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Handicap : « Changer de modalités d’évaluation n’entraine pas de rupture d’équité » (P. Courilleau)

News Tank Éducation & Recherche - Paris - Actualité n°181630 - Publié le 28/04/2020 à 11:59
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©  CY Cergy Paris Université
Patrick Courilleau, vice-président de CY Cergy Paris Université et président d’Apaches - ©  CY Cergy Paris Université

« Nous faisons une grande distinction entre équité et égalité pour l’organisation des examens. En respectant le principe d’équité, on évalue les mêmes compétences que pour n’importe quel étudiant, mais on adapte le mode d’évaluation au handicap de l’étudiant. Changer de modalités d’évaluation n’entraîne pas de rupture d’équité », déclare Patrick Courilleau, vice-président formation et vie étudiante de CY Cergy Paris Université et président d’Apaches Association des professionnels d’accompagnement du handicap dans l’enseignement supérieur , à News Tank, le 16/04/2020.

La crise sanitaire liée au Covid-19 a, selon lui, « révélé peu de nouvelles problématiques pour les étudiants en situation de handicap ». « Certains étudiants ont, par exemple, habituellement des difficultés à récupérer les notes de cours, donc la généralisation de la mise à disposition des supports pédagogiques peut leur faciliter la vie. »

Il indique toutefois que « les situations sont très variées et différentes selon les handicaps et l’expression du handicap ». Mais « les universités ont généralement pris un peu les devants avant le confinement général. Les établissements ont contacté individuellement les étudiants ayant des troubles de santé et présentant des risques et leur ont conseillé de rester chez eux pour éviter la maladie ».

En outre, « le Mesri Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation est en train de lancer un dispositif qui va permettre aux étudiants qui le souhaitent de contacter les services handicap des universités pour obtenir un accompagnement individuel. Des RH Ressources humaines pourront ainsi être mis à notre disposition et nous pourrons leur proposer des préparations aux examens via du tutorat disciplinaire et méthodologique, en visioconférence ».

Patrick Courilleau remarque enfin que « la grande majorité des étudiants en situation de handicap est rarement en fracture numérique ». En effet, ils sont habituellement équipés de matériel informatique lorsqu’ils entrent à l’université, car « c’est un outil indispensable pour compenser leur handicap ».


Examens : adaptation et vigilance sur certaines modalités

Patrick Courilleau, président d'Apaches Association des professionnels d’accompagnement du handicap dans l’enseignement supérieur , présente deux types de modalités d’examen à distance :

  • « Les épreuves en temps limité, pour lesquelles les temps majorés, accordés habituellement pour des épreuves en présentiel, sont conservés. Ce temps majoré s’explique par la prise de connaissance du sujet plus lente pour certains étudiants, ou encore une production écrite ou une relecture plus longue.
  • Les épreuves sous la forme d’un rendu en un, deux ou trois jours, pour lesquelles la notion de temps majoré n’aura pas vraiment de sens. L’épreuve en elle-même n’a, en effet, pas besoin de tout ce temps pour être effectuée, mais il s’agit d’une disposition pour permettre aux candidats de s’organiser plus sereinement. »

Il se montre vigilant sur plusieurs points, dont les situations d'étudiants qui composent habituellement sous la dictée. « Cela pourra être organisé en visioconférence, et, en fonction du contexte sanitaire, on peut envisager l’organisation d’épreuves en présentiel pour ces étudiants, dans le respect des gestes barrières », malgré « le flou sur ce qui va être possible d’organiser ».

La vigilance est également de mise concernant les épreuves sous la forme de QCM Questions à choix multiples , qui « ne sont pas toujours des réponses appropriées ». En effet, « certaines pathologies, comme la dyspraxie ou la dyslexie, provoquent de grandes difficultés sur ce type d’exercice où la compréhension fine de la question a toute son importance ».

Si la solution du QCM était maintenue, il souligne qu’en cas de « différence trop importante entre les notes au premier semestre et en contrôle continu et les notes obtenues en QCM », les jurys « auront la possibilité de considérer que l’évaluation a été biaisée et ainsi ajouter des points de jury ou demander d’organiser une autre évaluation ».

« Par ailleurs, l’organisation des examens pour les étudiants en situation de handicap aide aussi les établissements à s’adapter aux étudiants en fracture numérique. Nous pourrons sans doute prévoir des épreuves en présentiel en petit groupe pour ces derniers, après le déconfinement. Et les établissements peuvent prévoir des épreuves aux modalités un peu différentes pour les étudiants en fracture numérique. »

Le suivi individuel des étudiants « n’est généralement pas possible »

« En moyenne, une université compte entre 1,5 et 2 % d’étudiants handicapés, ce qui correspond à la proportion de jeunes de 16-24 ans en situation de handicap, de 1,5 % », indique Patrick Courilleau.

« Si l’on estime qu’une université a, en moyenne, 20 000 étudiants, cela veut dire qu’il y a entre 300 et 400 étudiants handicapés dans chaque établissement. »

Ainsi, réaliser un suivi individuel de tous ces étudiants « n’est généralement pas possible », selon lui. En revanche, les universités mettent en place des dispositifs d’alerte : « Les services handicap écrivent régulièrement à l’ensemble des étudiants concernés afin de leur demander de remonter les difficultés particulières qu’ils rencontrent ».

Par ailleurs, « les médecins et les services handicap sont plus inquiets pour les étudiants présentant des troubles psychologiques qui peuvent facilement s’enfermer et pour qui il est difficile de mettre en place des dispositifs d’alerte ».

De plus, l’enseignement à distance ne permet plus aux enseignants de repérer l’absence ou le comportement anormal d’un étudiant qu’ils pouvaient ensuite signaler.

« Des dispositifs ont également été lancés à l’initiative d’associations ou d’organisations. Par exemple, le dispositif d’accompagnement des étudiants autistes, Aspie-friendly, lancé par Toulouse 3 et financé par le PIA Programme d’investissements d’avenir  3, qui regroupe désormais une dizaine d’universités.

Ils ont mis en place des webinaires au niveau national, dans lesquels les étudiants concernés peuvent échanger et faire part de leurs difficultés. »

Des situations différentes en fonction des handicaps

Selon Patrick Courilleau, les difficultés liées à l’enseignement à distance s’expriment différemment selon les handicaps.

Ainsi, lorsque les enseignants proposent des séances de cours en visioconférence, « les étudiants déficients auditifs peuvent être pénalisés, et aucune solution pour eux n’est généralement proposée ».

« Quelques logiciels de transcription existent, mais ils ne sont pas toujours performants, notamment lorsqu’on utilise du vocabulaire spécialisé, ce qui est la norme à l’université. »

Concernant les étudiants déficients visuels, ils « subissent les mêmes problématiques qu’en cours d’année, cela ne fait pas plus de désorganisation. Lorsqu’un dispositif spécial était mis en place au sein de l’établissement, notamment pour des contenus adaptés, cela continue généralement ».

« En revanche, avec l’enseignement à distance, de nouveaux supports sont souvent mis en ligne, et pour ces derniers, il faut parfois rappeler quelques règles aux enseignants afin de rendre les documents accessibles plus facilement.

Par exemple, une mise en page claire et normée permet au logiciel de l’étudiant lisant en braille de retranscrire correctement le document. »

Pour les étudiants présentant des troubles du spectre de autistique, « la question est plutôt de savoir comment nous les informons du rythme de travail dans lequel ils doivent s’inscrire », déclare le président d’Apaches.

« Il s’agit d’un public qui a besoin d’une méthodologie bien précisée. Or les premières semaines, les universités ont eu un certain nombre de flottements, ce qui a constitué de réelles difficultés pour certains. Mais le fait de passer d’un enseignement présentiel à un enseignement à distance n’est pas si perturbant. »

Enfin, pour les étudiants présentant des troubles psychiques, la situation peut varier en fonction du trouble et de son expression.

« La situation peut créer un climat encore un peu plus anxiogène ou se révéler encore plus compliquée pour des étudiants isolés, mais des étudiants souffrant d’agoraphobie vont pouvoir trouver la situation presque plus agréable. »

Si l’association Apaches, dont Patrick Courilleau est le président, est centrée sur les étudiants, le vice-président de CY Cergy Paris Université porte également la politique handicap pour les personnels dans son établissement.

« La vigilance qu’on a pu avoir pour les étudiants fragiles a été la même pour les personnels. Lorsque des personnels présentaient des situations à risque, au début de l’épidémie, nous leur avons proposé de télétravailler ou de rester à la maison lorsque le télétravail n’était pas possible », déclare-t-il.

« Chaque établissement dispose en outre d’un référent handicap au sein des DRH. Ils sont référencés par le ministère et sont des personnes-ressources pour les personnels en situation de handicap. »

Selon lui, des problématiques similaires aux étudiants se posent pour les personnels, également en fonction du handicap et son expression. « Pour les personnels qui pouvaient déjà bénéficier d’un aménagement en télétravail en raison de leur situation de handicap, le basculement complet n’a pas posé de difficulté majeure », souligne-t-il.

Patrick Courilleau


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Association des professionnels d’accompagnement du handicap dans l’enseignement supérieur (Apaches)

Catégorie : Associations, réseaux


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Fiche n° 7851, créée le 02/11/2018 à 07:00

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