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Tentative de suicide d’Anas, étudiant de Lyon 2 : Nathalie Dompnier réagit et analyse le drame

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Actualité n°167829 - Publié le 13/11/2019 à 18:11
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©  Université Lumière Lyon 2
©  Université Lumière Lyon 2

« Nous comprenons les mobilisations et les réactions parfois vives d’une partie des étudiants. En revanche, nous estimons que le blocage de l’un de nos campus ce matin revient à mettre les étudiants en difficulté dans leurs cursus comme dans l’accès aux services dont ils/elles pourraient avoir besoin. Nous condamnons par ailleurs les menaces et les actes de vandalisme commis au nom de la lutte contre la précarité », écrit Nathalie Dompnier présidente de l’Université Lumière Lyon 2, le 13/11/2019 dans un message interne, dont News Tank a obtenu copie.

« Il nous faut penser ensemble, avec les organisations étudiantes et les pouvoirs publics, les moyens de mieux répondre au vrai défi qu’est la précarité. Il nous faut aussi interroger ensemble à l’université, lieu de réflexion et de dialogue, le sens que les jeunes peuvent trouver dans notre société et dans les perspectives qu’elle leur offre. »

Elle revient sur l’acte d’Anas, « étudiant en deuxième année de licence de science politique à l’Université Lumière Lyon 2, militant du syndicat Solidaires étudiant-e-s » qui « s’est immolé devant le Crous Centre régional des œuvres universitaires et scolaires de Lyon, rue de la Madeleine, en plein après-midi », le 08/11. « Quelques instants plus tôt, il avait publié un message sur sa page Facebook annonçant son geste et évoquant les motivations, personnelles et politiques, de son acte », rappelle-t-elle.

Depuis cet événement, des rassemblements ont été organisés dans toute la France à l’initiative du syndicat Solidaires, engendrant des débordements à Paris, où les grilles du Mesri Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ont été forcées le 12/11, et à Lille où une conférence de François Hollande a été interrompue, le même jour. A Lyon 2, le campus Porte des Alpes est fermé en raison d’un blocage, le 13/11. 

Frédérique Vidal, ministre de l’Esri Enseignement supérieur, recherche et innovation , actuellement en déplacement en Antarctique, a condamné les dégradations et annoncé la saisine de l’Igésr Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche par le biais d’un communiqué, le 12/11. Le réseau des Crous a également réagi par la voix du Cnous Centre national des œuvres universitaires et scolaires , le 13/11.


Le message de Nathalie Dompnier, présidente de Lyon 2

La réaction de l’université

Le rôle de l’Université est dans un premier temps, face à cette situation, d’apporter son soutien à celles et ceux qui sont en souffrance et que cet acte d’une rare violence a bouleversés, qu’il s’agisse de la famille, des proches ou des camarades de notre étudiant.

Il est d’écouter, de prendre en charge et d’accompagner, au sein de la communauté universitaire, celles et ceux qui en ressentent le besoin.

  • C’est ce que nous avons souhaité faire en diffusant rapidement des numéros d’urgence à contacter pendant le week-end, en invitant les étudiants et personnels à revenir à l’université dès mardi pour échanger et recevoir l’aide nécessaire, en mettant en place une cellule d’écoute sur le campus Porte des Alpes, ainsi qu’un numéro vert joignable à tout moment.
  • Ces dispositifs visent à répondre au choc, à la détresse ou au traumatisme que génère un tel acte, alors que nous savons que les pensées suicidaires et les tentatives de suicides sont particulièrement fréquentes parmi la population étudiante. (…)

La réflexion 

Le second temps ainsi ouvert est celui de la réflexion sur ce que cet acte nous dit et sur le message que laisse Anas quant à ses motivations.

Il nous faut ici garder la plus grande prudence : nous ne sommes pas en mesure d’expliquer ce geste dont les causes sont évidemment multiples et nous ne pouvons généraliser ce qui relève de la singularité de chaque situation.

L’acte commis par Anas a tout d’abord une dimension personnelle qui doit nous interroger.

  • Comment en vient-on à un tel geste à 22 ans ? Quel malaise, quelle détresse peuvent provoquer une telle violence contre soi-même ? Comment détecter et prévenir de telles situations ? De quels moyens disposons-nous pour cela ? Le constat que nous devons dresser est que l’Université dans son ensemble, probablement pas plus que d’autres institutions ou organisations, n’a su détecter cette fragilité chez Anas. Certes, il est en difficulté dans son cursus. Mais les équipes pédagogiques et la Présidence le connaissent comme un étudiant calme, posé, ouvert à la discussion et constructif dans les échanges.
  • Nous devons donc admettre que nous n’avons pas vu venir et pas su prévenir cet acte de désespoir. Il doit nous amener à réfléchir et à travailler au développement et à l’amélioration des dispositifs de sensibilisation, de prévention et de prise en charge, dans notre Université, mais aussi dans l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur.

Un acte militant

Un autre aspect qui apparaît avec évidence est la dimension militante du geste d’Anas. À son image, de nombreux étudiants sont fortement engagés, syndicalement et politiquement, à l’Université et au-delà.

Cette implication et ce souci du collectif sont des valeurs fortes, indispensables dans notre société. Certains étudiants sont des militants très actifs, se consacrent entièrement à la cause qu’ils/elles défendent, s’engagent corps et âme dans l’action syndicale ou politique.

Or, tous les militants le savent, l’action syndicale et politique peut être source de cohésion et de solidarité, mais elle est aussi parfois faite de déceptions et de désillusions.

Elle peut être extrêmement éprouvante. Elle l’a été sans doute pour celles et ceux qui n’ont pas vu aboutir les combats engagés ces dernières années.

  • Comment faire en sorte que cette implication ne soit pas - les mots ont ici leur sens premier - un engagement « à corps perdu » ?
  • Comment faire en sorte que cette implication se fasse de manière plus équilibrée ?

Une dimension politique

Enfin, et de manière revendiquée, l’acte d’Anas a une dimension politique forte. Le message qu’il laisse pose un certain nombre de questions sur la précarité, sur la condition étudiante et sur le niveau de vie des étudiants.

  • Beaucoup vivent dans des conditions très préoccupantes.
  • Beaucoup peinent à se loger ou à le faire de manière décente, certains ne parviennent pas à se nourrir.
  • Beaucoup vivent de petits boulots qui ne leur permettent pas d’étudier dans un environnement favorable.

Ce sont des questions d’organisation, mais aussi de moyens, financiers et humains qui sont ici posées.

Outre le recrutement d’une assistante sociale, l’Université Lumière Lyon 2 a mis en place des dispositifs spécifiques d’aides d’urgence pour les étudiants les plus précaires et a récemment ouvert une épicerie solidaire. Ces efforts sont à la mesure de ses moyens.

Il est urgent que la question de la précarité soit appréhendée de manière plus globale et que, au niveau national, les acteurs de l’enseignement supérieur travaillent collectivement à sa meilleure prise en charge, avec les financements adaptés.

Nathalie Dompnier


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Parcours

Université Lumière Lyon 2
Professeure de science politique
Université Lumière - Lyon 2
Administratrice provisoire
France Universités
Membre de la CP2U
Université Lumière Lyon 2
Présidente
Université d’Avignon
Maître de conférence
IEP de Grenoble
Ater
Académie de Lyon et de Strasbourg
Professeure agrégée en sciences économiques et sociales

Fiche n° 17238, créée le 25/04/2016 à 18:48 - MàJ le 08/11/2021 à 17:09

Université Lumière - Lyon 2

Catégorie : Universités


Adresse du siège

18 quai Claude Bernard
69007 Lyon France


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Fiche n° 1504, créée le 19/02/2014 à 11:42