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L’ENS veut « remettre les humanités sur la table » (Frédéric Worms)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Actualité n°171874 - Publié le 07/01/2020 à 18:28
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« Les “Humanités” est une expression qui revient de toute part aujourd’hui : dans la recherche, l’enseignement, la société. Mais si partout on parle des humanités… bien souvent, on ne les définit pas assez. Nous avons donc souhaité organiser un temps de réflexion, engager un effort partagé de réflexivité, un carrefour, qui pourra aussi être critique, car il ne s’agit pas de produire un discours normatif », déclare Frédéric Worms Directeur @ École normale supérieure - PSL (ENS - PSL) • Professeur des universités @ École normale supérieure - PSL (ENS - PSL)
, philosophe et directeur adjoint pour les lettres et sciences sociales à l’École normale supérieure (PSL Paris Sciences & Lettres ). 

L'école organise du 14 au 16/01/2020 « Questions d’Humanités », un colloque de lancement du programme « Humanités globales » de l’ENS, construit autour de quatre questions : que sont les humanités ? À quels besoins répondent-elles ? Comment se transforment-elles ? Comment les enseigner ? « Chacune sera déclinée en plénières et ateliers, faisant appel à des chercheurs de l’ENS et de PSL, mais aussi des regards internationaux », ajoute Frédéric Worms.

Selon lui, ce colloque s’appuie pleinement sur la dynamique de PSL. « Il est d’ailleurs coorganisé avec l’École universitaire de recherche Translitterae, qui est opérée par plusieurs écoles, dont l’ENS pour le compte de PSL », dit-il. Cette EUR Ecole universitaire de recherche consiste à étudier les humanités en observant comment elles se sont construites par le déplacement, les migrations, les transferts de savoirs, « une des rares EUR en humanités labellisés dans la première vague ».

« L’ENS et PSL peuvent et doivent devenir selon moi une grande école des humanités mondiales, au sens large et précis, exigeant et ouvert. Pour moi, PSL c’est aussi, potentiellement, la “Paris school of humanities” ! Nous sommes un carrefour mondial des humanités. Il faut voir le nombre d’intervenants internationaux qui passent dans nos murs, la variété des disciplines, etc. », estime-t-il, tout en regrettant le manque « d’outils pour le montrer plus clairement ».

Autre objectif, plus global de ce colloque : « remettre les humanités sur la table », notamment dans un contexte compétitif de la recherche. « Bien évidemment, il faut continuer à financer des sciences dures comme la biologie, la physique, etc., mais il est tout aussi nécessaire de reconstruire les humanités. Ce n’est pas un supplément d’âme, mais une question à part entière ! », indique Frédéric Worms.

Dans cette perspective, il y a besoin selon lui, « de postes, de reconnaissance, afin de construire les cadres pour adresser ces problèmes contemporains. Ce qui veut dire aussi avoir des espaces de légitimité où faire vivre les débats, au niveau national, européen et mondial. »


Le retour des humanités

L’expression des « humanités » est de plus en plus présente dans les cursus scolaires et universitaires.

« Il y a désormais une spécialité “Humanités” au lycée, de premiers cycles universitaires d’humanités partout en France ou presque, des masters. Mais aussi des programmes d’humanités numériques, d’humanités médicales, environnementales, etc. », note Frédéric Worms.

L'ENS École normale supérieure - PSL aussi a développé un programme « Médecine et humanités » dont les bourses pour étudiants en médecine sont financées par la Fondation Bettencourt-Schueller.

« Ce n’est pas propre à la France : aux États-Unis, on parle beaucoup des “humanities” ; mon poste (directeur adjoint pour les lettres et sciences sociales) en anglais se traduit par Director for humanities », ajoute le philosophe.

Face aux transformations profondes, un besoin de réponses

Frédéric Worms voit deux raisons de fond dans « ce retour des humanités » :

  • « Un besoin. Nous assistons à un tournant anthropologique, suscité par des transformations profondes (environnement, numérique, sciences du vivant, parmi d’autres), mais aussi incarnées par une interrogation que l‘humanité porte sur elle-même, et qu’il faut prendre au sérieux.
  • Des réponses, qui existent aussi. Car les “humanités” englobent tous les savoirs que l’humanité a produits et continue à produire sur elle-même dans son histoire, en complément des sciences de la nature. Il y a donc une dimension historique, qui ne cesse de revenir, de se renouveler (la référence à l’Antiquité se transforme à chaque crise de l’humanité) et de s’élargir (ainsi aux humanités globales dans toutes les cultures et entre elles, mais aussi aux sciences sociales). Il y a donc les réponses à nos questions. Il faut faire appel à elles pour répondre aux grands défis de notre temps. Des défis tellement lourds que cela nous force à bouger. »

C’est aussi une démarche qui fait sens au moment où la recherche va vers plus d’interdisciplinarité : « À l’ENS c’est ce qu’on appelle “le toit de la maison”, et qui s’appuie sur les deux piliers que sont les sciences et les lettres. Cela se matérialise par des programmes de recherche et d’enseignement, et par le fait de recruter des élèves venant de parcours divers », dit-il.

« Ce colloque ne se veut pas un coup d’épée dans l’eau. Beaucoup de choses ont été faites avant et il y en aura après, mais nous espérons symboliser un tournant. C’est pourquoi nous demandons à chacun de nos intervenants, qui aura 20 minutes, de préparer un “statement”, pour que ce soit impactant », déclare Frédéric Worms.

La transmission est une des quatre questions déclinées par le colloque. Frédéric Worms estime que les enseignants ne sont « pas si démunis qu’on peut le penser parfois ».

« Notre rôle comme lieu de recherche et d’enseignement, et vis-à-vis des étudiants, est de mettre en relation les questions nombreuses, avec les outils pour y répondre. En montrant aussi que cela demande une grande exigence de travail, et à condition de renouveler les réponses par ceux qui innovent, avec par exemple le numérique, la dimension transnationale, le rapport aux sciences », dit-il.

Le programme

Lancement de deux programmes tournés vers l’international

À l’occasion du colloque, deux programmes tournés vers l’international seront lancés : « On les appelle des chaires, mais elles n’ont pas dans ces cas précis de titulaires, ce sont plutôt des programmes de formation et de recherche collectifs », indique Frédéric Worms.

  • Humanités européennes : « Il articule plusieurs programmes de recherche dédiés aux questions européennes ; il est prévu dans ce cadre de faire venir à l’IEA Institut d'études avancées de Paris des chercheurs européens, et d’organiser la mobilité d’étudiants. »
  • Études africaines : « Nous avons réalisé que nous avions d’importants programmes dédiés à l’Afrique dans toutes les disciplines (philosophie, histoire, économie, etc.) et nous avons décidé de les faire converger sur ce programme. C’est un projet assez ambitieux de mobilité à tous les niveaux, que ce soit des professeurs seniors, ou le recrutement de normaliens tourné vers l’Afrique, notamment via une bourse ; il s’appuie sur un conseil scientifique paritaire. »

Lors de ce colloque sera aussi présenté le programme « Humanités dans le texte » créé avec le partenariat de l’EUR Translitterae, et d’autres, notamment le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse.

« Il consiste en des modules vidéos, chacun centré sur un texte antique, qui seront mis en ligne sur Odysseum, la nouvelle “Maison numérique des humanités”, plate forme du MENJ destinée aux enseignants, mais pas seulement, qui sera officiellement lancée lors d’une des soirées du colloque », indique Frédéric Worms.

Construire les outils et les cadres communs

À moyen terme, il s’agit aussi de trouver les moyens de porter les humanités, notamment dans un contexte de compétition au sein de la recherche.

« Nous sommes en train de construire ces cadres. Mais il faudra des moyens pour les matérialiser : ce sont des sites internet, des outils numériques, des outils de traduction, des bourses pour les étudiants, la circulation de chercheurs, le soutien à des pays plus fragiles, etc. Nous avons une responsabilité et nous voulons en prendre toute la mesure », indique Frédéric Worms.

Ainsi, en matière de pilotage, chaque programme garde ses propres équipes, mais l'établissement avec ses partenaires, notamment au sein de PSL Paris Sciences & Lettres , veut construire des cadres communs.

« Nous souhaitons notamment produire une revue annuelle (Humanités globales), mais aussi réfléchir à de nouveaux modes d’évaluation, de circulation. Il s’agit aussi de répondre à des appels à projets européens afin de mettre les humanités à l’ordre du jour. »

École normale supérieure - PSL (ENS - PSL)

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