Michel Deneken à News Tank : « Udice arrive à un moment de maturité et de reconnaissance »
« Udice
Association réunissant les universités labellisées Idex
arrive à un moment de maturité et de reconnaissance dans le paysage national, à la fois au sein de France Universités et par rapport aux partenaires (ministères et ONR
Organismes nationaux de recherche
) », déclare Michel Deneken
Président @ Udice • Président @ Université de Strasbourg (Unistra)
, son président, dans un entretien à News Tank, le 31/03/2023.
« Nous ne sommes pas du tout dans l’idée d’un séparatisme. Nous allons symboliquement prendre des bureaux dans les nouveaux locaux de France Universités à Paris », annonce celui qui préside par ailleurs l’Université de Strasbourg.
« La dimension de lobby est réelle » pour Udice, qui déploie d’abord son action en France. Mais Michel Deneken, élu à la tête de l’association en mai 2022, constate une évolution avec des marques d’intérêt de la part d’alliances comparables à l’étranger.
Il rappelle la position d’Udice en matière d’évolution des relations avec les organismes de recherche. « La France dispose d’une dizaine de grands sites universitaires, qui justifient que l’on désigne les universités comme des opératrices de recherche sur le territoire et les ONR comme des agences nationales de programmes. » Et estime qu’il « y a dans le calendrier politique annoncé par Sylvie Retailleau
plusieurs éléments qui devraient permettre une mise en œuvre de cette dialectique ».
Il prévoit aussi de rencontrer le SGPI
Secrétariat général pour l’investissement
: « Il faut un dialogue en toute clarté pour que nous soyons en phase avec la manière dont les ministères travaillent avec lui. »
« Un partenaire incontournable et crédible de l’ESR »
Vous présidez Udice depuis près d’un an. Quelle est votre vision de l’association ?
Udice arrive à un moment de maturité et de reconnaissance dans le paysage national, à la fois au sein de France Universités et par rapport aux partenaires (ministères et ONR Organismes nationaux de recherche ). Nous confirmons une intuition de départ : Udice, en précisant son périmètre par rapport à la Curif Coordination des universités de recherche intensive françaises , s’est confirmée en partenaire incontournable et crédible de l’ESR Enseignement supérieur et recherche .
La question de la relation avec France Universités est donc réglée ?
Nous ne sommes pas du tout dans l’idée d’un séparatisme »Udice est née alors que l’un des nôtres, Manuel Tunon de Lara
Professeur des universités - praticien hospitalier @ Université de Bordeaux
, avait été élu président de France Universités. Cela a été une preuve de concept : cette situation a permis d’asseoir la pertinence, la légitimité, d’Udice. Aujourd’hui, le nouveau président de France Universités, Guillaume Gellé
Président @ France Universités
, qui n’est pas Udice, sait que nous sommes un levier sur lequel il peut s’appuyer. Car en défendant Udice nous défendons la recherche française.
Nous ne sommes pas du tout dans l’idée d’un séparatisme. Nous sommes une structure associative qui a sa vie, son autonomie, et qui n’imagine pas, ou plus, une autonomisation par rapport à France Universités.
Nous allons symboliquement prendre des bureaux dans les nouveaux locaux de France Universités à Paris.
Comment évolue votre action ?
La dimension de lobby est réelle. Nous voulons faire avancer nos propositions avec ceux qui veulent nous considérer comme des partenaires. C’est pour le moment un lobbying interne à la France.
Nous n’avons pas été pensés comme une alliance internationale, mais c’est un chantier que nous débutons. Nous développons en effet des échanges avec des alliances du même type que la nôtre comme U15 au Canada et en Allemagne, mais aussi en Afrique.
Udice est une plateforme sur laquelle les collaborations peuvent se nouer »Je suis allé à Boston et Washington il y a trois semaines, et des universités américaines réunies par l’Ambassade de France se sont montrées intéressées : Udice est une plateforme sur laquelle les collaborations peuvent se nouer.
Quel est votre regard sur la mission Gillet ? Qu’attendez-vous en matière de rapprochement universités-ONR ?
La ministre a annoncé un point d’étape début mai, que nous attendons avec intérêt. Nous avons contribué individuellement et collectivement à cette mission. Nous ne sommes pas sortis de notre conviction fondamentale qui repose sur le discours d’Emmanuel Macron à France Universités en janvier 2022.
Aujourd’hui, la France dispose d’une dizaine de grands sites universitaires, qui justifient que l’on désigne les universités comme des opératrices de recherche sur le territoire et les ONR comme des agences nationales de programmes. Je constate avec satisfaction que cette sémantique se répand progressivement, notamment au ministère.
Mais au-delà des mots, concrètement, qu’attendez-vous comme changement ?
Il y a dans le calendrier politique annoncé par Sylvie Retailleau plusieurs éléments qui devraient permettre une mise en œuvre de cette dialectique :
- le futur plan en faveur de la recherche à risque ;
- le plan pour les SHS Sciences humaines et sociales ;
- la mise en œuvre des COMP qui comporteront un volet sur la collaboration avec les organismes ;
- les PUI Pôle universitaire d’innovation , parmi lesquels figuraient deux universités Udice dans les préfigurateurs et où l’ensemble de nos membres ont été pré-sélectionnés. C’est un terrain sur lequel la preuve de concept peut être faite. Les PUI existants sont extrêmement larges, y compris en incluant les collectivités territoriales, et l’université doit en être l’opérateur et l’animateur.
Quel avenir pour le CNRS Centre national de la recherche scientifique dans le paysage qui se dessine ?
Udice ne revendique pas un transfert des personnels dans les universités »Sur les sites, le dialogue avec les ONR est souvent de bonne qualité. Mais des logiques et injonctions des tutelles peuvent être contradictoires. Il nous faut parvenir à conjuguer la verticalité d’un ONR et l’horizontalité du terrain.
Udice ne revendique pas un transfert des personnels dans les universités. Nous pensons que la réussite de cette évolution que nous souhaitons est liée surtout à des questions de gouvernance et de responsabilité reconnues et bien identifiées. Il s’agit par exemple de mettre en œuvre une politique RH Ressources humaines concertée sur un site. Cela passe par un partenariat avec des mandats de gestion clairs pour les acteurs de terrain. Mais cela ne signifie pas devenir tutelle des ITA Ingénieurs, techniciens et personnels administratifs et DR Directeur/directrice de recherche .
Vous évoquiez le plan sur la recherche à risque, préparé par le ministère. Qu’en attendez-vous ?
On est aux prémices, l’idée doit être précisée. Mais l’enjeu est d’identifier des recherches émergentes à soutenir. Aujourd’hui, dans les UMR Unité mixte de recherche , on peut imaginer que grâce aux forces croisées universités-organismes, celles-ci sont identifiées. Mais est-ce que dans les autres unités de recherche, des chercheurs ou travaux ont du mal à émerger ?
Ce sera nécessairement un programme bottom-up, ce qui nous plait. La balle est dans le camp des universités : c’est notre capacité à rendre compte du terrain, la vitalité de la recherche et de son besoin de financement qui seront en jeu.
Cela va arriver en même temps que les préconisations de la mission Gillet et que l’opération SHS envisagée par le ministère. Cela constitue une convergence de beaucoup d’outils qu’il va falloir bien synchroniser.
La simplification, notamment des mesures de la LPR
Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur
, se concrétise-t-elle ? Le départ de Pierre Coural
Expert de haut niveau auprès de la DGRH « réforme de l’architecture statutaire et rémunérations » @ MENJ/MESR
de son poste d’adjoint du DGRH
Directeur/trice général(e) des ressources humaines
chargé des personnels enseignants a-t-il amélioré les relations avec les universités ?
Nos interlocuteurs à la DGRH sont désormais le directeur, Boris Melmoux-Eude
DGRH @ MENJ et MESR
et son adjoint, Ali Ferhi
Adjoint au DGRH, chef du service des personnels enseignants de l’ESR @ Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR)
. Mais surtout la ministre a souhaité avoir auprès d’elle, par-delà le casting dans l’administration, des personnes qui portent ce désir de simplification. C’est la mission de Pierre Mutzenhardt
. C’est un interlocuteur qui nous comprend. Les simplifications promises pour Noël 2022 ont eu lieu. Ce n’est donc pas qu’un vœu pieux, même si cela se heurte à des lourdeurs.
Notre idée fixe à Udice, ce sont les talents, qu’il s’agisse de recherche et formation, mais aussi des Biatss. On a des personnels de très bon niveau qui nous quittent, parce qu’en termes de salaires et de primes, l’État organise lui-même sa propre concurrence.
Ils partent dans la « rue d’en face », c’est-à-dire dans les collectivités, parfois pour des emplois moins intéressants, mais où ils bénéficient d’un traitement indiciaire supérieur de 20 %.
Nous sommes donc préoccupés par les niveaux de salaires, mais aussi de primes. Le levier pour y répondre, ce sont les lois de programmation budgétaire.
L’idée d’une loi pluriannuelle a été assez vite abandonnée par la ministre… Espérez-vous toujours une accélération de la LPR ?
La recherche publique française est bonne »Sylvie Retailleau est arrivée à préserver le financement pluriannuel de la LPR. Si les projets autour des recherches à risque et du plan SHS sont financés de manière substantielle, on pourra considérer que ce sera une belle victoire dans les arbitrages budgétaires.
Je veux le souligner : la recherche publique française est bonne. Nous n’avons pas à rougir de ce qui se fait chez nous en France. Avec de meilleurs moyens, nous pouvons enrayer le déclin de la recherche européenne.
Les indicateurs de performance ne nous gênent pas
Les premiers COMP seront signés cet été, est-ce un changement de paradigme ?
On entre dans l’âge de la stratégie »Non, car nous avions déjà les DSG Dialogue stratégique et de gestion . Ce qui est nouveau c’est l’enveloppe et le cadrage, qui se veut davantage respectueux des stratégies des établissements, avec cinq items d’indicateurs choisis par l’État et un item par l’université. Ce dernier sera gage de notre maturité. C’est un marqueur qui montre qu’on entre dans l’âge de la stratégie, où les universités sont capables d’avoir un cap et de faire des choix.
Les COMP sur trois ans cassent le rythme des élections universitaires et parlementaires, cela doit permettre de construire quelque chose. Les recteurs seront les pivots de la négociation : nous souhaitons que ce soient les seuls interlocuteurs, que l’on ne nous rajoute pas des couches, et que la discussion soit réactive.
Le fait qu’il y ait des indicateurs de performance ne nous gêne pas. Si nous avons défini des buts avec nos communautés, nous sommes mûrs pour dire comment les atteindre et rendre compte s’ils ne le sont pas.
Mais en France, il y a une grande difficulté à faire confiance aux universités et à ne pas entrer dans le micro-management. Or, il est important de reconnaitre qu’il y a des choix politiques. Ceux-ci sont soumis à approbation, car nous sommes élus : ainsi, les présidents d’université ne sont ni indépendants du ministère ni de leurs élus.
L’autonomie ce n’est pas l’indépendance : nous sommes pour plus d’autonomie et aussi pour rendre plus de comptes.
Les nouveaux EPE Etablissement public expérimental , qui associent des établissements conservant leur PMJ personnalité morale et juridique , sont-ils en mesure d’afficher ces priorités et de les mettre en œuvre ?
Gouverner c’est définir des priorités, faire des choix, et donc dire non et faire des mécontents. Quand on doit faire tenir des équilibres, car on est en construction, qu’on a diverses personnalités juridiques emboîtées, cela suppose une gouvernance partagée et le pilotage est probablement plus compliqué.
Lorsqu’elle nous a annoncé les COMP, Anne-Sophie Barthez
Directrice du département éducation @ Cité de la Musique - Philharmonie de Paris
a souligné l’importance de les signer avec des universités qui soient pilotées. C’est nécessairement plus difficile pour celles encore en construction ou qui se battent pour boucler ce pilotage.
La présidente de Saclay, Estelle Iacona
, ou Charbel Massaad
, candidat à la présidence de Paris-Cité, mettent en avant la décision ou la nécessité de cesser les AAP
Appel à projets
internes. Qu’en pensez-vous ?
Il y a trop d’appels à projets pour les équipes »
Nous avons conscience qu’il y a trop d’appels à projets pour les équipes. Mais il y a ceux dont nous sommes tributaires et comptables, et aussi ceux qui viennent de l’externe.
Sur le projet de financement de la recherche à risque, la ministre parle de détection de recherche émergente sur le terrain, donc pas d’AAP. Il faudra un regard encourageant et bienveillant de la gouvernance des universités sur des secteurs qui n’ont pas la culture de l’AAP ou qui ne s’y retrouvent pas dans les thèmes.
Vous mentionnez le plan sur les SHS, quelle est votre vision de ces disciplines et de leurs enjeux ?
Ma conviction personnelle profonde est que les SHS en France ont tout à gagner dans le dialogue et le travail interdisciplinaire avec les autres sciences. Je crois qu’elles ont à prendre conscience de ce qu’elles peuvent être leurs plus grandes ennemies lorsqu’elles s’enferment dans une culture qui peut relever du ghetto.
Expérience faite, leur intégration dans de grandes universités fusionnées se solde par une meilleure visibilité et davantage de moyens.
Comment jugez-vous la réorganisation du SGPI menée par Bruno Bonnell
Secrétaire général pour l’investissement @ Secrétariat général pour l’investissement (SGPI)
?
Il n’y a pas encore eu de rencontre d’Udice avec le SGPI. Nous avons besoin de nous voir avec Bruno Bonnell et maintenant François Germinet
Directeur du pôle Connaissances @ Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) • Professeur des universités en mathématiques @ CY Cergy Paris Université
, directeur du pôle Connaissances.
Nous sentons bien une évolution de la dialectique entre le gouvernement et le SGPI. Il faut un dialogue en toute clarté pour que nous soyons en phase avec la manière dont les ministères travaillent avec lui. Sommes-nous des interlocuteurs directs du SGPI ou le sommes-nous par ministères interposés ? En tout cas, il me semble que la volonté de Bruno Bonnell et de Sylvie Retailleau est d’être davantage en interface l’un avec l’autre.
Parmi les sujets importants pour Udice, il ne faut pas oublier l’avenir des six IHU actuels qui vont sortir de la phase de financement en 2024. Il y a un vrai sujet, d’autant que les nouveaux IHU vont être sélectionnés.
Nous avons aussi besoin d’être au clair sur les prochaines échéances du PIA, car France 2030 nous paraît compliqué à déchiffrer. Quoi qu’il en soit, on peut compter sur les universités d’Udice pour saisir toutes les opportunités offertes par France 2030 pour faire gagner l’enseignement supérieur et la recherche français. Pour cela, il faut nous faire confiance. On le peut.
Michel Deneken
Président @ Udice
Président @ Université de Strasbourg (Unistra)
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Parcours
Président
Président
Président
Président du conseil d’administration
Professeur des universités en théologie catholique
Directeur
Premier vice-président en charge des finances puis de la formation initiale et continue
Doyen - Faculté de théologie catholique
Maître de conférences en théologie catholique
Fiche n° 18945, créée le 05/09/2016 à 17:03 - MàJ le 05/11/2024 à 12:31