) • Membre … , professeure à l’Institut Pasteur et secrétaire perpétuelle de l’Académie des sciences, ajoute : « Il faut quand même compter sur les autres, mais pas toujours essayer de garder tout pour soi. La collaboration est très importante. À l’heure actuelle en France, il y a un tout petit problème de collaboration entre les différentes équipes pour avancer dans la résolution de certains problèmes très aigus. »

« La recherche continue. Demain, nous n’allons pas tous faire de la Covid et de la santé. Le changement climatique, les transitions énergétiques, les inégalités éducatives restent des sujets d’actualité. Lâchons-nous un peu les baskets avec la Covid ! Oui, c’est notre quotidien, mais la vie ne se réduit pas à la Covid, la vie continue, soyons optimistes. Et nous allons nous en sortir ! », déclare Antoine Petit P-DG @ Centre national de la recherche scientifique (CNRS) • Professeur des universités @ École normale supérieure Paris-Saclay (ENS Paris-Saclay)
, P-DG Président(e)-directeur(rice) général(e) du CNRS Centre national de la recherche scientifique .

La crise est venue « percuter et transformer profondément » le monde de la santé, indique Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP.

« Jusqu’à il y a peu, on considérait qu’un pays très fort en santé était fort en technologie de pointe. Or, on s’aperçoit que cela dépend aussi d’une politique de santé publique, qui a souvent été négligée, et qui fait interagir des acteurs du soin, de la société civile.

On a eu des éléments positifs et négatifs, mais on est déjà profondément transformé que ce soit dans nos relations avec la médecine de ville, par le travail à distance ou l’utilisation des datas - cette crise est la première crise data-driven. »

Ne pas abandonner le financement de la recherche fondamentale

« C’est une erreur qui a été faite en France depuis de nombreuses années par les gouvernements successifs, cette tendance à réduire les budgets de la recherche et en particulier ceux de la recherche fondamentale. On parle de biochimie, mais le même raisonnement peut s’appliquer aux mathématiques, aux sciences sociales, etc. Si on n’a pas une base robuste pour le financement de la recherche, le jour où on aura besoin de quelque chose développé rapidement, on sera incapable de le faire », dit Esther Duflo.

Pour Alain Fuchs, la question est : « Nous sommes un pays de très grands chercheurs, mais sommes-nous encore un pays de recherche ? Lorsqu’on entend le président de la République déclarer ”Grâce au génie humain nous avons un vaccin”, je m’étonne qu’on ne dise pas plutôt ”Grâce à la recherche scientifique nous avons un vaccin dans le monde”. C’est grâce à la concentration du génie humain sur des sujets d’utilité publique pour l’humanité que nous avons un vaccin. »

Une approche territoriale de l’ESR plus complémentaire

« Depuis le début de la crise sanitaire, nous sommes en train de dépasser l’opposition entre les grandes métropoles et les villes moyennes, les grandes universités et les plus petites, pour construire quelque chose de beaucoup plus complémentaire », déclare Khaled Bouabdallah Recteur délégué pour l’Esri @ Région académique Occitanie
, recteur délégué à l’Esri Enseignement supérieur, recherche et innovation de la Région Occitanie lors du débat sur les villes moyennes.

Pour Virginie Dupont Vice-présidente @ France Universités • Présidente @ Université Bretagne-Sud (UBS) • Professeure des universités en chimie organique @ Université Bretagne-Sud (UBS)
, présidente de l'UBS Université de Bretagne-Sud et vice-présidente de la CPU Conférence des présidents d’université  : « Le fait d’être des établissements de petite taille rend les universités de villes moyennes beaucoup plus agiles et dynamiques pour aller chercher des ressources propres, à la fois dans le cadre du développement de l’alternance par exemple, mais aussi dans la recherche contractuelle. On s’aperçoit que nos collègues sont extrêmement dynamiques pour trouver des partenariats avec des entreprises locales, nationales ou autres ».

Sur l’initiative des campus connectés, Catherine Vautrin Ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation @ Ministère du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation
, présidente de l'Avuf Association des villes universitaires de France déclare : « On ne naît pas ville universitaire, on le devient ! À travers les campus connectés, l’idée est de mettre à disposition des étudiants des équipements que l’on ne retrouverait normalement que dans une grande ville universitaire ».

Et de s’interroger sur l’après-crise : « Est-ce qu’il y aura autant de cours magistraux qu’avant ? Ou bien cela va-t-il évoluer vers davantage de travail dans des “tiers lieux” ? Dans un tel scénario, ce type de campus connecté pourrait donc être généralisé, on pourrait imaginer la mise en place de “pseudo campus connectés” partout sur le territoire. »

L’internationalisation vue d’ailleurs

Vu du Royaume-Uni, avec Minh-Hà Pham Chargée de mission, en charge de la stratégie de développement internationale de la Fondation CNRS @ Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
, conseillère pour la science et la technologie à l’ambassade de France au Royaume-Uni :

  • « L’internationalisation se poursuivra bien sûr pour l’Angleterre, mais ce ne sera peut-être pas vers les mêmes destinations. Pour l’Europe, je crains que nous ayons un contrecoup pas forcément positif de la sortie du Royaume-Uni de l'UE Union européenne , mais le tropisme asiatique est très fort pour les universités et étudiants britanniques (en particulier Singapour, Taiwan et Hong Kong). Il y a une vision du “Global England“ portée par Boris Johnson ».

Vu des États-Unis, avec Gilles Bousquet, Professor @ University of Wisconsin-Madison
professeur affilié au département Educational leadership and policy analysis à l’École d’éducation de Madison :

  • « C’est vraiment un tournant avec Biden, il y a eu beaucoup de frustrations dans les dernières années alors que les étudiants internationaux jouent un rôle essentiel — on en dénombre plus d’un million chaque année qui apportent 45 Md$ (37,4 Md€). On est de nouveau “open for business“. Les universités sont prêtes à se réengager. Les signaux sont très forts vis-à-vis des étudiants internationaux, quelles que soient les provenances. Tout en gardant le fait qu’on peut maintenant faire des collaborations à distance, qui vont également faciliter l’accès à la recherche et aux enseignements ».

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