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Think 2018 : faire des réseaux sociaux et des RP un levier stratégique pour les établissements

Lyon - Actualité n°112993 - Publié le 14/02/2018 à 11:37
©  Seb Lascoux
©  Seb Lascoux

« Aujourd’hui, on s’adresse à n’importe quelle audience, comme on veut et où on veut, très rapidement. Ce qui signifie que l’usage fait des réseaux sociaux est hyper stratégique. On sait que selon le réseau utilisé, l’audience sera différente. Or, dans l’absolu, n’importe quel journaliste peut aussi avoir accès à ces informations », déclare Benoît Anger
Décédé en septembre 2020.
, directeur développement et marketing des admissions France et international de Skema BS. Il débattait du thème « Réseaux sociaux et relation presse : au-delà des clichés un vrai levier stratégique » lors de Think Education et Recherche, le 30/01/2018 à l’Université Paris Dauphine.

« Les communicants sont des passeurs, des médiateurs, des animateurs de communautés pour faire le lien entre toutes les personnes susceptibles de prendre la parole au sein de l’université et ses publics, que sont les journalistes, les étudiants, les entreprises et ses partenaires. Nous avons un travail à faire sur les experts : les identifier dans nos composantes, connaître leurs domaines d’expertise et les sensibiliser aux délais des journalistes qui demandent des interlocuteurs réactifs », indique Armelle Tanvez Directrice de la communication @ Université de Strasbourg (Unistra)
, directrice de la communication de l’Université de Strasbourg.

Kira Mitrofanoff
, rédactrice en chef adjointe de Challenges, spécialisée en enseignement supérieur et chargée des classements constate que « le gap entre les écoles, de commerce ou d’ingénieur, et l’université a atteint des proportions absolument incroyables en matière de communication. Depuis 10 ans que je suis ce secteur, 90 % des universités françaises ne m’ont jamais contactée. Quand elles m’adressent des emails, elles me parlent de leur campus durable ou du recyclage des déchets. J’aimerais plutôt connaître leurs stratégies et rencontrer leurs présidents. Dans ce cas-là, je n’ai pas de réponse. Cela me désole. »

Marc Drillech
, directeur général de Ionis Education group, participait à la table ronde. Pour lui, « en France, l’éducation ne fait pas vendre, sauf quand il y a un drame ».

Les réseaux sociaux concernent toutes les strates des établissements d’enseignement supérieur et ne sont pas l’apanage des communicants. L’information circule très vite et demande à être hiérarchisée pour cibler les messages. La gestion des contenus s’inscrit dans une stratégie de communication et d’établissement globale qui doit désormais prendre en compte les réseaux sociaux : tels sont quelques-uns des enseignements de cet échange animé par Claire Laval-Jocteur Développement de la stratégie digitale @ Sorbonne Université • Présidente @ Association des responsables de communication de l’enseignement supérieur (ARCES)
, présidente de l’Arces Association des responsables de la communication de l’enseignement supérieur et partenaire de l’événement.

News Tank en propose la synthèse.

Maintenir une relation personnelle avec les médias

Kira Mitrofanoff, Challenges - ©  Copyright :Seb Lascoux
Pour la journaliste Kira Mitrofanoff, « malgré les réseaux sociaux, la relation personnelle reste très importante, car j’assure un suivi ponctuel et non régulier des informations de l’enseignement supérieur. Je reçois quelque 600 e-mails par jour. Il est donc impossible de voir les mails non-urgents, c’est-à-dire une réponse à une demande que j’ai faite. Une relation personnelle me permet de reconnaître le nom de l’interlocuteur qui m’interpelle sur des sujets dont il sait qu’ils m’intéressent. »

Armelle Tanvez estime que « les réseaux sociaux rehaussent la relation presse, car les journalistes s’informent également sur les réseaux sociaux, mais ils ont besoin d’avoir une relation avec les communicants qui doivent connaître leurs attentes, leurs médias, leurs délais. Prendre du temps avec eux de façon régulière et être réactifs font partie de l’entretien d’une relation personnelle avec les journalistes. »

« Les réseaux sociaux ne remplacent pas une relation personnalisée, avec les journalistes ou avec toute autre personne. Ils sont un moyen d’accès démultiplié par la rencontre. Il faut toutefois prendre conscience que les réseaux sociaux entraînent une sorte de désintermédiation. Il y a quelques années, le canal majeur de communication était les journalistes qui écrivaient un papier pour citer l’établissement », dit Benoît Anger. 

Autre élément à prendre en compte, les réseaux sociaux ont vu émerger des blogueurs, des influenceurs, des personnes hybrides, qui ne sont pas des journalistes et ne prétendent pas faire un travail journalistique.

« Ils ont une voix qui porte auprès des populations qui nous intéressent, notamment les étudiants. Je fais la promotion de Skema dans le monde entier. Certains influenceurs en Chine dans l’ESR sont incontournables et j’ai un plus grand intérêt à trouver un relais via ces influenceurs plutôt que dans le milieu journalistique chinois. L’émergence de ces influenceurs joue un rôle dans la communication. Car in fine, ce que souhaitent les établissements c’est améliorer leur image, se faire connaître auprès des entreprises, des journalistes et des étudiants qu’ils cherchent à attirer », poursuit-il.

« Une contradiction entre les médias et les institutions »

Marc Drillech, Ionis Group - ©  Copyright :Seb Lascoux
« Il existe une contradiction entre les médias et les institutions. Ce que les médias attendent des écoles et des institutions n’est pas toujours ce que les écoles et les universités veulent faire passer comme message. La proportion est d’environ un journaliste pour 200 écoles d’ingénieurs, 60 universités, 100 écoles de commerce… Aucun marché n’est organisé comme celui-ci où 300 ou 400 émetteurs parlent à quelques récepteurs », selon Marc Drillech.


« Je note aussi une contradiction, pathétique et presque charmante, entre la culture de ceux qui président les institutions et la pratique média des communicants et des cibles. Le président est intéressé par une seule chose : Le Monde. “Je veux Le Monde“. Or Le Monde se fout de vos 2 000 m2 de nouveaux bâtiments. Le Monde aime l’éducation quand il y a des problèmes : va-t-on fermer des écoles ? Est-ce la fin du bac ? On laisse un peu de place pour HEC, un peu pour Polytechnique, peut-être pour une ou deux universités. Et c’est tout. Quand un communicant est fier de ses résultats sur les réseaux sociaux, son président lui demande ce qu’il est en dans Le Monde. »

« Challenges sort chaque année un classement des écoles de commerce, un très beau numéro et une très belle vitrine pour les écoles et tous les acteurs de l’enseignement supérieur. Nous avions décidé cette année de mettre les IAE, donc de parler des universités, dont certains ont de très grands labels. L’organisme qui gère les IAE en France et son président ont donné comme instruction de ne pas répondre à nos questionnaires par crainte d’être classés », rapporte Kira Mitrofannof .

« Or, ce qui nous intéressait ce n’était pas tant de les classer mais de donner des indications aux jeunes et à leurs parents sur le fait qu’à l’université, il était possible de suivre des études de gestion et de commerce à des coûts accessibles. 50 % des IAE nous ont répondus avec des informations très incomplètes sur seulement dix questions simples. Or, c’est l’université, c’est le service public. Cela me paraît incroyable que nous ayons rencontré un tel barrage. Les universités auraient dû profiter de cette vitrine pour parler d’elles. »

Les réseaux sociaux décentralisent les pratiques de communication

90 % de l’information échappent à la communication »

« S’opposent désormais une culture dominante traditionnelle du média et une culture qui s’impose chez les jeunes via les réseaux sociaux. Je constate aussi une opposition entre la structure de la communication d’une école, d’une université, centralisée, centralisatrice et anxiogène, et la vertu d’une pratique des réseaux sociaux où chacun peut être un récepteur et un émetteur. Les universités sont composées de chercheurs, de professeurs, d’étudiants qui ont des choses passionnantes à dire. Mais peuvent-ils les dire au nom de l’université ? 90 % de l’information échappent à la communication. Par tradition, la communication doit être centralisée. Or, la pratique des réseaux sociaux est de favoriser la dimension décentralisée », affirme Marc Drillech.

Benoit Anger - ©  Copyright :Seb Lascoux
Pour Benoît Anger, « les réseaux sociaux touchent des cibles en direct. D’où la nécessité de bâtir une stratégie et de se poser la question des contenus. Des témoignages d’étudiants qui parlent aux étudiants sur les réseaux sociaux changent le message que l’on fait passer. Tandis que les relations presse perpétuent un langage très corporate avec un communiqué de presse, dont la vocation n’est pas de s’adresser à des étudiants. Par contre, une vidéo bien faite diffusée sur les réseaux sociaux aura plus d’impact auprès de la cible étudiante ».

Kira Mitrofanoff souligne que « Challenges s’adresse à un lectorat âgé et cadre supérieur, les parents des étudiants. Les réseaux sociaux nous interpellent pour diffuser nos classements ».

« Nous nous sommes rapprochés de l’influenceur Medhi Cornilliet, pour imaginer avec lui une opération pour que nos classements touchent la cible des jeunes et pas seulement les parents et la communauté économique que nous adressons via Challenges. Mais nous sommes sur une démarche différente. Je suis journaliste, avec une carte de presse et travaille dans le respect de la charte déontologique forte au sein de Challenges et très respectée grâce à une société des journalistes très pointilleuse. Medhi Cornilliet propose une approche pêchue, mais il n’est pas journaliste. Se pose alors la question de son positionnement. »

Le rapport au temps entre journalistes et universitaires

 « Les institutions vont relativement lentement. Alors qu’aujourd’hui, tous les jours il y a une crise et des critiques sur un établissement. La communication de crise est permanente. La question de l’organisation même de la communication des entités se pose », note Marc Drillech.

« Les réseaux sociaux prennent de plus en plus de place dans les écoles et les institutions. Ils sont avant tout de la matière grise. Or, les institutions détestent acheter de la matière grise. Elles aiment acheter des panneaux d’affichage, des pages de publicité. Mais pas des salaires. D’où vient la réussite des réseaux sociaux ? D’un individu qui va créer le dialogue. Or, cet individu vaudra l’équivalent d’une demi-campagne d’affichage dans le métro. »

Kira Mitrofanoff  rappelle que « Challenges collabore avec de nombreux experts économiques hyper réactifs qui comprennent nos attentes, nos délais et savent synthétiser une actualité ».

« Or, les écoles, de commerce notamment, ont beaucoup d’experts qu’ils pourraient nous mettre à disposition sur des sujets d’actualité. D’une manière générale, l’enseignant est plus long à réagir. Il va nous parler de choses passionnantes pendant une heure, mais nous allons en tirer une phrase, non sophistiquée. Cet éminent professeur se retrouve avec une phrase assez basique sur un sujet qu’il connaît formidablement bien. Il est donc souvent compliqué de faire appel à eux. »

Peut-on se passer des journalistes ?

Armelle Tanvez, université de Strasbourg - ©  Copyright :Seb Lascoux
« Non. On en a besoin. Ils ont un rôle. Fake news et réseaux sociaux rehaussent leurs responsabilités. Des scientifiques travaillent avec des journalistes sur la question des fake news. Chacun a son rôle. De plus en plus de gens prennent la parole, mais leur statut est différent. On a besoin que cette différence perdure, pour la démocratie, tout simplement », répond Armelle Tanvez.

« Le succès d’un établissement réside dans le fait qu’il a les meilleurs étudiants et les meilleurs enseignants-chercheurs. Que l’information passe par tel ou tel canal est sans importance. À nous de bien les identifier et de bien les utiliser. Les journalistes font partie des stratégies sur un temps long. Les réseaux sociaux sur un temps court. Les deux sont complémentaires », ajoute Benoît Anger.

Marc Drillech fait valoir que « les médias traditionnels sont les médias d’une certaine population qui fait partie des plus grands influenceurs qui soient. Et je ne parle pas des blogueurs, mais bien des patrons du CAC40. Les journalistes sont beaucoup mieux placés que n’importe quel blogueur pour donner la parole à ces patrons. »

« Le Monde a parlé de l’Université de Strasbourg en novembre 2017 au sujet d’une procédure presse mise en place pour que la direction de la communication de l’université soit informée quand toute personne au sein de l’université contacte la presse ou veut faire passer un message afin de ne pas découvrir l’information une fois parue. Notre seul objectif était de se coordonner et à aucun moment de s’attaquer aux libertés académiques, comme cela a pu être dit », affirme Armelle Tanvez.

« En une journée, l’université a décidé d’abandonner la procédure presse, car il y a eu une levée de boucliers en interne disant que l’on souhaitait bâillonner la parole des enseignants-chercheurs. En bon communicant, nous avons préféré éteindre l’incendie devant l’incompréhension de la démarche. »

« Nous avons réfléchi à ce que l’on n’avait pas fait en amont pour expliquer. Les mots tout d’abord : parler de procédure fait appel à un imaginaire qui n’était pas le bon. On va travailler pour mieux se faire comprendre. L’objectif reste de mieux faire connaître le travail des enseignants-chercheurs dans leurs laboratoires, à la presse, à ses lecteurs et plus généralement à la société. »

« D’autres services communication dans des universités nous ont dit ne pas avoir formalisé cette procédure, mais la pratiquer tous les jours. La formalisation d’une part de non-dit nous est revenue en boomerang. »

Les réseaux sociaux dans une stratégie de contenus et de marque

Mettre ces différents contenus en cohérence »

« La démultiplication des supports doit s’inscrire dans une stratégie générale avec la production de contenus en lien avec la stratégie de communication de l’établissement. Les réseaux sociaux ne doivent pas être pensés à part, mais en lien avec les autres canaux. Certaines formes de contenus sont mieux adaptées à tel ou tel support. Tout l’enjeu, dans une université comme la mienne, est de mettre ces différents contenus et formes en cohérence, à mettre en avant nos points forts, pour gagner en efficacité. L’efficacité vient souvent quand les autres parlent de nous et pas forcément quand nous parlons de nous. Nous sommes attentifs à ce que les autres disent de nous », affirme Armelle Tanvez.

« Les outils à la disposition des institutions sont les mêmes que ceux utilisés par n’importe quelle marque. Mais une institution est plus complexe qu’une marque. Nous sommes dans un monde sérieux. Ce que l’on propose est essentiel. On ne peut pas se permettre de faire de la pub, de la réclame et de la rigolade. Une institution doit avoir un autre type de rapport qui passe par l’intérêt et la capacité à créer du lien, à intéresser. Mais l’unification du regard à avoir sur une école ou un établissement tombe vite dans la banalisation si l’on communique sur l’offre. En listant ses spécialités, on appauvrit, car l’école n’est égale qu’à ce qu’elle enseigne. Pour se démarquer, il faut réussir le test de l’ascenseur : entre le rez-de-chaussée et le 6e, suis-je capable d’énoncer clairement mes différences et pourquoi il faut venir chez moi plutôt que chez un autre ? », expose Marc Drillech.

« À l’étranger, Skema est une marque qui porte et facilite grandement la promotion. La marque joue un rôle dans notre environnement et fortement perçue par les jeunes et leurs parents qui vont influencer leurs choix. », indique Benoît Anger.

« Skema a réalisé une web série avec Major Prépa, un site initié par Mehdi Cornilliet, étudiant à HEC Paris. Nous avons eu 200 000 vues sur Facebook. Une audience que je n’aurais jamais pu espérer. En calculant avec de vieux critères, j’aurai pu faire une belle page de pub dans Le Monde ou une belle campagne d’affichage dans le métro mais quel aurait été le retour sur investissement d’un one shot ? Or, le retour sur investissement de la web série est monumental et mesurable. Cet exemple montre que l’émergence des réseaux sociaux pose la question des influenceurs qui changent notre façon de communiquer », illustre Benoît Anger.


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©  Seb Lascoux
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